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COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 33

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 12 avril 2006
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Accord avec la Principauté d'Andorre sur les transports routiers internationaux (n° 2562) - M. Henri Sicre, rapporteur

- Convention relative au renforcement de la Commission Interaméricaine du Thon Tropical (n° 2559) - M. Guy Lengagne, rapporteur

  

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Accord avec la Principauté d'Andorre concernant les transports routiers internationaux

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Henri Sicre, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre concernant les transports routiers internationaux de marchandises (ensemble une annexe) (n° 2562).

M. Henri Sicre a tout d'abord indiqué qu'un accord entre la France et Andorre concernant les transports internationaux de marchandises avait été signé le 12 décembre 2002. Le Sénat avait adopté le projet de loi autorisant son approbation le 4 octobre 2005.

Ses stipulations sont très proches de celles contenues dans les accords du même type conclus avec l'ensemble des pays d'Europe centrale et orientale qui ne sont pas membres de l'Union européenne et avec un grand nombre de pays du bassin méditerranéen. Un tel accord n'avait pas encore été signé avec Andorre, car la Principauté n'a accédé à la souveraineté internationale qu'en 1993.

Il présente un intérêt particulier dans le cas d'Andorre car ce petit Etat, enclavé dans les Pyrénées, n'est accessible depuis la France que par voie routière et car 1,5 million de véhicules franchissent chaque année la frontière entre les deux pays, dont plus du tiers en empruntant le tunnel d'Envalira, ouvert à l'automne 2002. La plupart des véhicules qui se rendent en Andorre transportent des touristes : la Principauté en accueille chaque année plus de 10 millions. Mais le trafic de marchandises est aussi considérable : les exportations d'Andorre vers la France ont représenté 15 millions d'euros en 2003 et ses importations en provenance de notre pays ont atteint 343 millions d'euros, ce qui est important même si les importations provenant d'Espagne sont deux fois supérieures.

Le présent accord vise à alléger les formalités que les transporteurs internationaux de marchandises doivent remplir. Il concerne les transporteurs français allant en Andorre ou traversant son territoire pour se rendre en Espagne et les transporteurs andorrans se rendant en France ou traversant notre pays. L'accord met en place un régime d'autorisation. Certains transports sont néanmoins dispensés d'autorisation : ce sont les transports assurés par des véhicules dont le poids total n'excède pas six tonnes ou dont la charge utile autorisée ne dépasse pas 3,5 tonnes, les transports de bagages par remorques adjointes aux véhicules de transport de voyageurs, à des bus de tourisme par exemple, dont le poids pourrait dépasser la limite mentionnée plus haut, les transports humanitaires, funéraires, postaux, de dépannage, de déménagement, ainsi que ceux d'objets d'art et de matériels destinés à la publicité ou à l'information et les transports des matériels de toute sorte destinés à des manifestations culturelles ou sportives entendues au sens large. Pour les transports soumis au régime de l'autorisation préalable, celle-ci est délivrée, par les autorités compétentes de l'Etat où le véhicule est immatriculé, et dans la limite de contingents que les autorités peuvent fixer annuellement d'un commun accord. Alors que, actuellement, une autorisation doit être demandée pour chaque voyage, l'accord prévoit deux types d'autorisations : une autorisation valable pour un seul voyage, dont la durée de validité est limitée à trois mois, et une autorisation annuelle, valable pour un nombre de voyages illimité.

Par ailleurs, l'accord pose à la fois le principe de l'assujettissement des entreprises effectuant des transports aux impôts et taxes en vigueur sur le territoire de l'autre Partie et la possibilité de leur accorder des réductions ou des exonérations. Par réciprocité, l'annexe à l'accord exempte ainsi de la taxe spéciale sur certains véhicules routiers, dite « taxe à l'essieu » (à laquelle sont soumis en France les véhicules de plus de douze tonnes), les véhicules andorrans qui en seraient redevables, dans la mesure où les entreprises françaises ne sont pas soumises à une telle taxe en Andorre.

Ainsi, grâce à l'accord, les transporteurs n'auront pas à demander une autorisation avant chaque voyage et les transporteurs andorrans seront exonérés de la taxe à l'essieu.

Ces progrès sont utiles, mais le principal frein au développement du trafic de marchandises entre la France et Andorre n'est pas administratif ; il réside dans la mauvaise qualité d'une partie de l'infrastructure routière du côté français.

Pour améliorer sa desserte routière, Andorre a récemment construit le tunnel d'Envalira et un viaduc reliant celui-ci à la RN 22. Mais rien n'a été fait pour moderniser et sécuriser la partie française de la route entre Andorre-la-Vieille et Perpignan, composée d'un tronçon de la RN 20 et d'un de la RN 116. Alors qu'elle traverse plusieurs villages, la RN 116 est souvent très encombrée et utilisée par un grand nombre de poids lourds, dont certains pèsent entre 40 et 44 tonnes et parmi lesquels figurent nombre de véhicules transportant du carburant. La sécurité des habitants n'est donc pas assurée, pas plus d'ailleurs que celle des véhicules, car certaines portions de la route présentent des parois rocheuses dangereuses.

Cette situation pourrait être notablement améliorée par la réalisation de plusieurs aménagements : des déviations permettant d'éviter la traversée des villages, un tunnel pour remplacer une portion de route trop étroite, des créneaux supplémentaires dans le sens descendant et des éclaircissements de végétation. Une partie de ces aménagements figurait dans l'actuel contrat de plan Etat-région, mais leur réalisation n'a pas encore commencé. Alors que les parties de la RN 20 et la RN 116 situées entre Perpignan et l'Espagne - via Andorre - restent de la compétence de l'Etat, il est urgent que celui-ci consente enfin à réaliser les aménagements nécessaires à leur modernisation et leur sécurisation. Dans leur état actuel, ces portions de route ne sauraient supporter un développement du trafic automobile, a fortiori de marchandises.

Sous cette réserve, dont il a reconnu qu'elle était sans lien direct avec l'objet de l'accord mais essentielle pour l'avenir du trafic entre les deux pays, le Rapporteur a recommandé l'adoption du présent projet de loi.

Rappelant que le Président de la République française était co-prince d'Andorre avec l'évêque d'Urgell, le Président Edouard Balladur s'est intéressé au contenu de cette co-principauté française. Au-delà des aspects économiques, il s'est ainsi demandé qui, du point de vue militaire, devrait assurer la défense d'Andorre, dont les citoyens se sentent apparemment plus proches des Espagnols que des Français.

M. Henri Sicre a répondu que, certes, du fait de la topographie et notamment des nombreuses améliorations des infrastructures routières qui ont été réalisées en Espagne, la proximité avec l'Espagne était forte. On pouvait également rappeler qu'avant l'entrée en vigueur de l'euro, c'était la peseta qui avait cours en Andorre. Toutefois, sur certains sujets, c'est l'assistance française qui prévaut, par exemple en matière de chasse et de pêche. Par ailleurs, la Principauté d'Andorre a exprimé le souhait de rejoindre le cercle de la francophonie.

Le Président Edouard Balladur a fait observer que c'était là une façon supplémentaire de se faire reconnaître sur la scène internationale.

Précisant qu'il était régulièrement appelé à se rendre en Andorre au titre de la francophonie, M. Jacques Godfrain a confirmé le vif intérêt d'Andorre pour la francophonie. Il s'agit bien d'un Etat dans la mesure où il y a un ambassadeur de France en Andorre et un délégué du Président de la République, basé à Perpignan, plus particulièrement chargé de suivre les questions andorranes. Si les pouvoirs de cet Etat sont limités, voire purement représentatifs, il n'en demeure pas moins que l'évêque d'Urgell dispose par exemple du pouvoir de propriété foncière. Ainsi, une grande partie d'Andorre-la-Vieille appartient à l'évêché.

A cet égard, M. Henri Sicre a précisé que les petites communes d'Andorre étaient dénommées des « paroisses ».

M. Jacques Godfrain a également souligné qu'il était essentiel de désenclaver Andorre par rapport à Perpignan et Toulouse car le poids et l'influence de l'Espagne sont croissants, notamment au plan économique. A cet égard, il est intéressant de noter que les autorités andorranes sont prêtes à financer des travaux d'infrastructures en France afin de réduire cet enclavement.

Alors qu'Andorre doit essentiellement sa réputation au tourisme et à la vente de cigarettes et d'alcool, M. François Loncle a jugé intéressant d'apprendre qu'il y avait une ambassade de France en Andorre au moment où l'on ferme certains centres culturels français à l'étranger.

M. Jacques Godfrain a fait observer que renoncer à l'ambassade de France en Andorre constituerait une très bonne nouvelle pour l'Espagne.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2562).

Convention relative au renforcement de la Commission Interaméricaine du Thon Tropical

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Guy Lengagne, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention relative au renforcement de la Commission Interaméricaine du Thon Tropical établie par la Convention de 1949 entre les Etats-Unis d'Amérique et la République du Costa Rica (ensemble quatre annexes) (n° 2559).

M. Guy Lengagne a tout d'abord indiqué que le présent projet de loi, adopté par le Sénat, avait pour objet d'autoriser la ratification de la convention relative au renforcement de la Commission Interaméricaine du Thon Tropical (CITT). Cette convention a été adoptée à l'unanimité par une résolution des Etats membres de la CITT le 27 juin 2003 à Antigua au Guatemala, d'où son nom de « convention d'Antigua ». La France l'a signée le 14 novembre 2003.

A l'origine, la Commission interaméricaine du thon tropical a été établie par une convention bilatérale de 1949 entre les Etats-Unis d'Amérique et la République du Costa Rica. Il s'agissait d'accorder à cette organisation régionale de pêche la compétence pour réglementer la gestion et la conservation des stocks de thons dans l'océan Pacifique oriental afin d'assurer un équilibre entre exploitation durable et conservation à long terme des stocks de poissons, comme les thons à nageoires jaunes, les bonites à ventre rayé et d'autres espèces pêchées par les thoniers dans le Pacifique oriental.

A partir de 1953, treize autres pays riverains ou pêchant dans la région ont adhéré à cette convention, dont la France le 22 mai 1973. Celle-ci souhaitait ainsi marquer sa souveraineté sur Clipperton, régulièrement contestée par le Mexique. La possession par la France de cet îlot lui donne, avec les 200 miles de zone économique exclusive, une surface équivalente aux 4/5èmes du territoire français. Par la suite, la présence du territoire d'outre-mer de la Polynésie française dans la zone de compétence de cette organisation a également justifié la participation de la France.

Les récentes évolutions du droit international de la mer en matière de pêche ont rendu obsolètes les statuts de la convention bilatérale de 1949 et justifié l'adoption de la nouvelle convention. Celle-ci vise essentiellement à renforcer les structures et les moyens de l'actuelle Commission interaméricaine du thon tropical. Par ailleurs, la définition des espèces visées par la nouvelle convention est plus large qu'en 1949. Il s'agit des stocks de thons et d'espèces apparentées, ainsi que les autres espèces de poissons capturées par les navires pêchant le thon et des espèces apparentées dans la zone de la convention comme les bonites et les germons par exemple. Le champ d'application de la nouvelle convention est également élargi. La zone géographique concernée est gigantesque : elle couvre désormais l'ensemble de l'océan Pacifique situé à l'Est du méridien 150° de longitude Ouest, qui passe à l'Ouest de Tahiti, à l'exception des eaux situées au Nord du parallèle 50° de latitude Nord et au Sud du parallèle 50° de latitude Sud. Enfin, la nouvelle convention est ouverte aux organisations régionales d'intégration économique comme la Communauté européenne.

Dès son entrée en vigueur la nouvelle convention prévaudra sur la convention de 1949. Jusqu'à présent, seuls deux Etats ont achevé leur processus de ratification : le Salvador et le Mexique. L'Union européenne sera membre à part entière dès l'entrée en vigueur de la convention d'Antigua, mais la France, conformément à l'article 26, paragraphe 2, restera partie contractante au titre de ses territoires non couverts par le traité de Rome que sont la Polynésie française et Clipperton. Outre le fait qu'ayant ratifié l'accord de New York, la France est tenue de coopérer avec les autres Etats en devenant Partie à la convention d'Antigua ou en appliquant les mesures qu'elle pourra édicter, elle se doit également de participer aux travaux de la Commission interaméricaine du thon tropical afin de prévenir les mesures qui pourraient être défavorables au développement des activités de pêche de la Polynésie française qui est soumise pour 80 % de sa zone économique exclusive à la CITT, et défendre la zone économique exclusive de Clipperton.

Le Rapporteur a conclu en recommandant l'adoption du présent projet de loi.

M. François Loncle a tenu à témoigner de la façon ardente avec laquelle, lorsqu'il était Ministre de la Mer, M. Guy Lengagne avait défendu, entre autres, la souveraineté française sur Clipperton.

M. Guy Lengagne a estimé que l'appropriation par les pays riverains des 200 miles marins avait constitué un bouleversement considérable, une sorte de révolution pacifique.

Le Président Edouard Balladur a considéré que l'on pouvait également analyser cette évolution comme une régression en termes de droit international.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2559).

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· Andorre

· Transports routiers

· Etats-Unis

· Costa Rica

· Thon


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