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COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 24

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 7 mars 2006
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Philippe Douste-Blazy, Ministre des Affaires étrangères

  

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Audition de M. Philippe Douste-Blazy, Ministre des Affaires étrangères

Après avoir remercié le Ministre, le Président Edouard Balladur a évoqué les inquiétudes suscitées par la situation en Iran, en Irak, mais aussi dans les Territoires palestiniens et en Côte d'Ivoire.

M. Philippe Douste-Blazy, Ministre des Affaires étrangères, a indiqué qu'il aborderait en effet le dossier du nucléaire iranien, la situation en Israël et en Palestine, puis l'évolution inquiétante de l'Irak et la Côte d'Ivoire.

S'agissant du dossier iranien, il a précisé qu'il s'était rendu, le 3 mars, à Vienne, à une réunion, souhaitée par les autorités iraniennes, à laquelle participaient M. Javier Solana, le Ministre des Affaires étrangères allemand, le Directeur politique britannique et M. Ali Laridjani, secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale de l'Iran.

L'objectif était d'écouter Téhéran et de montrer que le dialogue restait ouvert. Toutefois, le préalable indispensable du retour à la confiance tient en quelques mots : l'Iran doit répondre à toutes les demandes de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), et notamment revenir à la suspension totale de ses activités nucléaires sensibles, c'est-à-dire les opérations d'enrichissement et de retraitement, y compris en matière de recherche et de développement.

Cette position est celle qui a été définie par les trois Européens, les Etats-Unis, la Russie et la Chine, en janvier dernier et adoptée dans sa résolution du 4 février par le Conseil des gouverneurs de l'AIEA. A Vienne, la délégation iranienne n'a montré aucune volonté de se conformer à cette exigence. Les Iraniens veulent notamment poursuivre leurs activités d'enrichissement d'uranium qu'ils qualifient de « recherche-développement ».

Des contacts avec la Russie sont parallèlement en cours. Moscou a confirmé s'en tenir, dans ses discussions avec Téhéran, aux demandes exprimées par l'AIEA, et fait du retour à la pleine suspension la condition de sa proposition pour l'enrichissement en Russie.

Par ailleurs, le Conseil des gouverneurs de l'AIEA s'est ouvert le 6 mars à Vienne. Il est en train d'examiner le rapport sans complaisance établi par M. El Baradei, rapport qui sera envoyé au Conseil de sécurité à la fin de cette semaine, conformément à la résolution du 4 février. Il reviendra ensuite aux membres du Conseil de sécurité de traiter le dossier nucléaire iranien et de décider, en conséquence, des meilleurs moyens de renforcer l'autorité de l'AIEA.

M. Philippe Douste-Blazy s'est ensuite exprimé sur la situation au Proche-Orient, où, en deux mois à peine, la donne régionale a considérablement évolué, à la suite de l'accident de santé du Premier ministre Ariel Sharon, et surtout de la victoire électorale du Hamas, tout cela intervenant à quelques semaines à peine des élections législatives israéliennes, qui doivent se tenir le 28 mars.

Aujourd'hui, l'Autorité palestinienne est confrontée à une situation complexe. Le 18 février dernier, la séance inaugurale du premier Conseil législatif palestinien dominé par le Hamas s'est tenue à Ramallah, en Cisjordanie. M. Ismaïl Haniyeh, l'un des représentants dits « modérés » du Hamas, a été chargé par le Président Abbas de former le nouveau gouvernement. Le Hamas poursuit donc ses consultations pour constituer un gouvernement d'union nationale, apparemment avec l'avis favorable du Président palestinien, qui est désormais au centre du jeu politique palestinien. En effet, largement élu au suffrage universel en janvier 2005, il reste fidèle à une solution négociée du conflit, seule capable d'aboutir à deux Etats vivant côte à côte dans la paix et la sécurité. Ensuite, il demeurera le partenaire principal, sinon exclusif, de la communauté internationale.

Lors de son discours inaugural devant le Parlement palestinien, le Président Mahmoud Abbas a clairement énoncé les principes politiques qui devront guider l'action du futur gouvernement palestinien ; ceux-ci sont proches de ceux énoncés par la communauté internationale : refus inconditionnel de toute violence ; respect des accords passés entre l'OLP et Israël ; sauvegarde, sur le plan intérieur, des libertés publiques fondamentales.

Le Hamas, qui participait pour la première fois à des élections législatives, a été surpris par l'ampleur de sa victoire. Il doit aujourd'hui opérer une révision complète de son idéologie. Des signaux positifs ont déjà été envoyés, notamment sur la question du respect de la trêve et la reconnaissance tacite du cadre d'Oslo. Mais il est encore trop tôt pour savoir si le Hamas acceptera d'entrer ou non dans une véritable logique de dialogue et de responsabilité. Il convient d'attendre de connaître les orientations de son futur programme de gouvernement.

Le deuxième élément majeur à prendre en compte est la situation en Israël, aujourd'hui en pleine campagne électorale, à quelques semaines des élections législatives du 28 mars prochain. La question qui domine à ce jour est celle du processus de paix et des relations qu'il serait possible d'entretenir avec une Autorité palestinienne partiellement, voire totalement, dominée par le Hamas.

A ce stade, les autorités israéliennes ont fait le choix d'une ligne de très grande fermeté : refus de poursuivre les versements de taxes perçues au nom de l'Autorité palestinienne ; durcissement des conditions de circulation dans les Territoires ; multiplication des contrôles à l'entrée et à la sortie des Territoires - et ce, y compris pour les élus palestiniens au Comité Législatif Palestinien.

Bien que les derniers sondages marquent une certaine érosion de sa popularité, le parti Khadima reste aujourd'hui en tête des intentions de vote, loin devant le parti travailliste et le Likoud. Le Premier ministre par intérim, M. Ehoud Olmert, pourrait ainsi se voir confirmé à son poste ; il est partisan d'une politique de séparation unilatérale, une tendance que les évolutions en cours dans les Territoires risquent de renforcer.

Face à cette nouvelle donne régionale, la communauté internationale veut afficher une position ferme et cohérente et souhaite avant tout procéder à une évaluation générale des politiques dans la perspective d'une relance, à terme, du processus de paix.

L'unanimité s'est imposée très rapidement sur les trois principes fondamentaux que devra respecter tout gouvernement palestinien : renonciation à toute forme de violence, reconnaissance de l'Etat d'Israël et reconnaissance des accords qui ont été conclus entre Israël et les Palestiniens, et en particulier, des Accords d'Oslo.

Tant que ces principes ne seront pas respectés, l'Union européenne et les États-Unis refuseront tout contact avec les dirigeants du Hamas, car ce mouvement reste inscrit, à ce jour, parmi les organisations terroristes.

L'une des questions cruciales qui se pose aujourd'hui est celle du maintien, ou non, de l'assistance internationale à l'Autorité palestinienne, de l'ordre de 1,3 milliard de dollars par an, qui est indispensable au fonctionnement de l'Autorité. C'est pourquoi l'Union européenne a décidé de maintenir son assistance, qui avoisine les 650 millions d'euros par an, en attendant de connaître la composition et les principales orientations politiques du prochain gouvernement palestinien.

La France, qui contribue à hauteur de 25 millions d'euros par an à l'assistance européenne, a adopté une position similaire. Si nous voulons aboutir à un règlement durable du conflit, nous devons préserver les structures de l'Autorité palestinienne qui préfigurent, de fait, celles du futur Etat palestinien. Il faut donc poursuivre le versement de cette aide en attendant la formation du nouveau gouvernement palestinien. Celui-ci mis en place, l'Union européenne devra adapter son attitude, quitte éventuellement à imaginer une formule de versement qui échappe au contrôle du Hamas.

L'objectif n'est pas d'isoler le futur gouvernement palestinien, mais de l'amener, ainsi que le Hamas, à se ranger à des positions acceptables par tous et qui permettent, à terme, une relance du processus de paix. Les nouvelles perspectives de paix au Proche Orient dépendent avant tout d'une logique de dialogue et de responsabilité qui soit bien comprise par toutes les parties.

Abordant la situation de l'Irak, M. Philippe Douste-Blazy a fait part des vives préoccupations de la communauté internationale. Malgré les espoirs suscités par les élections du 15 décembre 2005, la violence a atteint un nouveau palier depuis l'attentat commis contre le mausolée chiite de Samarra et les représailles anti-sunnites qui l'ont suivi. La poursuite des attentats, celle des affrontements interconfessionnels portent aujourd'hui un coup sérieux à la cohésion nationale dans le pays et cette spirale de violence est de plus en plus une menace pour la stabilité de l'ensemble de la région.

Pour autant, il n'est pas trop tard pour enrayer le cycle de la violence et agir efficacement contre les forces qui poussent au repli identitaire.

Cela passe, d'abord et avant tout, par la recherche d'un consensus national. Il est fondamental que tous les Irakiens puissent se reconnaître dans les institutions permanentes qui devraient être mises en place dans les prochaines semaines. Or, la reconduction du Premier ministre Jafaari, proposée par l'Alliance chiite, rencontre l'opposition des Kurdes et des Sunnites.

La recherche d'un consensus national est également indispensable pour faire aboutir, au cours des prochains mois, le chantier institutionnel qui comporte en particulier à la révision constitutionnelle et la préparation du « paquet législatif » nécessaire au fonctionnement des institutions.

Enfin, il est important de disposer d'un horizon crédible de retrait des forces étrangères, pour que les Irakiens entrent véritablement dans une logique de responsabilité et de pleine souveraineté.

Face à ces enjeux, la communauté internationale doit aujourd'hui envoyer des signaux clairs de soutien au processus de transition en cours.

Cela passe par le rappel de son attachement à l'unité, la souveraineté et l'intégrité de l'Irak, par son engagement en faveur de l'État de droit et de la reconstruction du pays et d'un processus politique véritablement inclusif, mais, aussi, par un appui ferme et résolu aux efforts déployés par la Ligue arabe, l'ONU et les États de la région pour instaurer un véritable dialogue national et rétablir la stabilité dans le pays.

Le Ministre a rappelé que la France restait prête à apporter tout son concours à la reconstruction politique et économique d'un Irak indépendant, pluraliste et souverain et avait, dans cet esprit, salué les résultats encourageants de la réunion préparatoire du Caire, qui s'est tenue en novembre dernier à l'initiative de la Ligue arabe. Elle apportera tout son soutien à la convocation d'une conférence d'entente nationale, qui devrait se dérouler en juin prochain, à Bagdad.

Le Ministre a conclu son intervention sur la situation en Côte d'Ivoire

L'évolution du processus de crise a été essentiellement marquée par la réunion, à huis clos, le 28 février dernier, à Yamoussoukro, des principaux responsables politiques ivoiriens : le Président Laurent Gbagbo, le Premier ministre Charles Konan Banny, MM. Henri Konan Bedié, Alassane Ouattara et Guillaume Soro. Il s'agissait en effet de la première réunion depuis septembre 2002, des principaux protagonistes de la crise ivoirienne, sur le sol ivoirien, et en l'absence de toute médiation extérieure, ce qui constituait un signal positif.

Il importe désormais d'avancer concrètement pour favoriser le retour de l'administration sur l'ensemble du territoire, le démarrage effectif du désarmement et la préparation des élections, pour lesquelles la Commission européenne vient d'accorder une aide substantielle.

Par ailleurs, la France a pu mener à bien avec la Côte d'Ivoire en quelques jours la procédure d'extradition de Youssouf Fofana. Celui-ci a été ramené en France le samedi 4 mars, après que son extradition eut été signée le 2 mars par le Président Gbagbo, un peu plus d'une semaine après son interpellation le 22 février à Abidjan, et ce, en conformité avec le droit français et le droit ivoirien.

Le Président Edouard Balladur a souhaité savoir si l'extradition de Youssouf Fofana qui s'est déroulée dans des conditions satisfaisantes était le signe d'un changement dans les relations entre la Côte d'Ivoire et la France. Il s'est ensuite demandé si l'attitude de la Russie était parfaitement claire pour ce qui est de l'objectif d'éviter que l'Iran développe des activités nucléaires militaires. Observant que le Ministre avait évoqué une « union nationale » au sein de l'Autorité palestinienne, il s'est interrogé sur le sens de cette expression, alors que le Hamas n'a toujours pas reconnu Israël et n'a pas renoncé à la violence, contrairement au Fatah. Puis il a constaté qu'Israël menait une politique de consolidation des colonies et poursuivait l'édification du mur de séparation ce qui risque de rendre impossible la création d'un État palestinien viable. Le Président Édouard Balladur a, dès lors, souhaité savoir si cette politique était conforme à la feuille de route et, si tel n'était pas le cas, de quels moyens pouvait-on user pour que Israël la respecte.

M. Philippe Douste-Blazy a indiqué que le Premier ministre, M. Dominique de Villepin, s'était entretenu avec le président Gbagbo ainsi qu'avec le Premier ministre de la Côte d'Ivoire, M. Charles Konan Banny. La coopération entre la France et la Côte d'Ivoire a été parfaite pour ce qui est de l'extradition de M. Fofana. Concernant la situation ivoirienne d'un point de vue général, la position de la France est simple : les élections doivent se dérouler aux dates prévues.

La question iranienne est complexe parce qu'elle suppose que l'on concilie une position ferme à l'égard de l'Iran tout en conservant l'unité de la communauté internationale, notamment avec la Russie et la Chine. Une concertation approfondie a lieu avec ces pays ; elle a pu ainsi aboutir à l'adoption d'une résolution de l'Agence internationale de l'énergie atomique à Vienne en février dernier. Une désunion de la communauté internationale au sein de cette agence ou au Conseil de sécurité de l'ONU ferait le jeu de l'Iran. La proposition russe consiste principalement à produire en Russie le combustible nucléaire nécessaire aux Iraniens pour leurs activités civiles. Deux conditions doivent cependant être remplies : il ne doit être procédé à aucun transfert de technologies sur l'enrichissement d'uranium au bénéfice de l'Iran ; aucun enrichissement ne doit avoir lieu sur le sol iranien. Or l'Iran refuse de se soumettre à ces deux conditions qui portent aussi bien sur l'aspect industriel de l'enrichissement que sur la recherche et le développement de cette activité.

Le Ministre a ensuite précisé qu'il avait employé l'expression « union nationale » concernant l'Autorité palestinienne pour rendre compte des signes avant-coureurs d'un rapprochement possible du Fatah avec le Hamas, rapprochement qui s'exprimerait par sa participation au nouveau gouvernement. En Israël s'ouvre la période électorale toujours porteuse de certaines tensions. En tout état de cause, la préoccupation de la France est le respect de la feuille de route. La France ne ménagera aucun effort pour atteindre l'objectif de deux États vivant côte à côte en paix et en sécurité.

M. Christian Philip s'est interrogé sur la position que le Conseil de sécurité de l'ONU pourrait prendre dans les prochaines semaines dans l'affaire iranienne. Le Conseil pourrait-il adopter une position ayant un contenu plus substantiel que la déclaration votée récemment par l'Agence internationale de l'énergie atomique ? Le transfert du dossier iranien au Conseil de sécurité a-t-il une chance de déboucher sur une étape nouvelle dans le processus de résolution de cette affaire ? Alors que la communauté internationale entend rester unie face au Hamas, la Russie qui vient de recevoir une délégation de ce mouvement n'est-elle pas en passe de rompre cette unité ? Enfin on constate que le dialogue tente de s'organiser au Liban. Comment la France contribue-t-elle à l'instauration de ce dialogue ? Où en est la commission d'enquête constituée après l'assassinat de Rafic Hariri ?

M. René André, réagissant aux propos du Ministre selon lesquels la France souhaitait maintenir la cohésion de la communauté internationale dans le dossier iranien et irakien, a demandé si cette position était bien conforme aux intérêts de notre pays. Alors que nous nous efforçons d'apparaître comme de bons élèves sur la scène internationale, d'autres en tirent les bénéfices, notamment dans le domaine économique. Est-il exact que les États-Unis se sont récemment opposés à une proposition formulée par le Directeur général de l'AIEA dans le dossier iranien ? Quelle était cette proposition ? Si la Russie et la Chine sont pour l'instant aux côtés de la France sur la question iranienne, ces pays maintiendront-ils leurs positions au Conseil de sécurité ? Quelles sont nos marges de manœuvre dans la négociation ? La France avait par ailleurs annoncé qu'elle formerait sur son territoire des membres des forces de sécurité irakiennes. Cette annonce a-t-elle été suivie d'effet ? Y a t-il aujourd'hui une présence française en Irak ? Enfin, connaît-on le calendrier du retrait des troupes américaines présentes dans ce pays ?

M. François Loncle a demandé quelle serait la position de la France au sein du Conseil de sécurité si des sanctions à l'encontre de l'Iran étaient envisagées. Quelle est la position de la France dans le dossier irakien, alors même que le pays connaît une situation très difficile marquée par les affrontements religieux. Alors que la France a promis de contribuer à la formation des forces de sécurité irakienne, cette promesse demeure lettre morte. Enfin, alors que les États-Unis et le Royaume-Uni divergent sur l'attitude à adopter en Irak, quelle est la position de la communauté internationale et quels sont ses objectifs dans ce dossier ?

M. François Rochebloine, évoquant la destruction de cimetières arméniens du Nakhitchevan en Azerbaïdjan, a rappelé qu'elle avait entraîné les protestations de l'UNESCO et le vote d'une résolution du Parlement européen demandant l'envoi d'une mission internationale sur place : que compte faire la France en la matière ? Où en est le projet de construction d'un centre culturel français à Tel Aviv, dont l'annonce avait été faite par M. Dominique de Villepin en 2003 et qui devait ouvrir cette année.

Le Ministre a apporté les éléments de réponse suivants :

-  La Russie a fait passer au Hamas les mêmes messages que ceux relayés par le reste de la communauté internationale, afin que ce mouvement reconnaisse Israël, qu'il renonce à la violence et accepte le cadre issu des accords d'Oslo.

-  Si l'Iran maintient son activité de recherche et de développement dans le domaine nucléaire, le risque que ce pays puisse franchir le cap technologique de l'enrichissement serait grand et il rendrait plus difficile encore le travail de contrôle de l'AIEA.

-  Les décisions du Conseil de sécurité à l'égard de l'Iran dépendront du comportement de ce dernier ; dans un premier temps, le Conseil pourrait reprendre dans une résolution les demandes de l'AIEA, afin de leur donner une autorité politique plus grande ; il faudra ensuite qu'il y ait des discussions et des négociations avec l'Iran ; il n'est donc pas possible de préjuger d'une éventuelle décision du Conseil tant que les discussions restent ouvertes.

-  La résolution 1644 du Conseil de sécurité sur le Liban a été adoptée à l'unanimité du Conseil de sécurité ; l'enquête internationale sur l'assassinat de Rafic Hariri se poursuit sous la direction de M. Serge Brammertz ; le Secrétaire général de l'ONU doit par ailleurs faire prochainement rapport au Conseil sur la question libanaise.

- Il est de l'intérêt de la France de préserver l'unité de la communauté internationale sur le dossier du nucléaire iranien, afin que l'Iran ne tire pas parti de divisions éventuelles. Notre position actuelle ne nuit pas à nos intérêts économiques, aucun embargo n'existant contre l'Iran et nos exportations vers ce pays se poursuivant. La prudence s'impose sur ce dossier, notamment pour que la communauté de vues avec la Russie et la Chine soit préservée.

- Il existe un programme européen de soutien à l'État de droit en Irak, qui inclut des actions menées en dehors de ce pays. La France en souhaite cependant la réévaluation, ce programme étant à ce jour peu satisfaisant. La formation de magistrats et de gendarmes en Irak doit être développée, même si la situation sur le terrain rend une telle coopération de plus en plus complexe. S'agissant des propositions spécifiquement françaises de formation des gendarmes irakiens, elles n'ont pas pour le moment été suivies d'effets, faute de réponse précise de la partie irakienne.

- Le retrait des forces américaines d'Irak n'est pas d'actualité immédiate. La division entre communautés dans ce pays est très profonde et suscite notre plus grande préoccupation. Aucun effort ne devra être épargné pour que l'actuel processus politique devienne réellement inclusif ; à cet égard, il faut parvenir à ce que toutes les communautés participent à une conférence nationale qui pourrait avoir lieu au mois de juin, sous l'égide de la Ligue arabe.

- Concernant le centre culturel français à Tel Aviv, l'acquisition d'un terrain pour accueillir le bâtiment du centre est actuellement en négociation.

- S'agissant des lieux de mémoire arméniens en Azerbaïdjan, le Parlement européen a, dans une résolution du 16 février 2006, appelé l'Azerbaïdjan à accepter la venue d'une commission d'enquête internationale. La France, au nom de ses positions constantes en faveur de la préservation du patrimoine culturel mondial, encourage une telle démarche, qui pourrait permettre d'établir un constat objectif de la situation et d'élaborer un plan de remise en état.

M. François Loncle ayant fait observer qu'il avait évoqué, non pas le retrait des troupes américaines, mais les rumeurs relatives à un début de divergence entre Britanniques et Américains, M. Philippe Douste-Blazy a estimé que la France n'était pas la mieux placée pour les connaître.

Le Président Edouard Balladur a fait remarquer qu'elle était cependant la mieux placée pour en tirer les conséquences.

Alors que des établissements privés où l'enseignement se faisait en français viennent d'être fermés en Algérie, le Président Edouard Balladur a souhaité aborder la question des rapports que la France entretient avec ce pays. A cet égard, il a rappelé qu'il n'était pas favorable à la signature d'un traité d'amitié qui serait précédé d'une déclaration de repentance et demandé si l'on persistait dans l'idée d'élaborer ce traité.

S'agissant de la fusion entre Gaz de France et Suez, il a fait part de son sentiment selon lequel la France n'avait, en la matière, méconnu aucune des règles de fonctionnement de l'Union européenne. Peut-on, à bon droit, nous faire ce reproche ?

Néanmoins, face à l'augmentation du prix du pétrole, au renforcement considérable des moyens des pays du Proche-Orient et à la puissance de Gazprom sur le marché européen et international, ne faudra-t-il pas, à un moment donné, préférer des alliances entre entreprises issues de pays membres de l'Union européenne à des alliances strictement nationales ?

Sur la perspective d'une fusion entre Suez et Gaz de France, M. Philippe Douste-Blazy a répondu que, s'agissant d'une éventuelle mise en cause de l'esprit du marché commun européen, la Commission européenne avait indiqué, en première analyse, que cette fusion ne lui paraissait pas enfreindre les règles de la libre circulation des capitaux. En outre, il n'y a pas eu de tentative formelle de rachat du groupe Suez de la part du groupe italien Enel alors que la fusion de Suez et de Gaz de France était à l'étude depuis plusieurs mois. Enfin, il n'y a pas qu'en France que l'on observe un mouvement de concentration des entreprises énergétiques. On l'observe également dans d'autres pays comme l'Espagne. L'indépendance énergétique est un enjeu stratégique pour tous les pays et il convient de souligner que le rapprochement entre Suez et Gaz de France bénéficie du soutien du gouvernement français mais également du gouvernement belge.

S'agissant d'un éventuel protectionnisme à l'encontre de l'Italie, Enel est déjà présent sur le marché français de l'énergie puisqu'aux termes d'un accord signé avec EDF en 2005 il a pris une participation dans le futur réacteur EPR (European pressurized reactor). Enfin, la France est le troisième pays d'accueil des investissements italiens, avec, en 2004, 18 milliards d'investissements.

Face à cela, deux types d'actions européennes sont nécessaires et urgentes. La première porte sur les capacités énergétiques manquantes, la seconde sur les actions à mener vis-à-vis des pays tiers.

La signature du traité d'amitié avec l'Algérie initialement prévue fin 2005 a été repoussée de plusieurs mois. Le retour du Président Bouteflika en Algérie et la fin du débat sur l'article 4 de la loi du 23 février 2005 créent, semble-t-il, des conditions favorables à une signature de ce traité, sans qu'une date puisse être encore annoncée. Cette perspective est inscrite dans la déclaration d'Alger signée par les deux chefs d'État en mars 2003. La France souhaite que ce traité consacre de manière solennelle et durable le partenariat d'exception avec l'Algérie sans oublier les pages douloureuses du passé qui relèvent d'un travail de mémoire. La signature de ce traité est une chance historique pour nos deux pays parce qu'il doit consacrer le rapide développement de nos relations bilatérales.

Concernant les écoles qui ont été fermées en Algérie, ce ne sont pas des écoles françaises mais des écoles algériennes privées où l'enseignement se faisait en français. C'est un problème interne à l'Algérie. Les écoles françaises qui existent en Algérie n'ont pas été remises en cause.

M. Bruno Bourg-Broc a fait observer que le problème était dû au fait que le point commun entre toutes ces écoles qui ont été fermées est qu'elles diffusaient un enseignement en français.

M. Philippe Douste-Blazy a répondu que ce n'est nullement la langue française qui est remise en question dans cette affaire. C'est une affaire intérieure d'application du droit. Le français continue d'être enseigné dans les écoles publiques comme dans les écoles privées agréées selon la législation algérienne qui prévoit un tel enseignement dès le primaire. Sur 117 écoles privées concernées par l'application d'une ordonnance prise en août 2005 qui conditionne l'exercice de leurs activités à un agrément du ministère de l'éducation nationale algérien, à ce jour, 75 ont obtenu cet agrément et poursuivent leurs activités. Certaines d'entre elles travaillent avec le Centre national d'enseignement à distance (CNED).

M. François Rochebloine a estimé que si la signature d'un traité d'amitié avec l'Algérie était en elle-même très souhaitable, le moment n'était peut-être pas le mieux choisi en raison des événements récents.

M. Philippe Douste-Blazy a répondu qu'il s'agissait en l'occurrence d'une question touchant à l'enseignement privé en Algérie.

M. André Schneider a souhaité connaître l'évolution de l'enseignement du français en Algérie.

M. Philippe Douste-Blazy a déclaré qu'il adresserait à M. Schneider des éléments de réponse.

M. Hervé de Charette a déclaré qu'un traité d'amitié entre la France et l'Algérie était certainement un événement historique, mais qu'un certain nombre d'éléments récents s'opposaient à ce que la relation entre les deux pays soit totalement paisible. Les déclarations violentes du Président Bouteflika prononcées il y a quelques mois, puis l'affaire des fermetures d'écoles, rendent le contexte plus difficile.

Après avoir rappelé que la ratification du traité d'élargissement à la Roumanie et à la Bulgarie ferait l'objet d'un débat lors de l'examen du projet de loi autorisant sa ratification, il a demandé des informations sur le calendrier de ce projet de loi et souhaité que le temps nécessaire soit consacré au débat parlementaire sur la ratification de ce traité d'adhésion.

Concernant l'Algérie, le Ministre des Affaires étrangères a souligné que le temps était venu pour la France et l'Algérie d'établir une relation d'égal à égal. La présence de l'autre côté de la Méditerranée de 110 millions de francophones est une chance à la fois géostratégique et culturelle pour la France.

Concernant l'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne, la procédure est engagée. La rédaction du projet de loi a eu lieu en décembre, les ministères ont été saisis pour avis le 20 janvier et le projet de loi de ratification pourrait être inscrit au printemps, mais pas avant que la Commission européenne n'ait rendu en mai son rapport de suivi, qui indiquera s'il convient ou non de faire jouer la clause de report d'un an de l'entrée de ces pays dans l'Union. Toutefois, le rapport d'étape de la Commission rendu en octobre dernier, même s'il fait état de quelques retards estime que ceux-ci ne devraient pas faire obstacle à l'entrée de la Roumanie dès le 1er janvier 2007.

Le Président Edouard Balladur a fait savoir que le Ministre des Affaires étrangères de Roumanie avait reporté sa venue devant la Commission des Affaires étrangères prévue la semaine prochaine mais que la Commission entendrait le Ministre des Affaires étrangères de Bulgarie dans quinze jours.

M. Jean-Pierre Kucheida a souhaité obtenir des éclaircissements sur la décision prise le 8 décembre dernier par la France d'augmenter les effectifs de ses troupes en Afghanistan, sur le niveau d'effectif prévu et sur la situation générale de l'Afghanistan.

Il a également souhaité obtenir des précisions sur le problème des Roms qui sera posé par l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l'Union européenne.

M. Philippe Douste-Blazy a déclaré que l'évolution de nos effectifs en Afghanistan était liée au rôle que notre pays devait assumer pour la région de Kaboul. Il a par ailleurs rappelé que, de manière générale, les missions de maintien de la paix étaient soumises à une forte contrainte budgétaire. Concernant la situation générale de l'Afghanistan, l'un des problèmes majeurs qui se posent dans ce pays est celui de la drogue.

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