COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 53

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 6 juillet 2005
(Séance de 10 heures 30)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Accord de coopération France-Macédoine en matière de sécurité intérieure n° 2175) - M. François Loncle, Rapporteur

- Accord avec l'Agence spatiale européenne relatif au centre spatial guyanais et aux ensembles de lancement et accord relatif aux installations associées de l'Agence au centre spatial guyanais (n° 2109 et n° 2110) - M. Paul Quilès, Rapporteur

- Accord d'investissements France-Libye (n° 2177) - M. Jacques Remiller, Rapporteur

  

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Accord avec la Macédoine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure

La Commission a examiné, sur le rapport de M. François Loncle, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Macédoine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (n° 2175).

M. François Loncle, Rapporteur, a tout d'abord rappelé que le Parlement avait autorisé ces derniers mois l'approbation d'accords bilatéraux dans le domaine de la sécurité ou des affaires intérieures avec la Russie, la Tadjikistan, la Bulgarie et la Slovaquie. L'Assemblée est aujourd'hui saisie d'un accord du même ordre avec la République de Macédoine. La multiplication de ces accords témoigne de la volonté de notre pays de renforcer la collaboration bilatérale dans la lutte contre toutes les formes de criminalité. Cette politique est particulièrement tournée vers les Etats du continent européen devenus indépendants au cours de la dernière décennie du vingtième siècle, dont les services de police sont encore perfectibles et qui sont victimes de trafics transfrontaliers. La Macédoine réunit incontestablement ces deux caractéristiques.

La position géographique de la République de Macédoine, qui a une frontière commune avec la Grèce, membre de la zone « Schengen », et une autre avec la Bulgarie, futur membre de l'Union européenne, en fait un pays particulièrement stratégique pour la lutte contre toutes les formes de criminalité susceptibles d'atteindre l'Europe. Or sa situation intérieure est certes relativement stable, mais reste fragile. Des criminels notoires y jouissent de l'impunité et la corruption est très développée. Ce pays est une zone de transit du fait de sa position sur les « routes des Balkans » ; y ont été saisis 300 kilogrammes de drogues dures en 2004 et 40 kilogrammes d'héroïne au cours du seul mois de janvier 2005. Les filières de traite des êtres humains traversent aussi souvent la Macédoine, à partir d'Ukraine, de Roumanie, de Moldavie ou de Bulgarie.

La France mène d'ores et déjà des actions de coopération avec la Macédoine, dans le cadre de la mission de police européenne Proxima, à laquelle participaient dix-sept gendarmes et six policiers français au 1er février 2005 - sur un total de l'ordre de 150 personnes - et dans le cadre bilatéral. En 2005, l'accent est mis plus particulièrement sur la formation des personnels et sur la lutte contre la criminalité organisée, le trafic illicite de stupéfiants et des substances psychotropes, ainsi que le terrorisme.

Les formes de coopération envisagées sont variées : elle pourra être d'ordre opérationnel ou technique, elle passera par la communication d'informations de tous ordres et d'échantillons de matériaux ou d'objets, par la mise en œuvre de mesures policières coordonnées et d'assistance réciproque en personnel et matériel, par des échanges d'expériences, d'experts et de documentations. L'accord en organise les modalités pratiques. Cette coopération respectera la souveraineté des Etats et les droits fondamentaux de la personne : une demande d'information pourra être refusée en cas de risque d'atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public, à l'autorité judiciaire, ou aux droits fondamentaux de la personne. Les règles relatives à la communication et à l'utilisation des données personnelles sont également fixées de manière à assurer le respect des droits de la personne reconnus dans la législation française, mais aussi dans les normes communautaires et internationales.

Cet accord, très proche de ceux que la France a déjà conclus avec une vingtaine d'autres Etats, doit permettre de donner un cadre conventionnel aux actions de coopération dont la nécessité pour les deux Etats est évidente. Pour ces raisons le Rapporteur a recommandé l'adoption du projet de loi.

M. Jacques Remiller a réagi aux propos selon lesquels des criminels notoires étaient réfugiés en Macédoine et demandé si cela concernait également des criminels de guerre recherchés par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, comme Mladic et Karadzic.

M. Hervé de Charette a estimé que l'on était très loin d'une perspective d'adhésion des pays balkaniques à l'Union européenne compte tenu du caractère extrêmement préoccupant de leur situation en termes d'ordre public. Ces pays constituent un foyer d'instabilité et de tensions et le risque est grand qu'en cas d'adhésion ils ne déstabilisent l'Union toute entière. La République de Macédoine étant riveraine de la Grèce, qui est dans l'espace Schengen, et de la Bulgarie, qui doit prochainement adhérer à l'Union, il y a lieu de s'inquiéter de la criminalité qui y sévit. Il a d'autre part demandé si un accord avait pu être trouvé sur la dénomination officielle de ce pays.

Le Rapporteur a indiqué que Mladic et Karadzic étaient le plus vraisemblablement réfugiés en Serbie, même s'ils ont également pu trouver refuge en Bosnie-Herzégovine ou au Monténégro. Ils auraient été localisés par les Etats-Unis, il y a quelques mois. L'évolution récente de la Serbie laisse espérer une meilleure coopération de ce pays avec le Tribunal pénal international et le prochain déferrement de Mladic et Karadzic. Il a ensuite indiqué que l'espace Schengen constituait une protection efficace en raison des obligations imposées aux pays qui en sont membres. En dehors de la Roumanie et de la Bulgarie, l'adhésion des pays balkaniques à l'Union est effectivement une perspective lointaine et il conviendra de prendre toutes les précautions nécessaires au préalable. Ceci étant dit, la République de Macédoine est très certainement l'Etat de la région le plus avancé sur la voie de l'adhésion. Quant à la dénomination officielle du pays, la Macédoine a adhéré aux Nations unies sous la dénomination d'Ancienne République yougoslave de Macédoine ; aujourd'hui la plupart des États lui reconnaissent la dénomination de République de Macédoine.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2175).

Accord avec l'Agence spatiale européenne relatif au centre spatial guyanais

La Commission a examiné, sur le rapport de M. François Loncle, suppléant M. Paul Quilès, empêché, le projet de loi n° 2109 autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Agence spatiale européenne relatif au centre spatial guyanais (ensemble trois annexes) et le projet de loi n° 2110 autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Agence spatiale européenne relatif aux ensembles de lancement et aux installations associées de l'Agence au centre spatial guyanais (ensemble trois annexes).

M. François Loncle, Rapporteur suppléant de M. Paul Quilès, empêché, a présenté les principales dispositions des deux projets de loi relatifs au centre spatial de Kourou soumis à la Commission.

M. François Loncle a tout d'abord évoqué les règles favorables à l'Agence spatiale européenne en ce qui concerne l'utilisation du centre spatial guyanais. En effet, sur la base de  ce premier accord, la France continue de garantir à l'Agence spatiale européenne et à ses Etats membres, une priorité d'accès et d'utilisation des installations et des moyens du CNES situés sur la base de Kourou.

Cette priorité absolue accordée à l'Agence concerne les programmes de développement du lanceur Ariane  ainsi que les activités d'exploitation des lanceurs Ariane confiées à Arianespace, l'exploitation d'un autre lanceur développé par l'Agence devant faire l'objet d'un autre accord ou d'un amendement au présent accord. Mais il est prévu également la liberté d'accès et d'utilisation des installations du CNES pour les programmes nationaux du gouvernement français et pour d'autres activités de lancement sous réserve de l'accord préalable de l'Agence spatiale européenne.

En ce qui concerne l'ouverture du centre spatial de Guyane à d'autres lanceurs qu'Ariane, le deuxième accord prévoit que le Gouvernement français participe aux actions d'européanisation nécessaires au renforcement du caractère européen des installations et des moyens de l'Agence. Il favorise dans ce but l'implantation sur le site d'entreprises et de personnel européens non français.

A cet égard, le Rapporteur a indiqué qu'à partir de 2007, Arianespace exploitera au centre spatial une famille de lanceurs qui sera composée d'Ariane, de Véga et de Soyouz.

Concrètement, le lanceur Véga sera capable de placer en orbite basse des petits satellites dotés d'une charge comprise entre 300 kg et 2500 kg. En comparaison la charge du lanceur Soyouz atteint 1000 à 5000 kg et jusqu'à 10 000 kg pour Ariane 5.

De façon générale, il incombe au Gouvernement français en vertu de ce même accord d'assurer la qualité des infrastructures de base du département de la Guyane indispensables au bon fonctionnement de la base de Kourou. Le Gouvernement prend notamment toutes les mesures destinées à assurer la sécurité des voies donnant accès aux terrains et se voit également confier une mission de sauvegarde.

Le Rapporteur a précisé que, pour la première fois de manière explicite, le CNES est chargé par le Gouvernement français d'une mission de sauvegarde qui ne figurait pas dans les accords précédents et dont la définition est donnée à l'article 5 de l'accord ELA relatif aux ensembles de lancement. Cette mission consiste à maîtriser les risques techniques liés à la préparation et à la réalisation des lancements afin d'assurer la protection des personnes, des biens et de l'environnement contre tout dommage.

En conclusion, le Rapporteur a proposé à la Commission d'adopter ces deux projets de lois qui précisent utilement les conditions juridiques d'exploitation du site de lancement du centre spatial guyanais.

Le Président, M. Hervé de Charette a demandé pour quelles raisons le premier accord qui concerne l'utilisation de la base spatiale pour une période s'étendant du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2006, a été soumis aussi tardivement à la Commission.

M. François Loncle a indiqué que le Gouvernement entendait soumettre à l'approbation du Parlement l'ensemble des accords relatifs au centre spatial de Guyane y compris celui qui concerne le lanceur Soyouz qu'Arianespace exploitera en 2007, avec Ariane et Véga. Or, les négociations sur l'ensemble de lancements Soyouz ont été plus longues que prévues, ce qui a eu pour effet de retarder la procédure de ratification mise en œuvre par le Gouvernement avant même la signature de l'accord Soyouz qui n'est intervenue qu'en mars dernier.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté les projets de loi (n° 2109 et n° 2110).

Accord avec la Libye sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jacques Remiller, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 2177).

M. Jacques Remiller, Rapporteur, a observé que la signature d'un tel accord sur la protection et l'encouragement des investissements, au demeurant classique, était un double signal. Il est, en premier lieu, l'expression de la normalisation des relations entre deux pays. C'est le cas entre la France et la Libye depuis 2003. C'est également un signal adressé aux entreprises françaises pour investir dans cet Etat du Maghreb qui, grâce à sa rente pétrolière, fait figure de pays riche en Afrique.

Depuis de nombreuses années les relations entre la France et la Libye mais également plus largement entre ce dernier pays et la Communauté internationale en son entier ont été marquées par une forte tension. Après les quelques années de relations normales entre la France et la Libye qui ont suivi l'accession au pouvoir du Colonel Kadhafi en 1969, la situation s'est envenimée en raison notamment des menées libyennes au Tchad auxquelles les troupes françaises se sont opposées, par exemple, en 1983. Le soutien de la Libye à des actions terroristes particulièrement dramatiques comme l'explosion du Boeing de la Pan Am au-dessus de Lockerbie en Ecosse en 1988 ou du DC 10 d'UTA, l'année suivante, dans le désert du Ténéré, qui a fait 170 victimes, a conduit le Conseil de Sécurité de l'ONU au vote de la résolution 738, le 31 mars 1992. La Libye a ainsi été placée sous un embargo que les Etats-Unis appliquaient déjà, d'ailleurs, unilatéralement après des affrontements violents notamment en 1981 et 1986.

Dix années se sont écoulées avant que les dirigeants libyens n'acceptent de reconnaître leur responsabilité dans ces attentats terroristes et que des accords soient signés avec les représentants des victimes. Le 4 janvier 2004, un tel accord était conclu entre la fondation Kadhafi et les familles des victimes du vol UTA. Le même jour, les ministres des Affaires étrangères français et libyen signaient une déclaration commune appelant à une nouvelle coopération, en particulier économique. Parallèlement le colonel Kadhafi a déclaré renoncer officiellement aux armes de destruction massive en décembre 2003 et la Libye a signé en mars 2004 le protocole additionnel au Traité de non-prolifération permettant des contrôles inopinés.

C'est dans ce contexte propice à l'établissement de nouvelles relations que s'est déroulée la visite du Président Jacques Chirac à Tripoli, en novembre 2004, qui a constitué le temps fort de ce rapprochement. Au cours de l'année 2004, plusieurs accords de coopération ont été signés entre nos deux pays en matière universitaire, culturelle ou touristique. Parmi ces conventions figure celle dont la Commission des Affaires étrangères a à connaître aujourd'hui sur l'encouragement et la protection des investissements.

L'économie libyenne est une économie de rente liée à l'exploitation du pétrole. La Libye est un pays riche en termes de PIB par habitant (3 600 dollars) car elle ne compte que 5,8 millions d'habitants ce qui est peu par rapport aux autres pays du Maghreb qui atteignent plus de 30 millions d'habitants pour l'Algérie et le Maroc et près de dix millions pour la Tunisie. La Libye connaît une croissance constante depuis 2003, son PIB ayant augmenté de plus de 4 % en 2005. Les finances publiques, la balance du commerce extérieur et des paiements sont largement excédentaires grâce aux 1,4 million de barils de pétrole produits chaque jour. La Libye a cependant décidé d'engager une politique d'ouverture de son économie qui est aujourd'hui encore très largement administrée, à hauteur de 70 %. Le Premier Ministre, M. Choukri Ghanem, a annoncé en 2003 une politique de réformes, soutenu en ce sens par le Fonds monétaire international. Des privatisations sont en cours, ainsi qu'une réforme fiscale et administrative. Cette politique est notamment nécessaire pour doter le pays d'infrastructures dont il manque aujourd'hui, cette carence risquant, à terme, de limiter la capacité de production pétrolière du pays.

C'est dans ces différents secteurs que sont le BTP, les réseaux et, bien sûr, le pétrole que les entreprises françaises peuvent s'implanter en Libye où elles sont globalement peu présentes actuellement. La Libye demeure un partenaire modeste de la France. En 2003, elle était notre 76e client et notre 45e fournisseur. 95 % de nos importations en provenance de Libye sont des hydrocarbures et la France est le cinquième fournisseur de ce pays loin derrière l'Italie, l'Allemagne, et peu après le Japon et le Royaume-Uni.

Le déficit commercial de la France vis-à-vis de la Libye, qui est constant, évolue en fonction des cours du pétrole, très fluctuants, et des grands contrats que nos entreprises peuvent conclure, le commerce courant n'occupant qu'une part négligeable. On constate que la société Total est la plus présente aujourd'hui en Libye où elle espère produire 100 000 barils par jour d'ici quelques années sur un total de 1,4 million produits dans le pays. Cette société est en attente de nouvelles attributions de concessions. Il en est de même de GDF. D'autres secteurs se développent aussi : l'aéronautique avec EADS, la construction avec Vinci, les télécommunications avec Alcatel ...

Dans ce contexte d'ouverture économique, l'accord d'encouragement et de protection des investissements signé en 2004 constitue un cadre classique qui va permettre aux entreprises françaises d'être protégées contre les risques de dépossession arbitraire ou de traitement discriminatoire. Cet accord reprend les stipulations de l'accord type habituellement négocié par la France et que la Commission des affaires étrangères connaît bien. Il n'appelle pas d'observations particulières. L'entrée en vigueur d'un tel accord ouvrira droit aux entreprises françaises des garanties octroyées par la COFACE, ce qui contribuera aussi à créer une nouvelle dynamique dans les relations économiques entre la France et la Libye.

En conclusion, le Rapporteur a proposé d'adopter le projet de loi n° 2177 qui autorise l'approbation de cet accord, projet de loi déjà adopté par le Sénat, en première lecture, le 22 mars 2005.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2177).

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● République de Macédoine

● Agence spatiale européenne

● Libye


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