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COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 54

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 30 août 2006
(Séance de 16 h 30)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Philippe Douste-Blazy, Ministre des Affaires étrangères, sur la situation au Proche-Orient


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Audition de M. Philippe Douste-Blazy, Ministre des Affaires étrangères, sur la situation au Proche-Orient

Le Président Edouard Balladur a remercié M. Philippe Douste-Blazy d'avoir accepté de venir s'exprimer devant la Commission sur la situation au Proche-Orient, et plus particulièrement au Liban.

M. Philippe Douste-Blazy, Ministre des Affaires étrangères, a estimé qu'il était nécessaire de comprendre les raisons de cette nouvelle vague de tensions qui affecte le Proche et le Moyen-Orient et de mieux définir ce que doit faire la France pour jouer tout son rôle dans le retour à la paix et dans la recherche d'une véritable stabilité. Il a tout d'abord rappelé les conditions dans lesquelles la crise s'était développée.

La capture, le 12 juillet 2006, par le Hezbollah de deux soldats israéliens a conduit à une riposte militaire aérienne, suivie d'une offensive terrestre qui a pris une ampleur croissante et disproportionnée. Il en est résulté des destructions considérables au Liban et, dans le même temps, des attaques de roquettes meurtrières de la part du Hezbollah sur tout le nord d'Israël. Après trente-trois jours de combats, le bilan des pertes humaines et matérielles est particulièrement lourd. Au Liban, près de 1 200 personnes ont été tuées (1 014 civils, parmi lesquels 30 % sont des enfants de moins de douze ans) et plus de 4 000 blessés. De nombreuses infrastructures vitales ont été détruites ou endommagées : l'aéroport de Beyrouth, les ports, des réservoirs d'eau, des stations d'épuration, des centrales électriques, 630 km de routes, 23 stations d'essence, 145 ponts, 900 usines, des commerces, des fermes et des marchés.

Plus de 900 000 personnes ont été déplacées, auxquelles il faut ajouter les 220 000 personnes qui ont quitté le territoire ainsi que 100 000 étrangers ou binationaux qui ont été rapatriés ou évacués. Près de 50 000 logements ont été détruits, en particulier dans les villes et villages du sud du Liban. Enfin, le bombardement de la centrale électrique de Jiye a provoqué une marée noire sur plus de 140 km de côtes libanaises et syriennes.

En Israël, 156 personnes sont mortes parmi lesquelles 39 civils. Des centaines d'Israéliens ont été blessés par des tirs de roquettes qui n'ont jamais été aussi nombreux, et 500 000 ont été déplacés ; 12 000 maisons ont été détruites, principalement dans les villes du nord du pays et, tout particulièrement, à Haïfa.

Face à cette situation et sous l'impulsion du Président de la République, la diplomatie française a pris l'initiative dès le début de ces événements et n'a pas relâché son effort depuis lors.

Le Premier ministre s'est rendu au Liban, dès le 17 juillet, pour manifester sa solidarité et proposer l'assistance de la France aux autorités de ce pays. Le Ministre a précisé qu'il avait lui-même effectué quatre visites à Beyrouth depuis le début de cette crise et que le Ministre de la Santé s'était également rendu au Liban.

La France a tout d'abord conduit une action de rapatriement de ses ressortissants. Au total, ce sont près de 11 000 de nos compatriotes qui auront été transportés de Beyrouth à Paris, accompagnés de plus de 2 500 personnes d'autres nationalités.

Par ailleurs, la France a déployé une importante aide humanitaire pour venir assister en urgence la population déplacée avec des vivres, des tentes, des médicaments et de l'équipement pour assainir l'eau. Plus de 7,5 millions d'euros ont déjà été engagés sur une enveloppe totale de 15 millions d'euros prévus à cette fin.

Enfin, la France a conduit aux Nations unies un travail diplomatique avec l'ensemble de ses partenaires, et en particulier les Etats-Unis, pour mettre fin aux hostilités et parvenir à un texte commun de résolution du Conseil de sécurité. Consciente de l'impossibilité de désarmer le Hezbollah par la voie uniquement militaire, la France a insisté sur la séquence suivante : nécessité d'abord d'un accord politique, ensuite cessez-le-feu durable, présence enfin d'une force internationale déployée au Sud-Liban.

C'est dans ce contexte que, à l'unanimité y compris des ministres membres du Hezbollah, le Gouvernement libanais a proposé, le 31 juillet 2006, de déployer l'armée libanaise dans le sud du pays. Cette décision majeure a constitué un tournant dans la négociation et a enfin rendu possible la mise au point de la résolution 1701 dont les éléments sont connus : cessation immédiate des hostilités, déploiement de l'armée libanaise au sud du pays avec le soutien d'une FINUL renforcée, retrait concomitant de l'armée israélienne, embargo sur les livraisons d'armes, perspective d'un accord politique entre le Liban et Israël pour assurer une solution politique à long terme et un cessez-le-feu permanent.

Le vote à l'unanimité de cette résolution, le 11 août à New York, a permis la cessation des hostilités sur le terrain le 14 août au matin. Il a constitué un encouragement pour la diplomatie française et, au-delà, une réelle prise de conscience de la communauté internationale. Depuis lors, la France est restée très engagée dans la mise en œuvre de cette résolution, tant sur les aspects politique que militaire, car, chacun le sait, le cessez-le feu obtenu demeure précaire.

Dans le contexte fragile qui prévaut aujourd'hui, la France a fixé quatre objectifs à son action. A court terme, la priorité de notre pays doit être la consolidation du cessez-le-feu qui repose sur une lecture équilibrée de la résolution 1701. Cette résolution prévoit une séquence en deux temps : dans un premier temps, la priorité porte sur l'achèvement du déploiement de l'armée libanaise sur tout son territoire accompagné ensuite du retrait israélien du Liban. Sur ce premier point, il faut souligner que la France a été le pays le plus actif.

Avec le déploiement immédiat au Liban de 200 hommes supplémentaires qui sont venus se joindre aux 200 Français déjà présents au sein de la FINUL, la France est le premier pays à avoir répondu, après l'adoption de la résolution 1701, aux demandes de contribution du Secrétaire général des Nations unies à une FINUL renforcée. La France a également envoyé des officiers de haut rang à New York pour aider à élaborer le concept d'opérations et les règles d'engagement de la nouvelle FINUL. Par ailleurs, elle a contribué au renforcement de l'état-major du général français Alain Pellegrini commandant la FINUL, par l'envoi de plusieurs officiers. Il convient aussi de rappeler que c'est grâce au déploiement des 1 700 soldats du dispositif aérien et maritime « Baliste » au large du Liban que la quasi-totalité du ravitaillement et de la logistique de la FINUL a pu être assurée, au cours des dernières semaines, parfois dans des conditions difficiles.

Enfin, avec l'acheminement en cours de 15 ponts métalliques « Bailey » pour lesquels notre pays mobilise également près de 300 soldats du génie, la France a apporté une contribution décisive au rétablissement des communications routières, ce qui devrait favoriser le déploiement de l'armée et de la FINUL et le retour des personnes déplacées.

Il est toutefois apparu qu'un engagement supplémentaire de la France et de l'Europe était nécessaire pour faire avancer de manière décisive le renforcement de la FINUL. Le Secrétaire général des Nations unies a fixé à 3 500 hommes - c'est-à-dire quatre bataillons - les effectifs supplémentaires nécessaires pour répondre à l'urgence. Ce renforcement est essentiel pour réussir l'opération de retrait d'Israël. Celui-ci est en effet déterminé à évacuer le Liban mais il subordonne l'achèvement de ce repli au déploiement effectif de la FINUL renforcée sur le terrain. Cet engagement français et, au-delà, européen, a été rendu possible par l'accord intervenu avec les Nations unies sur quatre points que le Président Chirac avait souhaité voir clarifiés :

- la définition de missions précises confiées à la FINUL ;

- l'établissement d'une chaîne de commandement qui prévoit une cellule stratégique installée à New York, dépendant directement du Secrétaire général des Nations unies et dirigée par un général. Par ailleurs, le général Pellegrini continuera sur le théâtre d'opérations à diriger la FINUL jusqu'en février 2007, terme normal de son mandat ;

- la définition de règles d'engagement prévues et connues à l'avance qui assurent en particulier la liberté de circulation des membres de la FINUL et les possibilités d'usage de la force en tant que de besoin ;

- enfin, la mise en place de garanties pour la sécurité des soldats qui composent cette FINUL renforcée.

Ces garanties étant apportées, la France a décidé l'envoi de deux bataillons de 800 hommes chacun qui s'ajoutent aux 400 déjà présents sur place.

Les Européens se sont réunis à Bruxelles, dans le cadre d'un Conseil « Affaires générales », le vendredi 25 août 2006, en présence du Secrétaire général des Nations unies. A cette occasion, ils ont pu annoncer des contributions à hauteur de 7 300 hommes. La France, avec l'annonce d'un engagement total de 2 000 soldats, a pris une part éminente à ce processus.

On attend enfin l'arrivée de troupes venant de pays musulmans comme la Turquie - de 700 à 1 000 hommes - ou l'Indonésie.

Au-delà de l'urgence, il faudra travailler, dans un deuxième temps, à une consolidation effective du cessez-le-feu qui suppose le non-réarmement du Hezbollah. C'est la présence militaire de cette milice à la frontière d'Israël et la menace qu'elle fait peser sur ce pays qui ont été le facteur de déclenchement des hostilités. Le retour au statu quo ante serait inacceptable et Mme Tzipi Livni, Ministre des Affaires étrangères israélienne, l'a répété la semaine passée, à Paris, de la manière la plus claire. La France est résolue à donner sa pleine efficacité à l'embargo décidé par la résolution 1701 sur les armes à destination des milices au Liban. Les mesures d'application dans le cadre communautaire vont être établies incessamment et la création d'un Comité de surveillance sous l'autorité du Conseil de sécurité pour faire respecter cet embargo est par ailleurs à l'étude.

La question de l'embargo est également liée à la levée du blocus qui affecte encore aujourd'hui les ports et aéroports libanais. Mme Tzipi Livni l'a dit très nettement pendant son séjour à Paris. Israël ne lèvera ce blocus qu'en contrepartie d'assurances sur l'efficacité de l'embargo sur les armes. La France partage ces préoccupations. Toutefois, pour des raisons symboliques, elle estime important de rouvrir l'aéroport de Beyrouth, au moins dans un premier temps, au trafic des passagers. Mme Tzipi Livni s'est engagée à examiner cette question.

A moyen terme, le deuxième objectif de la France doit être celui de la reconstruction du Liban. Comme l'a montré le lourd bilan de la guerre, les besoins sont immenses. Eau potable, nourriture, médicaments, infrastructures, tout manque aujourd'hui dans un Liban dévasté par trente-trois jours de combats.

La France contribue déjà à l'effort humanitaire en faveur du pays à hauteur de 15 millions d'euros. De son côté, l'Union européenne a annoncé une première aide d'urgence de 20 millions d'euros et va affecter 30 millions d'euros supplémentaires pour commencer à financer la reconstruction des infrastructures du pays. La France contribue d'ailleurs à hauteur de 17 % à l'ensemble de ces contributions européennes.

Par ailleurs, dans le domaine environnemental, notre pays a, d'ores et déjà, annoncé des contributions immédiates en nature pour lutter contre la marée noire.

La conférence qui se tiendra le 31 août 2006 à Stockholm constituera une étape importante. Elle aura pour objet l'assistance humanitaire et l'aide à la sortie de crise. Au-delà de cette échéance, la France examine, de son côté et en concertation avec les autorités libanaises, la possibilité d'organiser une conférence internationale de donateurs qui pourrait se tenir en novembre ou en décembre 2006. Cette conférence porterait plus particulièrement sur la reconstruction à long terme, dans la suite des conférences qui s'étaient tenues à Paris pour définir l'assistance financière.

Dans ce même temps, le troisième objectif de la France doit être de progresser vers la mise en œuvre d'un cessez-le-feu et d'une solution politique durables.

La réalisation de cet objectif passe par l'affirmation de l'autorité du gouvernement libanais qui doit recouvrer le monopole de l'utilisation de la force sur l'ensemble de son territoire, à commencer par le sud du pays qui doit devenir une zone d'exclusion entièrement contrôlée par l'armée libanaise avec le soutien de la FINUL renforcée.

Le désarmement du Hezbollah inscrit dans la résolution 1559 demeure un objectif important, dont la réalisation ne pourra toutefois être obtenue que sur la base d'un consensus au sein de la vie politique libanaise. L'acceptation par le Hezbollah des dispositions de la résolution 1701, et notamment du déploiement de l'armée libanaise, est peut-être le signe que ce mouvement, sans renoncer à l'option militaire, entend aussi s'affirmer comme un acteur essentiel de la scène politique libanaise. C'est cette évolution qu'il faut maintenant conforter, car c'est dans ce cadre que l'on peut espérer obtenir un désarmement progressif du Hezbollah. Cette notion de processus est essentielle. Elle est partagée par le gouvernement israélien.

Parallèlement, il faudra évidemment trouver une solution à la question des prisonniers, extrêmement sensible et qui ne peut être traitée que dans un cadre très discret.

Reste enfin la délicate question des fermes de Chebaa. Le gouvernement israélien ne souhaite pas se retirer prématurément de cette zone car selon lui, un tel geste serait interprété comme un encouragement des actions du Hezbollah. En même temps, ce gouvernement est bien conscient que cette question est utilisée comme prétexte par le Hezbollah pour maintenir sa présence armée en affirmant que la libération complète du territoire libanais n'est pas encore achevée. Le Ministre des Affaires étrangères a exprimé le sentiment que, sur cette affaire, la difficulté tenait moins aux principes qu'à la détermination du moment opportun pour évoluer. En tout état de cause, la Résolution 1701 a prévu que le Secrétaire général des Nations unies fasse des propositions sur ce sujet. La même résolution mentionne notamment l'idée lancée par M. Fouad Siniora, Premier ministre libanais, d'une étape de transition qui permettrait de mettre la zone de Chebaa sous le contrôle provisoire des Nations unies, en attendant de trouver une solution de fond à ce problème. Il sera intéressant, par conséquent, de voir ce que M. Kofi Annan proposera à son retour de la mission qu'il effectue actuellement au Proche et au Moyen-Orient.

Le dernier objectif de la France est de travailler à l'émergence d'une solution globale au Proche-Orient car chacun comprend bien que la stabilisation de la situation au Liban ne peut évidemment être déconnectée de l'environnement régional.

Le règlement de la question israélo-palestinienne est essentiel à cet égard. La situation est préoccupante dans les Territoires palestiniens, en particulier dans la bande de Gaza. Depuis le 28 juin 2006, à la suite de l'enlèvement du caporal Shalit par des groupes radicaux palestiniens de la bande de Gaza, au moins 192 Palestiniens ont été tués, et d'importantes infrastructures ont été détruites du fait de l'intensification des opérations militaires israéliennes. Les groupes armés palestiniens, bien qu'affaiblis, détiennent toujours le caporal Shalit et demeurent capables de tirer des roquettes vers Israël. C'est dans ce contexte que des médiations discrètes ont lieu entre les services secrets israéliens et les ravisseurs du jeune soldat pour obtenir la libération de ce dernier.

Pas plus qu'au Liban, il n'existe de solution militaire à la crise israélo-palestinienne. Nous devons donc créer les conditions de l'émergence d'une solution politique et diplomatique entre Israéliens et Palestiniens. Cette solution est aujourd'hui rendue très complexe depuis la formation, en mars 2006, d'un gouvernement palestinien dominé par le Hamas. Ce mouvement refuse, en effet, de reconnaître Israël et de renoncer à la violence. Face à cette attitude du Hamas, la France reste fermement attachée aux trois principes énoncés par le Quartet. Le gouvernement palestinien doit reconnaître Israël, souscrire aux accords conclus entre Israël et l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP) et renoncer à la violence. Ces principes ne sont pas négociables.

Dans le même temps, il faut relever certaines évolutions positives, notamment la signature par l'ensemble des forces politiques palestiniennes représentées au Conseil législatif, y compris le Hamas, d'un document d'entente nationale qui représente une évolution notable. Ce serait une erreur de l'ignorer. Certes, on est encore loin de ce qui est attendu du Hamas, mais le processus en cours sous l'égide du Président palestinien pourrait déboucher sur la constitution d'un gouvernement d'union nationale avec une reconnaissance implicite des principes énoncés par la communauté internationale. Si cette issue devait se concrétiser, la France devrait soutenir ce processus. A court terme, il faut que le Président Mahmoud Abbas et les forces modérées palestiniennes soient confortés. C'est pourquoi la France a condamné, de la manière la plus claire, l'arrestation par Israël des membres élus de l'Autorité palestinienne. Il ne paraît pas acceptable, du point de vue du droit, ni opportun du point de vue politique, de vouloir ignorer les résultats des élections palestiniennes dont tous les observateurs ont reconnu la régularité.

En Israël, enfin, le gouvernement en place semble hésiter sur la mise en œuvre de son plan de convergence qui devrait conduire au désengagement unilatéral de la Cisjordanie. Les offensives militaires israéliennes à Gaza et au Liban après les retraits de 2000 et 2005 marquent en effet une certaine forme d'échec de la politique de retrait unilatérale, de plus en plus critiquée. Le gouvernement israélien pourrait s'orienter à nouveau vers la recherche d'un accord avec les pays arabes. La France devra conforter et accompagner cette évolution.

Comme l'a souligné le Président de la République, le 28 août 2006 à l'ouverture de la conférence des ambassadeurs, il est important que le Quartet se réunisse rapidement pour examiner les évolutions récentes et les possibilités de relancer le processus de paix au Proche-Orient.

Au-delà du conflit israélo-palestinien, deux autres pays doivent retenir l'attention : la Syrie et l'Iran.

La France continue de plaider pour que la Syrie et ses dirigeants se conforment aux obligations qui leur incombent au titre des diverses résolutions qui ont été adoptées à New York dans le cadre de l'enquête sur la disparition de Rafic Hariri. Il y a là un préalable qui paraît devoir être rappelé avec force.

Vient ensuite l'Iran. La volonté de Téhéran d'être reconnu comme un partenaire majeur au sein de la région doit être considérée. Il conviendrait d'engager par conséquent, avec les dirigeants iraniens, un dialogue sans complaisance afin de convaincre ce pays que son intérêt est de jouer un rôle constructif dans l'évolution du Moyen-Orient plutôt que de risquer l'isolement et l'exclusion de la scène internationale. Le Ministre des Affaires étrangères a indiqué qu'il n'ignorait pas les difficultés de la tâche. Néanmoins on doit persévérer dans cette voie, même si, ou précisément parce que, la réponse de Téhéran aux propositions faites par le Groupe des six (composé, outre la France, de l'Allemagne, de la Chine, des États-Unis, de la Russie et du Royaume-Uni) est à l'évidence insatisfaisante. Il appartient à la France de poursuivre ses efforts pour rechercher, avec fermeté, mais aussi avec réalisme, les éléments d'un possible accord. Il faut le faire, sans ignorer le danger que représente l'actuel programme nucléaire iranien, mais sans minimiser les risques, notamment pour l'unité de la communauté internationale, si l'on devait choisir la voie de la confrontation avec les autorités de Téhéran.

En conclusion, le Ministre des Affaires étrangères a constaté que l'impression générale dominante au Proche-Orient était celle d'une grande incertitude et d'une grande fragilité. Nous sortons d'une crise grave qui n'est pas achevée mais qui peut permettre d'évoluer vers une stabilisation durable du Proche-Orient si nous sommes capables de traiter les causes qui nourrissent l'instabilité dans la région. Notre objectif doit être de faire baisser la tension entre Israël, les Palestiniens et le Liban pour pouvoir ensuite circonscrire les foyers de crise potentiels à travers une action diplomatique s'étendant jusqu'à l'Iran avec lequel on doit maintenir un dialogue exigeant.

L'enjeu est de taille et les circonstances actuelles ne vont pas faciliter la tâche. On observe une radicalisation des opinions publiques qui est le signe du désarroi grandissant des populations de la région. Le Premier Ministre libanais doit contrecarrer les prétentions du Cheikh Hassan Nasrallah à représenter à lui seul l'Etat au Sud-Liban. Le Premier ministre Ehud Olmert est fragilisé. Le processus de paix avec les Palestiniens a été éclipsé par la crise israélo-libanaise.

Face à cette situation, M. Philippe Douste-Blazy a considéré que nous avons en tant que Français et Européens des intérêts à faire valoir et des responsabilités à exercer. Nous sommes au voisinage de cette région dont la déstabilisation aurait un impact fort sur notre propre sécurité. La France entend, en liaison avec les parties dans la région et avec ses partenaires européens, dans les semaines qui viennent, contribuer tout d'abord à la consolidation du cessez-le-feu au Liban et, au-delà, à la relance des efforts en vue d'une solution globale.

Le Président Edouard Balladur a demandé au Ministre des Affaires étrangères des précisions sur plusieurs points. Alors que la FINUL est placée non pas sous l'égide du chapitre 7 de la Charte des Nations unies, mais sous celui du chapitre 6, elle aura néanmoins le droit d'utiliser la force sous certaines conditions. Tout en respectant la nécessaire confidentialité des instructions données par les Nations unies, ne serait-il pas possible de savoir dans quelles circonstances la FINUL pourrait faire usage de la force ?

Constatant que la Syrie refusait la présence de la FINUL sur sa frontière, en estimant qu'il revenait à la seule armée libanaise de surveiller cette frontière, il a demandé si les propos du Premier ministre libanais affirmant que l'armée libanaise avait déjà obtenu des résultats, était vérifiés. L'armée libanaise est-elle en mesure de contrôler effectivement la frontière ?

Si, comme l'a souligné le Ministre, le désarmement du Hezbollah doit se réaliser dans le temps sur la base d'un consensus entre les Libanais, la FINUL renforcée ne risque-t-elle pas dans ces conditions de devoir rester en place encore pendant de nombreuses années et, de façon plus générale, est-il crédible d'espérer un tel désarmement par consensus ?

Le Président Edouard Balladur a estimé qu'il était très important de réintégrer la Syrie dans les tentatives de règlement de la situation au Proche-Orient. Depuis 40 ans, la politique arabe de la France a consisté à discuter avec tous les pays de la région : elle doit reprendre cette politique pour retrouver sa place d'interlocuteur privilégié. Il a d'autre part demandé pourquoi aucun pays arabe n'était associé aux travaux du Quartet ? Peut-on envisager d'organiser une conférence internationale sans la participation de l'Egypte, de la Jordanie et de la Syrie ?

M. Philippe Douste-Blazy a indiqué que la voie politique était la seule possible. Sans accord politique, l'envoi d'une force armée internationale serait très risqué ; un scénario à l'irakienne serait à craindre. Seul un accord politique permettrait d'éviter un engrenage dangereux. Placer cette force sous le chapitre 7 rencontrerait l'opposition du gouvernement libanais. Mais le recours au chapitre 6 inquiétait à juste titre les militaires, qui demandaient des garanties pour leur sécurité. Ainsi, il est acquis que la force pourra être utilisée en cas de légitime défense. Interrogés par le Ministre, ses interlocuteurs libanais ont reconnu à la FINUL le droit de s'emparer des armes qu'elle pourrait trouver.

Si la question de la crédibilité de la voie politique se pose, celle de la crédibilité de la voie militaire a trouvé sa réponse : après 33 jours de guerre, l'armée israélienne n'est pas parvenue à désarmer le Hezbollah. La voie politique doit permettre de délimiter les frontières en réglant le problème des fermes de Chebaa : le Secrétaire général des Nations unies doit proposer une solution acceptable par tous. Le fait que les deux ministres libanais membres du Hezbollah aient accepté la résolution 1701 témoigne d'une évolution en faveur d'un règlement politique. 48 heures après le vote de la résolution, le cessez-le-feu était respecté et continue à l'être, à quelques coups de feu près. Il faut saluer l'action d'Ehud Olmert, qui paie le prix politique du cessez-le-feu.

Sans remettre en cause la place de la Syrie dans la région, force est de constater qu'il est difficile d'entretenir des relations diplomatiques fructueuses avec un pays dont les responsables ont montré qu'on ne pouvait pas leur faire confiance. Le Président de la République a souligné cette situation et il faut rappeler que les autorités syriennes n'ont pas collaboré à la commission d'enquête sur l'assassinat de Rafic Hariri comme ils auraient dû le faire, en application de la résolution 1595.

Aucune des deux parties au conflit israélo-palestinien n'est membre du Quartet. Il en est de même pour les pays arabes. De même, la FINUL ne comporte pas à ce stade de soldats issus des pays arabes. En revanche, ces pays, dont certains bénéficient largement des recettes pétrolières, doivent contribuer à la reconstruction du Liban et seront invités à la conférence internationale que la France appelle de ses vœux, pour traiter de ce sujet.

M. Didier Julia a marqué son accord avec la position exprimée par la France. Alors que les forces du Hezbollah sont constituées en brigades armées de sécurité des frontières, il a demandé au Ministre des Affaires étrangères si une solution politique à la crise actuelle pourrait passer par l'intégration du Hezbollah dans l'armée libanaise.

Puis il a regretté que la France refuse d'avoir des contacts avec certains interlocuteurs libanais tels que des représentants du Hezbollah ou des personnalités contestées mais représentatives comme le général Michel Aoun, alors qu'elle entretient des relations avec certains interlocuteurs qui n'ont pas de responsabilités politiques comme Saad Hariri par exemple.

M. Didier Julia a ensuite condamné le blocus imposé par Israël, en violation de la légalité internationale, qui se traduit par un taux de chômage de 80 % au sein de la population libanaise. Cette fragilisation du Liban contraste avec le surarmement d'Israël.

Se référant à une déclaration du général de Gaulle de juin 1967 sur les motivations du recours au terrorisme, M. Didier Julia a dénoncé la colonisation de certains territoires par Israël et la pratique consistant à enlever et à emprisonner des personnalités politiques.

Évoquant enfin le nombre très important de mines laissées par l'armée israélienne au Sud-Liban, il a souhaité la mise en place d'un plan international de déminage du Liban ; actuellement, les opérations de déminage sont le fait d'une seule organisation non gouvernementale britannique, dirigée par un Français.

M. Serge Janquin a interrogé le Ministre sur les raisons qui ont conduit les autorités françaises, avant la négociation puis l'adoption de la résolution 1701, à s'accorder avec les Etats-Unis sur un projet de texte en contradiction avec notre position et qui n'exigeait pas le retrait de l'armée israélienne.

S'exprimant sur le bilan de la guerre, il a constaté que les opérations militaires avaient finalement renforcé l'image du Hezbollah dont on peut douter du désarmement prochain, alors que ni le Liban, ni Israël n'y sont jusqu'à présent parvenus. Il a également estimé que cette guerre avait modifié la donne politique au Liban, au profit des Chiites.

Par ailleurs, la situation actuelle n'augure pas d'un arrêt du programme nucléaire iranien.

M. Serge Janquin a ensuite regretté que la France ait tenu la Syrie à l'écart du jeu diplomatique alors que nombreux sont ceux, en Europe comme aux Etats-Unis, qui soulignent le rôle majeur de ce pays qui entend empêcher toute puissance étrangère hostile à prendre pieds au Liban.

Puis il a demandé au Ministre des Affaires étrangères s'il considérait qu'au terme de cette guerre, le gouvernement de M. Ehud Olmert était désormais politiquement condamné.

Considérant que ni les puissances occidentales, ni l'ONU ne sortaient grandies de ce conflit, il a cependant salué le comportement de la France, une fois notre pays revenu sur son alignement initial sur les Etats-Unis, tout en regrettant qu'elle n'ait pas décidé d'animer une réponse cohérente européenne.

Le gouvernement va-t-il expliquer à l'opinion les risques encourus par nos soldats sur le terrain et l'éventualité d'actes terroristes sur le territoire français ? Les opinions publiques arabes ont quant à elles le sentiment d'un glissement de la position de la France qui peut être perçue comme arrimée, même indirectement, à Washington.

M. Jacques Myard a souhaité connaître la nature et l'origine des armes utilisées tant par le Hezbollah que par l'armée israélienne.

Tout en soutenant la position française, il a regretté que notre diplomatie n'ait pas été plus active à l'égard de la Syrie.

S'agissant de la recherche d'une solution politique, il a évoqué la voie d'une intégration du Hezbollah dans l'armée libanaise.

Il a ensuite estimé que cette guerre avait eu pour conséquence de créer un lien sans précédent entre les crises au Proche-Orient et au Moyen-Orient. En conséquence, il est plus que jamais nécessaire d'œuvrer à découpler les sujets en remettant en chantier la feuille de route et la question de la création d'un Etat palestinien.

M. François Rochebloine a tout d'abord considéré que le fait générateur de la guerre menée au Liban n'était pas l'enlèvement des deux soldats israéliens ; il ne s'agissait là que d'un prétexte alors que cette guerre était vraisemblablement programmée depuis longtemps.

En écho à l'intervention de M. Didier Julia, il a demandé au Ministre des Affaires étrangères pourquoi il n'avait pas rencontré le général Michel Aoun, pourtant représentatif de la communauté chrétienne et accueilli à Beyrouth par plusieurs centaines de milliers de personnes lors de son retour d'exil.

A son tour, M. François Rochebloine a également évoqué l'option d'une intégration du Hezbollah au sein de l'armée libanaise.

S'agissant du problème du déminage, il a demandé au Ministre des Affaires étrangères si Israël serait disposé à fournir des cartes afin de faciliter les opérations de déminage.

Puis M. François Rochebloine a souhaité obtenir des précisions sur l'accusation portée par Amnesty International à l'encontre d'Israël, suspecté de crimes de guerre pour avoir délibérément visé des sites civils au Liban, et sur la demande adressée à l'ONU pour l'ouverture d'une enquête.

M. François Loncle a déploré l'impression que donne la diplomatie française d'adopter deux poids, deux mesures, avec, d'une part, une attitude d'extrême fermeté envers la Syrie et, d'autre part, un comportement plutôt complaisant envers l'Iran. Ajoutant qu'on ne peut se limiter à entretenir des relations diplomatiques uniquement avec les pays dans lesquels on a confiance, il a exprimé le souhait que l'hostilité entre les dirigeant syriens et français puisse être dépassée : il s'agit d'une condition essentielle à la participation du plus grand nombre de pays aux efforts nécessaires à l'instauration d'une paix durable dans la région.

M. François Loncle a ensuite souhaité savoir si, et dans quelle mesure, la France peut intervenir en faveur des infirmières bulgares contre lesquelles un procès est intenté en Libye, dans des conditions tout à fait calamiteuses. Il a notamment désiré connaître les possibles initiatives communes, susceptibles d'être prises avec la Grande Bretagne et/ou les Etats-Unis qui ont récemment renoué des relations avec la Libye.

M. Paul Quilès a, pour sa part, déclaré que l'action de la communauté internationale sur la scène moyen-orientale était marquée par des décisions prises au coup par coup, qui ont peu de chance d'aboutir à une solution durable. La guerre qui a été déclenchée par les Israéliens a certainement été préparée bien à l'avance, sans pour autant que ses objectifs n'aient été atteints puisque le Hezbollah n'a pas été désarmé et qu'un sentiment de haine, appelé à perdurer, s'est développé dans les populations. Dans ce contexte, une question essentielle est de savoir quelle solution globale et cohérente peut être envisagée au Moyen-Orient. M. Paul Quilès a estimé que l'approche américaine, reposant sur l'idée naïve d'une contagion de la démocratie du Maroc à l'Afghanistan, a montré ses limites en Irak et ne peut être raisonnablement retenue. Il est donc nécessaire de déterminer quelle pourrait être la contribution française, à l'heure où les conflits entre communautés, notamment chiites et sunnites, s'exacerbent.

M. Paul Quilès a, ensuite, évoqué les tergiversations de la France dans le règlement du conflit : si son attitude a été positive dans l'élaboration et l'adoption de la résolution 1701, celle-ci a, en revanche, été beaucoup plus contestable sur la question d'une participation française à la FINUL. Une telle attitude est difficilement acceptable à la lecture du point 12 de la résolution 1701 qui précise clairement les conditions d'un éventuel recours à l'usage de la force. 

Enfin, M. Paul Quilès a insisté sur le rôle considérable des Etats-Unis et leur responsabilité dans la guerre, ces derniers ayant privilégié un arrêt des hostilités sur l'adoption d'un cessez-le-feu, retardant d'autant le silence des armes.

M. Gérard Bapt a souhaité que l'accent soit effectivement davantage porté sur le rôle des Etats-Unis plutôt que sur celui de l'armée libanaise : cette armée est, en effet, notoirement sous-équipée et aurait du être soutenue bien avant le déclenchement de la guerre.

Puis, il s'est interrogé sur les conditions d'une mise en œuvre durable de la résolution 1559 ainsi que sur la manière dont Israël pourra traiter avec le Gouvernement libanais.

Evoquant la radicalisation des opinions publiques dans le monde arabe et la montée du Likoud en Israël, M. Gérard Bapt a considéré que l'usage de la force a clairement atteint ses limites et qu'il convient désormais de privilégier le dialogue avec les représentants légaux de chaque communauté, au sein du Gouvernement libanais.

Evoquant, enfin, une déclaration récente du leader chiite Hassan Nasrallah, il a ajouté que le Hezbollah doit davantage être considéré comme un mouvement soucieux des intérêts du Liban plutôt que comme un instrument de diversion aux mains de l'Iran.

Exprimant son désaccord avec ces déclarations, M. Claude Goasguen s'est interrogé sur les conditions d'application effective de la résolution 1701. Si la reconstruction du Liban est, en effet, hautement souhaitable, elle ne peut, en revanche, pas être sérieusement envisagée sans le désarmement du Hezbollah, groupe armé privé qui menace la souveraineté des Etats de la région. Il a estimé que la résolution 1701 ne permet pas véritablement à la FINUL d'intervenir et jugé nécessaire l'adoption d'une nouvelle résolution, sur la base de l'article 16 de la résolution 1701. Dans ces conditions, il a considéré que les atermoiements qui ont été reprochés à la France sont justifiés dans la mesure où le cadre actuel ne permet pas une intervention claire de la FINUL.

M. Claude Goasguen a, par ailleurs regretté que le désarmement du Hezbollah soit considéré comme une question interne au Liban dans la mesure où les ministres proches de la milice n'ont pas indiqué clairement que le Hezbollah a l'intention de déposer les armes. Compte tenu de cette situation et de l'absence de sécurisation de la frontière libano-syrienne, il a jugé légitime le maintien du blocus, mis en place par Israël. Même s'il y a eu une erreur stratégique de la part de l'Etat hébreu, le désarmement du Hezbollah reste une condition essentielle à l'instauration d'une paix durable dans la région.

M. Claude Goasguen a, ensuite, souhaité savoir, d'une part, de quelle manière la relance du Quartet, évoquée par le Président de la République, est envisagée et ce qu'en pense le gouvernement israélien ; d'autre part, quelle sera l'attitude de la France vis-à-vis de l'Iran, à l'expiration du délai, laissé au pays, pour renoncer à son programme militaire. Il s'est, enfin, félicité de la forte implication du Ministre des Affaires étrangères dans la cessation des hostilités, saluant sa présence courageuse au Liban.

M. Etienne Pinte a souhaité obtenir des précisions sur plusieurs points. La France ayant insisté sur l'importance d'une participation de contingents arabes à la FINUL, comment expliquer l'absence de pays comme le Maroc, l'Egypte ou la Jordanie au sein de la force multinationale ? Les accords de Taief faisaient référence au désarmement non pas d'une milice mais de plusieurs milices armées. Comment, dès lors, envisager une paix durable dans le cadre de la seule résolution 1701 ?

La France a envoyé, dans un cadre bilatéral, distinct du mandat de la FINUL, des troupes destinées à participer à la reconstruction du Liban, en particulier des troupes du génie. Des précisions peuvent-elles être apportées par le Ministre des Affaires étrangères à ce sujet ?

Qui sera le général nommé auprès du Secrétariat des Nations unies pour assurer la liaison et la coordination avec la FINUL ?

M. Pierre Lequiller a salué les initiatives françaises dans le conflit israélo-libanais tant au niveau des garanties obtenues que des engagements pris, précisant que la presse européenne s'est fait l'écho de ces efforts de manière laudative. Il a ensuite posé plusieurs questions. Comment la conférence internationale sur la reconstruction du Liban est-elle envisagée et comment cette initiative est-elle accueillie ? La participation de pays autres que la Turquie à la FINUL est-elle envisagée ? Comment, enfin, le Ministre explique-t-il l'abstention des Britanniques dans ce conflit ?

M. Philippe Douste-Blazy a tout d'abord remercié le Président Edouard Balladur et les Députés pour l'intérêt des questions posées.

Il a fait observer à M. Didier Julia qu'il était impossible de comparer un Etat démocratique comme Israël avec le Hezbollah. Une solution politique à la crise actuelle consiste en la formation accélérée de l'armée libanaise, sachant qu'il n'y en a qu'une seule, celle de l'Etat libanais. Par ailleurs, l'idée d'une intégration du Hezbollah dans l'armée libanaise fait son chemin.

Il a ensuite rappelé que M. Saad Hariri était aujourd'hui le chef de la majorité parlementaire issue des élections législatives. M. Michel Aoun a été reçu par M. Michel Barnier lorsqu'il était Ministre des Affaires étrangères et un entretien avec lui-même avait été fixé mais a dû être remis, en raison du report par M. Michel Aoun de son voyage en France.

Il a précisé que l'embargo portait sur les livraisons d'armes non autorisées par le gouvernement libanais.

Enfin, le déminage est prévu par la résolution 1701 et Israël devra fournir les cartes pour aider à ce déminage si le retrait de son armée se fait dans de bonnes conditions.

S'agissant des remarques faites par M. Serge Janquin, le Ministre des Affaires étrangères a souligné que la résolution 1701 constituait une avancée ; la question qui se pose ensuite est celle de son application. Il est vrai qu'à un moment donné, la France a défendu avec les Etats-Unis une proposition de résolution où le retrait de l'armée israélienne du Liban ne figurait pas de manière explicite. Mais ensuite, les Libanais ont décidé unanimement de déployer l'armée libanaise au sud, ce qui a constitué un fait politique majeur. C'est pourquoi cette proposition initiale a été abandonnée et le plan en sept points de M. Fouad Siniora a été accepté.

S'agissant de l'Iran, les ministres des Affaires étrangères français, russe, américain, chinois, anglais et allemand ont décidé, le 12 juillet dernier, que si l'Iran ne répondait pas positivement à la proposition qui lui était faite, la prochaine étape serait celle des sanctions prévues par l'article 41 de la Charte. Le Ministre a rappelé que, le 31 juillet, alors qu'il se trouvait lui-même à Beyrouth, le Conseil de sécurité présidé par la France avait adopté à l'unanimité et la seule abstention du Qatar la résolution 1696. Notre pays a donc pris ses responsabilités vis-à-vis de l'Iran. A présent, M. Mohammed El Baradei, Directeur général de l'AIEA, doit remettre son rapport au Conseil de sécurité le 31 août et les réponses reçues de Téhéran ne sont pas satisfaisantes car les activités nucléaires sensibles n'y sont pas mentionnées. Le Ministre des Affaires étrangères a indiqué assumer ses propos selon lesquels, si l'Iran veut jouer un rôle positif dans le conflit israélo-libanais, c'est le moment de le montrer. La France et la communauté internationale doivent dialoguer avec l'Iran tant qu'il est temps, sinon l'unité de la communauté internationale sera menacée, ce qui ferait le jeu de l'Iran.

Concernant la Syrie, il est évident que l'on ne peut pas régler un problème diplomatique sans une présence de toutes les forces politiques impliquées, mais on ne peut pas accepter le fait que de hauts responsables puissent se soustraire à la justice internationale et aux exigences posées par les résolutions de l'ONU.

A cet égard, le Président Edouard Balladur a demandé si le Ministre des Affaires étrangères avait le sentiment d'un dévoiement de la politique syrienne coïncidant au moment où le fils a succédé au père.

M. Philippe Douste-Blazy a fait observer que, lorsque son homologue espagnol, M. Angel Moratinos, lors de sa visite en Syrie, avait dans une conférence de presse indiqué que le Président Bachar El-Assad s'était engagé à exercer une influence positive sur le Hezbollah, un porte-parole syrien avait démenti ses affirmations une demi-heure plus tard.

S'agissant de savoir si le gouvernement d'Ehoud Olmert est condamné, on ne peut que reconnaître que celui-ci paie très chèrement son action.

Concernant l'Union européenne, il y a eu le 27 juillet dernier un accord des vingt-cinq pays membres sur la proposition française avec une modification visant à remplacer la mention d'une simple cessation immédiate des hostilités par la mention d'une simple cessation des hostilités. Par ailleurs, on le sait depuis le 25 août dernier, l'Europe constituera la colonne vertébrale de la FINUL. On ne peut donc parler d'un manque de cohésion européenne, même si l'on peut sans doute regretter que la position de l'Union n'ait pas été suffisamment lisible.

Quant à la Grande-Bretagne, elle a coopéré avec la France tout au long de cette crise.

Le Ministre des Affaires étrangères a dit n'avoir pas perçu de glissement de la France vers les Etats-Unis et a estimé qu'il faudrait plutôt parler du fait que la France a été un point d'équilibre.

En réponse à M. Jacques Myard, il a confirmé que la feuille de route était toujours le document de référence et qu'Israël est d'accord pour une nouvelle réunion du Quartet.

L'état et l'origine exacts des armements utilisés de part et d'autre dans le conflit israélo-libanais pourraient être précisés lors de l'audition du Ministre de la Défense. Néanmoins, l'on sait que du côté du Hezbollah, de nombreux armements étaient de fabrication syrienne ou iranienne.

Concernant les accusations d'Amnesty International contre l'utilisation par Israël de certaines armes, le Ministre a indiqué que les Nations unies, mais aussi les Etats-Unis, menaient des enquêtes à ce sujet.

S'agissant du sort des infirmières bulgares, le Ministre des Affaires étrangères a souligné que la France et l'Union européenne étaient solidaires de la Bulgarie et souhaitaient la libération des infirmières bulgares et du médecin palestinien détenus en Libye.

A M. Gérard Bapt, le Ministre a répondu qu'il y avait en effet dans le mouvement du Hezbollah une dimension nationale non négligeable qu'il ne fallait pas sous-estimer. Il a reconnu également la nécessité de dialoguer avec toutes les composantes de la scène politique libanaise si l'on voulait donner toutes ses chances à la résolution 1701.

Répondant à M. Paul Quilès, qui s'interrogeait sur les moyens de parvenir à une solution globale de la situation qui prévaut au Moyen-Orient, le Ministre des Affaires étrangères a estimé qu'il convenait d'avancer avec patience et méthode, en abordant chaque question selon ses mérites propres. A cet égard, il s'est dit persuadé que l'humiliation et la pauvreté qui règnent dans ces régions sont des éléments explicatifs déterminants ; aussi, l'ensemble de la communauté internationale et les pays arabes modérés doivent-ils participer au redressement économique de cette région.

S'il y a eu de la part de la France une erreur de présentation s'agissant de l'engagement français à la FINUL, il faut rappeler que la France ne voulait pas être le seul pays concerné par l'envoi de troupes dans le Sud-Liban.

M. Etienne Pinte ayant regretté l'absence de participation du Maroc, de l'Egypte, de la Jordanie et de la Tunisie à la FINUL, le Ministre des Affaires étrangères a précisé que ces pays n'excluaient pas de participer à la FINUL.

Répondant à M. Claude Goasguen, le Ministre des Affaires étrangères a indiqué que le concept opérationnel, la chaîne de commandement et les règles d'engagement de la FINUL feront l'objet de textes très précis qui sont en cours d'élaboration. Il n'est pas nécessaire de voter une deuxième résolution. Celle-ci relève plus d'une autre logique : en cas d'accord sur une solution politique, celle-ci pourrait conduire à une adaptation de la FINUL. La chaîne de commandement de la FINUL doit être plus courte qu'auparavant, elle doit relever du Secrétaire général de l'ONU et d'un militaire placé sous la responsabilité de celui-ci.

C'est le général français Alain Pellegrini qui commandera la FINUL jusqu'en février 2007, date normale de la fin de son actuel mandat.

Pour Israël, le blocus ne peut être levé que s'il y a un embargo sur les armes réellement appliqué.

S'il faut procéder au désarmement du Hezbollah, il faut aussi désarmer toutes les autres milices : telle est d'ailleurs la disposition prévue dans la résolution 1559.

Par ailleurs, des forces du génie français seront bien envoyées au Liban pour la mise en place des ponts « Bailey ». De leur côté, les Allemands vont contribuer à former les forces de police destinées au contrôle des ports et de l'aéroport libanais.

Comme l'a souligné M. Pierre Lequiller, la tenue d'une conférence internationale consacrée à la reconstruction du Liban doit prévoir la présence de l'Europe, des Etats-Unis, mais aussi des pays du Golfe et notamment de l'Arabie saoudite.

Enfin, répondant à une dernière question de M. François Rochebloine sur la dramatique pollution maritime qu'a connue le Liban au cours de ce conflit, le Ministre des Affaires étrangères a indiqué qu'une réunion de spécialistes environnement s'était tenue à Athènes courant août et que la France avait déjà envoyé des spécialistes, notamment de l'IFREMER, pour participer au travail de dépollution.

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