COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 47

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 15 juin 2005
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Antonio Maria Costa, Secrétaire général adjoint des Nations unies, Directeur exécutif de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime

  

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Audition de M. Antonio Maria Costa, Secrétaire général adjoint des Nations unies, Directeur exécutif de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime

Accueillant M. Antonio Maria Costa, Secrétaire général adjoint des Nations unies, Directeur exécutif de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime, le Président Edouard Balladur a rappelé que la libéralisation des échanges, qu'il s'agisse de la circulation des marchandises ou de celle des flux financiers, avait facilité l'internationalisation des trafics de drogue et le développement d'une criminalité organisée transnationale. De même, les facilités fournies par les technologies nouvelles sont largement utilisées par cette grande délinquance ; c'est ce qu'on appelle la cybercriminalité. Il a donc souhaité que la Commission soit informée sur les évolutions du trafic international de drogue : quels sont aujourd'hui les « chemins de la drogue » ; ont-ils évolué, que représente ce trafic en termes économiques dans la production mondiale ? Peut-on dire aujourd'hui que toutes les autorités des Etats producteurs sont sérieusement engagées dans la lutte contre la drogue ? Où en sont notamment les phases de destruction des plantations de drogue ? Evoquant ensuite les réponses apportées sur le plan juridique, avec l'adoption de nombreuses conventions internationales ou communautaires en vue de réprimer ce trafic et de punir les infractions dérivées, telles que le blanchiment, qui en sont issues, il a souhaité disposer d'un bilan général de ces différents dispositifs et des propositions en vue de leur amélioration éventuelle.

M. Antonio Maria Costa, Secrétaire général adjoint des Nations unies, Directeur exécutif de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime, a expliqué que la première tâche de l'office qu'il dirigeait était de mener des recherches et de produire des analyses. En dépit de moyens limités, c'est un travail extraordinaire qui est accompli en la matière : M. Antonio Maria Costa a évoqué à cet égard le rapport de synthèse annuel établi sur la drogue, ainsi que les rapports concernant les pays les plus sensibles dans ce domaine et, enfin, les rapports thématiques, tel le plus récent, sur le lien entre criminalité et sous-développement en Afrique. Il a expliqué que ce travail de recherches n'était pas de nature académique mais visait à doter les Nations unies d'analyses permettant de concentrer leur action législative et opérationnelle de la manière la plus pertinente possible.

L'Office des Nations unies contre la drogue et le crime a également une mission législative. M. Antonio Maria Costa a rappelé à cet égard que trois grandes conventions régissaient la lutte contre la drogue : la convention unique sur les stupéfiants de 1961, visant à contrôler la production, le trafic et la possession de drogue, la convention sur les substances psychotropes de 1971, établissant un système de contrôle international des substances psychotropes, et la convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988, qui contient des mesures contre le trafic de drogue et le blanchiment d'argent. Il a ajouté qu'à côté de ces conventions anciennes, se développaient depuis quelques années de nouvelles conventions contre le crime, citant la convention sur la criminalité transnationale organisée de 2000, entrée en vigueur en 2003, et la convention des Nations unies contre la corruption, signée en 2003. Il a expliqué que le développement de ce nouveau type de conventions prenait sa source dans la dimension aujourd'hui transnationale du crime, du fait de la libéralisation des marchés, des communications et des transports.

Abordant la coopération technique, troisième pan d'activité de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime, il a précisé qu'elle absorbait les trois quarts de son budget, était mise en œuvre par vingt-quatre bureaux à travers le monde, soit 500 fonctionnaires internationaux et 2 500 fonctionnaires locaux, et qu'elle prenait la forme de 250 à 300 projets mis en œuvre en permanence, généralement d'une durée de trois ans. Les champs de ces projets opérationnels sont divers : assistance aux gouvernements en matière de lutte contre le crime, de contrôles policiers ou de gestion du système judiciaire, aide à la prévention par l'assistance aux centres de traitement pour les toxicomanes, assistance dans la lutte contre la corruption. Il a ajouté que les volets « prévention-traitement-réhabilitation » d'un côté et répression des drogues de l'autre représentaient les principaux secteurs d'activité, soit, pour chacun, 29 % de l'activité opérationnelle de l'Office en 2005. A ces missions principales s'ajoutent, par exemple, la lutte contre le trafic d'êtres humains, contre le blanchiment d'argent ou encore la prévention du terrorisme, avec la mise en œuvre des treize instruments juridiques universels contre le terrorisme. Ce sont, au total, environ 100 millions d'euros qui sont consacrés chaque année à ces missions.

M. Antonio Maria Costa a fait valoir que, par ses missions, l'Office soutenait la stabilité, la paix et le développement internationaux, s'inscrivant ainsi dans la « dynamique de progrès » évoquée en 1996 par M. Kofi Annan, Secrétaire général de l'ONU, dont était porteuse la trilogie « paix-sécurité-développement » : l'Office s'attache en effet à enrayer la « dynamique d'échec » que produit la conjonction « drogues-crime-terrorisme ». Il a précisé que la réforme des Nations unies proposée par le Secrétaire général de l'organisation aiderait, si elle aboutissait, à faire progresser la première trilogie au détriment de la seconde.

Abordant ensuite l'examen de la situation des drogues sur le plan mondial, le directeur exécutif de l'Office des Nations unies a expliqué que la situation était en évolution constante, qu'il s'agisse de la production de drogues organiques (opium, héroïne, cocaïne, crack, cannabis, marijuana et haschich) ou de drogues synthétiques.

S'agissant tout d'abord de la production de cocaïne, la situation était en nette amélioration il y a quelques semaines encore, s'inscrivant dans une tendance amorcée en 2000 : depuis 2000, on a assisté ainsi à une très forte diminution de la culture de la cocaïne (- 30 %) en Bolivie, Colombie et au Pérou. Toutefois, il semblerait que la tendance se soit légèrement inversée récemment, avec une reprise à la hausse (+ 3 %) de la surface cultivée. M. Antonio Maria Costa a expliqué qu'il y avait deux raisons à ce retournement : en premier lieu, du côté de la demande, si elle baisse aux Etats-Unis, elle est, en revanche, en forte hausse en Europe et en Russie ; en second lieu, du côté de l'offre, l'effondrement du gouvernement en Bolivie et la faiblesse des autorités au Pérou favorisent la reprise de la culture de la coca, avec une augmentation de la surface cultivée de 14 % en Bolivie et de 17 % au Pérou. Par contraste, la Colombie, dotée d'un exécutif fort, a vu la surface cultivée diminuer de 50 % de 2000 à 2004, passant de 160 à 80 hectares.

S'agissant ensuite de la production d'opium et du trafic d'héroïne, M. Antonio Maria Costa a expliqué que la zone de production traditionnelle qu'était le triangle d'or - Birmanie, Laos, Thaïlande, Chine - avait fortement reculé, au profit de l'Afghanistan. Ainsi, à l'instar de la Thaïlande il y a quelques années, le Laos pourrait, dans les mois à venir, être déclaré zone libre de la culture de l'opium ; au Myanmar (ex Birmanie), la réduction de la production se poursuit également dans d'importantes proportions. Avec 85 % de la production mondiale, l'Afghanistan connaît en revanche une forte augmentation des surfaces d'opium cultivées. A cet égard, l'année 2004 aura été un véritable désastre, avec une augmentation de 64 % de la production. M. Antonio Maria Costa a toutefois estimé que celle-ci baisserait en 2005, non pas, cependant, du fait des mesures prises à cet effet, mais par effet de correction du marché.

En ce qui concerne la culture du haschich, celle-ci est essentiellement localisée au Maroc et très spécifiquement dans le nord du pays, sur 120 000 hectares. Sa production y a toutefois diminué de 10% en 2003. De leur côté les Pays-Bas produisent des drogues synthétiques comme l'ecstasy ou les amphétamines, éminemment dangereuses. Les laboratoires néerlandais clandestins se déplacent facilement, notamment en Belgique et en Pologne pour en fabriquer.

Du point de vue des pratiques addictives, si la toxicomanie est en baisse aux Etats-Unis chez les jeunes entre 16 et 24 ans, la consommation d'alcool et de cigarettes augmente.

En Europe, les pratiques évoluent également, avec une baisse de la consommation d'héroïne et une augmentation de la cocaïne et du crack. Quant au cannabis, de façon inquiétante, son usage s'est très fortement banalisé et répandu chez les jeunes entre 15 et 25 ans.

A l'Est de l'Europe, en Russie et dans certaines parties de Chine, la consommation d'héroïne est en très forte augmentation et représente un vrai danger. Dans le Sud-est asiatique, au Laos, au Cambodge et en Thaïlande notamment, les métamphétamines connaissent un essor significatif. Environ 8 à 10% de la population en consommerait dans le but de travailler davantage, entre 12 et 14 heures quotidiennes, et non dans un but festif. En comparaison avec l'héroïne qui est un narco-stupéfiant, les amphétamines sont une drogue « moderne » stimulante. Toute consommation de drogues est révélatrice d'une certaine dynamique sociale liée à une situation politique intérieure donnée.

La valeur du marché de la drogue est substantielle. En 2003 les prix au détail atteignaient 320 milliards de dollars, contre 94 milliards de dollars pour les prix des grossistes et 13 milliards de dollars pour les prix des producteurs locaux.

En ce qui concerne l'Afrique, le rapport de mai 2005 de l'Office contre la drogue et le crime met en perspective le lien entre crime et pauvreté. Il apparaît que le continent africain connaît le taux de violence le plus important, non seulement du fait des crimes « classiques » comme le vol, les coups et blessures, le meurtre et le viol, mais également du fait de la corruption, du blanchiment d'argent et du trafic d'êtres humains. Le Secrétaire général adjoint a indiqué que ce rapport avait pour but de favoriser l'aide africaine lors du prochain sommet du G8. En effet, les besoins de développement en matière de santé, d'éducation, d'infrastructures, de bonne gouvernance et d'Etat de droit sont une condition indispensable pour attirer les investisseurs et lutter contre la pauvreté. Une prochaine étude concernera l'Amérique latine, l'Amérique centrale et les Caraïbes. Par ailleurs, au printemps 2006, le premier rapport sur les crimes sera publié.

M. Roland Blum a demandé si la détermination des gouvernements avait réellement un impact sur le niveau de production des matières premières nécessaires à la fabrication des stupéfiants. S'agissant de la consommation, les politiques menées comportent à la fois un volet préventif ou curatif, d'un côté, et un volet répressif, de l'autre : quelle est leur efficacité ? Que penser de la dépénalisation du cannabis ?

M. Axel Poniatowski a fait part de sa perplexité face à la situation du Maroc, qui est un important pays producteur, sans pour autant entrer dans la catégorie des pays déstabilisés ou dépourvus d'un pouvoir central organisé. Faut-il en conclure que la communauté internationale fait preuve d'une trop grande tolérance à l'égard de ce pays ? Pourquoi ne parvient-on pas à y éradiquer la production du cannabis ?

M. Paul Quilès a estimé que les informations communiquées étaient extrêmement intéressantes, alors même que le trafic de drogue constitue un danger pour la sécurité mondiale. Les mesures mises en œuvre actuellement sont-elles efficaces ? Le marché de la drogue est-il en expansion ou en déclin ? Des objectifs raisonnables en matière de lutte contre la production sont-ils envisageables ? A certains égards, les politiques mises en œuvre vis-à-vis de certains pays producteurs n'ont-elles pas pour conséquence un déplacement de la production dans de nouvelles zones, sans pour autant donner de véritables résultats à l'échelle mondiale ?

M. Louis Guédon a souhaité obtenir des précisions sur l'évolution de la production du cannabis en indiquant que le chanvre produit dans le bassin méditerranéen comporte des doses de THC comprises entre 2 et 8 %, tandis que les producteurs néerlandais cultivent en toute liberté des variétés pouvant atteindre des teneurs comprises entre 20 et 30 %, faisant de ce stupéfiant un produit d'une grande toxicité, dont l'usage peut même s'avérer mortel.

M. André Schneider a réagi aux propos faisant état d'une différence de un à cent entre les revenus des producteurs de drogue et ceux des vendeurs en demandant s'il n'était pas possible d'axer la politique de la communauté internationale autour du développement des subventions aux produits agricoles de substitution.

En réponse aux différents intervenants, M. Antonio Maria Costa a apporté les éléments suivants :

- La lutte contre la drogue ne doit pas être abordée d'un point de vue strictement technique, car elle renvoie à des questions de société plus profondes. En ce domaine, il est nécessaire d'établir un équilibre entre la prévention et la répression, l'ONU étant plutôt encline à privilégier ce dernier aspect. Néanmoins, les Nations unies apportent aussi une aide de plus en plus soutenue aux pays membres afin d'instituer des dispositifs législatifs permettant de rendre plus efficace la répression.

- Concernant la légalisation du cannabis, il convient tout d'abord de revenir sur la distinction contestable opérée entre les drogues dures et douces. Cette distinction se fonde généralement sur la base du nombre de morts liées à la consommation de ces substances. Il est clair que l'héroïne tue, ce qui n'est pas le cas du cannabis aujourd'hui. Néanmoins, on constate que la toxicité du cannabis va en s'accroissant, certains produits atteignant un pouvoir de toxicité de plus de 10 % et même parfois bien au-delà. De ce fait, cette drogue commence à entraîner des problèmes de santé extrêmement sérieux. Il est également patent que tous les toxicomanes qui font usage d'héroïne ont commencé par consommer du cannabis, ce qui ne signifie évidemment pas que le passage du second au premier soit une fatalité. Le risque d'une banalisation de la consommation de cannabis existe, avec en perspective des conséquences graves sur la santé, notamment psychologique, et en particulier des populations jeunes. Les effets constatés peuvent être parfois terrifiants. C'est pourquoi il ne peut être question, à l'échelon mondial, d'envisager que l'usage du cannabis pourrait devenir légal.

- Concernant la production de cannabis dans les pays développés tels que les Etats-Unis, le Canada ou les Pays-Bas, on constate que cette culture hydroponique - c'est-à-dire hors sol - est souvent réalisée dans des quartiers privilégiés de grandes villes. Les Etats-Unis ont pris des mesures de plus en plus draconiennes pour lutter contre ces productions, les Pays-Bas s'engageant également dans une voie plus répressive. Ainsi, l'on constate que l'on est passé, dans ce pays, de 1 800 coffee shops, il y a quelques années, à un peu plus de 600 aujourd'hui. Des mesures sévères ont été mises en œuvre par le gouvernement néerlandais pour lutter également contre l'importation de cocaïne en provenance des Caraïbes.

- Il faut rappeler aussi que 5 millions de personnes meurent chaque année à cause du tabac, contre 2,5 millions de personnes en raison de l'alcool et 250 000 après avoir consommé de la drogue. Néanmoins, il est clair que, si on s'engageait dans une politique de libéralisation de l'usage des drogues, à l'instar de ce qui existe aujourd'hui pour le tabac, on verrait le taux de décès lié à cet usage s'accroître considérablement.

- Depuis un peu moins de deux ans, des négociations parfois âpres se sont engagées avec le Maroc afin d'entreprendre une étude sur la culture du cannabis dans ce pays. Elles ont abouti à un rapport démontrant que 120 000 hectares étaient consacrés à la production de cannabis, qui s'élève à 5 000 tonnes par an. Cette production rapporte un peu moins d'un milliard de dollars par an au Maroc et 13 milliards de dollars en dehors de ce pays. Par cette étude, il ne s'agissait pas de mettre en accusation le Maroc, mais de mieux comprendre le problème de la production du cannabis, afin de déterminer ensuite les mesures les plus appropriées pour y remédier. On peut considérer qu'il existe globalement une attitude trop tolérante à l'égard de la culture du cannabis dans ce pays. Mais des solutions peuvent être envisagées, même si elles seront difficiles à mettre en œuvre. Des contacts ont ainsi été pris avec la Banque européenne d'investissement, afin de renforcer les actions dans les régions rurales où le cannabis est produit, en particulier au nord de ce pays. Il s'agirait d'y promouvoir un « développement alternatif ». On constate, d'ailleurs, que les paysans ne souhaitent pas nécessairement demeurer dans l'illégalité, la culture du cannabis ne s'avérant pas, en effet, aussi profitable pour eux que les cultures légales. On pourrait aussi envisager de développer le potentiel touristique du nord du Maroc, proche de l'Europe, qui apparaît aujourd'hui encore, comme un espace géographique abandonné.

- Après le lancement en 1998 d'une grande réflexion au sein de l'ONU sur la lutte contre la drogue au plan mondial, des progrès ont été accomplis dans l'appréciation du phénomène et de son étendue. Ainsi, il y a cinq ans, on ne disposait de données que pour l'Amérique du Nord et l'Europe ; désormais, on a une meilleure connaissance de la question pour l'ensemble du monde ; on a ainsi découvert que l'Asie, et en particulier la Chine, connaissait d'énormes difficultés en la matière ; on dispose également d'études sur la Russie mettant en évidence les liens qui existent entre l'usage de la drogue et la contagion par le VIH. On a pu aussi constater des progrès concrets dans la lutte contre la drogue dans certaines régions du monde : par exemple, dans les pays andins, où la production de cocaïne a fortement baissé. En revanche, dans certains Etats comme l'Afghanistan, la situation se dégrade. Dans ce pays comme dans d'autres, le gouvernement est encore trop faible pour lutter efficacement contre la production de drogue. De manière générale, on observe que, lorsque l'attention de la communauté internationale se porte sur un pays producteur de drogue, cela a pour effet de réduire cette activité illicite dans ce pays précis, mais conduit souvent également à déplacer le problème vers d'autres Etats moins en vue.

M. Bernard Leroy, Conseiller juridique interrégional à l'Office des Nations Unies contre les drogues et le crime, a fait observer que l'usage, la détention et la vente de produits stupéfiants n'étaient pas légalement autorisés aux Pays Bas, ce qui met le pays théoriquement en conformité avec la convention de 1988. Ainsi, la possession de cannabis et d'héroïne dans ce pays est respectivement passible de trois mois et d'un an de prison. Cette législation est toujours en vigueur, mais une circulaire de politique pénale recommande de ne pas l'appliquer. En 1997, le produit de la vente des stupéfiants représentait 10 % de la masse monétaire des Pays-Bas. Il y a eu récemment une évolution politique en la matière dans ce pays et la tolérance à l'égard de la vente et de l'usage des produits stupéfiants y est désormais moindre. Il n'en demeure pas moins que les variétés les plus récentes de cannabis produits en culture hydroponique sont extrêmement concentrées et produisent des effets stupéfiants comparables au LSD. S'il devait y avoir une légalisation de ces produits, il y aurait un risque d'une diffusion importante d'un cannabis de plus en plus fort, y compris chez les mineurs.

M. Didier Jayle, Président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, a déclaré qu'il y avait en France trois drogues consommées à grande échelle : l'alcool, le tabac et le cannabis, ce dernier étant plus particulièrement consommé chez les 15-25 ans. A 18 ans, un garçon sur cinq et une fille sur neuf consomme du cannabis à raison d'au moins dix fois par mois. On dénombre 450 000 consommateurs quotidiens et 1 million de consommateurs réguliers. L'essentiel de la résine provient du Maroc ; chez les plus jeunes, sa consommation est détrônée par l'herbe, dont un tiers provient des Pays Bas et qui est, pour le reste, directement produite par les consommateurs.

La consommation abusive de ce produit provoque des pertes de mémoire, des troubles de la concentration et une diminution de la motivation. Chez les jeunes, le cannabis bénéficie d'une très bonne image car il est considéré comme un produit biologique sain et naturel. Il convient de mener une campagne à l'échelle européenne pour casser l'image du cannabis et montrer qu'il n'est pas un produit anodin. A l'échelle nationale, il faut articuler la politique de santé publique avec la politique pénale. Ainsi, 260 consultations ont été ouvertes sur le territoire national, afin de mettre en place une offre de soins adaptée aux consommateurs de drogues. Par ailleurs, alors qu'il est très compliqué de modifier la loi de 1970, le Gouvernement a cherché à rendre la sanction de l'usage de cannabis crédible en en faisant une contravention et non plus un délit. La peine d'un an d'emprisonnement prévue par la loi de 1970 n'était en effet pas appliquée et il est préférable que la peine encourue soit plus légère, afin de maintenir l'interdit. Enfin le développement de produits de substitution dans les pays producteurs se heurte à la contrainte des débouchés.

Le Président Édouard Balladur a remercié les différents intervenants et a conclu en déclarant que la lutte contre le trafic de drogue ne pouvait être accomplie avec efficacité uniquement à l'échelle nationale et qu'elle nécessitait en conséquence une coordination des efforts entre les Etats. Il est indispensable de mener une réflexion au niveau international sur la politique de lutte contre le narcotrafic. Malgré les actions conduites et les intentions affichées, force est de constater que la production continue de croître. L'accroissement des pouvoirs des Nations unies lui est apparu souhaitable pour faire face à cette situation qui résulte, à bien des égards, de la mondialisation. Enfin, le développement de productions de substitution buttera nécessairement sur la nécessité d'écouler les produits. En tout état de cause, la question de la lutte contre le trafic de drogue est un sujet majeur et il serait souhaitable que la Commission des Affaires étrangères conduise une réflexion sur ce point.

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