COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 46

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 14 juin 2005
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Proposition de résolution de MM. René André et Marc Laffineur, rapporteurs au nom de la délégation pour l'Union européenne, sur les perspectives financières 2007-2013 - M. Roland Blum, rapporteur

- Informations relatives à la Commission

  

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Perspectives financières 2007-2013

La Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Roland Blum, la proposition de résolution de MM. René André et Marc Laffineur, rapporteurs au nom de la délégation pour l'Union européenne, sur les perspectives financières 2007-2013 (COM [2004] 501 final/E 2674, COM [2004] 487 final/E 2800) (n° 2368).

M. Roland Blum, Rapporteur pour avis, a estimé qu'il était important que dans le contexte actuel, alors que le Conseil européen s'ouvre le 16 juin prochain, la Commission des affaires étrangères, et plus largement le Parlement français, apportent leur soutien au Gouvernement. Les négociations à Bruxelles seront âpres. La représentation nationale doit faire preuve de cohésion. L'examen de la proposition de résolution présentée par la Délégation pour l'Union européenne sur les perspectives financières 2007-2013 en offre l'occasion.

La cohésion de la représentation nationale est d'autant plus nécessaire que le rejet de la Constitution européenne par la France puis par les Pays-Bas a ouvert une crise européenne dont nous ne mesurons encore que quelques effets. Faute de projet alternatif crédible au traité constitutionnel, l'Union navigue désormais à vue. Le premier écueil qui se trouve sur sa route est bien celui des perspectives financières pour la période 2007-2013. Les négociations qui se sont déroulées jusqu'à maintenant ont mis en lumière toutes les tensions qui existent entre les Etats membres avec, au centre du débat, la question de l'élargissement et son impact sur les finances européennes mais aussi le problème de la faible croissance dans l'Union, en particulier dans la zone euro.

Le budget européen fait l'objet, depuis 1988, d'un accord institutionnel entre la Commission, le Conseil et le Parlement européen. Ces institutions fixent pour sept ans les grandes lignes du budget de l'Union, ce que l'on appelle les perspectives financières. Outre une programmation budgétaire à moyen terme, elles permettent de déterminer des orientations politiques.

Les négociations actuelles portent sur la période 2007-2013 et sur un montant allant de 800 à 1000 milliards d'euros pour ces sept années. C'est la première fois qu'elles se déroulent avec vingt-cinq membres ce qui rend l'exercice infiniment délicat. La Commission européenne a fait deux séries de propositions en février et juillet 2004, par voie de communications. Elles se traduisent par la perspective d'une augmentation importante des dépenses européennes à hauteur de 1,24 % du RNB de l'Union.

Ce montant doit être rapproché de ceux que nous connaissons aujourd'hui. Les ressources de l'Union sont déjà plafonnées à 1,24 % du RNB. Mais les dépenses européennes n'atteignent cependant jamais ce plafond, tant s'en faut. Or la Commission propose de l'atteindre pour la période 2007-2013. Pour 2005, le budget de l'Union représente 116 milliards d'euros en crédits d'engagement soit 1,09 % du RNB européen et 105 milliards d'euros en crédit de paiement soit 0,99 % du RNB. C'est ce dernier chiffre que l'on retient habituellement.

L'une des premières questions qui se pose dans le cadre de la négociation est celle de l'impact de l'élargissement. L'entrée des dix nouveaux Etats membres s'est traduite par un accroissement de 20 % de la population de l'Union et de moins de 5 % de son PIB. On mesure le retard qui leur reste à combler avec notre aide. Ces dix pays recevront près de 28 milliards d'euros pour la période 2004-2006 en crédits de paiement. Le coût net est cependant moindre pour l'Europe des Quinze, à hauteur de 14,8 milliards d'euros, puisque les nouveaux Etats contribuent également au budget de l'Union.

Les perspectives 2007-2013 seront bien celles de l'élargissement qui a un impact sur la répartition des dotations agricoles ainsi que sur les politiques régionales.

Le véritable enjeu est donc de trois ordres. Les membres les plus anciens de l'Union doivent se montrer solidaires avec les nouveaux membres. L'Union doit pouvoir continuer à mener des politiques efficaces qui bénéficient à tous les Etats membres. Elle doit proportionner son engagement budgétaire à ses capacités réelles de gestion. De ce point de vue, il faut être lucide ; il est clair que l'échec de la Constitution européenne et l'éloignement de la perspective d'une Europe politique ne contribuent pas à ouvrir la possibilité d'une augmentation considérable du budget européen.

La question des contributions est l'une des plus sensibles. En matière de contribution au budget européen, il faut distinguer les contributions nettes des contributions brutes. L'Allemagne est le premier contributeur au budget communautaire avec environ 22 milliards d'euros en 2005, soit 21,1 % du total des recettes. La France est le second avec 17 milliards d'euros et 16,4 % du total. Viennent ensuite l'Italie (14,4 milliards d'euros et 13,6 %) et le Royaume-Uni (13,7 milliards d'euros et 13,05 %)

La question des contributions nettes est la plus délicate. En valeur absolue, la contribution nette la plus importante provient de l'Allemagne, avec 8,566 milliards d'euros, devant celle du Royaume-Uni (3,755 milliards d'euros), des Pays-Bas (2,9 milliards d'euros) et de la France (1,7 milliard d'euros).

Si l'on considère, cette fois, le rapport au PNB, ce sont les Pays-Bas qui contribuent, en solde net, le plus au budget de l'Union à raison de 0,64 % en 2003. Viennent ensuite la Suède et l'Allemagne (0,40 % en 2003), le Royaume-Uni (0,22 %), l'Autriche (0,16 %), le Danemark et la France (0,11 %).

Si l'on reprend enfin les éléments présentés dans le rapport de la Délégation pour l'Union européenne, on constate que, en moyenne, entre 2000 et 2002, la contribution nette par habitant s'est établie à : 208 euros par habitant pour les Pays-Bas, 132 pour la Suède, 108 pour l'Allemagne, 67 pour l'Autriche, 66 pour le Royaume-Uni, 42 pour le Danemark, 37 pour la France et 35 pour l'Italie.

La France se situe donc dans le groupe des contributeurs nets de niveau intermédiaire aux côtés de l'Italie, le Danemark et la Finlande. Elle contribue beaucoup mais reçoit également beaucoup, en grande partie grâce à la PAC.

Pour résumer, en 2003, la France a payé 15,2 milliards d'euros (y compris 1,4 milliard au titre du « rabais britannique ») et elle a reçu 13,5 milliards d'euros avec deux postes principaux : 10 milliards au titre de la PAC et 2 milliards au titre des actions structurelles. La France a supporté, en 2003, 16,5 % du financement de l'Union européenne.

A titre de comparaison, la même année, le Royaume-Uni a versé 10 milliards d'euros (soit 15 milliards moins 5 milliards au titre du « rabais »). Il a reçu 6,2 milliards (essentiellement 4 milliards d'euros au titre de la PAC et 1,4 milliard au titre des actions structurelles). Le Royaume-Uni a supporté, en 2003, 11 % du financement de l'Union européenne après rabais. Avant rabais, ce taux serait de 16 % environ.

Ce sont les propositions de la Commission européenne qui ont servi de référence pour la négociation. Le Parlement européen a, quant à lui, adopté un rapport de sa commission spéciale qui marque certaines inflexions mais propose un montant de dépenses encore au-dessus de ce que souhaitent la France et cinq de ses partenaires.

Les propositions de février et juillet 2004 présentées par la Commission portent tout d'abord sur une nouvelle structure des dépenses européennes. On comptera désormais cinq rubriques : 1a. Compétitivité pour la croissance et l'emploi et 1b. Cohésion pour la croissance et l'emploi ; 2. Conservation et gestion des ressources naturelles ; 3. Citoyenneté, liberté, sécurité et justice ; 4. L'Union européenne en tant que partenaire mondial ; 5. Dépenses administratives.

Dans la première rubrique on trouve les moyens destinés à la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne mais aussi les fonds structurels actuels. Cette rubrique représenterait un montant de plus de 470 milliards d'euros, l'essentiel (338 milliards) étant consacré à la cohésion.

La rubrique 2 du cadre proposé par la Commission européenne couvre les programmes actuels suivants : agriculture, pêche, protection de l'environnement. Le budget total pour cette rubrique, pour 2007-2013, serait d'environ 404,7 milliards d'euros en crédits d'engagement. Ce poste augmenterait seulement de 3 % dans la période 2007-2013.

La rubrique 3 serait relative aux politiques de « Citoyenneté, liberté, sécurité et justice ». Elle serait la plus faiblement dotée avec 24,7 milliards d'euros pour la période.

La rubrique 4 serait relative aux politiques permettant à l'Union européenne d'intervenir en tant qu'acteur mondial. Cette rubrique serait dotée de 92,1 milliards d'euros. Elle correspond à la rubrique « Actions extérieures » des précédentes perspectives financières, à laquelle viennent s'ajouter les aides de pré-adhésion qui se trouvaient jusqu'à présent dans une rubrique distincte et le Fonds européen de développement.

En définitive, la Commission propose un montant total de dépenses de 1,24 % du RNB soit environ 1022 milliards d'euros en crédits d'engagement et 943 milliards d'euros en crédits de paiement.

La Commission a aussi fait des propositions sur le « chèque britannique ». Elles ne sont pas satisfaisantes. La Commission propose de supprimer l'abattement britannique moyennant cependant un « mécanisme de correction généralisé » des contributions les plus importantes. C'est un dispositif complexe qui vise à limiter le poids des contributions les plus importantes tout en lissant les effets de la disparition du « chèque britannique ». Les bénéficiaires de ce dispositif seraient aujourd'hui au nombre de cinq : le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas et la Suède. Le Royaume-Uni serait le principal bénéficiaire de ce dispositif avec une compensation de 2,1 milliards d'euros soit le double de ce que recevrait l'Allemagne au titre de ce mécanisme. Cette compensation serait cependant bien inférieure pour le Royaume-Uni à ce que ce pays perçoit aujourd'hui (5 milliards en 2003). Le solde net britannique passerait de - 0,25 % à - 0,51 %, ce qui est moins favorable. Avec ce mécanisme, deux pays - l'Allemagne et les Pays-Bas - verraient leur situation s'améliorer que ce soit par rapport à la situation actuelle ou en l'absence total de correction. Un autre groupe comprenant l'Italie, Chypre, le Danemark, la Finlande et la France, réunit des pays qui verront leur situation s'améliorer mais dans une proportion moindre que dans le cas où la chèque britannique serait supprimé purement et simplement. La France verrait son solde passer à - 0,33 % avec la correction généralisée proposée et - 0,37 % en l'absence de correction. Les deux tiers des pays membres seraient défavorables à ce mécanisme de correction généralisé.

La présidence luxembourgeoise a proposé, quant à elle, le 2 juin 2005, un montant total de dépenses de 1,06 % du RNB soit 871 milliards d'euros, ce qui est au-delà des 815 milliards proposés par le groupe des six dont la France fait partie aux côtés de l'Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Suède et l'Autriche. Quant au « chèque britannique », la présidence propose de le geler à son niveau avant élargissement (soit 4,6 milliards d'euros) puis de le réduire progressivement. On rappellera que si le rabais demeure en l'état, il atteindra plus de 7 milliards d'euros par an pour la période 2007-2013.

Notre pays défend trois priorités dans le cadre des ces perspectives : la solidarité, avec les nouveaux Etats membres et les agriculteurs, la croissance, conformément aux objectifs de Lisbonne, l'affirmation de la place et du rôle de l'Europe dans le monde. Comme l'écrivent MM. René André et Marc Laffineur : les trois pierres angulaires de la négociation sont le cantonnement du budget communautaire à hauteur de 1 %, le respect des accords de Bruxelles et de Copenhague s'agissant du « premier pilier » de la PAC, ainsi que le renforcement de l'équité et de la transparence du budget, par la suppression de l'abattement britannique.

La position française relative à la limitation du montant des dépenses européennes à hauteur de 1 % du RNB n'est pas isolée puisque cinq autres Etats se sont associés à notre pays en décembre 2003 pour réclamer cette stabilisation des dépenses communautaires. L'enveloppe prévue par ces six pays pour l'ensemble de la période 2007-2013 est donc de 815 milliards d'euros, en prix 2004, contre 1 022 milliards d'euros, pour la proposition de la Commission.

Cette stabilisation ne signifie nullement une stagnation des dépenses de l'Union dans la mesure où l'on raisonne en pourcentage du RNB qui, lui, évolue régulièrement. Selon M. Thierry Breton, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, la progression du budget européen serait de 50 milliards d'euros par rapport à la période 2000-2006, selon le scénario à 1 %.

Pourquoi s'en tenir à une stabilisation des dépenses de l'Union ? Cette décision semble justifiée d'abord par des considérations liées aux circonstances budgétaires et économiques. En dépit des efforts du Gouvernement, la France mais aussi l'Allemagne connaissent des situations budgétaires tendues qu'il faut maîtriser pour éviter de rompre le Pacte de stabilité. Or le poids budgétaire de la contribution de notre pays au budget de l'Union n'est pas négligeable : 6,82 % des recettes fiscales de l'Etat pour un montant de près de 17 milliards d'euros.

Quel serait l'impact des différents scénarios pour les finances de la France ? Sur la période 2007-2013, la contribution brute de la France serait de 149 milliards d'euros selon la proposition de la Commission, de 147 milliards selon la proposition du rapporteur du Parlement européen et de 129 milliards d'euros avec un budget limité à 1% du RNB. Sur cette période, la différence serait donc de 20 milliards d'euros.

Si l'on raisonne en solde, la proposition de la Commission se traduirait par un solde moyen pour la France de - 0,35 % du RNB pour la période 2007-2013 et de - 0,37 % en 2013. En revanche, un budget limité à 1 % permettrait de limiter à - 0,31 % du RNB en moyenne sur la période et à 0,32 % en 2013.

La seconde raison qui milite en faveur de la limitation du budget européen réside dans le fait que l'Union n'a pas les structures pour assurer un réel suivi des sommes qu'elle met en jeu. Il faut ainsi adapter les capacités budgétaires de l'Union à ses capacités politiques et administratives. L'Europe ne doit pas se contenter d'être un guichet mais mener des politiques dont elle assure le contrôle.

La France propose la suppression pure et simple du rabais britannique mais selon un processus progressif. Cette mesure aurait le mérite de rendre plus lisible les conditions dans lesquelles chacun des pays contribue. Le chèque britannique qui pouvait être justifié en 1984 ne l'est plus aujourd'hui alors que le Royaume-Uni bénéficie d'une économie florissante.

Notre pays défend également le respect des engagements de l'Union européenne en matière de dépenses agricoles. L'accord de Bruxelles de 2002 obtenu à l'initiative conjointe de la France et de l'Allemagne et qui a réuni tous les Etats membres ne doit pas être remis en cause.

La part du premier pilier de la PAC, qui représentait 0,61 % du PIB de l'Union en 1993 et s'établit actuellement à 0,43 %, diminuerait à 0,34 % en 2013. Le solde net de la France au titre de la PAC diminuerait, passant de quelques 2,5 milliards d'euros en 2004, à 2 milliards en 2007 et moins de 1,5 milliard en 2013. On ne peut donc affirmer que la France ne fait aucun effort dans le cadre de ces perspectives financières. De même la politique agricole commune a démontré son efficacité et les Européens lui portent un grand intérêt. Cette politique ne doit pas pâtir des tensions actuelles. Le rapporteur du Parlement européen a évoqué, quant à lui, l'hypothèse d'un cofinancement des dépenses agricoles. Cette proposition n'est pas acceptable car elle équivaudrait à un véritable démantèlement à terme de la PAC.

La France entend également défendre le principe de solidarité à l'égard des nouveaux membres. La Commission européenne propose que les dépenses de cohésion atteignent 0,41 % du RNB ce qui n'est pas tout à fait compatible avec l'objectif de limitation des dépenses à 1 % du RNB européen. Des ajustements seront donc nécessaires ; ils ne sont pas hors de portée quand on connaît les difficultés que connaît l'Union dans l'exécution réelle des crédits de la politique de cohésion. Des marges de manœuvre existent.

La France entend, enfin, que l'Union s'investisse davantage en politique étrangère. La budgétisation du Fonds européen de développement (FED) devrait permettre de donner plus de transparence à certaines actions, sous le contrôle du Parlement européen.

La proposition de résolution présentée par la Délégation pour l'Union européenne paraît, quant à elle, défendre au mieux les intérêts de la France et de l'Union. Elle sera de nature à renforcer la position de notre Gouvernement lors du prochain Conseil européen. Elle mériterait cependant d'être nuancée sur trois points qui chacun feront l'objet d'un amendement.

Elle en appelle tout d'abord au principe de subsidiarité en indiquant que les interventions budgétaires de l'Union doivent être réservées aux domaines où l'action communautaire est plus efficace que les actions nationales et apporte une réelle valeur ajoutée.

Elle rappelle ensuite les objectifs que poursuit le Gouvernement. Elle met également en exergue l'objectif de maîtrise des dépenses publiques, en critiquant la proposition de la Commission européenne qui prévoit une progression trop importante des dépenses de l'Union sans fixer de claires priorités.

Ces rappels étant faits, la Délégation pour l'Union européenne apporte son soutien à la limitation des dépenses à 1 % du RNB. Elle insiste aussi sur l'effort qui doit être porté sur la recherche-développement conformément à la stratégie de Lisbonne, notamment en matière de sécurité et de défense. Elle souhaite enfin que les propositions apportées par le Conseil respectent le principe de solidarité et assure la pérennité des politiques communes.

La proposition de résolution s'oppose aussi au mécanisme de correction généralisé présenté par la Commission européenne ainsi qu'à toutes propositions tendant à créer un cofinancement national de la PAC. On pourrait préciser ici le texte de la proposition qui semble écarter le principe de tout mécanisme de correction. Si celui proposé par la Commission européenne n'est pas acceptable, en effet, il ne faut pas fermer la porte, dans la négociation, à d'autres mécanismes éventuels.

La proposition de résolution réaffirme également la nécessité de maintenir l'enveloppe de la PAC en prenant en compte les conséquences du futur élargissement de l'Union à la Bulgarie et à la Roumanie. Il semble ici souhaitable d'ouvrir les perspectives d'un débat sur la PAC, mais seulement après 2013, tout en liant ce débat à la question de la préférence communautaire. L'Europe ne peut, en effet, renoncer en partie aux aides agricoles ou aux interventions sur les marchés en laissant de côté la question des droits de douane qui se négocient aujourd'hui dans le cadre des cycles de l'OMC.

La proposition de la Délégation se prononce en faveur de l'harmonisation de l'assiette de l'impôt sur les sociétés dans les meilleurs délais de sorte que, dans le cadre de la réforme du financement de l'Union, une fraction de cet impôt puisse contribuer aux ressources de l'Union européenne. Cela pourrait, en effet, être un premier pas vers l'harmonisation fiscale.

Enfin la Délégation souhaite, dans sa proposition de résolution, que la correction budgétaire dont bénéficie le Royaume-Uni soit supprimée totalement, par étapes, avant la fin 2013. On souscrira à cet objectif.

En conclusion, M. Roland Blum a considéré que la proposition de la Délégation pour l'Union européenne était conforme aux intérêts de la France et de l'Union européenne dans la perspective d'une négociation difficile. Il a proposé, en conséquence, d'émettre un avis favorable à l'égard de cette proposition sous réserve de quelques amendements visant à en préciser les termes.

M. Jacques Myard a estimé que l'examen des perspectives financières 2007-2013 représentait l'illustration parfaite du nœud gordien de l'actuelle construction européenne. Il existe en effet un hiatus majeur entre, d'une part, les évolutions politiques de l'Union et le projet de traité constitutionnel, rejeté par les Français le 29 mai dernier, et, d'autre part, le cadre budgétaire envisagé pour la période 2007-2013, dans la mesure où il est totalement illusoire de croire que la mise en œuvre de l'élargissement et les compétences nouvelles que veut s'arroger l'Union sont compatibles avec la limitation du budget de l'Union à 1 % du RNB. Il s'agit là d'une contradiction fondamentale qui ne peut pas ne pas susciter l'étonnement, d'une contradiction structurelle de la construction européenne, qui se caractérise par la démultiplication des compétences de l'Union, sous forme de saupoudrage.

Il a jugé que l'Union européenne devenait une Union de transferts, ce qui était inéluctable dans le cadre d'un marché unique et d'une monnaie unique : dans un tel cadre, le budget « fédéral » ne pouvait qu'augmenter en faveur des membres les plus pauvres de l'Union. Il a ajouté que l'alternative était soit entre cette Union de transfert, dont il fallait dès lors accepter le coût politique et budgétaire - équivalent à 0,5 % du PIB pour la France, contre 0,12 % aujourd'hui, soit le quadruplement de la participation française -, soit entre un changement dans la structure même de la construction européenne. A cet égard, il a plaidé pour une concentration de l'action de l'Union européenne sur un nombre limité de politiques et l'élaboration de certaines normes, le reste revenant à la charge des Etats. Il a jugé que toute autre voie était vouée à l'échec, un échec inscrit au cœur même de la mécanique.

Concernant la proposition de résolution, il a estimé logique de demander la fin de ce système dérogatoire qu'est le rabais britannique, tout en soulignant que dans la logique actuelle de l'Union de transferts, la contribution britannique, devrait, pour atteindre un niveau normal, être multipliée par quinze. Il s'est en revanche opposé au point 7 de la résolution de MM. René André et Marc Laffineur, qui demandait une harmonisation de l'assiette de l'impôt sur les sociétés, arguant de ce que l'absence d'harmonisation fiscale était la seule flexibilité qui restait aujourd'hui aux Etats.

Estimant le cadre du débat inapproprié à un examen approfondi des fondements et des mécanismes de la construction européenne et centrant son propos sur la proposition de résolution, M. Serge Janquin a indiqué que le groupe socialiste considérait que la limitation du budget de l'Union à 1 % du RNB n'était pas soutenable compte tenu de l'élargissement et des efforts nécessaires à mener en matière de recherche et d'investissement et qu'il ne pouvait donc soutenir la proposition de résolution. Soulignant toutefois que le chef de l'État et le Gouvernement allaient se trouver dans une situation très difficile lors du Conseil des 16 et 17 juin, pour des raisons indépendantes des questions budgétaires, pendantes bien avant le referendum du 29 mai dernier, il a expliqué que le groupe socialiste, ne souhaitant pas rendre la tâche des autorités françaises plus difficile encore, s'abstiendrait sur la proposition de résolution.

Le Président Edouard Balladur a fait observer que ce qui contrariait l'efficacité de la zone monétaire était, non l'insuffisance des transferts budgétaires au sein de l'Union, mais l'insuffisante harmonisation fiscale et sociale. Il a rappelé qu'une plus grande harmonisation en la matière impliquerait que le Conseil des ministres européen statuât à la majorité qualifiée sur ces sujets, ce dont la plupart des Etats membres ne voulaient pas.

La Commission est passée ensuite à l'examen de l'article unique.

La Commission a adopté un amendement du Rapporteur pour avis ayant pour objet de montrer que l'Assemblée nationale ne s'opposait pas, par principe, à tout mécanisme de correction pouvant constituer une solution pour aboutir à la disparition du « rabais britannique ». Le Rapporteur pour avis a indiqué qu'il s'agissait de faire état de l'opposition de l'Assemblée nationale uniquement au mécanisme proposé par la Commission européenne en 2004 et qui est défavorable à la France.

Concernant le point 5 de la proposition de résolution, M. Jacques Myard a observé que le montant de l'enveloppe prévue pour les dépenses du premier pilier de la PAC s'élevait à 303 milliards d'euros, et non à 301 milliards, compte tenu de l'élargissement de l'Union à la Roumanie et à la Bulgarie.

Après que le Président Edouard Balladur eut précisé que le Président de la Commission des finances avait été consulté sur ce sujet, la Commission a adopté un amendement du Rapporteur pour avis appelant, après le point 5 de la proposition, à l'ouverture d'une réflexion sur l'avenir de la PAC après 2013 en lien avec la question de la préférence communautaire. Le Rapporteur pour avis a précisé que cet amendement entendait montrer que l'Assemblée nationale n'est pas fermée à toute discussion sur l'avenir de la PAC après 2013, date à laquelle l'accord de 2002 prendra fin mais que, toutefois, une telle réflexion ne pouvait qu'aller de pair avec un débat sur la préférence communautaire notamment dans le cadre des cycles de négociations de l'OMC.

M. François Guillaume a observé que le premier pilier de la PAC relatif aux dépenses agricoles de marché et de paiements directs ne devait pas disparaître au profit du second pilier consacré au développement rural. Les aides aux productions agricoles ne devraient pas être transférées vers celles qui concernent l'aménagement rural ou encore le financement de la retraite anticipée des agriculteurs des pays de l'Est, à l'instar du mécanisme de l'indemnité viagère de départ mis en place en France dans les années 1960. Les dépenses agricoles, qui relèvent de la catégorie des dépenses obligatoires au plan communautaire, demeurent soumises à l'accord du Conseil des Ministres, ce dont il faut se réjouir. Néanmoins, il faut demeurer vigilant en la matière.

En conséquence, M. François Guillaume a présenté un amendement visant à rappeler qu'il était nécessaire de maintenir, dans le cadre de la PAC, une incitation à la production. La Commission a adopté cet amendement, après que M. Serge Janquin eut précisé que le groupe socialiste y était opposé.

La Commission a enfin adopté deux amendements au point 8 de la proposition de résolution, l'un précisant les raisons de l'opposition de l'Assemblée nationale au maintien du « rabais britannique », l'autre de nature rédactionnelle.

La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article unique ainsi modifié.

Conformément aux conclusions du Rapporteur pour avis, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption de la proposition de résolution (n° 2368) ainsi modifiée.

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Informations relatives à la Commission

· M. Roland Blum a été nommé rapporteur pour avis pour la proposition de résolution de MM. René André et Marc Laffineur, rapporteurs au nom de la délégation pour l'Union européenne, sur les perspectives financières 2007-2013 (COM [2004] 501 final/E 2674, COM [2004] 487 final/E 2800) (n° 2368).

· La Commission a décidé la création d'une mission d'information sur la situation en Haïti et désigné MM. Roland Blum et Henri Sicre comme rapporteurs.

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