COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 36

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 5 avril 2005
(Séance de 11 heures 30)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président,

Co-présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président de

la Commission des Finances, de l'Economie générale et du Plan

SOMMAIRE

 

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- Audition conjointe avec la Commission des Finances, de l'Economie générale et du Plan, de M. Joaquin Almunia, commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires

  
 
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La Commission des Affaires étrangères, en réunion conjointe avec la Commission des Finances, de l'Economie générale et du Plan, a procédé à l'audition de M. Joaquin Almunia, commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires

M. Edouard Balladur, Président de la Commission des Affaires étrangères, s'est dit très heureux d'accueillir le commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires, et très désireux de s'enquérir auprès de lui de la nature exacte de l'assouplissement récent du Pacte de stabilité et de croissance, ainsi que des perspectives de développement économique de l'Union européenne.

M. Joaquin Almunia a remercié la Commission des affaires étrangères et la Commission des finances de leur invitation, et s'est proposé de faire un exposé sur la réforme du Pacte de stabilité et de croissance, suivi de réponses aux questions sur ce sujet et sur d'autres.

L'application du Pacte a donné lieu, en novembre 2003, à un véritable conflit politique entre pays membres. M. Pedro Solbes, qui était alors commissaire aux affaires économiques et monétaires, a présenté au Conseil une recommandation destinée à donner plus de force à la surveillance budgétaire dont faisaient l'objet l'Allemagne et la France. Ces deux pays, auxquels il avait été recommandé de procéder à un ajustement de leurs finances publiques en raison d'un déficit supérieur à 3 % de leur PIB en 2002, avaient pris des mesures qui n'ont pas été considérées comme suffisantes par la Commission, laquelle a proposé la poursuite d'une procédure de déficit excessif. Le Conseil, toutefois, n'a pas voté cette recommandation de la Commission, et a préféré adopter des propositions politiques allant dans le même sens, mais n'ayant pas de base juridique. Etant donné que le Conseil avait la faculté de modifier le contenu de la recommandation, mais non celle de l'ignorer, il s'en est suivi une crise politique très forte, qui a nui à la crédibilité même du Pacte.

A la suite de l'arrêt rendu par la Cour de justice en juillet 2004, la Commission, alors présidée par M. Romano Prodi, a décidé de présenter une nouvelle communication demandant une réforme de certains aspects du Pacte. Entre cette initiative et l'accord conclu par le Conseil le 22 mars 2005, la Commission et le Conseil ont beaucoup travaillé, tant au niveau du conseil Ecofin que, sur un plan plus technique, au sein du Comité économique et financier. Une partie des éléments de cet accord doit être reprise dans des propositions de modification des deux règlements du Conseil qui constituent, avec la résolution adoptée par le Conseil européen d'Amsterdam en 1997, la base juridique du Pacte : le règlement 1466 qui traite de l'aspect préventif du Pacte, et le règlement 1467 qui traite de la procédure pour déficit excessif.

La Commission travaille à cette modification, et sans doute pourra-t-elle proposer une recommandation au Conseil avant la fin du mois d'avril 2005, en vue d'une adoption définitive, sous réserve de l'accord du Parlement, par le Conseil européen de Luxembourg dans le courant du mois de juin, c'est-à-dire avant la fin de la présidence luxembourgeoise de l'Union.

La modification de la partie préventive du Pacte porte sur l'utilisation des instruments mis à la disposition de la Commission et du Conseil pour la surveillance des politiques budgétaires en vue d'atteindre l'équilibre à moyen terme des finances publiques des pays membres.

Il s'agit en premier lieu de définir l'objectif même d'équilibre à moyen terme, entendu comme une situation soit excédentaire, soit équilibrée ou proche de l'équilibre, en consentant toutefois une plus grande souplesse aux pays qui ont un potentiel de croissance élevé et dont les finances publiques sont viables : c'est le cas de pays comme l'Irlande ou comme certains nouveaux Etats membres, qui peuvent se permettre de tendre vers un déficit limité, légèrement inférieur à 1 % du PIB. En revanche, des pays ayant une dette publique très élevée par rapport au PIB, ou une population très vieillissante, ou un potentiel de croissance faible, devraient tendre à moyen terme vers un équilibre plus strict, voire vers l'excédent.

Il s'agit en second lieu de tenir compte des réformes structurelles en cours dans chaque pays. Ainsi, un pays fournissant un effort considérable, de nature à améliorer la viabilité à long terme de ses finances publiques, pourrait bénéficier d'une plus grande souplesse, à laquelle n'aurait pas droit un pays s'exonérant d'un tel effort. La Commission pourrait même adresser à ce dernier une observation (policy advice), en cas d'absence d'effort d'assainissement budgétaire au moment favorable du cycle. L'histoire économique récente offre notamment l'exemple de deux pays qui, pour ne l'avoir pas fait au cours des années 1990, n'ont pu maintenir leur déficit budgétaire au-dessous de 3 % de leur PIB lorsque la croissance leur a fait défaut.

S'agissant de la procédure pour déficit excessif, l'accord s'est fait très tôt sur la nécessité de rendre les délais plus flexibles. Actuellement, l'ajustement doit être fait un an après la constatation du déficit excessif. Or il y a des cas où la situation économique du pays ne rend pas pertinente une réaction si brusque, et c'est pourquoi il est proposé de porter ce délai, sous certaines conditions, à deux ans. Il est en outre prévu de répéter la première recommandation avant de passer à la seconde, qui est la dernière étape avant la sanction.

Reste la question la plus difficile : comment définir le « déficit excessif » ? Actuellement, la seule possibilité d'échapper au caractère automatique du seuil de 3 % du PIB est l'existence de circonstances exceptionnelles, telles qu'une récession sévère, et encore faut-il que le dépassement soit limité et temporaire. C'est pourquoi il est proposé de tenir compte, le cas échéant, de certains « autres facteurs pertinents ». De ce fait même en l'absence de circonstances « exceptionnelles », et toujours à condition que le dépassement soit limité et temporaire, la Commission pourra estimer ne pas devoir ouvrir de procédure, ou le Conseil décider de ne pas autoriser son ouverture. La réforme proposée vise ainsi à substituer à un mécanisme automatique un jugement circonstancié.

Enfin, la réforme permettrait de mieux tenir compte, tant dans la partie préventive de l'application du Pacte que dans sa partie corrective, de considérations telles que le niveau de la dette, son évolution ou, plus généralement, la viabilité des finances publiques d'un pays. La justification la plus profonde, en effet, de la surveillance et de la coordination des politiques budgétaires au sein de l'Union économique et monétaire, c'est d'éviter la dérive des finances publiques vers une situation non viable. L'évolution des taux d'intérêt sur les marchés financiers n'est plus seulement fonction de paramètres tels que l'inflation ou même les déficits publics en tant que tels, mais aussi de la viabilité générale des finances publiques. Or il est des pays dont les déficits publics n'ont jamais dépassé 3 % du PIB, mais où cette viabilité est néanmoins compromise à plus long terme.

Pour l'instant, il convient d'appliquer le Pacte dans son dispositif actuel, en sachant toutefois qu'un certain nombre d'éléments interprétatifs peuvent d'ores et déjà être utilisés. C'est ainsi que, dans les deux ou trois mois qui viennent, l'Union devra prendre une décision relative au cas de l'Italie et du Portugal, qui ne présentent pas encore un déficit excessif, mais qui risquent de se trouver dans cette situation à brève échéance. M. Joaquin Almunia a conclu son intervention en disant que, contrairement à ce qu'on lit parfois dans la presse, la réforme n'affectera ni les principes du Pacte, ni les objectifs, ni la surveillance budgétaire, qui sera plus souple sous certains aspects, mais plus stricte sous d'autres.

M. Pierre Méhaignerie, Président de la commission des Finances, a demandé comment serait assurée la cohérence, ou la synthèse, entre la nécessaire maîtrise des déficits et donc des dépenses publiques, d'une part, et la demande de la Commission de porter à 1,14 % du PIB le prélèvement fiscal au profit de l'Union européenne, d'autre part.

M. Joaquin Almunia a répondu que la part du budget des Etats membres consacrée au financement de l'Union était somme toute fort modeste. Il est vrai que l'évolution des dépenses compte parfois plus que leur niveau, mais l'éventuelle évolution des montants alimentant le budget européen ne devrait pas être très forte, sauf si l'accord conclu mettait fin à l'exception britannique, auquel cas l'incidence de l'abandon du « chèque britannique » sur les finances publiques du Royaume-Uni serait notable... L'incidence sera particulièrement positive pour les nouveaux Etats membres qui bénéficieront désormais des fonds structurels, du fonds de cohésion ou de la PAC. L'élargissement aura également des conséquences pour les pays jusqu'alors éligibles à l'obtention de ces fonds et qui sortiront des deux premiers dispositifs. Aussi, que l'on retienne le niveau de 1 % comme le demandent certains pays, ou celui de 1,14 % comme le propose la Commission, ou un niveau intermédiaire susceptible de faire consensus, l'effet sur les budgets nationaux de la progression de la contribution des Etats membres au budget de l'Union restera limité, et bien inférieur, en tout état de cause, à la nouvelle répartition des crédits communautaires résultant de l'élargissement.

Le Président Edouard Balladur a fait observer que la réforme du Pacte de stabilité et de croissance ne mettrait pas pour autant fin aux discussions budgétaires entre Etats membres.

Estimant la procédure d'avertissement et de sanction prévue par le Traité constitutionnel encore trop complexe, il a demandé comment pourrait fonctionner le mécanisme du Pacte de stabilité dans la mesure où la proposition de la Commission visant à constater le déficit excessif d'un Etat ne pourrait être modifiée, semble-t-il, qu'à l'unanimité par le Conseil, tandis que les recommandations du Conseil devraient être prises à la majorité qualifiée des membres de l'Eurogroupe.

Il s'est ensuite interrogé sur les modes de consultation des Parlements nationaux et a souhaité savoir si ces derniers seraient appelés à voter, et quelle serait alors la portée leur avis. Par ailleurs, quel sera leur rôle dans la définition des programmes de stabilité et de convergence ou en cas de procédure d'alerte et de recommandation ?

Approuvant la nécessité d'une latitude d'appréciation des « circonstances exceptionnelles » ou des « autres facteurs pertinents », il a demandé si des critères précis permettraient néanmoins de faire une application plus claire de la procédure pour déficit excessif.

Il a enfin souhaité connaître la position des dix nouveaux pays membres quant à leur entrée dans la zone euro et les perspectives de ces adhésions à l'Eurogroupe.

M. Joaquin Almunia a souligné que le processus de décision, dans sa partie préventive, sera inchangé. La Commission continuera de donner son avis sur chaque programme de stabilité et de convergence, avis qui sera analysé par le Comité économique et financier, puis soumis au conseil Ecofin. Cette procédure n'a jamais posé problème, et les décisions du Conseil ont toujours été prises par consensus, le cas échéant après quelques discussions sur des points de détail.

Quant à l'avertissement préalable, (early warning), il s'agit, en droit, d'une recommandation de la Commission au Conseil, lequel l'accepte - ou non - à la majorité qualifiée. La nouveauté consiste en la possibilité pour la Commission de publier de son propre chef un policy advice ; reste à savoir si cette possibilité sera consacrée par un règlement, ou si elle fera seulement l'objet d'un accord politique du Conseil.

Enfin, la procédure pour déficit excessif prévoit, aux termes de l'article 104-4 du Traité, que le rapport de la Commission soit soumis pour avis au Comité économique et financier, après quoi il revient à la Commission, en vertu de l'article 104-5, d'estimer, au vu dudit avis, s'il y a ou non déficit excessif. Si elle estime que oui, elle présente une recommandation en ce sens au Conseil, qui se prononce à la majorité qualifiée, sur la base de l'article 104-6. Si le Conseil décide de suivre la Commission, celle-ci présente, sur le fondement de l'article 104-7, une recommandation d'ajustement budgétaire, que le Conseil peut alors modifier à la majorité qualifiée. En ce cas, les règles de répartition des droits de vote sont susceptibles d'être modifiées par la future Constitution, qui prévoit en outre d'exclure de l'ensemble du processus de décision les pays non membres de l'Eurogroupe, qui ne le sont actuellement qu'à partir des dernières étapes de la procédure pour déficit excessif ; de surcroît, le Conseil devrait motiver par écrit une éventuelle décision contraire à la recommandation de la Commission.

Le rôle des Parlements nationaux a fait l'objet de longues discussions, qui se sont soldées par un compromis. Les gouvernements communiqueront aux Parlements nationaux le contenu des programmes de stabilité et de convergence, que chaque Parlement analysera suivant ses propres procédures.

Quant aux critères et à leur définition, la Commission et le Conseil se sont efforcés de dégager une approche commune. Il s'agit notamment, concernant l'évolution de la situation économique à moyen terme, du potentiel de croissance, des conditions de la conjoncture, des réformes structurelles de l'économie, des dépenses nationales de recherche et développement ; concernant l'évolution de la situation budgétaire, des efforts d'assainissement, des perspectives d'évolution de la dette, des investissements publics, de la qualité globale de la situation des finances publiques ; concernant les « autres facteurs pertinents », il s'agira de prendre en considération des éléments tels que le niveau de la contribution financière à la solidarité internationale ou à l'unification de l'Europe.

S'agissant de la zone euro, tous les pays, à l'exception du Royaume-Uni et du Danemark, qui ont obtenu une dérogation spécifique, ont vocation à en faire partie, et en ont même l'obligation théorique. La Suède, cependant, pose un problème particulier dans la mesure où elle s'est prononcée par référendum contre le passage à l'euro. Parmi les dix nouveaux Etats membres, tous doivent et souhaitent, toujours en théorie, adhérer, en 2010 au plus tard à l'Eurogroupe. Trois d'entre eux, l'Estonie, la Lituanie et la Slovénie, sont déjà membres du mécanisme communautaire de change, étape préalable et nécessaire, d'une durée minimale de deux ans, avant l'adhésion. Trois autres, Chypre, la Lettonie et Malte, ont posé leur candidature au dit mécanisme. Deux autres, la Pologne et la Slovaquie, souhaitent adopter l'euro en 2009, ce qui suppose qu'ils adhèrent au mécanisme de change dès l'an prochain. Enfin, la Hongrie et la République tchèque sont les moins pressées, puisqu'elles préfèrent attendre 2010. La décision finale d'entrer dans la zone euro, qui doit tenir compte des conditions posées par le traité de Maastricht, appartient au Conseil, sur proposition de la Commission.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général de la Commission des Finances, s'est réjoui de la perspective d'adaptation du Pacte de stabilité et de croissance, qui conserve cependant, comme l'a montré l'exposé du commissaire, une certaine complexité. Il a ainsi demandé si l'on pouvait considérer comme facteurs pertinents, susceptibles de justifier le non-déclenchement d'une procédure pour déficit excessif, une baisse d'impôt ciblée destinée à stimuler la croissance, ou encore une dépense d'investissement dans le secteur militaire ?

S'agissant de l'euro, on peut se demander si son niveau élevé par rapport au dollar ne constitue pas une donnée structurelle, découlant de l'entente implicite entre les Etats-Unis et certains autres pays, au premier rang desquels la Chine, entente qui permet à ces pays d'inonder le monde de leurs productions industrielles et aux Etats-Unis de financer leurs déficits colossaux. Face à cette conjonction d'intérêts, la politique monétaire de l'Union européenne n'est-elle pas terriblement impuissante ?

M. Didier Migaud a préalablement rappelé que la suppression de l'exception budgétaire britannique nécessitait l'assentiment du Royaume-Uni lui-même, avant d'approuver l'interprétation donnée par le commissaire de l'accord du 23 mars 2005 sur le Pacte de stabilité et de croissance. Il a demandé si la Commission s'apprêtait vraiment, comme l'écrivent certains journaux, à faire de nouvelles observations à la France sur son déficit pour 2005, et s'est inquiété de l'évolution des taux d'intérêt cette même année.

M. Jacques Myard a rappelé que le Pacte avait été imposé par certains pays pour assurer la stabilité de l'euro. Or, la stabilité de l'euro est fonction, avant tout, du solde des transactions courantes. Cela ne veut pas dire qu'il ne faille pas maîtriser les dépenses et réduire les déficits, mais c'est une affaire intérieure à chaque pays. Aussi peut-on regretter que l'excellent exposé du commissaire n'ait pas évoqué la politique monétaire.

Les déficits budgétaires naissent parfois d'un excès de dépenses, mais souvent aussi d'une absence de croissance. Or, la comparaison entre les pays de l'Union montre que ceux qui sont restés en dehors de la zone euro ont, depuis 1999, un taux annuel de croissance supérieur d'un point. La question de fond est que la zone euro n'est pas une zone économique optimale, et que l'on ne peut rien à cette situation, sauf à la corriger par des transferts permanents.

Les sanctions prévues par le Pacte, qui plus est, sont irréalistes : demander à un Etat qu'il consente un effort budgétaire équivalent à un demi-point de PIB est dangereusement déflationniste. Il est déplorable qu'aucune leçon n'ait été retenue de la politique menée par Pierre Laval en 1935 !

M. Daniel Garrigue a regretté que le Pacte de stabilité et de croissance soit davantage conçu pour veiller à la stabilité que pour stimuler la croissance. L'équilibre à moyen terme des finances publiques n'est pas un objectif en soi, et mieux vaut avoir un léger déficit, éventuellement durable, s'il est la contrepartie d'une croissance plus soutenue. En revanche, on a laissé adhérer à l'euro des pays endettés au-delà de leur PIB...

Il serait souhaitable que les choix européens de politique économique soient mieux reliés à la mise en œuvre des politiques nationales. Or l'on manque justement des instruments qui pourraient assurer l'interface entre les deux. Il y a bien des programmes de stabilité et de convergence, mais leur portée, de l'aveu même du commissaire, reste fort théorique dans la mesure où l'on ignore de quelle façon les Parlements nationaux s'en saisiront. Ne faudrait-il pas donner plus de force à ces instruments ?

M. Joaquin Almunia a souligné que la stabilité, l'équilibre budgétaire, l'assainissement des finances publiques étaient des conditions nécessaires, mais non suffisantes de la croissance. C'est pourquoi il faut analyser les coûts et les bénéfices des réformes structurelles, comme ceux des baisses d'impôts : certaines, qui ont un coût évident à court terme, sont de nature- mais il faut le démontrer - à renforcer, à long terme, le potentiel de croissance, et donc la solidité des finances publiques. Si le Pacte a été critiqué, c'est pour l'application trop mécaniste qui en a été faite ; si réforme il y a, elle ne peut donc se borner à remplacer le taux de 3 % par un autre taux plus élevé, mais doit permettre une meilleure évaluation d'ensemble des situations.

Art difficile en économie, la prévision est quasiment impossible en matière de taux de change, et c'est pourquoi la Commission n'a pas fait de prévision pour 2005, mais une simple hypothèse technique, celle d'un euro valant 1,32 dollars. Lors du G7 de février 2004, l'Europe en a certes appelé à des politiques de change qui évitent les mouvements erratiques et désordonnés, mais ses propres marges de manœuvre sont limitées. La situation actuelle favorise vivement les exportations chinoises en même temps que le financement des déficits américains, mais dans l'hypothèse où la Chine, demain, déciderait de ne plus acheter uniquement du dollar et de miser sur l'euro, le niveau de celui-ci monterait encore. La seule chose certaine, c'est qu'il serait contre-productif de dire sur un ton comminatoire aux Chinois ce qu'ils doivent faire...

Enfin, tout accord sur le financement de l'Union requiert l'unanimité des pays membres. Cela vaut pour la suppression de l'exception britannique comme pour le montant des aides structurelles versées à tel Etat membre, ancien ou nouveau. L'exercice est donc difficile, mais tous les Etats ont besoin qu'un accord soit conclu dès cette année. Le Royaume-Uni, entend-on souvent dire, pourrait provoquer un blocage, mais l'expérience montre qu'un pays qui campe seul sur ses positions risque de perdre beaucoup sur d'autres dossiers. Aussi est-il permis de se montrer raisonnablement optimiste et d'escompter qu'un accord sera conclu avant la fin du mois de juin.

S'agissant des déficits publics de la France, la Commission maintient, pour 2005, la prévision qu'elle faisait en octobre 2004, c'est-à-dire 3 % du PIB, soit un demi-point de plus que la prévision du gouvernement français. S'il en est ainsi, point ne sera besoin de prendre des mesures. En revanche, la prévision de la Commission pour 2006, à politique constante et en l'absence de nouvelle soulte, est de 3,4 %. Contrairement à ce qu'a dit M. Jacques Myard, un effort d'un demi-point n'est pas à qualifier de considérable : certains pays ont fait un effort double et s'en sont fort bien trouvés, tant pour ce qui est de la croissance que de l'emploi, et leurs finances publiques assainies leur permettent en outre d'utiliser l'arme budgétaire pour soutenir l'activité lorsque c'est nécessaire.

Les pays de la zone euro ont bénéficié, il ne faut pas l'oublier, d'une baisse considérable des taux d'intérêt, baisse d'autant plus forte que ces taux étaient élevés au départ, et qui allège d'autant le poids du service de la dette. C'est le cas de l'Espagne, de l'Italie - mais non pas celui de l'Allemagne, qui avait déjà les taux les plus bas. Sur les douze pays de la zone euro, seuls trois n'ont pas le « taux » le plus favorable ; et ce « taux » reste plus favorable que celui des pays candidats à l'euro, y compris ceux dont les performances sont les plus remarquables en matière de déficit et d'endettement. La crédibilité que confère l'euro, et qui se traduit par les taux d'intérêt, nominaux et réels, les plus bas de l'histoire de l'Europe, est un avantage collectif, dont le maintien requiert une politique et une surveillance coordonnées, faute desquelles cet avantage sera perdu pour tout le monde.

La faiblesse, dans certains pays, de la croissance et de l'investissement ne tient pas au niveau des taux d'intérêt, qui sont très bas, mais au manque de potentiel de croissance, dû au mauvais fonctionnement de certains marchés et au manque de confiance des consommateurs comme des investisseurs. L'Irlande, la Finlande, l'Espagne ont une croissance soutenue, que l'euro ne bride pas, et si l'on peut arguer que l'Irlande et l'Espagne avaient un retard de développement à rattraper, ce n'est pas le cas de la Finlande.

Selon les prévisions de la plupart des observateurs des marchés, les taux d'intérêt devraient légèrement remonter en 2005, jusqu'à 2,3 % pour les taux à un an et à 3,6 % pour les taux à dix ans. Mais il est possible aussi que les marchés s'abstiennent d'anticiper cette hausse.

Il avait été demandé à la Commission, lors de la discussion sur la réforme du Pacte, de mettre davantage l'accent sur le critère de l'évolution de la dette, et même, à l'initiative de la France, d'élaborer d'ici à 2006 une méthode commune pour estimer l'impact des implicite liabilities, liées notamment au vieillissement de la population, sur les finances publiques.

S'agissant du lien avec les politiques nationales, il est vrai que les programmes de stabilité et de convergence ne font pas partie, dans beaucoup de pays, des éléments du débat parlementaire. Toutefois, et c'est un apport du Conseil européen des 22 et 23 mars 2005, les programmes de réformes structurelles et les politiques orientées, dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, vers la croissance, l'emploi, la compétitivité et la cohésion sociale, seront élaborées simultanément au niveau national. C'est une très bonne chose, car il est souhaitable qu'il y ait une plus grande appropriation du débat par les Parlements nationaux, ainsi que par les partenaires sociaux et les opinions publiques.

Le Président Edouard Balladur a remercié le commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires, l'a félicité tant pour sa grande maîtrise des dossiers que pour la conviction avec lesquelles il les a exposés, et s'est dit d'accord, à titre personnel, avec l'essentiel des points de vue qu'il a exprimés, notamment sur la nécessité, dans l'intérêt même de la croissance et de l'emploi, de remettre de l'ordre dans les finances publiques.

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● Pacte de stabilité


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