COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 8

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 8 novembre 2005
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Philippe Douste-Blazy, Ministre des Affaires étrangères

  

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Audition de M. Philippe Douste-Blazy, Ministre des Affaires étrangères

Le Président Edouard Balladur a accueilli le Ministre des Affaires étrangères, en précisant que celui-ci interviendrait d'une part pour présenter le budget 2006 et d'autre part pour évoquer les derniers développements de l'actualité internationale.

M. Philippe Douste-Blazy, Ministre des Affaires étrangères, a souligné que le projet de budget en 2006 se définissait par trois traits principaux : nouveauté, rigueur, mais aussi détermination. Nouveauté de la structure du budget, de son élaboration et de ses modalités de mise en œuvre, qui sont conformes à la LOLF ; rigueur de l'effort fait par le ministère dans la poursuite d'une gestion sérieuse et efficace, qui donne la priorité à la modernisation de notre outil diplomatique ; détermination exprimant la volonté du Ministre et de l'ensemble des agents du ministère dans la conduite de notre politique étrangère et la réalisation des objectifs qui sont assignés par le Président de la République et le Premier ministre, en concertation avec les représentants de la Nation. Le Ministre a rappelé que ces objectifs figuraient dans les différents programmes dont le pilotage était confié au ministère des Affaires étrangères.

Abordant l'examen des crédits, M. Philippe Douste-Blazy a expliqué que le nouveau format du budget et les nouvelles modalités de sa mise en œuvre, conformes à la LOLF, venaient conforter la mise en œuvre de deux missions :

- la mission ministérielle « Action extérieure de l'Etat », composée de trois programmes : « Action de la France en Europe et dans le monde » (programme 105) ; « Français à l'étranger et étrangers en France » (programme 151) ; « Rayonnement culturel et scientifique » (programme 185) ;

- la mission interministérielle « Aide publique au développement », composée de deux programmes : « Solidarité à l'égard des pays en développement » (programme 209), mis en œuvre par le ministère des Affaires étrangères ; « Aide économique et financière au développement » (programme 110), mis en œuvre par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Le Ministre des Affaires étrangères a rappelé que ce dispositif n'englobait pas la totalité des crédits engagés par l'action extérieure de la France, soit du fait de l'articulation des politiques publiques - pas moins de 27 programmes relevant d'autres ministères (Économie et finances, Défense, Éducation nationale, Recherche, Équipement etc.) contenant des crédits mis en œuvre à l'étranger ; soit du fait des règles budgétaires, les prêts de l'Agence Française de Développement et les remises de dettes ne figurant pas au budget général. Le Ministre a insisté sur le caractère fondamental de ce point, faisant valoir que la vraie modernisation de l'État et de son action internationale supposait une vision complète des moyens engagés et des actions menées à l'extérieur. Il a souligné que tel était d'ailleurs le choix fait dans les deux documents de politique transversale (DPT) préparés par le ministère des Affaires étrangères et qui seraient très prochainement portés à la connaissance des députés.

Il a par ailleurs attiré l'attention de la Commission sur le caractère délicat de la gestion 2006 : certes, la mise en œuvre de la LOLF est source d'opportunités par le jeu de la fongibilité et du suivi des indicateurs de performance, qui permettent enfin au Ministre et à l'administration de disposer d'outils de gestion ; pour autant, et en dépit des efforts déployés par le ministère pour aider les ambassadeurs, des difficultés demeureront dans la gestion au quotidien des postes à l'étranger. Le Ministre a expliqué que ses services s'y étaient préparés au mieux, qu'il s'agisse des circuits budgétaires et comptables, de l'appareil statistique, du contrôle de gestion ou de la formation des agents et qu'ils restaient déterminés à faire face avec pragmatisme à ces difficultés inhérentes à la mise en place de tout nouveau dispositif.

M. Philippe Douste-Blazy a fait valoir qu'au delà de l'effort remarquable et continu de rigueur que réalisait depuis des années le département ministériel dont il avait la charge, ce projet de loi de finances témoignait de la priorité accordée à la modernisation de notre outil diplomatique. Il a rappelé que le ministère des Affaires étrangères contribuait largement à l'effort de maîtrise des finances publiques. La mission « action extérieure de l'État » est ainsi stabilisée en volume à 2,36 milliards d'euros en crédits de paiement. N'étaient les transferts en provenance des charges communes - soit 56 millions d'euros au titre des cotisations de retraite ou d'expérimentations nouvelles et 11,6 millions d'euros pour les loyers domaniaux -, elle serait même en légère diminution de 0,8 %.

Soulignant la diminution de la masse salariale - de 976 à 910 millions d'euros hors pensions - comme des effectifs - le plafond des emplois passant de 16 955 à 16 720 emplois équivalents temps plein (ETP), soit une réduction de 235, le Ministre des Affaires étrangères a rappelé que, au cours des dix dernières années, le ministère avait réduit ses effectifs de 11 %, en respectant scrupuleusement la règle du non remplacement d'un départ à la retraite sur deux. Il a mis en avant le caractère important de cet effort pour un ministère dont les missions demeuraient inchangées. De même, il a souligné le progrès considérable qui avait été accompli en matière de fonctionnement, dont les moyens diminuaient encore, conduisant à une nouvelle réduction du coût de structure du Quai d'Orsay, qui était passé en six ans de 33 % du budget à 24,9 % dans le projet de loi de finances.

Le ministère des Affaires étrangères s'est également engagé dans une gestion plus dynamique de l'immobilier et a décidé d'autofinancer une partie de ses opérations, grâce à une accélération des cessions et à une révision des procédures. Enfin, il poursuivra son effort de rationalisation du réseau consulaire et culturel.

S'agissant de la modernisation et l'efficacité de notre outil diplomatique, M. Philippe Douste-Blazy a expliqué qu'il avait décidé, au vu des résultats d'un travail de comparaison avec les ministères des Affaires étrangères de nos principaux partenaires, d'accroître l'investissement du ministère dans les systèmes de communication et d'information avec une hausse des crédits pour ce secteur de 9 millions d'euros dans le projet de loi de finances 2006. Il a précisé que ce choix impliquait nécessairement de plus fortes économies sur d'autres postes de dépenses  et qu'il s'accompagnait d'une réflexion globale de moyen terme sur l'informatisation du ministère autour d'un « agenda 2010 », en cours d'élaboration.

Il a ajouté qu'il avait également demandé la poursuite des négociations d'un contrat de modernisation avec le ministère du Budget, de manière à ce que le ministère des Affaires étrangères bénéficie effectivement d'une partie significative des gains de productivité qu'il était en train de réaliser. Il a fait valoir que c'était à cette seule condition que l'on pourrait maintenir l'efficacité du département ministériel dont il avait la charge dans la réalisation des missions qui lui étaient assignées, en particulier cette capacité de réaction et d'adaptation dont les agents ont su faire preuve face aux diverses situations de crise qui se sont multipliées au cours de ces derniers mois ; il en allait également de la motivation de ces mêmes agents qui pourrait s'éroder s'ils ne pouvaient constater un retour réel sur les efforts qu'ils continuent à consentir.

M. Philippe Douste-Blazy a ensuite passé brièvement en revue chacun des programmes confiés au ministère des Affaires étrangères :

- Tout d'abord, le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde », qui représente 1,421 milliard d'euros en crédits de paiement, couvre une large partie de l'action diplomatique de l'État, regroupant l'essentiel des moyens dévolus aux ambassades. Les contributions de la France aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix et les crédits de la coopération militaire et de défense y figurent également.

Outre les moyens de fonctionnement évoqués précédemment, le principal enjeu budgétaire de ce programme réside dans le financement des contributions internationales obligatoires, notamment celles dues aux Nations unies, pour les opérations de maintien de la paix. Les crédits correspondants sont reconduits au même niveau qu'en 2005. Toutefois, ces dépenses étant soumises aux variations des taux de change et aux aléas de l'actualité internationale, il a été décidé que la réévaluation de ces crédits ferait partie du contrat de modernisation en cours de négociation avec le ministère de l'Économie et des Finances.

- Ensuite, le programme 151 « Français à l'étranger et étrangers en France », soit 603 millions d'euros en crédits de paiement), comprend  l'animation du réseau consulaire français, tant dans sa mission de service public à l'égard des Français de l'étranger que dans sa mission de contrôle des demandes de visas ; l'enseignement français à l'étranger ; le traitement des demandes d'asile et la protection des réfugiés.

Il s'agit donc d'un programme de service public qui s'est engagé dans le sens d'une plus grande modernisation, avec, notamment, le redéploiement du réseau consulaire de l'Union européenne vers les grands pays émergents.

Notant que la subvention de fonctionnement à l'Agence pour l'Enseignement Français à l'Étranger (AEFE), à la fois outil de rayonnement et service public pour les Français de l'étranger, marquait une légère baisse dans le projet de loi de finances pour 2006, le Ministre a expliqué que cela nécessiterait un recours exceptionnel au fonds de roulement de l'établissement, dont le niveau est particulièrement élevé, et pour lequel l'exercice 2005 s'avère une nouvelle fois positif. Il a ajouté que le ministère porterait encore une partie significative des investissements de l'AEFE en 2006 mais qu'une réflexion d'ensemble sur la capacité immobilière de l'agence était en cours : en tout état de cause, le Ministre veillerait à ce que les missions de l'agence puissent être accomplies comme les années précédentes et s'assurerait que le transfert des compétences immobilières soit effectué dans des conditions permettant à l'agence de financer ses dépenses prioritaires, au premier rang desquelles les travaux de sécurité qui s'avèrent indispensables dans certains établissements.

S'agissant de l'Office Français pour les Réfugiés et Apatrides (OFPRA) et de la Commission de Recours des Réfugiés (CRR), ils consolideront leur situation grâce à une légère augmentation de leur subvention.

Le Ministre des Affaires étrangères a relevé que le projet de loi de finances ne comprenait pas les crédits nécessaires au développement de nouveaux projets, tels que les visas biométriques. Il a fait valoir qu'en la matière, le choix avait été fait de financer, dans le cadre du contrat de modernisation, les moyens additionnels nécessaires par un retour accru sur les recettes résultant des frais de dossier payés par les demandeurs de visas. Il a expliqué qu'il négociait, au plan européen, l'augmentation de ces frais de dossier.

- Troisième programme, le programme 185 « Rayonnement culturel et scientifique », doté de 334 millions d'euros en crédits de paiement, concerne exclusivement les pays développés, en particulier nos partenaires de l'Union européenne et du G8, et s'articule autour de quatre axes : l'attractivité de la France pour les étudiants et chercheurs étrangers ; la promotion de nos idées ; la diffusion de la création culturelle et audiovisuelle contemporaine ; et la promotion de la langue française en tant que moyen d'accès à des savoirs et à des métiers - autant de chantiers majeurs pour l'influence de la France dans le monde.

Bien qu'étant le moins coûteux, ce programme permet en fait de mobiliser des sommes plus importantes au service de ses objectifs, grâce aux partenariats et aux co-financements développés pour sa mise en œuvre, y compris pour les bourses, notamment dans le domaine de la recherche. Le Ministère se montre novateur dans ce domaine, en développant de nouveaux services au travers des centres d'études en France installés dans six pays et qui seront étendus, ou encore en réfléchissant, à la demande du Ministre, à la manière de rendre plus lisible et visible notre action culturelle dans le monde et plus attractif l'accueil des étudiants étrangers dans notre pays.

S'agissant des opérateurs audiovisuels, les subventions à RFI et TV5 sont reconduites en euros courants, ce qui constitue un effort non négligeable, compte tenu de la contrainte budgétaire générale. Quant à la chaîne d'information internationale, elle constitue un programme de la mission « médias », qui dépend du Premier ministre.

- Enfin, le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », qui représente 2,047 milliards d'euros en crédits de paiement, contribue pleinement, en cohérence et en complémentarité avec le programme 110 piloté par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, à la mise en œuvre de notre politique d'aide publique au développement, selon les orientations définies par le Comité Interministériel de Coopération International et de Développement (CIDID). L'accent est mis sur la santé, l'éducation, le développement rural et l'accès à l'eau, en lien notamment avec les leçons tirées de la crise alimentaire au Niger.

Ce programme concerne l'ensemble des pays en développement au sens du comité d'aide au développement de l'OCDE, y compris les pays émergents. Toutefois, l'aide de la France demeure concentrée sur la zone de solidarité prioritaire, en particulier les pays les moins avancés et l'Afrique, qui continuera de recevoir environ deux tiers de notre aide bilatérale. Des efforts seront consentis également sur les grands pays émergents.

L'évolution des crédits de ce programme, qui progressent de 9,8 %, hors crédits de rémunération, révèle la priorité que le gouvernement souhaite conférer à l'aide au développement, en droite ligne avec l'objectif fixé par le Président de la République de porter notre aide au développement à 0,47 % du revenu national en 2006 et à 0,5 % en 2007. Cette augmentation est concentrée sur les organismes multilatéraux, soit le Fonds Européen de Développement (qui augmente de 98 millions d'euros), le fonds mondial pour la lutte contre le SIDA (en augmentation de 75 millions d'euros, ce qui constitue la première étape vers le doublement de la contribution de la France qui en fera le premier contributeur) et certaines contributions volontaires aux Nations unies, qui croissent de 22 millions d'euros. Il s'agit là pour la France de remplir ses engagements européens et de consolider sa position au sein du G8 comme au sein des Nations unies.

Cette hausse de nos engagements multilatéraux ne se fait pas au détriment de notre aide bilatérale, qui bénéficie d'une très forte augmentation des autorisations d'engagement, qui passent de 274 à 450 millions d'euros, en faveur de l'aide aux projets, selon la répartition des compétences décidée par le CICID, entre le Fonds de solidarité prioritaire (FSP) et l'Agence française du développement (AFD). Celle-ci voit d'ailleurs son rôle renforcé par différents transferts, notamment en matière d'assistance technique dans les domaines de sa compétence.

Enfin, les crédits mis en œuvre par les opérateurs de la société civile (ONG et collectivités territoriales) augmentent également, de 18 %.

M. Philippe Douste-Blazy a noté en conclusion que ce projet de loi de finances était, pour ce qui concernait le ministère des Affaires étrangères, à la fois réaliste et ambitieux, ses missions étant inchangées voire croissantes, du fait du rôle essentiel des agents du ministère des Affaires étrangères lorsque nos compatriotes étaient confrontés à des crises graves, dont l'actualité récente a été remplie. Il a fait valoir que, dans ce contexte, notre réseau diplomatique était un atout et qu'il nous revenait de le valoriser au mieux en faisant jouer pleinement au ministère son rôle interministériel. Il a souligné à cet égard la grande importance qu'il attachait à ce que les postes français à l'étranger dégagent des synergies en rassemblant les moyens de l'État, notamment, dans un premier temps, par la création de services administratifs et financiers uniques interministériels, en conformité avec la demande du Premier ministre. Il a insisté sur l'effort de productivité réalisé, année après année, par le ministère des Affaires étrangères, qui en faisait le « meilleur élève » parmi les administrations. Revenant sur le contrat pluriannuel de modernisation que ce ministère souhaitait conclure avec le ministère de l'économie et des finances, il a répété la nécessité d'une réévaluation des contributions obligatoires du ministère et l'obligation qu'il y avait à assurer un retour des gains de productivité au bénéfice des agents du ministère et des moyens de l'action diplomatique de la France.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des Affaires étrangères, a ensuite abordé cinq sujets d'actualité.

Le premier concerne la réunion du Conseil de sécurité qui s'est tenue le 31 octobre dernier au sujet de l'assassinat de M. Rafic Hariri. L'adoption à l'unanimité de la résolution 1636, pour laquelle la France s'est fortement engagée, répond aux trois objectifs que la diplomatie française s'était fixés : mobiliser la communauté internationale, afin d'aider les autorités libanaises à faire la lumière sur les responsabilités dans cet assassinat ; permettre à la Commission Mehlis de poursuivre son enquête dans les meilleures conditions, notamment par la prolongation de son mandat au moins jusqu'au 15 décembre ; obtenir de la Syrie qu'elle coopère avec la Commission et envisager, au besoin, des sanctions en cas de non-respect de cette obligation.

Pour ce qui est des questions européennes, le Conseil Affaires Générales qui s'est tenu le 7 novembre à Bruxelles a été l'occasion d'évoquer deux dossiers importants : l'OMC et les perspectives financières de l'Union pour la période 2007-2013.

S'agissant de l'OMC, à la veille de la réunion à Londres des grands acteurs à l'OMC (Union européenne, Etats-Unis, Inde, Brésil, ainsi que le Japon), la France a réitéré ses interrogations sur la dernière offre agricole présentée par la Commission et sur la nécessité de respecter le mandat donné à la Commission par les Etats membres, respect que la Commission n'a toujours pas démontré de façon précise. Elle a insisté sur les efforts attendus des autres grands acteurs à l'OMC, tant sur le volet agricole que sur les intérêts européens offensifs et fondamentaux pour l'économie européenne (tarifs industriels, services, protection des « indications géographiques » pour nos produits), qui sont indispensables pour parvenir à un résultat équilibré. Elle a aussi mis en avant ses attentes relatives à des avancées en faveur du développement des pays les plus pauvres (et pas seulement des grands pays émergents qui ont un fort potentiel exportateur agricole).

Le Président Edouard Balladur a insisté sur le fait qu'il ne devait pas être très difficile de juger du respect de leur mandat par les négociateurs. S'il a été outrepassé, la France n'a pas à utiliser son veto, mais simplement à constater que la Commission a agi sans mandat.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des Affaires étrangères, a indiqué que la France avait de sérieux doutes sur le respect par les négociateurs du mandat donné par le Conseil dès lors que la Commission n'était pas parvenue à lui apporter la preuve du contraire. Une réunion d'experts doit néanmoins se tenir prochainement pour en discuter.

S'agissant des perspectives financières de l'Union, il s'agissait en fait de la toute première discussion à 25 sous présidence britannique sur ce dossier fondamental pour l'Union, alors que l'objectif, confirmé par la Présidence, est d'arriver à un compromis dans moins d'un mois, au Conseil européen de décembre. Mais rien dans ce que la Présidence a dit ne laisse entrevoir la volonté de la part du Royaume-Uni de faire en décembre les nécessaires concessions refusées en juin. La France estime que, si l'on veut un accord rapide, les propositions de la Présidence luxembourgeoise de juin 2005 - qui représentent un point d'équilibre pour l'écrasante majorité des délégations - constituent la seule base sérieuse pour la reprise des discussions.

Le troisième dossier préoccupant est celui de la Côte d'Ivoire. Le Conseil de sécurité des Nations unies a confirmé par la résolution 1633 du 22 octobre les décisions prises par l'Union africaine début octobre. Ses principaux éléments sont le report d'un an au maximum des élections présidentielles (qui devront donc se tenir au plus tard le 31 octobre prochain), le maintien du Président Gbagbo comme chef de l'Etat et la mise en place d'un nouveau Premier ministre acceptable pour tous, et ayant reçu pour mission de préparer les élections et de parvenir au désarmement des forces rebelles, au démantèlement des milices et au retour de l'administration sur l'ensemble du territoire.

L'échéance du 30 octobre est passée sans que ne surviennent les troubles que beaucoup redoutaient. Le Président de l'Union africaine s'est rendu à Abidjan vendredi dernier pour recueillir l'avis des responsables politiques ivoiriens sur le choix du Premier ministre, dont la nomination devrait intervenir d'ici la mi-novembre. La réunion inaugurale du Groupe international de travail, chargé par la résolution 1633 de suivre la mise en œuvre du processus, se tient le 8 novembre à Abidjan.

Il est important que la nomination du Premier ministre intervienne rapidement, afin que le nouveau gouvernement puisse se mettre au travail dans les meilleurs délais. L'essentiel en effet est désormais de passer à la mise en œuvre effective des engagements qui ont été pris. En ce qui la concerne, la France, membre permanent du Conseil de Sécurité, et présente sur le terrain sous mandat des Nations unies, continuera avec la même détermination à accompagner le processus de sortie de crise entamé il y a 3 ans.

Concernant le dossier iranien, le Ministre est revenu sur les déclarations du Président Ahmadinejad, dont il a jugé les propos inacceptables. Leur condamnation par la France a fermement été réitérée par le Président Chirac, avec ses vingt-quatre homologues de l'Union européenne, dans le cadre d'une déclaration unanime à Hampton Court. Ils ont aussi été désavoués sans équivoque par le Conseil de sécurité des Nations unies. D'autre part, dans une récente lettre, M. Laridjani, le Secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale de l'Iran et, à ce titre, l'un des principaux intervenants sur le dossier nucléaire, a proposé de reprendre les négociations, ce que la France a toujours souhaité. C'est en effet l'Iran qui a, en août dernier, choisi de rejeter l'offre européenne et de reprendre les opérations de conversion dans son usine d'Ispahan. La France attend par conséquent, pour reprendre les négociations, un geste concret de l'Iran Ce pays doit respecter pleinement l'ensemble des résolutions de l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA). La résolution votée à l'AIEA, le 24 septembre dernier, demande à l'Iran que certaines mesures soient prises, comme le rétablissement et le maintien de la suspension de toutes les activités liées à l'enrichissement. Elle stipule aussi que le Directeur général de l'AIEA, M. El Baradei, doit établir un rapport sur ce qu'a fait ou n'a pas fait l'Iran. L'échéance est le prochain Conseil des gouverneurs de l'AIEA, qui se réunira le 24 novembre.

Le Ministre a enfin abordé la question de la situation en Irak. Des discussions sont actuellement en cours au Conseil de sécurité concernant l'adoption d'une résolution sur la prorogation du mandat de la Force multinationale en Irak. La France n'est pas opposée au maintien de cette Force, compte tenu notamment de la demande faite en ce sens par les autorités irakiennes elles-mêmes et des risques sécuritaires qui seraient liés à un retrait précipité du territoire irakien. Mais elle insiste auprès de ses partenaires sur le fait que la présence de cette Force est une question autant politique que sécuritaire. C'est pourquoi il lui semble essentiel de préserver un lien dans la résolution entre le mandat de la Force multinationale et le processus politique qui doit conduire le peuple irakien à recouvrer sa pleine souveraineté. C'est pour cela aussi qu'il lui semble important de maintenir un horizon pour le départ des forces étrangères et la possibilité pour les autorités irakiennes issues des prochaines élections législatives à la mi-décembre d'avoir leur mot à dire à ce sujet.

Concernant les aspects budgétaires, le Président Edouard Balladur a d'une part interrogé le Ministre sur l'état d'avancement du projet de création d'une chaîne d'information internationale, d'autre part sur les raisons pour lesquelles le Comité interministériel des moyens de l'Etat à l'étranger (CIMEE), créé en 1993, ne s'était pas réuni depuis plusieurs années.

Il s'est ensuite demandé quel rôle durable la France entendait jouer en Côte d'Ivoire ? Il semble qu'il sera bien difficile de nommer un Premier ministre acceptable pour toutes les parties en présence. Si cela s'avère impossible, la division du pays pourra-t-elle être évitée ? Jusqu'à quand l'armée française restera-t-elle dans ce pays et avec quels objectifs ?

Abordant les questions européennes, il a estimé surprenant que la Commission européenne envisage encore l'adhésion de plusieurs nouveaux Etats, alors que les inquiétudes suscitées par le récent élargissement ont constitué l'une des causes du rejet du traité constitutionnel par le peuple français. Quelle est la position du Gouvernement français sur ces nouvelles adhésions envisagées ? L'absence d'avancée sur l'élaboration des prochaines perspectives financières et les interrogations sur le respect de son mandat par le Commissaire Mandelson sont aussi de nature à renforcer l'opinion des adversaires du traité constitutionnel. Quand la circulaire relative à la transmission au Parlement de certains documents communautaires à la demande des présidents de commissions permanentes, promise au début de cette année par le Premier ministre d'alors, sera-t-elle publiée ?

Enfin, le Ministre des Affaires étrangères a-t-il l'intention de relayer auprès des institutions communautaires la résolution récemment adoptée par la commission des Affaires étrangères, et devenue une résolution de l'Assemblée nationale, relative à l'usage du français comme langue relais de l'Union dans le domaine juridique ?

M. Roland Blum a souligné qu'il était d'usage que les ministres annoncent chaque année la rationalisation des moyens budgétaires de leur ministère. Or le dernier rapport de la Cour des Comptes critique le doublement du coût immobilier des ambassades. Existe-t-il, d'une part, une politique immobilière au Ministère et, d'autre part, les pays de l'Union européenne ont-ils pu signer, comme il était envisagé, un accord favorisant l'harmonisation des règles budgétaires de leurs représentations diplomatiques ? M. Blum s'est ensuite déclaré dubitatif quant à la coopération de la Syrie dans l'enquête des Nations unies sur l'assassinat de M. Hariri. Quelles pourraient être les sanctions si la Syrie ne coopérait pas ? A l'occasion de la dernière réunion des ministres des Affaires étrangères, la Grande-Bretagne a donné clairement le sentiment qu'elle ne renoncerait pas au « chèque britannique ». Peut-on dans ces conditions espérer un accord sur les perspectives financières européennes ? Quant à la circulaire annoncée au début de l'année 2005 par l'ancien Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, sur une plus large transmission des documents et projets européens aux assemblées parlementaires, le Gouvernement a-t-il l'intention de prendre cette circulaire et de respecter ainsi les annonces faites au Parlement ?

M. François Rochebloine a déploré que le projet de chaîne internationale, confirmé aujourd'hui tant par le Premier ministre que le ministre de la culture, entérine finalement l'alliance de France Télévisions et de TFI, à l'instar du projet Brochand de 2003. Quant à l'Agence de l'enseignement du français à l'étranger, s'il a constaté une diminution de ses crédits, l'équilibre financier du budget de l'Agence est atteint grâce notamment aux réformes de rémunération du personnel, à la fermeture d'établissements et à l'augmentation des frais de scolarité. Toutefois le transfert du parc immobilier du ministère des Affaires étrangères à l'Agence représente une véritable difficulté. Existe-t-il un espoir que les pouvoirs publics s'engagent sur le financement des programmes immobiliers de l'Agence ? D'une façon générale, la politique de gestion immobilière du réseau culturel français, qui compte 148 centres et institutions culturels et 295 Alliances françaises, pourrait être améliorée.

M. François Rochebloine a demandé si le Ministre avait des informations sur les détenus libanais dans les prisons syriennes et sur l'élection présidentielle en Azerbaïdjan ?

Après avoir approuvé le texte de la résolution 1633 sur la Côte d'Ivoire, M. Francois Loncle a constaté que l'exigence du désarmement des rebelles dans les accords de Marcoussis avait eu des résultats contre-productifs. Il a demandé si le Gouvernement allait s'opposer au souhait du Parlement de constituer une Commission d'enquête parlementaire sur le rôle politique et militaire de la France dans les événements de Côte d'Ivoire.

Sur l'enseignement du français à l'étranger, M. Pierre Lequiller a approuvé les annonces du Ministre tout en souhaitant que l'instrument budgétaire propose des orientations réelles pour être un vecteur de diplomatie française et de promotion de la formation des jeunes à l'étranger. Sur la question de l'élargissement et de l'attractivité de l'Union européenne, M. Pierre Lequiller a remarqué que la Bulgarie comme la Roumanie ne remplissaient pas les critères de Copenhague. Quel est l'avis du Ministre sur l'éventualité d'une adhésion prochaine de ces pays à l'Union ? Quant au différend avec le Commissaire européen Mandelson, s'agit-il de l'absence d'accord sur la diminution des droits de douane sur certains produits comme les volailles, les tomates ou le sucre alors qu'un arrangement a pu être trouvé sur d'autres produits ? Au niveau européen la France fait elle aujourd'hui des propositions en matière de politique économique et énergétique ?

En réponse aux différents intervenants, M. Philippe Douste-Blazy a apporté les éléments suivants :

- Le projet de Chaîne internationale de l'Information (CII) sera présenté prochainement par M. Patrick de Carolis, Président de France Télévisions, devant le Sénat. On s'achemine vers une société anonyme détenue à parts égales par France Télévisions et TF1. Son budget qui relèverait des services du Premier ministre et non du ministère des Affaires étrangères atteindrait 65 millions d'euros. Des négociations sont actuellement en cours entre les partenaires concernés pour répartir les responsabilités au sein du Conseil de surveillance.

- Le Comité interministériel des moyens de l'Etat à l'étranger (CIMEE) ne s'est pas réuni depuis 1997. Le Premier ministre a décidé de réactiver cette structure en la réunissant probablement au début de l'année prochaine pour étudier les conditions d'une rationalisation des implantations de l'Etat à l'étranger et pour faire le point sur ces implantations depuis 1997 et sur la mise en place de pôles administratifs uniques et interministériels en dehors de nos frontières. Les membres des Commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat ont déjà accueilli favorablement l'annonce de cette initiative.

- La politique immobilière de l'Etat à l'étranger a fait l'objet d'un rapport de la Cour des comptes pour une période aujourd'hui révolue puisqu'il s'agissait de 1998-2002. Une réforme a été engagée pour améliorer l'organisation et les méthodes employées dans ce domaine. Il est vrai que des difficultés avaient pu apparaître, s'expliquant notamment par l'évolution rapide des contraintes relatives à la mise en sécurité de nos bâtiments à l'étranger. Il convient de préciser que la construction de notre ambassade à Berlin a coûté finalement 60 millions d'euros et non 63 millions, grâce à la récupération de la TVA et à des contentieux gagnés contre des entreprises qui avaient participé au chantier. Les investissements immobiliers pour 2006 - 14,5 millions d'euros - connaissent une baisse de la moitié de leur montant par rapport à l'exercice précédent. Un fonds de concours sera destiné, en 2006, à l'entretien et à la rénovation des logements et le ministère compte aussi sur le produit de cessions immobilières qui lui revient en propre. Le recours à la procédure nouvelle du « partenariat public-privé » est également envisagé, de même qu'ont été expérimentés les loyers domaniaux, c'est-à-dire l'inscription au budget des ambassades qui possèdent des immeubles de leur contre-valeur locative.

- L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) est bien gérée. Elle a dégagé des excédents de 20 millions d'euros en 2003, 27 millions en 2004 et 7 millions en 2005. En 2006, son budget sera donc en légère baisse pour atteindre 323 millions d'euros. Le transfert à l'Agence des biens immobiliers qui dépendent d'elle s'est déroulé dans de bonnes conditions. Il est vrai que le coût des programmes immobiliers qui doivent être réalisés par cet organisme ne peut pas être supporté par les seuls parents d'élèves. Pour 2006, 11,3 millions d'euros sont prévus dans le budget à cet effet, dont 6 millions pour le lycée de Milan. Des partenariats public-privé pourraient être développés pour quatre ou cinq établissements, tout d'abord, ce procédé pouvant être étendu ensuite. Le lycée de Vienne a fait l'objet d'une mission de l'Inspection générale du ministère des Affaires étrangères ; des dispositions vont être prises pour en améliorer la sécurité.

- L'action culturelle française souffre, à l'évidence, d'un manque de visibilité. Beaucoup d'actions sont menées mais ne connaissent pas le retentissement que peuvent avoir celles du British Council, par exemple. Pourtant 148 centres culturels ou instituts, 295 Alliances françaises, 800 agences spécialisées sont mobilisés. La taille de ce réseau tend cependant à diminuer aujourd'hui, alors que de nouveaux partenaires sont recherchés au plan local pour financer des actions.

- La France souhaite jouer un rôle durable en Côte d'Ivoire alors que s'ouvre une période difficile qui doit voir aboutir les engagements pris lors de la signature des différents accords, de Marcoussis à Pretoria. La présence de l'ONU constitue évidemment une garantie importante. La résolution 1633 du Conseil de sécurité adoptée en octobre dernier, qui organise la phase transitoire avant la tenue de nouvelles élections présidentielles, a prévu notamment la nomination d'un Premier ministre « acceptable pour tous » et impose aux parties, sous peine de sanctions, des obligations relevant désormais du droit international. L'action de l'armée française doit, quant à elle, être saluée, notamment parce qu'elle a permis d'éviter une partition de ce pays. En tout état de cause, l'avenir de la Côte d'Ivoire passe par une solution politique et non par un conflit militaire entre les différentes parties. Un espoir est possible quand on observe les exemples réussis du Burundi ou du Liberia. La création d'une commission d'enquête parlementaire sur la politique française en Côte d'Ivoire n'appelle pas une opposition de principe de la part du Gouvernement, même si diligenter une telle enquête semble difficile alors que le processus de paix en Côte d'Ivoire n'est pas achevé.

- L'Europe a besoin d'organiser un grand espace de paix et de démocratie, fondé en particulier sur les droits de l'homme. La constitution d'un tel espace, très vaste, de commerce et de libre échange, permettra aux pays qui auront le projet de le rejoindre de bénéficier d'une perspective positive et utile pour leur propre stabilité et leur prospérité. Il faut aussi que, parallèlement, une avant-garde fasse progresser l'Europe par des projets concrets. Elle ne devra pas pour autant s'ériger en directoire qui risquerait de mettre à mal l'Union européenne. Il s'agit avant tout de revenir à l'esprit des Pères fondateurs de l'Europe.

- La circulaire que le Premier ministre prendra prochainement pour organiser les conditions dans lesquelles le Parlement se verra transmettre les projets et documents européens dans le cadre, notamment, de la procédure prévue à l'article 88-4 de la Constitution, est en cours de rédaction. Le Ministre des Affaires étrangères ne manquera pas d'informer la Commission de ce projet de circulaire.

- Le report de l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l'Union de 2007 à 2008 dépendra du diagnostic que la Commission européenne émettra sur le respect des conditions imposées à ces deux pays et de la décision que prendra ensuite le Conseil sur ce sujet..

- Dans le cadre des négociations à l'OMC, le mandat du Commissaire chargé de la politique commerciale a été défini par le Conseil de l'Union, à l'unanimité. M. Peter Mandelson est responsable des choix tactiques nécessaires à la négociation alors que le Conseil de l'Union détermine la stratégie à suivre. On constate aujourd'hui que les concessions du Commissaire Mandelson sur l'agriculture, dans le cadre du cycle de négociations de l'OMC, cycle dit « de Doha », n'ont pas conduit les autres pays à proposer des avancées sur l'industrie ou les services. L'Europe ne peut, dès lors, être la seule à accepter des concessions dans ces négociations sous peine de devenir « le banquier du cycle de Doha » pour reprendre une expression de M. Mandelson et notre agriculture ne peut être la seule variable d'ajustement dans ces discussions. La position de la France n'est d'ailleurs nullement contradictoire lorsqu'elle défend la politique agricole commune et, dans le même temps, les mécanismes de financement innovants pour l'aide au développement. Depuis 2003, la politique agricole commune a connu une réforme profonde : les droits de douane imposés aux pays les plus pauvres ont été réduits considérablement ; il faut bien noter qu'une nouvelle réduction de ces droits bénéficierait d'abord aux pays émergents et non pas aux pays les moins développés.

- Maintenir l'usage du Français dans les relations internationales est évidemment un combat essentiel à mener avec détermination. Il est ainsi rappelé régulièrement aux ambassadeurs de notre pays la nécessité de s'exprimer dans notre langue lors des réunions diplomatiques. Si, dans les enceintes scientifiques, l'anglais est le plus souvent employé, ce n'est pas le cas lorsque des sujets juridiques sont abordés, le français étant alors, très souvent, la langue utilisée. On constate aussi que bon nombre de ministres de pays étrangers parlent notre langue. La francophonie doit donc être défendue activement. Le projet d'extension de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, dite « loi Toubon », sera soutenu par le Ministre des Affaires étrangères. Dans la même perspective, le renforcement des lycées français à l'étranger devra contribuer à développer l'apprentissage et l'usage du français hors de France.

- Lors du vote de la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU exigeant la coopération de la Syrie à l'enquête des Nations unies sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre du Liban, M. Rafic Hariri, la France a joué un rôle déterminant en suggérant un texte équilibré mettant l'accent sur le principe de justice internationale, ce qui a permis son adoption à l'unanimité. Il a été pris acte des propos du Président syrien évoquant la coopération de son pays. Si cet engagement n'était pas suivi d'effets, le Conseil de sécurité serait à nouveau saisi, la résolution actuelle permettant cependant, d'ores et déjà, d'appliquer des sanctions individuelles comme le gel des avoirs ou la limitation des déplacements à l'égard des personnes déclarées « suspectes » par la Commission d'enquête internationale.

- Des informations laisseraient entendre qu'il ne resterait plus de prisonniers libanais dans les prisons syriennes, sans que l'on puisse à ce stade confirmer ce fait.

- En Azerbaïdjan, les élections récentes qui ont vu la courte victoire du Gouvernement sortant se sont déroulées dans des conditions peu satisfaisantes selon l'OSCE et l'Union européenne. Une concertation est actuellement en cours pour déterminer la marche que les Etats de l'Union européenne suivront face à cette situation.

Mme Geneviève Colot, présidente du groupe d'études des Français de l'étranger, a transmis au Ministre le souhait de l'association des Français de l'étranger que le nouveau programme de la LOLF qui regroupe « les Français de l'étranger et les étrangers en France » puisse être distingué en deux sous programmes.

M. Jacques Godfrain a demandé au Ministre quelle était la stratégie de la France dans les négociations sur l'agriculture à un mois du sommet de l'OMC à Hong Kong qui devrait permettre une réflexion renouvelée des relations commerciales mondiales. Comment la diplomatie française peut-elle à la fois défendre de manière plus satisfaisante nos intérêts sans porter atteinte à ceux des pays du sud ? Après avoir constaté que les Etats du groupe de Cairn tenaient un discours moderne à la fois satisfaisant pour les pays européens et émergents, il s'est demandé, tout en évitant un combat d'arrière garde de défense de la politique agricole commune incompatible avec le développement d'autres pays, comment la France pouvait éviter que les Etats-Unis n'imposent à eux seuls les prix ? A cet égard l'exemple du marché du coton de la Louisiane dont le prix reste très compétitif par rapport à celui du coton du Burkina Faso ou encore de la Côte d'Ivoire est très révélateur de la situation. Une mission d'information sur le prix du coton et notamment dans les pays africains pourrait être utile.

M. Jacques Myard a demandé quel pourrait être le niveau des sanctions prononcées à l'encontre de l'Iran par le Conseil de sécurité? Exprimant sa désapprobation quant à la suppression de postes du ministère des Affaires étrangères il a fait valoir l'utilité de son personnel déployé à l'étranger. Remarquant que si le traité constitutionnel européen avait été ratifié les négociations à l'OMC se dérouleraient à la majorité, il a demandé ce qui restait aujourd'hui du compromis sur la politique agricole commune, dit « l'arrangement de Luxembourg » de 2003 ? Enfin, sauf à ce que la France redevienne une puissance décisionnaire, il n'est pas étonnant que le Français soit moins parlé aujourd'hui car la langue du dominé n'est jamais apprise.

En réponse aux différents intervenants, M. Philippe Douste-Blazy, Ministre des Affaires étrangères, a apporté les éléments suivants :

- la remarque de Mme Geneviève Colot est pertinente et rejoint d'ailleurs les constats qu'avait faits le ministère lors de l'élaboration de la LOLF, à quoi il avait été répondu que les deux ensembles envisagés représentaient des masses financières trop modestes pour être érigés en programmes ; à l'issue de ce premier exercice budgétaire placé sous l'égide de la LOLF, il conviendra sans doute d'examiner les évolutions qui pourraient être apportées en la matière, sur lesquelles le ministère et le Parlement pourraient travailler conjointement ;

- le lien entre la guerre et l'exploitation illégitime des ressources naturelles est patent en Afrique, comme l'ont montré les événements dramatiques dans la région des Grands lacs ;

- bien que le Président iranien eût menacé de représailles les pays européens ou les Etats-Unis - notamment en matière pétrolière -, la ligne de fermeté qui prévaut à l'agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) doit être poursuivie - ligne d'ailleurs suivie par l'Inde, qui a voté la résolution, la Russie et la Chine s'abstenant tandis que, seul, le Venezuela se rangeait aux côtés de l'Iran lors de la dernière réunion du conseil des gouverneurs de l'AIEA ; il appartiendra au Conseil de sécurité des Nations unies de décider, le cas échéant, de sanctions, en appui et non par dessaisissement de l'AIEA ; il convient de toute façon de garder à l'esprit que ce pays de grande civilisation entend jouer un rôle sur la scène diplomatique et dans l'équilibre de la région. Au vu de ces considérations, il existe des possibilités de négociations, à la condition que l'Iran suspende au préalable ses activités nucléaires sensibles ;

- la diminution du nombre de postes budgétaires dévolus au ministère des Affaires étrangères doit cesser : à moins que nous fassions des choix cruciaux et décidions de supprimer des postes sur certains continents, il n'est plus possible de supprimer des emplois ; considérer le ministère des Affaires étrangères comme une variable d'ajustement de la politique budgétaire serait une erreur majeure ; s'agissant en l'occurrence des 235 suppressions d'emplois budgétaires prévues par le projet de loi de finances pour 2006, elles se décomposent en 135 suppressions nettes et 91 transferts de personnels à l'AFD ; il convient également de mentionner les 4 747 recrutés locaux par les centres culturels et de recherche, qui ne sont pas inclus dans le plafond d'emplois du ministère, car ils sont financés sur ressources propres ; au total, les recrutés locaux représentent 10 327 emplois des 21 467 qui dépendent du ministère ;

- en matière de politique agricole commune, la France doit se mobiliser dans la bataille de la communication à l'égard des pays émergents ; à cet égard, il serait utile de réunir, à Paris, nos partenaires africains, afin que, tous, nous réaffirmions que la position française sur la politique agricole commune marche d'un même pas avec sa politique d'aide au développement et que la France ne mène pas sur cette question un combat d'arrière-garde, tant s'en faut : ainsi, qui nourrira les 8 milliards d'habitants que comptera notre planète au cours du présent siècle ? Comment assurerons-nous l'autosuffisance de notre continent ? Par ailleurs, à l'heure où chacun s'interroge sur les risques de pandémies, l'importance croissante des préoccupations de sécurité sanitaire fait partie intégrante de la question agricole en Europe ; par conséquent, la France doit faire preuve de pédagogie, mieux communiquer, en rappelant par exemple que 80 % des produits agricoles exportés par les pays les moins avancés (PMA) le sont en Europe ;

- dans la négociation de l'OMC, la France n'acceptera, quant à elle, aucun accord remettant en cause le compromis élaboré sur la politique agricole commune, au sein de l'Union européenne, en 2003 ; le Commissaire Mandelson a pour tactique, à l'évidence, d'éviter que l'Europe porte la responsabilité d'un échec à l'OMC. Pour l'heure, il importe d'attendre les réactions de nos partenaires dans la négociation ; à cet égard, il est bien évident que si les Etats-Unis refusaient de faire quelque effort que ce soit en matière d'aides directes à l'exportation, l'Union européenne n'aurait aucune raison de diminuer ses droits de douane, ce qui reviendrait à affaiblir la préférence communautaire sans contrepartie aucune. Ce n'est pas la première fois que la France marque fermement les limites qu'elle entend marquer à la négociation ; elle l'avait fait, avec succès, en 1994, par la voix du Premier Ministre, M. Édouard Balladur, au moment de la négociation des accords de Blair House.

Remerciant le Ministre des Affaires étrangères pour l'intérêt de ses réponses, le Président Edouard Balladur a répété le souhait de la Commission d'être tenue informée de l'avancement des négociations sur les 35 chapitres examinés dans le cadre de la procédure de négociation entre les membres de l'Union européenne et la Turquie, en vue de l'adhésion éventuelle de ce pays à l'Union. Il a demandé que soient définies en la matière les procédures les plus appropriées à l'information de la Commission.

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