COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 8

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 28 octobre 2003
(Séance de 17 heures 15)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de MM. Dominique de Villepin, Ministre des Affaires étrangères, et Pierre-André Wiltzer,    Ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie.



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Audition de MM. Dominique de Villepin, Ministre des Affaires étrangères, et Pierre-André Wiltzer, Ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie

M. Dominique de Villepin, Ministre des Affaires étrangères, a insisté sur la cohérence du budget face à la nécessité de réduire la dépense publique, de réformer l'Etat, de moderniser le ministère et de respecter les grands objectifs du Président de la République et du Gouvernement.

Il a d'abord souligné la contribution de ce budget à l'effort de réduction de la dépense publique en rappelant que l'année 2003 s'était traduite par une régulation budgétaire sans précédent, amputant le budget de 247 millions d'euros, soit près de 15 % des crédits hors rémunérations et engagements internationaux. L'exécution du budget 2003 fut donc très difficile, remettant en cause la programmation budgétaire, en matière de coopération internationale et d'aide publique au développement (APD).

Le projet de budget pour 2004 s'élève à 4,2 milliards d'euros, ce qui représente une progression de 2,6 % par rapport à 2003 mais, si l'on exclut les crédits consacrés à l'aide publique au développement (APD), ce budget est en baisse de 1,6 %. Le Ministre des Affaires étrangères a détaillé les mesures sur lesquelles porterait cette baisse : suppression de 116 emplois en 2004, économie de 20 millions d'euros sur les indemnités de résidence, réduction de 2% des frais de fonctionnement de l'administration centrale et du réseau à l'étranger par rapport à 2003, diminution des crédits immobiliers de 10,3 % en crédits de paiement et de 23,5 % en autorisations de programmes ce qui conduira à réexaminer le financement des campus diplomatiques de Pékin et de Tokyo et le déménagement des archives du ministère des Affaires étrangères à La Courneuve.

En revanche, il a fait valoir que certaines dotations, même si elles demeurent insuffisantes, avaient été reconduites : les contributions volontaires aux organismes internationaux, les subventions aux opérateurs de l'audiovisuel, la coopération militaire et de défense, les dépenses diverses au titre de l'aide alimentaire et l'enseignement français à l'étranger.

M. Dominique de Villepin a ensuite détaillé les innovations préfigurant la réforme de l'action extérieure de l'Etat, en cohérence avec le projet de plan d'action stratégique, « Affaires étrangères 2007 », en cours de validation. Ce plan propose de changer les mentalités plus que les structures en affirmant le rôle interministériel du Quai d'Orsay, en renforçant sa capacité stratégique, en consolidant le budget de l'action extérieure de l'Etat, et en instaurant dans le cadre de la loi organique sur la loi de finances (LOLF) une mission interministérielle « action extérieure de l'Etat » qui pourra être complétée d'un ou de plusieurs programmes coordonnés de politique interministérielle.

La création d'un Conseil d'orientation stratégique, ouvert aux autres ministères et à la société civile, voire à des personnalités étrangères, la mise en place d'une direction collégiale, composée du Secrétaire général et de trois ou quatre secrétaires généraux adjoints veillant à la coordination des programmes identifiés en application de la LOLF font également partie des propositions avancées dans ce plan.

De même, la cohérence interministérielle devra se traduire par la rédaction d'un « plan d'action de l'ambassade » associant tous les services de l'Etat présents dans le pays ; l'animation du réseau des postes diplomatiques sera confiée aux directions géographiques.

Le Ministre des Affaires étrangères a souhaité que le ministère soit plus opérationnel en adoptant des méthodes de travail plus souples et un système de déconcentration maximale des crédits, en se concentrant sur les tâches qui relèvent directement de l'Etat, en insufflant la culture de l'évaluation, en rendant les nominations plus transparentes à tous les niveaux, grâce à la création d'un comité diplomatique et consulaire, et en développant la formation, une priorité pour le ministère dans le cadre d'une charte de la formation.

De plus, il a annoncé le réaménagement des réseaux diplomatiques, consulaire et culturel d'ici 2007, pour dégager les marges de financement de la réforme, en jouant sur toutes les variables (polyvalence des sites et des hommes, transfert d'attributions à des postes voisins mieux dotés, coopération renforcée avec nos partenaires de l'Union européenne, l'Allemagne et le Royaume-Uni en particulier, etc.). Selon le Ministre des Affaires étrangères, il faudra également procéder à une analyse coût-efficacité de la présence française en terme d'immobilier ou de personnel.

En outre le plan d'action propose d'accentuer la modernisation de la gestion en la dynamisant par la déconcentration et la globalisation des moyens de fonctionnement, le regroupement des fonctions de soutien en services administratifs et financiers uniques, l'instauration de « budgets-pays » et de conférences d'orientation budgétaire, la création d'une direction du contrôle de gestion composée de professionnels issus du secteur privé.

Le Ministre des Affaires étrangères a évoqué un mécanisme d'intéressement à la productivité avec une restitution partielle des gains obtenus dans le traitement des dossiers consulaires. L'économie de 20 millions d'euros effectuée sur les indemnités de résidence sera en partie redéployée pour permettre la revalorisation des rémunérations des recrutés locaux (4,2 millions d'euros) et l'abondement des primes de l'administration centrale (3,8 millions d'euros), une expérimentation de la LOLF dès 2004 dans cinq pays (Royaume-Uni, Allemagne, Espagne, Italie et Chine) sera mise en place. Cette procédure de « budget-pays LOLF » permettra aux ambassadeurs concernés d'appliquer la fongibilité des crédits du titre III.

M. Dominique de Villepin a jugé le budget 2004 conforme aux priorités du Président de la République et du Gouvernement en insistant sur le respect de l'objectif de progression de l'APD, qui atteindra 0,43 % du PIB pour un objectif de 0,5 % du PIB en 2007.

Avec 141 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2003, soit une hausse de près de 10 %, l'APD est la première priorité du ministère. Cette progression concerne pour près de 14 % le Fonds européen de développement (FED), pour près de 25% les crédits de paiement du Fonds de solidarité prioritaires (FSP), pour 15,3 % ceux de l'Agence française de développement et pour 29 % le concours financier comprenant les contrats dits de désendettement développement.

La baisse des autorisations de programmes (AP) pour le FSP permettra de réduire le décalage chronique sur ces chapitres entre les autorisations de programme et les crédits de paiement. Le Ministre des Affaires étrangères a estimé que ce budget reflétait le rôle privilégié de la francophonie dans le rayonnement culturel et intellectuel de la France car les crédits alloués au Fonds multilatéral unique augmentent de 10 millions d'euros.

De même, la qualité des services rendus aux Français est également prise en compte car les moyens consacrés au Français de l'étranger seront renforcés, en particulier en faveur de la sécurité et de la solidarité à l'égard des plus démunis. Les crédits liés à la sécurité sur les chapitres de fonctionnement sont maintenus et ceux consacrés aux actions de prévention au service des communautés françaises augmentent de 36 %, par redéploiement. Au sein du budget de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger, qui poursuit sa modernisation et adapte la carte de ses implantations, la dotation destinée aux bourses pour les enfants français devrait à nouveau progresser.

Enfin, dans le cadre de la réforme du droit d'asile, les crédits destinés à l'OFPRA et à la Commission de recours des réfugiés augmentent de presque 10 millions d'euros, soit une croissance de 34,4 % par rapport à la LFI pour 2003. Cela permettra de pérenniser les renforts mis à la disposition de ces deux organismes par la loi de finances rectificative de la fin 2002 et de créer 100 nouveaux emplois.

M. Pierre-André Wiltzer, Ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, a déclaré que le projet de budget pour 2004 s'inscrivait dans la perspective de l'objectif fixé par le chef de l'Etat d'une aide publique au développement (APD) représentant 0,50 % de notre PIB en 2007. Le montant de cette dernière est passé de 0,32 % en 2001 à 0,41 % cette année et devrait atteindre 0,43 % l'an prochain. La part de notre aide bilatérale poursuit sa progression en 2004 puisque de 62 % du total de l'aide en 2001, elle en représentera 72 % en 2004, malgré l'augmentation de notre contribution au Fonds européen de développement (FED). Au-delà du soutien apporté à l'Afrique dans les enceintes multilatérales, notre aide bilatérale lui a été destinée à hauteur de 72 % l'an dernier et cette proportion devrait augmenter au cours des prochains exercices. Une part importante de l'APD va aux opérations d'allégement de la dette : 2 milliards d'euros y seront consacrés en 2004 contre seulement 470 millions d'euros en 2001. Notre aide est aussi prioritairement utilisée dans le cadre de l'initiative pour les pays pauvres très endettés et les contrats de désendettement développement qui permettent de conjuguer un effort exceptionnel des créanciers avec la mise en œuvre par les pays bénéficiaires d'une stratégie de lutte contre la pauvreté.

Les crédits de coopération du ministère des Affaires étrangères progressent de 141 millions d'euros en 2004, ce qui traduit une priorité politique claire. Il est vrai que l'exercice 2003 a été marqué par des régulations qui ont entraîné un report de charges d'environ 90 millions d'euros. Notre contribution au FED augmente de près de 14 %, les crédits de paiement alloués à l'Agence française de développement progressent de plus de 15 %, ceux du Fonds de solidarité prioritaire (FSP) de 25 % et les concours financiers de 29 %. Des opérations de développement plus immédiates et plus visibles que les annulations de dettes pourront ainsi être menées par notre pays. Enfin, les autorisations de programmes du titre VI ont diminué de 10 % dans un souci de clarté budgétaire dû au décalage croissant avec les crédits de paiement alloués chaque année.

Les régulations budgétaires ont par ailleurs entravé la mise en œuvre du plan de relance de la Francophonie annoncé par le Président de la République lors du Sommet de Beyrouth. La situation pour 2004 devrait être meilleure en raison de l'allocation de crédits du titre IV et du Fonds multilatéral unique à hauteur de 20 millions d'euros. L'importance qu'attache notre pays à son rayonnement culturel est ainsi clairement exprimée.

Avant de répondre aux questions relatives à ce projet de budget 2004, le Ministre des Affaires étrangères, à la demande du Président Edouard Balladur, a donné à la Commission les précisions suivantes sur la Conférence des donateurs pour l'Irak qui s'est tenue à Madrid. Le montant total des promesses pour la période 2004 - 2007 s'élève à 33 milliards de dollars dont 20 milliards proviennent des Etats Unis. La communauté internationale contribuera pour environ 13 milliards de dollars, dont les deux tiers seront constitués par des prêts et un tiers par des dons. La Banque mondiale sur ce dernier total apportera un montant de 3 à 5 milliards de prêts et le FMI 2,5 à 4 milliards en prêts également. Nous sommes donc encore loin des 56 milliards de dollars nécessaires à la reconstruction du pays, selon la Banque mondiale. Néanmoins le montant est significatif en comparaison d'autres conférences de donateurs, et il devrait saturer la capacité d'absorption de ces sommes par l'Irak pour 2004.

La plupart des délégations ont exprimé des inquiétudes quant à la sécurité de l'Irak et insisté sur la nécessité politique de donner plus de pouvoir et de responsabilités aux Irakiens, ainsi que sur la sécurité juridique et technique indispensable pour pouvoir mettre en œuvre les prêts qui ont été annoncés. Les donateurs ont souhaité la transparence et la coordination de la gestion de l'aide. Face à ces interrogations, Washington comme les Irakiens ont encore peu de réponses.

La France a appuyé l'effort fait par l'Union européenne (200 millions d'euros), elle a rappelé les aides déjà engagées en faveur de l'Irak et annoncé qu'elle était disposée à étudier, dans le cadre du Club de Paris, un traitement de la dette de l'Irak plus adapté à sa capacité actuelle de remboursement.

Répondant au Président Edouard Balladur sur l'apport des autres pays européens, le Ministre des Affaires étrangères a indiqué que l'Espagne et la Grande-Bretagne avaient, au sein de l'Union européenne, apporté les contributions les plus importantes. Le Japon est le deuxième contributeur après les Etats-Unis, avec l'annonce d'une aide de 5 milliards de dollars, dont 3,5 de prêts. La France ne s'est pas engagée pour le moment à réduire la dette de l'Irak, mais a seulement proposé d'examiner cette question dans le cadre des procédures habituelles au sein du Club de Paris.

Après avoir déclaré soutenir l'action du Gouvernement sur la scène internationale visant à défendre les conceptions françaises, M. Jacques Myard s'est dit préoccupé par les annonces de suppressions d'emplois contenues dans le projet de budget du ministère des Affaires étrangères pour 2004. Depuis dix ans, la perte d'emplois a atteint 10 %, ce qui est disproportionné par rapport à ce que doit être l'action de la France dans le monde. Pour cette raison, il a indiqué son intention de déposer des amendements visant à annuler ces suppressions d'emplois.

M. François Rochebloine a tout d'abord demandé à quelle date devait être prise la décision définitive de transférer l'Institut de France de Tel-Aviv dans de nouveaux locaux. Puis il a demandé des précisions quant aux difficultés que paraissent rencontrer actuellement les étudiants étrangers pour obtenir des visas. S'agissant de la proposition de M. Bernard Brochand de créer une chaîne généraliste francophone regroupant les missions de RFO et TV5, il a souhaité connaître le sentiment du Ministre des Affaires étrangères en la matière. Enfin, il a posé la question de la réalisation de la Maison de la Francophonie.

M. Guy Lengagne a estimé que les étudiants étrangers n'étaient pas suffisamment incités à venir en France. Par exemple, sur 25 étudiants turcs qui se rendent en Europe pour étudier, un seul vient en France. Selon lui, l'attribution de bourses aux étudiants étrangers souffre sans doute d'un manque de moyens financiers, mais le problème est également lié à la question de l'attribution des visas. Par ailleurs, il s'est intéressé à la part des autres partenaires dans le financement de l'Institut du monde arabe.

M. Jacques Godfrain a demandé si l'inventaire des projets lancés et risquant de ne pas aboutir du fait des gels de crédits avait été fait. Puis il a souhaité savoir si le ministère des Affaires étrangères envisageait de soutenir la réalisation d'un plan développement.

M. Dominique de Villepin a répondu aux intervenants.

Concernant la politique des emplois, il a admis que la baisse constatée depuis dix ans était importante (9,5 %). L'effort fourni en 2004 relève de la contribution du ministère de Affaires étrangères à l'effort global revendiqué par le Gouvernement, visant à ne remplacer que la moitié des fonctionnaires partant à la retraite. Grâce à une gestion adéquate, notamment en réduisant le taux de vacances de postes, ces réductions n'ont pas pénalisé le fonctionnement du ministère. Mais il est certain qu'il ne sera plus possible de continuer dans cette voie. A l'avenir, les futures rationalisations devront concerner l'ensemble des réseaux de l'Etat à l'étranger : il faudra pouvoir apprécier dans chaque pays le nombre d'agents nécessaires par ministère selon une vision d'ensemble de l'action extérieure de l'Etat. La mise en place d'une polyvalence des agents est nécessaire afin de mettre fin aux cloisonnements entre ministères possédant un réseau à l'étranger. De plus, afin de prendre en compte les évolutions du monde, par exemple celles liés à l'élargissement de l'Europe, la présence française à l'étranger doit pouvoir s'adapter.

L'Institut français de Tel-Aviv est un projet résultant d'une décision conjointe franco-israélienne prise à la suite des conclusions rendues par un groupe de travail de haut niveau. Cette décision étant définitive, elle sera mise en œuvre dans un délai maximum de trois ans. Les études sont en cours ; le coût devrait être de 5 millions d'euros.

Le nombre des étudiants étrangers en France ne dépend pas seulement du niveau des bourses, mais aussi de l'attractivité de notre système d'enseignement supérieur par rapport à celui de pays comme les Etats-Unis ou le Canada. En dépit du faible coût des études, le système français attire moins que le système américain où existent de grandes facilités de financement des études universitaire proposées par les banques. Il faut donc réfléchir pour améliorer l'attractivité de notre système dans un cadre européen qui doit être mieux coordonné et prendre en compte la question délicate de la mise en place de filières anglophones. Quant à notre politique de visas étudiants, elle s'est délibérément orientée vers une augmentation importante du nombre de visas délivrés.

En ce qui concerne l'Institut du monde arabe, il est vrai que certains Etats sont en retard dans le versement de leurs cotisations ; leur attention a été attirée sur ce problème, et les arriérés ont été versés sur un fonds de réserve dont le produit des placements financiers compensera les aléas des versements de cotisations.

Au sujet de la politique télévisuelle, il faut rappeler que TV5 est une chaîne francophone multilatérale et que toute modification la concernant doit tenir compte de nos partenaires et de nos obligations vis-à-vis de cette chaîne.

M. Pierre-André Wiltzer, Ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, a répondu qu'en trois ans le nombre d'étudiants étrangers accueillis dans notre pays avait augmenté de 48 %, renouant ainsi avec l'effectif le plus élevé jamais atteint. Si notre pays, avec plus de 221 000 étudiants, se place derrière le Royaume-Uni qui accueille plus de 242 000 étudiants, il se place nettement devant l'Allemagne avec environ 187 000 étudiants. Le nombre de bourses accordées est de 23 438, dont plus de la moitié au profit d'étudiants africains.

La création d'une Maison de la francophonie regroupant l'ensemble des opérateurs sur un même site est une initiative du Président de la République, rendue publique lors du Sommet de Beyrouth. Une mission a été confiée à un membre de la Cour des Comptes pour la mise en œuvre de ce projet qui doit être réalisé en 2006. Les conclusions de cette mission ont retenu cinq localisations à Paris intra-muros qui viennent d'être soumises aux instances de la Francophonie.

Le gel des crédits a entraîné le report de plusieurs opérations de coopération sur le prochain exercice. Le renforcement des crédits de paiement au titre du FSP et de l'AFD devrait permettre de réaliser ces projets l'an prochain. Enfin, le projet de plan épargne investissement au profit des ressortissants des pays africains est actuellement à l'étude à l'AFD et dans plusieurs réseaux bancaires. Le Mali et le Maroc font partie des pays partenaires privilégiés pour la mise en œuvre de ce programme, qui devrait rapidement déboucher sur la définition de nouveaux produits financiers facilitant l'investissement.

Observant une nouvelle répartition des crédits inscrits au titre IV chapitre 42-31, relatifs à notre contribution aux opérations de maintien de la paix (OMP), M. Gilbert Gantier en a demandé la justification. Sur la réforme de l'ONU, il a souhaité connaître l'état d'avancement des travaux.

M. Richard Cazenave a questionné le Ministre des Affaires étrangères sur la part des programmes de 2003 qui seront imputés sur 2004, ainsi que sur les crédits disponibles pour de nouvelles actions. Par ailleurs, il s'est inquiété de savoir si des enseignements avaient été tirés de 2003 permettant d'élaborer une stratégie de réplique à la régulation budgétaire afin de n'engager qu'à coup sûr certains programmes. Enfin, le calendrier de la LOLF se rapprochant, il a interrogé le Ministre des Affaires étrangères sur les résultats de la réflexion portant sur l'organisation des programmes dans le cadre d'une action interministérielle de l'Etat, espérant que les rapporteurs budgétaires puissent être associés à ces travaux.

M. Jean-Paul Bacquet a souhaité connaître exactement l'évolution sur les vingt ou trente dernières années du nombre d'étudiants africains venant en France, ayant l'impression que ceux-ci étaient beaucoup plus nombreux par le passé.

Soulignant l'importance des efforts de rationalisation budgétaire engagés, M. Loïc Bouvard a demandé comment le ministère des Affaires étrangères comptait agir. Un appel à des cabinets spécialisés en organisation est-il envisagé ? Si oui, quels sont ces cabinets et dispose-t-on d'un budget pour cela ?

M. Dominique de Villepin a répondu que la diminution de crédits observée en matière d'OMP était liée au taux de change, c'est-à-dire à l'effet dollar/euro. La contribution est en fait la même en euros constants.

La réforme des Nations unies est un grand projet évoqué depuis de nombreuses années. M. Kofi Annan l'a mise à l'ordre du jour de la nouvelle session : elle a un caractère ambitieux, puisque qu'elle devrait notamment modifier la représentativité des groupes régionaux au sein du Conseil de sécurité. Plusieurs pays sont candidats au Conseil de sécurité, et chacune de ces candidatures suscite des contre-candidatures. Aussi, le travail d'un Comité des Sages sera-t-il nécessaire pour y voir plus clair. S'ajoute à cela le projet de réforme du Conseil économique et social, pour le transformer en un Conseil de sécurité économique et sociale susceptible de faire des propositions et d'apporter des rationalisations de l'action des Nations unies dans ce domaine. Pourraient aussi être évoquées certaines idées proposées par notre pays, telles que la création d'un corps d'inspection dans le domaine de la non-prolifération ou d'un corps d'inspection dans le domaine des droits de l'Homme. Ces derniers permettraient de disposer de plus d'information pour mieux ajuster la politique de l'organisation internationale et de l'appuyer par des inspections plus intrusives.

Ces projets constituent un grand chantier, et la France est à l'origine du plus grand nombre de propositions pour ces réformes, en concertation étroite avec nos partenaires européens, notamment les Britanniques très soucieux aussi d'avancer dans ce domaine. Le Secrétaire général des Nations unies présentera, le moment venu, ses conclusions et propositions et il faut espérer que celles-ci feront l'objet de toute l'attention nécessaire, eu égard aux menaces qui pèsent sur le monde et exigent l'efficacité de l'organisation.

En ce qui concerne la régulation budgétaire, le report de charges pour 2004 devrait être de l'ordre de 90 millions d'euros dont 20 pour le FSP ; c'est pourquoi il a été demandé que soient dégelés en priorité les crédits de l'aide publique au développement. Le budget pour 2004 prévoit des hausses substantielles pour cette APD (FSP, AFD, aide budgétaire, FED) pour un total de plus de 150 millions d'euros. La programmation pour 2004 a été conçue en intégrant une diminution a priori des enveloppes de chaque pays, ce qui permettra d'adapter nos projets aux disponibilités finales en crédits.

A ce stade, le Ministre des Affaires étrangères a indiqué qu'il proposait pour la LOLF la construction suivante en trois programmes dotés chacun de 1,3 milliard d'euros.

Le premier programme serait intitulé « rayonnement et influence de la France » ; il comporterait les crédits de l'action diplomatique de la France, des directions géographiques, des contributions aux organisations internationales, l'action humanitaire et de maintien de la paix, la coopération en matière de défense.

Le deuxième programme serait celui de la coopération et de l'action culturelle qui regrouperait une grande partie des crédits de la DGCID. Une logique plus thématique « aide au développement » aurait été possible, regroupant les seuls crédits de l'aide au développement, mais cela supposerait en parallèle la création de la mission « action extérieure de l'Etat ». Le Ministre a dit souhaiter la création de cette mission, la jugeant incontournable, mais a souligné qu'il s'agissait d'un choix politique lourd de conséquences pour l'ensemble des autres administrations.

Le troisième programme intitulé « réseaux et services publics à l'étranger » regroupe essentiellement les crédits de la direction des Français à l'étranger, de la direction générale de l'administration, du Cabinet, du Secrétariat général et dans un premier temps des réseaux à l'étranger.

M. Pierre-André Wiltzer a ajouté que son premier objectif était de revenir sur la forte décroissance des années précédentes : la France doit faire face à une très forte demande d'accueil d'étudiants étrangers, en particulier de l'Afrique du Nord (qui constitue la moitié de l'effectif des étudiants africains en France). Pour ces étudiants, beaucoup plus répartis qu'avant sur tout le territoire, la France reste une destination privilégiée. Une question mériterait un débat en profondeur : faut-il continuer à proposer toujours davantage de places pour former les élites de ces pays, sachant qu'une grande partie de ces étudiants ne retourne pas dans son pays, ou bien faut- il compléter notre action par la mise en place de pôles de formation de haut niveau pour faire face à ces besoins ? Cette solution éviterait l'aspiration des étudiants formés vers l'Europe au détriment du pays d'origine.

M. Dominique de Villepin a ajouté que le ministère n'avait pas fait appel à des consultants privés pour la réforme ; un comité de pilotage a été mis en place, réunissant des personnes venant pour certaines de l'entreprise. Un contrôleur de gestion issu du privé a été sélectionné et nommé au sein du ministère, une consultation des postes et des agents du réseau a eu lieu. Un plan d'action stratégique, étalé sur quatre ans, va être définitivement adopté dans les prochains jours.

Le Président Edouard Balladur a rappelé qu'il y a une dizaine d'années, alors qu'il était Premier Ministre, la question du coût de l'installation des archives du ministère des Affaires étrangères à La Courneuve était déjà une préoccupation. Il s'est étonné que depuis dix ans rien ne se soit passé et a demandé si des crédits étaient disponibles pour cette action, qui, semble-t-il, doit prendre la forme d'une construction nouvelle.

Le Ministre des Affaires étrangères a répondu qu'en effet rien n'avait eu lieu car le choix du lieu avait fait l'objet de nombreuses discussions interministérielles depuis dix ans ; en outre, le ministère n'avait pas eu les moyens financiers permettant de réaliser ce projet et a espéré que ces moyens seraient à présent disponibles. Le problème est le même pour différents projets d'ambassades toujours dans les tiroirs (Tokyo ou Pékin par exemple), programmes qui ont fait les frais du manque de crédits de paiement disponibles ces dernières années.

· Budget 2004 


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