COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 24

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 1er février 2005
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Renaud Muselier, Secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères

  
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Audition de M. Renaud Muselier, Secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères

Après avoir remercié le Ministre pour sa venue, le Président Edouard Balladur a indiqué que cette réunion serait consacrée à la situation en Haïti et au bilan des conséquences du raz-de-marée en Asie du Sud-Est.

M. Renaud Muselier, Secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, a d'abord rappelé brièvement l'évolution récente de la situation politique en Haïti : la démission, le 29 février 2004, du Président Aristide a mis un terme à la décomposition politique du pays en ouvrant la voie à l'installation d'un gouvernement de transition issu du plan dit « de la Caricom ». Une commission tripartite a désigné un comité de sept sages, qui a chargé M. Gérard Latortue de constituer un gouvernement composé de personnalités apolitiques qui se sont engagées à ne pas se présenter aux élections législatives. Un calendrier électoral a été établi pour 2005, lequel doit permettre l'entrée en fonction d'un nouveau président en février 2006.

Depuis presque un an, la situation a évolué positivement puisqu'un gouvernement de transition prépare des élections démocratiques, une réforme du système judiciaire est en cours, un processus de désarmement est engagé. Ces progrès sont à mettre au crédit du peuple haïtien, du gouvernement de transition, dont le premier ministre bénéficie du plein soutien de la France, et de la communauté internationale, qui a notamment déployé une Force intérimaire multinationale à laquelle la France a contribué à hauteur de mille hommes. Depuis le 1er juin 2004, cette Force a été remplacée par la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), dirigée par le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies, M. Juan Gabriel Valdez. La France compte quatre-vingts gendarmes dans cette Mission, chargée de maintenir l'ordre, la sécurité et la stabilité nécessaires au bon déroulement des élections à venir.

Mais la transition ne sera couronnée de succès que si trois conditions sont réunies :

- la première est la tenue dans de bonnes conditions des élections prévues pour l'automne 2005 : elle suppose l'achèvement du désarmement, pour lequel la MINUSTAH a le droit de recourir à la force, si nécessaire, et l'amélioration du dialogue politique ; le pays compte une centaine de partis politiques, qui ont récemment entrepris de se regrouper pour former des alliances électorales et proposer des programmes communs ;

- la deuxième est relative à la poursuite des réformes des institutions publiques (système judiciaire, police, meilleure prise en compte des droits de l'homme) ;

- la troisième est la mise en place d'une dynamique de développement économique, objectif pour lequel un cadre de coopération intérimaire a été approuvé par l'ensemble des bailleurs de fonds en juillet et décembre 2004. Ceux-ci ont mis des moyens financiers à la disposition du pays, mais les réalisations concrètes tardent. Ainsi, sur les 250 millions d'euros promis par l'Union européenne, seuls 15 millions d'euros ont été décaissés fin 2004. Ce retard est imputable à la lourdeur des procédures internes des organisations internationales, à la faiblesse de l'administration haïtienne qui peine dans l'élaboration des projets et à la rareté des interlocuteurs sur place. Le plus urgent est la réhabilitation des infrastructures de base et la mise en chantier de nouvelles routes, le rétablissement des services de base et la lutte contre la déforestation. L'amélioration tangible des conditions de vie de la population est en effet indispensable pour qu'elle reprenne espoir et se mobilise pour les élections.

Pour accélérer les réalisations sur le terrain, le ministre des Affaires étrangères, M. Michel Barnier, a décidé d'organiser le 18 mars prochain à Cayenne, une réunion ministérielle d'assistance à Haïti, à laquelle participeront MM. Gérard Latortue et Juan Gabriel Valdès, ainsi qu'une douzaine de pays et d'institutions particulièrement engagés à Haïti.

L'effort consenti par la France est déjà considérable : 15 millions d'euros d'aide bilatérale ont été décaissés en 2004 et la France finance à hauteur de 25 % les 250 millions d'euros que la Commission européenne s'est engagée à consacrer à Haïti en quatre ans. Les projets portent sur le développement rural, la justice, la police, l'éducation, la santé, les médias. Dix assistants techniques français travaillent dans les administrations haïtiennes. La Délégation à l'action humanitaire est intervenue en 2004 à hauteur de 1,6 million d'euros à la suite des catastrophes naturelles et un projet de post-urgence de 2 millions d'euros est en préparation.

Les départements français d'Amérique ont été particulièrement solidaires des Haïtiens. La Guadeloupe met en œuvre trois projets de coopération régionale dans les domaines de la formation des personnels de santé et du diagnostic des écosystèmes côtiers et sept autres programmes ont été proposés en matière d'ingénierie des équipements publics, de traitement de l'eau, du reboisement et de la prévention des risques naturels. La Martinique coopère dans les secteurs de la police et de la justice et la Guyane dans celui du reboisement. Plusieurs communes ou régions françaises de métropole mènent aussi des projets de coopération avec Haïti.

Enfin, l'Agence française de développement a signé le 2 décembre dernier une convention de financement pour un montant de 6 millions d'euros, qui seront décaissés en février afin de contribuer à la réhabilitation du réseau d'eau potable des quartiers déshérités de Port-au-Prince et à celle de quatre centrales thermiques qui alimentent la capitale en électricité.

Après la réunion du Conseil de sécurité du 12 janvier dernier au cours de laquelle il a été décidé de prolonger l'action de la MINUSTHA et de simplifier les procédures de financement des bailleurs internationaux, M. Roland Blum s'est interrogé sur la capacité d'Haïti à engager ces financements dans des projets concrets.

M. Henri Sicre s'est fait l'écho de différentes ONG présentes en Haïti qui révèlent que l'Etat semble avoir abandonné toutes ses prérogatives au profit des différents acteurs présents sur place, qu'il s'agisse des ONG, des bailleurs de fonds internationaux, de l'Union européenne, de l'ONU ou encore de la France, dont l'engagement est par ailleurs très apprécié. Ces ONG sont demandeuses d'une plus grande assistance et d'une plus forte attention de la part de la France et regrettent le peu de Francophones qui composent la MINUSTHA. En outre, l'objectif de tenir des élections en 2005 est louable mais risque de rencontrer des difficultés eu égard à l'absence d'état-civil et au fait que la sécurité n'ait pas encore été rétablie jusqu'à présent. A cet égard, M. Henri Sicre a souhaité savoir si l'opération organisée à la mi-décembre et qualifiée de marquante avait été suffisante. Toutes ces mesures aideront-elles à mettre en place une économie durable ? Ce pays s'engage-t-il sur la voie de l'amélioration laissant espérer la tenue de ces élections et la mise en place d'une vie démocratique ? Toutes ces questions militent pour la création par la Commission des Affaires étrangères d'une mission d'information sur Haïti.

Au plan économique, M. Renaud Muselier a fait état du constat selon lequel la mobilisation des bailleurs de fonds avait été importante, mais ce pays, le plus pauvre de la zone Caraïbe, reste politiquement instable, aussi la population d'origine haïtienne vivant aux Etats-Unis et au Canada est-elle importante, et les rapports géopolitiques avec les pays voisins doivent-ils être pris en considération. Il a actuellement perdu tout crédit aux yeux des différents bailleurs qui ont investi sur place dans la mesure où les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes. Haïti rencontre de très grandes difficultés à agir - il est ainsi incapable, par exemple, de construire un début d'infrastructure routière - et donc à consommer les fonds, d'une part parce que le système multilatéral de financement est empreint d'une lourdeur administrative accrue due aux craintes de détournements et d'autre part parce qu'il y a une situation de carence complète sur place qui se traduit par cette incapacité d'action. Dans ces conditions il s'avère nécessaire de projeter des équipes sur place. C'est pourquoi la France a proposé à l'ensemble des partenaires de se retrouver à Cayenne pour mettre en place des actions lisibles pour la population qui donneront à Gérard Latortue les moyens d'agir. Ces partenaires sont le Brésil et les autres pays d'Amérique du Sud à l'exception du Venezuela, Hugo Chavez ayant estimé que ce que les Etats-Unis n'avaient pas réussi à faire au Venezuela, ils l'avaient fait à Haïti.

L'organisation d'élections est prévue en 2005, et il est important de donner toute sa crédibilité à ce processus électoral. Actuellement, 120 partis politiques sont répertoriés, ce qui ne facilite pas l'exercice de la vie politique. Un regroupement apparaît donc comme des plus souhaitables.

Quelques mois de retard ont été pris sur le calendrier de rétablissement de la sécurité dans la mesure où l'ensemble des troupes de l'ONU viennent d'arriver alors qu'elles auraient dû être présentes dès septembre dernier. Par ailleurs, ces troupes sont essentiellement composées de Sud-Américains qui ont dû mal à communiquer avec la population qui parle le français ou le créole.

Enfin, les ONG qui sont présentes en Haïti sont plutôt de petite taille, mais efficaces et respectées par la population. Si la France ne peut leur accorder des subventions en permanence, elle peut néanmoins les soutenir auprès de l'Union européenne et de l'ONU.

Evoquant l'organisation des prochaines élections en Haïti, M. Loïc Bouvard a fait part de son expérience d'observateur des élections organisées après le départ du Président Aristide, qu'il a qualifiées de « vaste mascarade », soulignant l'impréparation complète dans lesquelles elles s'étaient déroulées. Il a donc souhaité savoir dans quelles conditions seraient organisées les élections à venir et le rôle que la France jouerait pour s'assurer de leur tenue normale.

M. Renaud Muselier a expliqué que, d'après les informations que lui avait données le représentant du Secrétaire général des Nations unies en Haïti, M. Juan Gabriel Valdez, le processus d'établissement des listes électorales était lancé et les délais envisagés tout à fait tenables. Les forces présentes sur place devraient permettre aux élections de se tenir en toute sécurité. Quant aux observateurs, les mêmes équipes que celles qui étaient présentes en Afghanistan seront mobilisées pour Haïti : un mode de fonctionnement identique à celui qui a fait ses preuves en Afghanistan est prévu.

Interrogé par le Président Edouard Balladur sur la comparaison entre l'organisation des élections en Afghanistan et en Irak, le Secrétaire d'État aux affaires étrangères a estimé que, dans ces deux cas, les élections n'avaient été organisées ni de la même manière, ni par les mêmes personnes, mais qu'en l'occurrence, ces deux processus électoraux avaient été validés par le Conseil de sécurité des Nations unies. Il s'est dit convaincu qu'un bon résultat en termes d'organisation n'était pas hors de portée en Haïti, notamment du fait de l'engagement personnel de M. Juan Gabriel Valdez, francophile, francophone, partisan et grand connaisseur du système multilatéral, dont la volonté de mener à bien le processus électoral en Haïti était manifeste.

M. Axel Poniatowski s'est félicité de l'attitude et de l'action de la France en Haïti. Il s'est notamment réjoui du caractère précis et concret des actions menées, notamment par les collectivités locales, et du suivi précis de l'emploi des fonds. A cet égard, il a salué la prudence qui avait prévalu, alors que des expériences passées avaient montré combien les responsables des pays en crise ne géraient pas toujours l'argent remis aux organisations internationales par les Etats donateurs avec la plus grande rigueur.

Le Secrétaire d'État aux affaires étrangères a souligné combien il s'était attaché, depuis son entrée en fonction, à normaliser les relations entre les ONG, les entreprises, les collectivités locales et l'État, notamment en créant un dispositif permettant un dialogue entre ces acteurs dans les situations d'urgence, par la mise en place du Conseil d'orientation de l'Action humanitaire d'urgence en mars 2004. Il a attiré l'attention des membres de la Commission sur l'absence de critiques frontales de l'action du Gouvernement par les ONG depuis deux ans et demi, expliquant son souci constant de ne jamais laisser sans réponse les demandes de ces organismes. Expliquant que, comme l'avait montré le tsunami, la mobilisation internationale en faveur de situations de crise était d'autant plus forte qu'étaient puissants les projecteurs médiatiques, mais que l'effet boomerang qui s'ensuivait l'était également en termes de reddition de comptes, il a fait part de sa volonté de maintenir en permanence le contact direct avec les ONG, sans tabou, en toute transparence. Ce contact est essentiel dans le cas complexe d'Haïti, qui cumule les problèmes liés à la situation politique avec les effets du cyclone « Jeanne » : ce pays est d'ailleurs emblématique du lien existant entre mode de gouvernance et conséquences des catastrophes naturelles. Le cyclone a eu des effets limités en République dominicaine, partie de l'île non touchée par le déboisement, alors qu'en Haïti, territoire déboisé, le même cyclone a fait 1 300 morts et 300 000 sans-abri. On retrouve le même phénomène qu'à Banda Aceh où vingt années de guerre ont contribué au très lourd bilan du tsunami (plus de 230 000 morts en Indonésie).

Abordant la question du tsunami en Asie, M. Renaud Muselier a dressé le bilan de cette catastrophe qui s'établit pour la France à vingt-deux décès, soixante quatorze disparus et une trentaine de personnes dont on est sans nouvelles. Ce dernier chiffre a régulièrement été revu à la baisse dans la mesure où, fort heureusement, de nombreuses personnes se sont finalement signalées aux autorités.

La catastrophe du 26 décembre 2004 a donné lieu à une mobilisation exceptionnelle du ministère des affaires étrangères. Ainsi la cellule de crise, ouverte dans les heures qui ont suivi le tsunami, a fonctionné jour et nuit pendant douze jours dans la période la plus aigue de la crise. Elle a reçu 110 000 appels, alors que - à titre de comparaison - celle mise en place lors de l'évacuation de 8 500 de nos ressortissants en Côte d'ivoire avait traité 18 750 appels. Quatre cent vingt agents du ministère, de tout grade, se sont portés volontaires pour faire face à cette catastrophe. Il convient également de souligner l'importance du concours des tours opérateurs, des compagnies aériennes et des sociétés d'assistance. Ainsi deux cents Français ont pu être rapatriés de Colombo, des Maldives et de Phuket sur deux vols spéciaux. Nos postes de Thaïlande et du Sri Lanka, parmi les plus sollicités, notamment à Phuket, ont reçu l'appui de plusieurs missions de renfort du ministère. Des équipes médicales du SAMU et de la Croix Rouge ont été, quant à elles, dépêchées dès le début de la crise pour venir en aide à nos compatriotes en détresse.

Une cinquantaine de millions d'euros ont été débloqués provenant des pouvoirs publics français auxquels se sont ajoutés de nombreux dons privés, d'organisations ou de particuliers, de telle sorte que l'aide française a atteint un total d'une centaine de millions d'euros. Le Premier ministre a nommé M. Jean-Claude Mallet, conseiller d'Etat, délégué interministériel pour coordonner toutes les actions de la France, c'est-à-dire des différents services de l'Etat en liaison avec les organisations non gouvernementales et les grandes organisations internationales, au premier rang desquelles les Nations unies et l'Union européenne. La mission de ce délégué interministériel portera, en particulier, sur la reconstruction qui suit les interventions d'urgence. Seule l'Indonésie, qui n'est pas entrée dans la période de reconstruction, demeure encore aujourd'hui dans la phase d'urgence.

La France contribue à hauteur de 17 % au budget européen mobilisé pour cette crise, soit 23 millions d'euros au titre du programme ECHO, 100 millions d'euros sur la réserve d'urgence pour les actions humanitaires et 300 millions d'euros, à moyen terme, au titre de la reconstruction, sur la ligne consacrée aux pays en voie de développement en Asie et en Amérique Latine (PVD ALA). En outre, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, M. Hervé Gaymard, a annoncé l'ouverture d'une facilité de financement de 300 millions d'euros par l'intermédiaire de l'Agence française de développement. Moins d'une semaine après la crise, 15 millions d'euros ont été versés par la France à plusieurs agences des Nations unies (4 millions d'euros à l'Unicef, 4 millions d'euros à l'OMS, 1,5 million d'euros au Programme alimentaire mondial, 0,5 million d'euros au Bureau de la coordination des affaires humanitaires relevant du Secrétariat général de l'ONU) et au CICR (5 millions d'euros). Par ailleurs, 2,6 millions d'euros de reliquat du Programme alimentaire mondial ont été affectés à la crise asiatique, portant l'effort français vers les pays touchés par la catastrophe, via le système des Nations unies et le CICR, à 17,6 millions d'euros.

Le Gouvernement a également décidé d'allouer 20 millions d'euros pour des actions en matière de risque sanitaire, de protection de l'enfance, de réhabilitation économique et de coopération scientifique soit 10 millions d'euros au titre de mesures nouvelles et 10 millions d'euros par redéploiement entre cinq ministères. 3 millions d'euros seront apportés en complément par les agences de l'eau pour des opérations dans le domaine de l'environnement et de l'assainissement, en partenariat avec les ONG. Près de 4,7 millions d'euros ont été aussi consacrés aux actions d'urgence, à savoir l'envoi par vols spéciaux ou commerciaux d'équipes de secouristes, de détachements de la Sécurité civile, d'experts, notamment pour l'identification des corps. Enfin, près de 150 tonnes de fret humanitaire ont été envoyées sur place. A cela s'ajoutent les importants moyens militaires mobilisés au soutien des opérations humanitaires : la frégate Dupleix aux Maldives depuis le 11 janvier ; le porte-hélicoptères Jeanne d'Arc et la frégate Georges Leygues en Indonésie depuis le 14 janvier, avec un millier de personnels.

Il faut souligner enfin l'effort des collectivités locales, à hauteur de près de 10 millions d'euros, des entreprises privées, pour près de 13 millions d'euros, et les ONG, avec 65 millions d'euros.

S'agissant de la phase de reconstruction, la France a décidé de concentrer son aide bilatérale sur le Sri Lanka et l'Indonésie ainsi que sur un nombre limité de secteurs : l'eau, la santé, l'enfance, la reconstruction économique.

Le Président Chirac a appelé à la constitution d'une force internationale d'intervention rapide qui s'appuierait, pour faire face à l'urgence, sur le savoir-faire des ONG et des organisations internationales. Il faut rappeler aussi l'initiative prise par M. Michel Barnier qui a proposé la création d'une force européenne de protection civile, constituée d'un état-major léger, qui permette de maîtriser les moyens et d'améliorer nos capacités de projection sur les lieux où se sont déroulées les catastrophes.

M. Jacques Myard a considéré que, malgré quelques « retards à l'allumage », la communauté internationale s'était mobilisée en faveur des pays victimes du tsunami de manière plus efficace que ne l'ont fait les organisations régionales. Est-il avéré que certains pays musulmans auraient fait savoir aux secouristes n'ayant pas cette religion qu'ils n'étaient pas les bienvenus ? Quel jugement le Gouvernement porte-t-il sur cette situation ?

M. Roland Blum a demandé quel sens avait la distinction entre les personnes disparues et les personnes pour lesquelles on était sans nouvelle. Quelles propositions concrètes la Conférence de Kobé, qui a fixé l'objectif de réduire de moitié le nombre des victimes de catastrophes naturelles, a-t-elle formulées ? Où en est la proposition française de création d'une force européenne de protection civile ?

Le Président Edouard Balladur a estimé que le rôle de l'Etat était avant tout celui de coordonnateur et qu'on ne pouvait lui reprocher l'action ou l'inaction des Organisations non gouvernementales. Il a souhaité savoir si la proposition française d'installer à l'île de la Réunion un centre de surveillance de l'Océan indien avait été retenue et demandé si la force européenne de protection civile précédemment évoquée était dès à présent à l'état de projet précis.

M. Renaud Muselier, Secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, a apporté les éléments de réponse suivants :

-  la mobilisation de la communauté internationale a été relativement rapide compte tenu de la période à laquelle est intervenue la catastrophe et du temps qu'il a fallu pour en connaître l'ampleur ;

-  la situation des douze pays touchés est très différente ; dans certains d'entre eux, comme le Sri Lanka, de nombreuses ONG étaient déjà présentes en raison du conflit qui affecte ce pays, et les autorités ont immédiatement demandé de l'aide ; dans d'autres, comme l'Indonésie, la réaction a été beaucoup plus tardive, certaines régions comme celle de Banda Aceh, en proie à un conflit dur, sont longtemps restées fermées aux ONG, à l'exception du CICR, seule organisation présente sur place ; par ailleurs certains pays touchés ont fixé un délai limitant la présence des militaires étrangers et des organisations humanitaires sur leur sol ;

-  il est essentiel de savoir où va l'argent de l'aide ; les pouvoirs publics français ont identifié des territoires et des objectifs précis, comme des écoles, des hôpitaux, de telle sorte que dans six mois et au-delà, il sera possible de connaître la destination de l'aide et son efficacité ; le Gouvernement a par ailleurs informé les associations d'élus, afin de leur permettre de connaître leurs interlocuteurs et d'optimiser l'aide apportée par les collectivités locales ;

-  les pouvoirs publics ont cherché à répondre de manière fiable aux familles, alors même qu'ils étaient confrontés à une forte pression médiatique ; il convient de distinguer parmi les disparus, ceux dont on est sans nouvelle, de ceux pour lesquels des témoins ont assisté à la disparition par engloutissement ; après la centralisation des informations, notamment auprès des voyagistes et des structures hôtelières, des enquêtes sont actuellement en cours dans les départements sous la responsabilité des préfets ;

-  alors que l'exemple japonais en matière de prévention des séismes est souvent cité en exemple pour le niveau de protection mis en œuvre, il existe une capacité internationale en la matière ; la proposition de créer un centre de surveillance de l'Océan indien a donné lieu à des divergences sur le lieu d'implantation ; la Thaïlande a pour sa part décidé unilatéralement d'implanter un tel centre sur son territoire ;

-  s'agissant du projet d'une force européenne de protection civile, le Gouvernement français en a saisi M. Louis Michel, Commissaire européen chargé du Développement et de l'Aide humanitaire ; le prochain conseil Affaires générales donnera l'occasion d'en débattre.

Le Président Edouard Balladur a remercié le Secrétaire d'Etat pour ses propos et a estimé que la France avait joué son rôle à Haïti de manière plus efficace que par le passé. S'agissant du tsunami, il convient de tirer les conséquences de cette catastrophe en améliorant l'efficacité de la coordination entre les gouvernements, les organisations internationales ainsi que les ONG et il n'y aurait que des avantages à ce que la France en prenne l'initiative.

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