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COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 16

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 7 décembre 2005
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Edouard Balladur,

Président de la Commission des Affaires étrangères

et de M. Patrick Ollier, Président de la Commission

des Affaires économiques, de l'Environnement et du Territoire

SOMMAIRE

 

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- Audition, conjointe avec la Commission des Affaires économiques, de Mme Christine Lagarde, Ministre déléguée au Commerce extérieur

  


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Audition de Mme Christine Lagarde, Ministre déléguée au Commerce extérieur

Le Président Edouard Balladur a déclaré que l'audition de la Ministre déléguée au Commerce extérieur s'inscrivait dans le contexte de l'ouverture de la sixième conférence ministérielle de l'OMC qui doit se tenir à Hong Kong du 13 au 18 décembre 2005. Cette réunion ne permettra pas de conclure le cycle de Doha. Il est toutefois indispensable qu'elle permette de progresser dans cette voie, car un échec en la matière serait un échec du multilatéralisme préjudiciable aux pays les plus pauvres. La France a reproché au Commissaire européen chargé du Commerce extérieur d'être sorti du cadre du mandat qui lui avait été confié. Qu'en est-il exactement ? Quelle sera la position européenne sur les différents chapitres en discussion à Hong Kong ? De quelle marge de manœuvre dispose notre pays par rapport à l'offre qui sera présentée par l'Union européenne sur les différents dossiers et notamment l'agriculture ? A quelles conditions pourrait-on parler d'un succès à Hong Kong ?

Le Président Patrick Ollier a remercié la Ministre de sa présence et a rappelé que la Commission des Affaires économiques était particulièrement attachée à la politique agricole commune (PAC) et au principe de la préférence communautaire. La PAC a d'ores et déjà été réformée pour permettre l'achèvement du cycle de négociations en cours au sein de l'OMC. Le Commissaire européen chargé du Commerce extérieur, en faisant une nouvelle offre, a clairement outrepassé son mandat. Il convient en conséquence de le redéfinir. Il n'est pas possible de demander de nouveaux sacrifices au monde agricole. Il n'est, par ailleurs, pas justifié d'affirmer que les pays les moins avancés seraient des victimes de la PAC. En réalité, ces pays n'ont pas intérêt à la suppression de toutes les barrières en matière agricole et ils sont, sur ce point, instrumentalisés par certains pays développés ou émergents. La France n'a, pour sa part, pas peur du libre échange et elle y a beaucoup gagné. Il ne faudrait pas pour autant qu'elle soit la seule à renoncer à aider ses entreprises, alors que de nombreux Etats continuent à le faire. Il faudrait, par ailleurs, que la diplomatie française soit davantage au service de notre économie.

Mme Christine Lagarde, Ministre déléguée au Commerce extérieur, a estimé que cette audition était particulièrement opportune puisqu'elle se déroulait à la veille de la réunion de Hong Kong qui doit se tenir du 13 au 18 décembre 2005. La délégation française comportera pour des raisons d'efficacité un effectif restreint. Douze parlementaires en feront partie.

La Ministre a tout d'abord présenté l'état actuel des négociations au sein de l'OMC. Le cycle de Doha, lancé en 2001, aurait dû s'achever en 2004. La prochaine réunion ministérielle ne permettra pas de conclure le cycle. Le Directeur général de l'OMC avait pour ambition initiale de clore les deux tiers de la négociation, mais il y a, d'ores et déjà, renoncé. La négociation qui s'ouvre va se poursuivre tout au long du premier semestre 2006. L'objectif est de parvenir à un résultat en juin prochain, afin que les accords correspondants puissent être conclus avant juin 2007, date à laquelle le Trade promotion authority (TPA) accordé par le Congrès à l'administration américaine arrive à expiration. Si aucun accord n'intervenait avant cette date, le cycle se poursuivrait, mais le Président américain devrait alors obtenir une autorisation du Congrès article par article, ce qui ne manquerait pas d'accroître les délais pour terminer le cycle de négociations.

Les objectifs du cycle de Doha sont de permettre le développement par une plus grande libéralisation des échanges. Le nombre actuel de pays membres de l'OMC est de 148 ; il doit passer à 150 après la réunion de Hong Kong. Au sein des pays en voie de développement, il convient de distinguer entre les pays moins avancés et les pays émergents. A titre d'exemple, le Ghana a un PIB de 300 dollars par habitant et par an, tandis que celui du Brésil s'élève à 3000.

L'Union européenne joue un rôle de locomotive dans la négociation. Elle l'a encore prouvé par son offre conditionnelle, globale et finale du 28 octobre dernier. L'Union a ainsi, par ses propositions permis de surmonter les blocages constatés à Cancun, notamment en s'engageant sur la voie de l'élimination progressive des restitutions aux exportations en matière agricole. La réforme de la PAC opérée en 2003 a, d'ores et déjà, rendu cette politique compatible avec les objectifs de l'OMC. Alors que l'Union a fait d'importants efforts et permis de débloquer les négociations, elle est aujourd'hui montrée du doigt par une alliance regroupant les Etats-Unis et certains grands pays émergents comme le Brésil ou l'Inde, qui cherchent à pousser leur avantage pour obtenir plus de concessions de l'Europe en matière agricole.

Les Etats-Unis sont l'un des principaux acteurs de ces négociations. On aurait pu penser que ce pays défendrait des positions proches de l'Union européenne dans la mesure où ses intérêts sont comparables, par exemple en matière d'agriculture. Dans ce domaine, les Etats-Unis déploient un arsenal d'aides sous la forme de prêts, d'aides alimentaires ou de subventions. En outre, ce pays dispose d'une industrie forte et exportatrice qui a besoin d'une baisse des tarifs douaniers. Enfin, les activités de services sont importantes aux Etats-Unis, même si, dans ce secteur, les Américains sont moins performants à l'exportation que les Européens, et plus particulièrement que les Français. Des interlocuteurs américains, rencontrés récemment encore par la Ministre, comme M. Robert Portman, représentant les Etats-Unis dans ces négociations, l'ont confortée dans l'idée que la France disposait dans ce secteur d'entreprises très compétitives, par exemple dans le traitement de l'eau, des déchets ou dans la construction.

Le dernier grand groupe qui intervient dans ce cycle des négociations est celui du G90, qui réunit les pays de l'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Menés par différents Etats comme le Mali ou la Zambie, selon les questions abordées, ces pays constituent un front uni mais qui souffre d'un manque d'organisation. Il s'agit des pays les plus pauvres parmi les plus pauvres. C'est pourquoi l'Union européenne milite pour qu'un « paquet développement » soit adopté pour eux dans les négociations de l'OMC. Parmi les dossiers auxquels ces pays attachent une importance particulière figurent ceux de la banane, du sucre et du coton. S'ils méritent tous une attention particulière, celui du coton exigera un traitement spécial puisque c'est sur ce dossier que les précédentes négociations à Cancun ont échoué.

Quel est l'état aujourd'hui de la négociation ? Jusqu'en juillet 2004, celle-ci avait peu avancé avant qu'une proposition de l'Union européenne, faite à cette date, ait débloqué le processus. Puis, les négociations ont connu une nouvelle phase de ralentissement. C'est l'arrivée à la direction générale de l'OMC de M. Pascal Lamy qui a conduit à une accélération des discussions, celui-ci exerçant une pression constante sur les différents présidents des organes de négociation pour qu'ils aboutissent à un texte. Nous disposons aujourd'hui des projets établis par ces présidents ainsi que d'un document chapeautant le tout, rédigé par M. Lamy. Il s'agit là d'une synthèse très habile qui ménage les intérêts de tous afin d'éviter qu'un échec intervienne prématurément. 148 Etats vont donc se réunir pour examiner ce document.

Le scénario le plus probable consisterait en un accord sur le « paquet développement ». Il faut, d'ores et déjà, saluer l'accord qui a été trouvé sur la question de l'accès aux médicaments pour les pays en développement. Il s'agissait là d'une demande de l'Union européenne et surtout de la France. L'Accord pour la propriété intellectuelle (ADPIC) de 2003 sera ainsi transposé à ces médicaments, de sorte que soit consacré le droit des pays les moins avancés d'obtenir des réexportations de médicaments génériques pour lutter contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Ce « paquet développement » devrait également étendre le principe selon lequel les exportations en provenance des pays les moins avancés arriveraient en franchise de droits dans les pays développés comme ceux de l'Union européenne. Les Etats-Unis prétendent avoir déjà un système équivalent à celui-ci. Mais il est permis d'être dubitatif lorsque l'on constate que l'un de ses principaux intérêts est de permettre l'importation de pétrole nigérian à des conditions favorables. Toutefois, les Etats-Unis pourraient proposer des avancées dans le cadre d'une négociation s'ils obtenaient certaines protections pour quelques secteurs, comme le textile produit par le Bangladesh.

Le troisième domaine qui pourrait être contenu dans ce « paquet développement » est celui du coton. Là encore, les Etats-Unis devront consentir un effort, faute de quoi les négociations risquent d'échouer comme à Cancun. On peut espérer qu'une proposition américaine sera dévoilée d'ici quelques jours, de sorte que le montant des subventions versées par les Etats-Unis à leurs producteurs de coton soit limité. Il conviendrait également que soit attribuée une aide au commerce pour les pays de l'Ouest africain.

La quatrième partie du « paquet développement » consisterait en l'institution d'un traitement différencié entre les pays les plus pauvres et les pays émergents. Cette proposition est combattue par les Etats émergents les plus avancés. Il sera donc sans doute difficile d'aboutir sur ce point particulier.

Le second scénario que l'on pourrait envisager serait celui où les négociations n'aboutiraient à un accord que pour une partie du « paquet développement », alors que des pays comme l'Inde et le Brésil consentiraient une plus grande ouverture en matière d'industrie et de services. Il faudrait alors négocier sur d'autres piliers, sachant que l'objectif de l'Union européenne est d'obtenir un accord équilibré sur l'ensemble de ces piliers. L'idée est bien que les négociations aboutissent à un accord unanime, pour dire les choses clairement, sur tout ou rien.

Concernant le mandat de la Commission européenne, la France et treize autres Etats membres de l'Union ont adressé une lettre de rappel aux Commissaires chargés de l'agriculture et du commerce extérieur afin qu'ils respectent le mandat arrêté en 1999 et amendé en 2003 et en 2005. C'est aussi le sens des conclusions du Conseil « Affaires générales » du 18 octobre 2005 qui a souligné que le respect du mandat supposait que soient également observées les conditions dans lesquelles la réforme de la PAC avait été opérée. Si la Commission européenne entend aller au-delà de ce mandat, elle doit revenir devant le Conseil de l'Union, ce dont il n'est aucunement question aujourd'hui.

S'agissant des marges de négociation de l'Union européenne, la Commission est, selon sa propre expression, « aux limites de son mandat ». Toutefois, il est très difficile de déterminer si ce mandat a effectivement été respecté par les dernières propositions de M. Peter Mandelson ou si ses limites ont été franchies. En effet, selon que l'on prenne en compte la PAC au début 2005 ou les perspectives arrêtées pour 2013, on peut porter une appréciation différente sur la manière dont la Commission européenne a respecté le cadre de son mandat. Il est, en outre, nécessaire de procéder à une vérification ligne par ligne d'un mandat qui n'en compte pas moins de 2 200. Il n'est pas aisé non plus d'évaluer les effets escomptés sur l'accès aux marchés des mesures d'ouverture envisagées. Nous ne disposons pas, ainsi, d'hypothèses complètes pour l'ensemble des pays de l'Union européenne. Les variations peuvent être nombreuses. En tout état de cause, les experts de la Commission ainsi que ceux du ministère de l'Agriculture et de l'Economie et des Finances semblent estimer aujourd'hui que le mandat a été respecté.

Il ne faut, en tout état de cause, pas douter que le Gouvernement est pleinement engagé aux côtés des entreprises françaises pour défendre leurs intérêts dans ces négociations, même s'il n'est pas forcément aisé de se montrer offensif pour l'ouverture des frontières vis-à-vis de pays comme l'Inde ou le Brésil, tout en préservant la PAC. Dans les pays étrangers, les missions économiques sont à la disposition des entreprises françaises et leur travail est jugé globalement efficace. L'internationalisation de notre économie est patente et nos entreprises sont très actives à l'exportation, comme la visite récente du Premier ministre chinois l'a montré.

M. Michel Raison a souhaité connaître la place qu'occupaient dans les négociations de Doha les questions relatives à l'effet de distorsion économique résultant des différences, d'un pays à l'autre, dans les régimes nationaux de reconnaissance des droits sociaux et des droits de l'homme. S'inscrivant en faux contre l'idée que l'agriculture constituait la seule pierre d'achoppement des négociations, il a demandé dans quelle mesure les discussions relatives aux services permettraient de réaliser des avancées dans les négociations.

M. François Dosé, tenant à rappeler au préalable qu'il était adepte de l'économie de marché, pourvu que celle-ci puisse faire l'objet de « coups de pouce » ici ou là, s'est interrogé sur la relativité internationale des nomenclatures douanières, qui conduisait à traiter le même produit, comme déchet dans un premier pays, comme aliment dans un second, et comme intrant dans un troisième, ces différences pouvant conduire à ce que ce produit soit réimporté dans son pays d'origine sous une autre forme, comme l'illustre l'exemple des poulets au Brésil. Il a expliqué que des actions avaient été entreprises sous la législature précédente pour traiter cette question, mais qu'elles n'avaient pas été poursuivies, soulignant que des dysfonctionnements de cette gravité méritaient une réaction politique transcendant les positions partisanes.

M. François Brottes s'est interrogé sur la pertinence du maintien d'autorités de régulation de la concurrence à l'échelle nationale dans le cadre d'un grand marché communautaire.

Le Président Edouard Balladur a souligné la difficulté de répondre à la question, car si le cadre national peut s'avérer insuffisant pour apprécier la situation d'une entreprise au regard des règles de concurrence lorsque l'activité de l'entreprise s'inscrit dans un marché plus vaste, il est bien difficile de déterminer dans quel cas c'est à l'autorité nationale ou supranationale de trancher.

M. Jacques Le Guen s'est interrogé sur la difficulté de défendre une position communautaire commune dans le cadre des négociations de Doha, alors même que les vingt-cinq pays membres de l'Union connaissent des situations très disparates, en termes de niveau de développement, et d'atouts économiques, au point que la question du dumping social se pose à l'intérieur du marché européen avant même de se poser entre les grands groupes de pays qui négocient dans le cadre de l'OMC.

Il a exprimé par ailleurs sa crainte que la politique agricole commune ne fût finalement remise en cause sous la pression de la négociation internationale, le Royaume-Uni contribuant à la miner de l'intérieur en préconisant par exemple qu'une partie de son financement soit ponctionnée sur les fonds structurels.

Le Président Edouard Balladur a demandé si l'offre de passer de 55 à 70 % de baisse des aides globales à l'agriculture par rapport aux niveaux fixés dans l'accord du cycle d'Uruguay restait compatible avec le dispositif de la politique agricole commune. Sur quels autres pays membres de l'Union la France peut-elle compter pour soutenir sa position de défense de la politique agricole commune ? En outre, les ouvertures faites par l'Inde et la Chine en matière de services, en contrepartie de leurs exigences d'adaptation de la politique agricole commune, sont-elles crédibles ?

Mme Christine Lagarde, Ministre déléguée au Commerce extérieur, a apporté, en réponse aux différents intervenants, les précisions suivantes :

- Trois des questions dites de Singapour - la concurrence, les investissements et les marchés publics - qui visent les distorsions internationales, ont été écartées à Cancun des négociations du cycle de Doha, à la demande des pays les moins avancés, revendiquant de ne pas se voir imposer des contraintes de production incompatibles avec leur niveau de développement. Il est certain que les pays les plus développés des pays en développement, comme la Chine, profitent intensivement de l'avantage concurrentiel que le maintien de ces distorsions leur procure. Les questions de protection de la propriété intellectuelle pourraient néanmoins être réinsérées à terme dans le cadre des négociations du cycle, comme l'indiquent les pressions exercées sur la Chine pour qu'elle donne plus de garanties à cet égard : déjà, son entrée à l'OMC en 2001 était subordonnée à la mise en place d'une législation nationale dans ce domaine, et les Etats-Unis ont lancé, voilà quelques jours, une procédure obligeant les autorités chinoises à rendre compte de leurs efforts pour assurer le respect de cette législation ; le Japon s'est immédiatement joint à cette démarche. Il serait très souhaitable que la Communauté européenne s'y associe elle aussi, puisqu'en la matière, les intérêts des puissances industrielles convergent. En ce qui concerne les distorsions en matière de droits sociaux, il existe certes une concertation au niveau de l'Organisation internationale du travail, ou au niveau de l'OCDE, mais elle ne s'accompagne, à la différence des mécanismes en vigueur au sein de l'OMC, d'aucune procédure possible de sanction ; ces questions font néanmoins l'objet, en France, d'une attention particulière du ministère du travail, en liaison avec le ministère du commerce extérieur.

- La France souhaite que les négociations concernant le « pilier » des services connaissent des avancées à Hong Kong, la Communauté européenne adoptant une position très ouverte sur les services relatifs à l'eau notamment, tandis qu'elle maintient une position catégorique de refus de discuter sur les services touchant à la santé, la culture, l'éducation. Cette position d'ouverture devrait placer la Communauté européenne en position de force par rapport aux pays adoptant une attitude plus timide vis-à-vis des services, comme les Etats-Unis et les pays les moins avancés.

- Les questions de nomenclature douanière sont complexes et mobilisent une grande expertise, mais les distorsions décrites par M. François Dosé méritent de toute urgence une saisine de l'administration des douanes, qui est placée sous l'autorité du ministre délégué au Budget.

- Le contrôle de la concurrence dans le grand marché communautaire ne peut évidemment dépendre des seules autorités de régulation nationale, et il existe des cas, lorsque les affaires dépassent certains seuils, ou impliquent des parties extra-communautaires, où elles relèvent de la compétence de la commission européenne. Il paraît, en revanche, logique que les différends ayant des effets purement nationaux restent de la compétence des autorités nationales de régulation de la concurrence.

- Il est difficile de faire émerger dans le cadre du cycle de développement une convergence de vues entre vingt-cinq Etats membres très différents. Certaines économies sont largement dépendantes de l'agriculture, d'autres du secteur tertiaire et les pays n'ont pas tous la même taille géographique. Cette diversité est créatrice de difficultés pour l'obtention d'un consensus et la position du Commissaire européen chargé du Commerce extérieur, M. Peter Mandelson, qui a pu susciter certaines réserves, n'est en aucun cas facile, ce dernier devant représenter les intérêts des vingt-cinq Etats membres. Un accord unanime de ces derniers est requis pour la déclaration finale et la Commission européenne doit se livrer à un grand écart permanent. Il est souvent plus facile de recueillir un consensus par opposition à un adversaire extérieur, comme l'Inde, le Brésil ou les Etats-Unis, ce qui explique que les oppositions aient tendance à se cristalliser.

- S'agissant de la question de la baisse du soutien interne et de la diminution de 70 % du volume total des aides du soutien interne, cette proposition permet de rester dans le cadre de la PAC réformée. En revanche, l'Inde et le Brésil qui demandaient un geste en faveur d'une diminution des tarifs douaniers pour les produits agricoles, ont évoqué oralement la possibilité de baisser en contrepartie à 50 % les droits de douane sur les produits industriels, sans faire pour l'instant de proposition écrite. Cette offre est en deçà des attentes de la France, qui demande un taux maximum de 15 % pour les pays en développement, et elle n'est que peu révélatrice de la position et des engagements qui seraient finalement pris par ces pays.

M. Jean Glavany a souligné que l'agriculture ne représentait que 5 % des échanges en cause à l'OMC mais qu'elle constituait un point de blocage en raison de son caractère politique très sensible, tant pour les pays les plus pauvres qui sont surtout des pays ruraux, que pour les pays les plus riches qui sont ceux qui subventionnent le plus leur agriculture. Il a estimé à cet égard que l'Europe ne devait pas avoir mauvaise conscience car la politique agricole commune était transparente vis-à-vis des Etats membres et des pays tiers et que l'évolution des aides y était programmée sur plusieurs années. Il a souligné que la situation n'était pas la même aux Etats-Unis où les aides agricoles étaient soumises à de profondes variations erratiques, notamment pour des raisons électorales. Il a donc estimé qu'il était difficile de mettre en regard dans les négociations internationales des subventions programmées et d'autres qui ne le sont pas et a souligné que le marché agricole européen était infiniment plus ouvert aux produits des pays pauvres, que le Canada, les Etats-Unis, la Nouvelle-Zélande, l'Australie et le Brésil réunis. Il a relevé également que certains secteurs étaient plus aidés que d'autres par la PAC, certains ne l'étant pas du tout, et que certaines aides ne perturbaient pas le libre jeu du marché. Il a rappelé que la Commission européenne devait arriver à une position commune alors que l'agriculture n'était pas un secteur indifférencié pour les Etats membres, certains par exemple s'intéressant davantage à la filière « fruits et légumes ». Il a demandé à la Ministre si un certain conservatisme français en matière de politique agricole commune n'avait pas contribué à rendre les aides de la PAC moins légitimes et à fragiliser la position française.

M. Léonce Deprez a demandé s'il apparaissait dans les négociations que la législation du travail qui s'imposerait serait celle du pays d'accueil.

La Ministre a répondu que la légitimité de la PAC serait mieux défendue si l'on s'efforçait de communiquer sur l'ouverture de ce marché aux exportations des pays les moins avancés. Elle a estimé que l'abaissement des tarifs douaniers bénéficierait d'abord à des pays comme l'Australie, le Brésil ou l'Argentine et non aux pays les moins avancés, dont les tarifs préférentiels seraient par là même érodés. La perception d'un manque de légitimité de la PAC était aussi imputable à la presse britannique, qui n'était pas contrebalancée par une communication suffisante sur la générosité de la politique d'ouverture aux pays les moins avancés, notamment par l'acceptation de produits à taux zéro. Elle a rappelé par ailleurs que le tarif moyen industriel de l'Union se situait actuellement à 4 %, ce qui en fait un marché grand ouvert à la mondialisation. En réponse à M. Léonce Deprez, elle a indiqué qu'il fallait distinguer le projet de directive communautaire sur les services du mode 4 du pilier « services » de l'OMC, relatif à la circulation des personnes qui prévoit explicitement l'application du droit du travail du pays d'accueil dans le cadre de l'exécution d'une prestation de services.

Le Président Edouard Balladur a remercié la Ministre pour son intervention devant les deux commissions et a salué sa parfaite connaissance du dossier dont elle a la charge, la mondialisation de l'économie ayant rendu particulièrement complexes les négociations commerciales internationales. Il lui a présenté tous ses vœux de réussite pour la poursuite des négociations à Hong Kong.

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