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COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 44

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 13 juin 2006
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Philippe Douste-Blazy, Ministre des Affaires étrangères

- Compte rendu de la mission du Président Balladur au Proche-Orient

  
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Audition de M. Philippe Douste-Blazy, Ministre des Affaires étrangères

M. Philippe Douste-Blazy, Ministre des Affaires étrangères, a souhaité évoquer deux enjeux stratégiques, bien au-delà de leurs implications régionales : la situation au Proche-Orient et la crise nucléaire iranienne. Il a également souhaité faire état de la situation très préoccupante au Soudan.

Rappelant les attentes exprimées par la communauté internationale à l'égard du nouveau gouvernement palestinien, le Ministre est revenu sur les principes qui guident l'action de la France au Proche-Orient. Le dialogue politique avec le gouvernement palestinien dépend du respect de ces principes, à savoir la renonciation à la violence, la reconnaissance de l'Etat d'Israël et celle des engagements internationaux souscrits par l'Autorité palestinienne. Or, deux mois et demi après son investiture, force est de constater que le gouvernement dirigé par le Hamas n'a entrepris aucune démarche significative démontrant sa réelle intention d'adhérer aux principes édictés par le Quartet, l'Union européenne et le Conseil de Sécurité des Nations unies.

Cette position d'intransigeance est regrettable. Elle est pour partie la cause, sur le terrain, de nouvelles tensions inter-palestiniennes qui menacent de déboucher sur l'atomisation de fait des Territoires et le délitement des institutions palestiniennes. Quant au référendum organisé par le Président Mahmoud Abbas pour sortir de la crise, s'il peut enrayer cette évolution, il peut aussi l'accélérer.

De son côté, Israël a réaffirmé son objectif de donner sa chance à la négociation. Mais le manque de confiance entre les parties est aujourd'hui tel que l'hypothèse d'une négociation paraît problématique, pour le moins à court terme.

Le Ministre a déploré que l'unilatéralisme continue de progresser dans les esprits, en Israël comme du côté palestinien. Il s'agit là d'une posture dangereuse, tant elle fait le lit de possibles violences futures, au Proche-Orient mais aussi en dehors, y compris sur le territoire européen.

Dans ce contexte sensible et volatile, la communauté internationale a naturellement le devoir d'agir, en assumant une double responsabilité :

- La première est d'enrayer le risque d'effondrement de l'Autorité palestinienne et l'aggravation de la situation humanitaire dans les Territoires. Il est essentiel que l'aide internationale continue de parvenir à la population. Un consensus européen a pu être obtenu sur l'élaboration d'un mécanisme international d'assistance afin de pouvoir acheminer une aide directe aux Palestiniens et prévenir ainsi une nouvelle aggravation de la crise sociale dans les Territoires. Le Président de la République l'a clairement exprimé : l'aide internationale doit parvenir au peuple palestinien, non seulement pour des raisons humanitaires, mais aussi, tout simplement, de justice. La population palestinienne ne doit pas avoir le sentiment d'être « punie » pour un vote qui s'explique en partie par l'unilatéralisme israélien, mais aussi par la perte de confiance de cette population dans la perspective d'une solution négociée. Plus que jamais, il faut répondre à une double exigence : aider la population palestinienne, en lui procurant notamment l'assistance de première nécessité, et préserver les acquis du processus de paix de la dernière décennie. Au-delà de la question de l'aide, l'objectif est de relancer le processus de paix. Il convient donc de maintenir une position de fermeté vis-à-vis du Hamas pour l'amener à adhérer aux principes posés par le Quartet. Le Hamas est parvenu au pouvoir à l'issue d'élections démocratiques : il doit aujourd'hui tirer toutes les conséquences de cette participation, en répondant à nos exigences.

- La communauté internationale - et c'est là sa deuxième responsabilité - doit favoriser une relance à la fois efficace et réaliste du processus de paix. Nous sommes aujourd'hui devant un double défi, étant donné l'absence totale de confiance entre les parties, mais aussi la tentation unilatéraliste qui prévaut en Israël. Dans ce contexte difficile, l'Union européenne détient pourtant une capacité d'action spécifique de par ses liens anciens dans la région. Elle doit aujourd'hui mieux la valoriser. Cette marge de manœuvre suppose de maintenir une approche équilibrée et dynamique de la situation. L'Union doit redire clairement sa condamnation des faits accomplis sur le terrain par Israël, mais aussi réaffirmer sa position sur la question des frontières de l'Etat d'Israël qui devront être négociées avec les Palestiniens. La visite en France du Premier Ministre Ehud Olmert doit être l'occasion de rappeler ces exigences. Le Ministre a estimé que, tout comme les Palestiniens, les Israéliens sont tenus à des obligations au regard du droit international dont ils ne peuvent s'affranchir.

Naturellement, il n'existe pas de solution unique à la crise actuelle. Mais il est impératif de ramener les parties à la table de négociation. L'organisation d'une Conférence internationale sur le statut final des Territoires palestiniens serait de nature à rouvrir le dialogue. La France et l'Union européenne doivent promouvoir cette échéance, qui offrirait un nouvel horizon politique aux Palestiniens et pourrait aider à débloquer la crise actuelle. La France entend sensibiliser à cette idée ses partenaires au sein de l'Union.

Le Ministre a ensuite évoqué la crise nucléaire iranienne, soulignant trois événements importants au cours des dernières semaines :

- Tout d'abord, l'annonce par les Etats-Unis, le 31 mai dernier, de leur volonté de se joindre aux Européens pour dialoguer avec Téhéran, si les activités nucléaires sensibles étaient de nouveau suspendues. Il ne faut pas sous-estimer l'impact de cette position : il s'agit, de la part des Américains, d'une évolution majeure ; certains diront même historique.

- Une autre étape importante pour la recherche d'une solution politique négociée est la réunion des « Six », le 1er juin, à Vienne. Les trois ministres européens, ainsi que Javier Solana, Condoleezza Rice, Serguei Lavrov et le vice-ministre chinois sont parvenus à un accord sur une nouvelle proposition visant la reprise des négociations. Les Etats-Unis et la Russie se sont formellement déclarés prêts à se joindre aux discussions, tandis que la Chine a indiqué qu'elle pourrait également y participer.

- Cette offre conjointe ouvre des perspectives importantes à l'Iran. Le 6 juin dernier, Javier Solana, accompagné des directeurs politiques des trois Européens et du vice-ministre russe, s'est donc rendu à Téhéran pour exposer cette nouvelle offre en détails au négociateur iranien, Ali Laridjani. Cette rencontre, si elle a été constructive, n'a pour l'instant pas abouti à des conclusions concrètes. Les autorités iraniennes ont fait savoir qu'elles étudiaient attentivement ces propositions et qu'elles feraient part de leur réponse aussi rapidement que possible.

Pour des raisons évidentes, les Six ont convenu de préserver la confidentialité du détail de leurs propositions, ainsi que de leurs discussions avec les Iraniens. Dans ce dossier sensible s'il en est, il faut à tout prix éviter des indiscrétions qui pourraient compliquer, voire entraver la démarche engagée.

Qu'attendons-nous de l'Iran en retour ?

L'Iran doit se conformer à ses obligations internationales et prendre les mesures demandées par le Conseil de l'AIEA et par le Conseil de sécurité pour démontrer que son programme nucléaire est de nature exclusivement pacifique.

Rien ne sera possible sans le retour de la confiance internationale. La mesure la plus importante à cet égard consistera pour l'Iran à s'abstenir de toute activité liée à l'enrichissement et au retraitement jusqu'à ce que cette confiance soit restaurée.

Dès à présent, l'Iran devrait donc suspendre toute activité liée à l'enrichissement et au retraitement et s'engager à maintenir cette suspension durant les négociations. Sur cette base, il sera envisageable de suspendre l'examen du dossier iranien au Conseil de sécurité. A l'inverse, si l'Iran ne saisit pas cette occasion et s'obstine dans son refus de satisfaire les demandes de l'AIEA, le Conseil de sécurité devra prendre de nouvelles dispositions et augmenter, en conséquence, la pression exercée sur l'Iran.

Pour conclure sur le dossier iranien, le Ministre a rappelé les enjeux de cette crise, étant donné son importance stratégique majeure.

Il a souligné que le programme d'enrichissement iranien n'avait pas d'objectif civil identifiable. Il s'accompagne, en outre, d'un programme de missiles balistiques à longue portée que les Iraniens ont poursuivi jusqu'à ce jour. Or, comme l'a souligné le Président de la République, la perspective d'un Iran doté de l'arme nucléaire n'est pas acceptable.

Le Ministre a alors souligné que l'accent était mis sur la recherche d'une solution politique négociée, dans le respect du cadre multilatéral de sécurité collective et afin de maintenir l'indispensable unité d'action de la communauté internationale. Les Six ont fait preuve, à ce jour, de beaucoup de flexibilité et de bonne volonté dans la recherche de cette solution négociée. Il faut espérer que les autorités iraniennes sauront saisir l'offre qui leur est faite et retrouver le chemin des négociations ouvrant sur la perspective d'un accord à long terme.

Le Ministre a ensuite évoqué la situation au Soudan et, au-delà, en Somalie. Les dynamiques de fracture aujourd'hui à l'œuvre dans la Corne de l'Afrique suscitent la plus forte préoccupation.

Le Ministre a indiqué que l'entretien qu'il aura à l'issue de cette audition avec son homologue soudanais, M. Lam Akol, portera principalement sur la mise en œuvre de l'accord avec le Sud, et la situation du Darfour. Celle-ci est extrêmement préoccupante. A l'approche de la saison des pluies, la situation des camps de déplacés (et des réfugiés au Tchad) ne s'est en aucune façon améliorée, malgré la conclusion de l'accord d'Abuja, en mai dernier. Outre un risque humanitaire majeur, la persistance de la crise du Darfour menace la mise en œuvre de l'accord avec le Sud et fait peser un risque lourd sur la stabilité de la région, en particulier au Tchad et en Centrafrique.

Il faut donc encourager toutes les parties à appuyer les accords déjà conclus, qu'il s'agisse de celui qui concerne le Sud du pays ou de l'accord d'Abuja qui s'efforce de ramener la stabilité dans le Darfour. Au-delà, il est nécessaire d'appuyer les efforts des Nations unies pour mettre en place une force de maintien de la paix, chargée de venir soutenir l'action de l'Union africaine et de l'amplifier pour donner toute sa chance à la paix.

Au même moment, de l'autre côté du Soudan, on assiste à une aggravation brutale de la crise somalienne, en partie liée au soutien sans doute malencontreux accordé par les Etats-Unis aux chefs de guerre somaliens, au nom de la lutte anti-terroriste.

Le conflit somalien, qui met aux prises de toute éternité des chefs de guerre professionnels, est un des plus anciens et des plus compliqués du continent. Des élections ont eu lieu. Un Président a été élu en 2004, et un gouvernement mis en place sous l'égide de l'Union africaine et avec l'appui de l'Union européenne. Le plus raisonnable, et surtout le plus efficace, est de l'appuyer. Il faut donc espérer que les forces islamistes, qui ont gagné, pour le moment, la bataille de Mogadiscio, sauront trouver un terrain d'entente avec les institutions de transition mises en place par les Nations unies. La communauté internationale ne doit pas relâcher le cap qu'elle s'est fixée et qui vise au retour de l'Etat de droit dans un pays trop longtemps abandonné à l'anarchie. La France, pour sa part, appuie cette voie et soutiendra les efforts du Conseil de Sécurité pour faire prévaloir la ligne de la raison et du droit.

S'exprimant enfin sur la situation en Irak, le Ministre a estimé que la constitution d'un gouvernement représentant toutes les forces constituait une avancée, même si les efforts pour les inclure demeurent insuffisants. Or seule l'inclusivité est de nature à neutraliser les éléments les plus radicaux. Le Ministre a déploré le degré de violence jusqu'alors jamais atteint en Irak où le Président Bush effectue ce jour une visite surprise.

Le Président Edouard Balladur a souhaité savoir pourquoi M. Javier Solana intervenait avec la France, l'Angleterre et l'Allemagne dans le dossier iranien. S'agit-il pour lui de représenter la position de l'Union européenne ou celle de ces trois pays ?

M. François Rochebloine a interrogé le Ministre des Affaires étrangères sur plusieurs points. Il semblerait qu'il y ait une voix de la France lorsque celle-ci s'adresse directement aux Palestiniens et une voix quelque peu différente lorsqu'elle s'exprime au sein de l'Union européenne. Qu'en est-il exactement ?

Le Ministre des Affaires étrangères ayant annoncé, lors d'une précédente audition, la construction de lycées français à l'étranger, est-il possible d'obtenir des précisions sur ce programme ?

M. Dominique de Villepin, Ministre des Affaires étrangères, avait en 2003 annoncé la construction à Tel-Aviv d'un centre culturel français en 2003 dont l'ouverture était prévue en 2006. Où en est ce projet ?

Lors d'une audition devant la Commission des Affaires étrangères au mois de mars dernier, le Ministre des Affaires étrangères avait annoncé l'envoi d'une mission en Azerbaïdjan portant sur la destruction des cimetières arméniens. Quand cette mission doit-elle être effectuée ?

Quelles sont les évolutions récentes concernant la signature d'un traité d'amitié avec l'Algérie ?

Comment sera financée la chaîne d'information internationale et quand doit-elle démarrer ?

L'Assemblée nationale venant de tenir un débat en séance publique consacré à l'Union européenne, M. Axel Poniatowski a regretté qu'il n'ait pas été question de l'aide au développement, en particulier à destination des pays d'Afrique. C'est l'intérêt de la France mais aussi de l'Europe d'augmenter sa part du PIB consacrée à l'aide au développement. Il faut être résolument plus hardi en matière d'aide au développement et surtout d'aide directe.

S'agissant de l'Iran et des nouvelles dispositions que le Conseil de sécurité serait amené à prendre si l'Iran n'acceptait pas les propositions des 5+1, il a demandé au Ministre des Affaires étrangères de bien vouloir préciser quelles pressions plus accentuées pourraient être exercées.

M. Jacques Myard s'est dit surpris par la position visant à exiger de l'Iran l'arrêt immédiat de tout processus d'enrichissement comme préalable à l'engagement des négociations. En effet, même si l'on peut craindre l'utilisation à d'autres fins, l'Iran, ayant signé le TNP, a le droit de poursuivre un programme d'enrichissement civil. Pourquoi n'a-t-on pas saisi l'opportunité offerte par la déclaration de l'ambassadeur d'Iran à l'ONU, publiée le 6 avril 2006 dans le New York Times, selon laquelle l'Iran était prêt à signer le protocole de 1993, à accepter les contrôles de l'AIEA sur son sol, à suspendre l'enrichissement dès le début de négociations et à présenter devant son parlement une législation bannissant la recherche nucléaire à des fins militaires ?

Tout en rappelant qu'il y avait des raisons d'être attentifs aux développements actuellement en cours en Iran, M. Jean-Claude Lefort a souligné que le fait d'être signataire du TNP permettait à ce pays de procéder à l'enrichissement de l'uranium à des fins pacifiques et qu'en revanche, les pays non signataires pouvaient faire ce qu'ils voulaient, à l'instar du Pakistan, de l'Inde et d'Israël qui détiennent l'arme atomique. Dans ces conditions, la démarche menée actuellement à l'égard de l'Iran ne risque-t-elle pas de conduire ce dernier à se désengager du TNP pour se mettre totalement à l'abri des pressions internationales ? Ne serait-on pas plus efficace si l'on s'adressait également aux puissances nucléaires régionales ?

Sur le Proche-Orient, tout en se réjouissant de l'organisation prochaine d'un débat en séance publique, M. Jean-Claude Lefort s'est dit consterné par le communiqué publié le 9 juin dernier par le ministère des Affaires étrangères au sujet du massacre intervenu sur les plages de Gaza. Il y était question de « faire preuve de retenue », de « désapprobation de l'attaque ». Ces mots n'étaient pas adaptés à la situation et l'on peut s'interroger sur la différence dans la façon dont la France s'adresse au Hamas et au gouvernement israélien. Il y a absence de conditionnalité réciproque.

Enfin, s'agissant de la Turquie, il a estimé inacceptable d'engager des négociations d'adhésion avec un candidat qui ne reconnaît pas l'un des 25 Etats membres.

M. Jean-Pierre Kucheida a demandé au Ministre des Affaires étrangères de bien vouloir lui indiquer comment la France comptait répondre aux sollicitations du secrétaire général de l'OTAN demandant des moyens militaires renforcés à un moment où la situation en Afghanistan se fait de plus en plus tendue. Par ailleurs, quelle est la position de la France sur l'aide économique accordée à ce pays ?

S'agissant des propos tenus par le Président algérien à l'égard de la France, il s'est dit humilié au même titre que nombre de ses concitoyens. Si la France doit respecter l'Algérie, cette dernière doit également respecter notre pays.

Enfin, il a regretté que le Ministre des Affaires étrangères n'ait, à ce jour, toujours pas répondu par écrit, comme il s'y était engagé, à sa question portant sur la politique française concernant la situation des Roms en Bulgarie et Roumanie.

Aux questions des membres de la Commission, M. Philippe Douste-Blazy a apporté les éléments de réponse suivants :

- Lors de son dernier déplacement en Iran, M. Javier Solana, Haut représentant pour la Politique étrangère et de sécurité commune de l'Union européenne, parlait au nom de l'Union mais également de la communauté internationale puisque les cinq membres permanents du Conseil de sécurité et l'Allemagne lui ont demandé d'être leur représentant. Ce rôle politique inédit conféré à l'Europe est un événement important.

- Si l'Iran refuse l'offre faite par la communauté internationale, il faudra accroître la pression sur ce pays en donnant un caractère contraignant aux demandes de l'AIEA. A ce moment là seulement, il sera fait une évaluation de la situation, la porte étant toujours ouverte à des négociations. Il faut cependant préciser que, lors de leur rencontre à Vienne, le 1er juin dernier, les Six se sont accordés sur des mesures de contrainte à l'égard de l'Iran. L'Iran peut développer l'énergie nucléaire à des fins civiles et pacifiques ; les droits de ce pays au titre du TNP, comme par exemple les transferts de technologie, doivent lui être reconnus. Mais l'Iran doit convaincre du caractère civil et pacifique de son programme nucléaire. Il importe, dans cette affaire, que personne ne perde la face. La crédibilité de l'AIEA et celle du Conseil de sécurité sont ici également en jeu. La proposition de M. Hosni Moubarak, Président de l'Égypte, consistant à engager un processus de dénucléarisation de l'ensemble de la région est soutenue par la France.

- Le débat en séance publique sur la situation au Proche-Orient, demandé par le Président de la Commission des Affaires étrangères, pourrait se tenir le 27 juin, jour de la discussion du projet de loi autorisant la ratification du traité d'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne, le Ministre se tient à la disposition de la Commission pour discuter en séance de cette question du Proche-Orient.

- Si la Commission européenne a pu donner l'impression, infondée, qu'il était question de suspendre les aides versées au bénéfice de la population palestinienne, il convient de rappeler clairement que ces aides continuent aujourd'hui à être distribuées. La France rappelle, par la voix de son Ministre des Affaires étrangères, à chaque Conseil « Affaires générales » de l'Union, qu'elle est opposée à une telle suspension qui ne ferait que radicaliser la population palestinienne. L'ensemble des membres de l'Union européenne considère que cette aide pourrait passer par l'Autorité palestinienne pour répondre aux exigences politiques fixées par l'Union. Enfin, l'Union européenne demande à Israël de reverser à l'Autorité palestinienne les recettes fiscales et douanières qu'elle collecte en son nom et qui représentent la moitié du budget de l'Autorité.

- La France n'apportera pas son soutien à une solution politique qui n'obtiendrait pas l'accord des Palestiniens. Seule la voie politique peut être empruntée pour résoudre le conflit israélo-palestinien. La France soutient l'idée d'une conférence internationale sur le statut final des territoires palestiniens. Concernant le communiqué du ministère des Affaires étrangères sur les tirs de la marine israélienne sur le rivage de Gaza, il ne mérite pas de faux procès, les termes employés dans ce texte étant d'ailleurs proches de ceux utilisés par le Gouvernement russe, et la condamnation française étant l'une des premières à s'être fait entendre dès le jour même.

- Le Ministre a souhaité une relance de la politique de construction des lycées français. Des plans de reconstruction et de rénovation ont été établis ; ils concernent d'ailleurs aussi bien des établissements secondaires que primaires. Les projets au Caire et à Londres sont les plus avancés, grâce notamment au recours à la nouvelle procédure de partenariat public-privé. Par ailleurs, le centre culturel de Tel-Aviv ouvrira ses portes fin 2006.

- La mission annoncée par le Ministre, qui irait en Azerbaïdjan pour examiner la question des cimetières arméniens, se rendra prochainement dans ce pays.

- Les lois de finances pour 2006 et 2007 ont défini les moyens financiers qui seront mis à la disposition de la chaîne internationale d'information. Celle-ci diffusera des émissions à partir de 2007, en français mais aussi en anglais, et plus tard, en espagnol et en arabe.

- Lors de son dernier voyage en Algérie, le Ministre a fait savoir que la France était toujours prête à faire progresser le projet de traité d'amitié esquissé par les Présidents français et algérien. Il a pris acte de la position algérienne selon laquelle il n'est pas encore temps de signer un tel traité.

- Les 10 et 11 juillet prochain, se tiendra à Rabat, au Maroc, entre les membres de l'Union européenne, les pays méditerranéens et vingt-et-un pays africains, une réunion très importante consacrée à la question migratoire. L'aide publique au développement est l'un des principaux éléments d'une politique équilibrée de l'immigration. Il est par ailleurs essentiel d'améliorer la situation sanitaire et économique des pays d'émigration. Il faut saluer l'initiative prise par la France, le Brésil, le Chili, la Norvège et le Royaume-Uni, rejoints par de nombreux pays depuis lors, d'instaurer une taxe sur les billets d'avion s'élevant à 1 euro pour les vols domestiques et à 4 euros pour les vols internationaux. Les fonds ainsi collectés seront affectés à une centrale d'achat - Unitaid - qui distribuera des médicaments pour lutter contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Les coûts de ces médicaments peuvent, d'ailleurs, être réduits considérablement puisque de 13 000 dollars par an et par malade, il y a quelques années, on est passé aujourd'hui à 150 dollars pour soigner une personne atteinte du sida. Quarante-trois pays participent à ce fonds.

- En Afghanistan, le bilan est contrasté. Sur le plan institutionnel, des points positifs apparaissent comme la mise en place d'un parlement et d'un gouvernement. En janvier 2006, à Londres, il a été décidé d'octroyer 11 milliards de dollars à ce pays jusqu'en 2011. De plus, déjà 28 000 militaires ont été formés sur les 70 000 prévus. En revanche, la question de la sécurité est très préoccupante. Les attaques terroristes se multiplient au sud et à l'est du pays. La lutte contre les rebelles a été intensifiée mais il semble que ces derniers parviennent à provoquer les forces de l'OTAN qui composent la Force internationale d'assistance à la sécurité. La France comptera prochainement 1 800 hommes sur place dont 200 membres issus des forces spéciales.

- Dans sa déclaration du 21 septembre 2005, l'Union européenne a exigé que la Turquie reconnaisse la République de Chypre. La Commission européenne rendra à l'automne un rapport de suivi des négociations avec la Turquie, en particulier sur cette question de reconnaissance ; il faudra alors que le Conseil décide de la suite des négociations.

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Compte rendu du déplacement en Israël du 3 au 6 juin 2006

Le Président Edouard Balladur a indiqué qu'il s'était rendu en Israël accompagné de MM. Guy Lengagne et Axel Poniatowski. M. Michel Destot, qui se trouvait sur place en sa qualité de maire de Grenoble, ayant rejoint la délégation pour certains des entretiens.

La délégation a rencontré M. Ehud Olmert, Premier ministre, M. Shimon Perez, vice-Premier ministre, Mme Tsippi Livni, ministre des affaires étrangères, M. Benjamin Netanyahou, chef du Likoud et de l'opposition, M. Tzachi Hanegbi, Président de la Commission des affaires étrangères de la Knesset, M. Yossi Beilin, Chef du Meretz et coauteur avec M. Rabbo de l'initiative de Genève.

Elle s'est également rendue à Ramallah où elle a rencontré le Président de l'Autorité palestinienne, M. Mahmoud Abbas.

Le Président a souhaité évoquer les deux thèmes qui ont principalement été abordés au cours de cette visite à savoir la menace nucléaire iranienne et le conflit israélo palestinien.

Aux yeux des Israéliens, l'Iran constitue une menace existentielle d'une part en tant que puissance nucléaire militaire potentielle, d'autre part en tant que puissance désireuse, via les réseaux terroristes, d'instaurer un islam radical dans les pays de la région. Ce dossier est par conséquent jugé comme hautement prioritaire pour les responsables israéliens.

Ainsi Mme Livni, Ministre des affaires étrangères, a-t-elle déclaré que la communauté internationale ne pouvait accepter un Etat nucléaire en Iran et s'est inquiétée du calendrier. Le facteur temps, que l'Iran sait parfaitement exploiter, joue en faveur de Téhéran et contre la communauté internationale. Pour Mme Livni, à défaut d'une décision du Conseil de sécurité, il appartient aux pays occidentaux de prononcer des sanctions contre l'Iran. La question cruciale qui se pose est de savoir à quel moment l'Iran détiendra le savoir-faire pour fabriquer la bombe. A ce moment-là, il ne lui sera plus nécessaire de faire durer la négociation internationale.

Comme l'a également fait remarquer Benjamin Netanyahou à la délégation, la destruction des installations nucléaires n'empêchera pas l'Iran de conserver pour longtemps le savoir-faire technique et humain et de reprendre la fabrication de la bombe nucléaire.

Pour M. Netanyahou, le Président Ahmedinedjad n'est pas un homme seul, il incarne une doctrine que l'Iran entend diffuser via les réseaux terroristes et notamment le Hamas. Selon lui, l'Iran devenu puissance nucléaire entreprendra par étape de prendre le contrôle de l'Arabie Saoudite, de l'Irak et de la Jordanie avant de progresser vers le sud.

S'agissant de la politique de retrait unilatéral défendue par le Premier ministre M. Ehud Olmert, le Président Edouard Balladur a indiqué que la délégation avait entendu sur ce sujet des avis fort divers.

M. Yossi Beilin, coauteur de l'initiative de Genève a estimé qu'un retrait unilatéral n'avait pas de sens mais qu'il n'était, pour autant, pas possible de s'opposer à un tel retrait. C'est là que réside la force de cette politique. Selon lui, ce retrait est matériellement possible car globalement, l'opinion israélienne ne soutient pas les colons et environ 45% de ces derniers seraient prêts à partir sous réserve d'une indemnisation. Sur les 80 000 colons environ vivant dans les implantations au-delà du mur et qu'il est envisagé de regrouper en-deça de la barrière de sécurité, seule une population d'environ 10 000 colons opposerait, selon M. Beilin, une résistance sérieuse qui nécessiterait de les faire évacuer par la force.

Pour M. Beilin, l'opinion israélienne dans sa majorité ne veut plus entendre parler des Palestiniens et souhaite l'édification du mur le plus haut possible. Mais en réalité le plan de regroupement, de réalignement ou de convergence comme on voudra l'appeler, n'est qu'un concept général. Selon lui, il n'existe pas actuellement de carte et l'on peut sérieusement douter de la création d'un Etat viable ou disposant de la continuité territoriale du simple fait du retrait unilatéral.

Opposé à la barrière de sécurité, M. Beilin a indiqué que celle-ci devrait au moins respecter les frontières de 1967. Il a déclaré à la délégation que la victoire du Hamas - qui, en application même des accords d'Oslo, n'aurait pas dû être admis à se présenter aux élections - constituait un sérieux obstacle à la paix. En effet, il ne constitue pas un interlocuteur valable avec lequel engager les négociations et, dans l'hypothèse d'un retrait unilatéral, il exercerait alors son autorité sur les territoires évacués.

Toutefois, M. Beilin a jugé trop rigide la position des Occidentaux à l'égard du Hamas, considérant qu'il fallait maintenir les conditions posées - reconnaissance d'Israël, arrêt de la violence, respect des accords d'Oslo -, mais procéder de façon plus graduée. Il conviendrait de dire au gouvernement du Hamas que, s'il renonçait au terrorisme (le plus important est en effet d'arrêter la violence) alors il recevrait une aide économique et que s'il acceptait de reconnaître Israël et les accords d'Oslo, alors il recevrait la reconnaissance politique et serait invité à participer au dialogue.

M. Benjamin Netanyahou s'est également déclaré hostile au retrait unilatéral en Cisjordanie mais pour des raisons opposées. Selon lui, il faut en priorité faire tomber le Hamas, ne pas procéder au désengagement, conserver les petites implantations au-delà des grands blocs de colonies et modifier le tracé de la barrière pour mettre l'aéroport Ben Gourion hors de la portée des missiles palestiniens. La barrière accroît la sécurité mais ne suffit pas pour obtenir la paix, pour cela, il faut un partenaire pour négocier même s'il convient de défendre des positions très dures.

M. Ehud Olmert, Mme Tsippi Livni et M. Tzachi Hanegbi ont, quant à eux, admis qu'il convenait dans un premier temps d'explorer la voie de la négociation avec le Président Mahmoud Abbas.

Toutefois, M. Ehud Olmert s'est montré très déterminé à entreprendre sans tarder la poursuite de la politique de retrait unilatéral engagée par Ariel Sharon si dans les mois qui viennent il n'est pas possible d'obtenir un règlement négocié. En l'absence d'interlocuteur pour mener les négociations, Israël procédera donc unilatéralement au désengagement et au plan de regroupement des colons.

Mme Tsippi Livni a quant à elle plus particulièrement insisté sur le renoncement au droit au retour en Israël des Palestiniens et a évoqué la solution d'un tunnel reliant Gaza à la Cisjordanie.

M. Tzachi Hanegbi a estimé qu'Abou Mazen était un homme de paix. Il a par ailleurs insisté sur la sécurité d'Israël notamment à la frontière jordanienne si les forces israéliennes quittent la Cisjordanie. La députée travailliste, Mme Colette Avital, a considéré que, s'il avait lieu, un succès du referendum voulu par Mahmoud Abbas constituerait un élément nouveau qui modifierait le contexte en Israël.

Rencontré par la délégation, le Président de l'Autorité palestinienne, M. Mahmoud Abbas, a souligné le caractère explosif de la situation et la dégradation des conditions de vie des Palestiniens après 4 mois d'application des sanctions.

Il a fait part de sa détermination pour organiser un referendum, sur la base du « plan des prisonniers ». Il s'est dit convaincu que cette procédure - non exclue explicitement par les textes - était le seul moyen, en s'appuyant sur le peuple, de contourner le gouvernement du Hamas si ce dernier n'accepte pas de donner son accord sur ce document Le président a par ailleurs indiqué sa volonté de parvenir à la formation d'un gouvernement représentatif de toutes les tendances.

L'unilatéralisme, selon M. Abbas ne mène à rien et certainement pas à la paix. Une telle politique ne fera qu'encourager encore davantage les ultra radicaux et affaiblira les modérés. Aujourd'hui, la population est punie avec le gouvernement du Hamas et l'Autorité palestinienne ne perçoit même plus ce qui lui est dû au titre des taxes douanières.

En conclusion, le Président Edouard Balladur a dit avoir retiré de ce déplacement le sentiment que la question de l'Iran demeurait aujourd'hui la première priorité du gouvernement israélien, la menace iranienne reléguant ainsi au rang des « conflits de basse intensité » la question de la relation avec les Palestiniens.

Actuellement la situation économique d'Israël s'est redressée, les attentats ont baissé en nombre depuis la construction du mur. La situation peut donc perdurer, assortie des mesures habituelles de sécurité et de contrôle à la fois, des populations palestiniennes (contrôles aux check points ; limitation du droit de circulation des Palestiniens) et des marchandises (passage obligé des flux commerciaux palestiniens par les ports israéliens, blocage des taxes douanières qui doivent être restitués à l'Autorité palestinienne). Le Président a notamment indiqué que l'épouse du maire de Bethléem n'avait pas obtenu l'autorisation de se rendre à Jérusalem pour assister avec son mari au déjeuner offert au consulat en l'honneur de la délégation. Il a conclu qu'il est de l'intérêt d'Israël de sortir de la politique du fait accompli, et d'aboutir à un accord, surtout si M. Mahmoud Abbas parvient à organiser le référendum prévu, et s'il le gagne. Nul n'a intérêt au désordre à l'intérieur des territoires palestiniens.

M. Guy Lengagne a indiqué que ce déplacement, particulièrement intéressant, s'était déroulé à un moment crucial puisque la délégation de la Commission des Affaires étrangères se trouvait dans le bureau du Président Mahmoud Abbas, un homme courageux, à quelques heures de l'échéance fixée pour décider ou non de la tenue d'un référendum. M. Guy Lengagne a déclaré avoir été frappé par l'humiliation constante et humainement intolérable, infligée aux Palestiniens. Il a dit avoir depuis longtemps la conviction que le gouvernement israélien - et non pas le peuple israélien - ne veut pas d'accord. Mesurant la gravité de son propos, il a même suggéré que le récent bombardement sur une plage de Gaza puisse avoir été volontaire afin d'entretenir une agitation de nature à empêcher tout accord. Rappelant l'attitude très réservée du Premier ministre israélien Ehud Olmert à l'égard du référendum palestinien, il a dénoncé le comportement unilatéral du gouvernement israélien qui ne semble pas vouloir la paix. M. Guy Lengagne a déclaré être revenu plus pessimiste qu'il n'était parti.

M. Axel Poniatowski a partagé l'analyse exposée par le Président Edouard Balladur et souligné quatre éléments importants :

- la situation calamiteuse dans laquelle se trouvent les Palestiniens (surtout à Gaza davantage qu'en Cisjordanie, en raison du blocage des fonds) ;

- l'unilatéralisme qui est une réalité de part et d'autre : du côté israélien avec la construction du mur et le désengagement, et du côté palestinien avec le référendum décidé par le Président Abbas et la ligne intransigeante du Hamas. Il s'est néanmoins demandé si cet unilatéralisme, qui ne doit pas durer trop longtemps, ne pourrait pas finalement déboucher sur une sortie de crise.

- la nouvelle menace que représente l'Iran pour Israël, bien plus que les Palestiniens. Tous les moyens seront mis en œuvre par Israël pour éviter que l'Iran ne se dote de la bombe atomique ; la détermination est totale.

- un infléchissement dans la perception qu'a Israël de la position de la France. M. Axel Poniatowski en a déduit que la politique de la France au Proche-Orient avait évolué en dix-huit mois, ce qui n'est pas forcément positif.

Le Président Edouard Balladur a déclaré que, bien qu'ayant condamné la construction du mur, la France est considérée comme ayant une position plus équilibrée. S'exprimant sur la menace iranienne, il a souligné le lien qu'établit Israël entre le Hamas et l'Iran.

M. Axel Poniatowski a tenu à ajouter qu'il avait le sentiment d'un changement notoire de la position française vis-à-vis de cette région, changement qui s'est opéré il y a dix-huit mois notamment à l'égard de la Syrie.

M. Guy Lengagne a indiqué que les interlocuteurs rencontrés au cours de cette mission avaient beaucoup insisté sur le fait qu'avec les problèmes que la France avait connus dans ses banlieues et qui avaient concerné essentiellement des musulmans, elle avait à sa manière été confrontée elle aussi au même genre de difficultés que celles que connaît Israël, ce qui avait rapproché ces deux pays.

M. François Rochebloine a souhaité savoir si la construction du mur continuait.

Le Président Edouard Balladur a répondu que la construction du mur continuait et qu'elle rendait la vie très difficile aux Palestiniens. A cet égard, il a souligné que le vrai sujet était la crédibilité de la thèse israélienne qui prétend que le tracé du mur ne détermine pas celui d'une frontière.

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