COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 2

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 2 octobre 2002
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Guy Teissier, président

SOMMAIRE

 

pages

- Audition des représentants des syndicats des personnels civils de la défense

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- Audition des représentants des associations de retraités militaires

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Audition des représentants des syndicats des personnels civils de la défense.

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu des représentants des syndicats des personnels civils de la défense.

M. Daniel André, représentant la fédération des établissements et arsenaux de l'Etat-CFDT, a indiqué que, si les chiffres correspondant à la loi de programmation militaire 2003-2008 ainsi qu'au projet de loi de finances initiale pour 2003 peuvent permettre des effets d'affichage, la concrétisation de ces dispositions appartient toujours aux services du ministère des finances, comme en témoigne l'exemple de la rallonge de 900 millions d'euros pour la défense inscrite dans le collectif budgétaire de juillet et gelée dès le mois d'août. L'examen des dispositions de la loi de programmation ne permet pas de penser que la condition des personnels civils sera améliorée dans les mêmes proportions que celle des personnels militaires. Certes, les relèvements indiciaires prévus vont dans le bon sens, mais la mesure de repyramidage pour les personnels relevant des états-majors et des services communs n'est nullement à la hauteur des besoins.

M. Daniel André a ensuite souligné qu'il fallait se féliciter de la forte hausse des crédits d'équipement, ainsi que de ceux relatifs à la recherche, au développement et au maintien en condition opérationnelle. Cependant, il faut s'interroger sur les clefs de répartition de ces crédits entre les différentes industries de défense. L'avenir de Giat-Industries notamment est loin d'être assuré dans la prochaine loi, comme l'illustrent les difficultés persistantes de l'établissement de Cusset. Par ailleurs, il serait nécessaire de mettre l'accent sur la conquête de marchés à l'exportation, notamment avec l'Arabie Saoudite. Après dix ans de plans sociaux, les personnels de Giat-Industries sont dans l'attente d'une réelle stratégie tant industrielle que sociale : l'exaspération est aujourd'hui à son comble et des difficultés sociales importantes sont à craindre si rien n'est fait.

Après avoir souligné l'importance du maintien en condition opérationnelle pour le ministère de la défense, les armées et les industriels concernés, il a rappelé que de nombreux problèmes subsistaient : les attributions des acteurs participant aux structures intégrées manquent de clarté et le périmètre d'activité de ces structures est mal défini. Il en résulte des rivalités et des conflits de compétence, ainsi que des difficultés de cohabitation entre les différents personnels, militaires et civils ou encore provenant des états-majors et du milieu industriel. Une clarification est indispensable.

En ce qui concerne l'externalisation, il est nécessaire d'en clarifier l'ampleur, les objectifs, les gains prévisibles et les conséquences pour les personnels. Si les ambitions sont grandes, ces questions sont extrêmement sensibles pour les personnels qui vivent l'externalisation comme un danger et craignent une perte de compétence. Certaines externalisations peuvent s'imposer, mais elles doivent être assumées politiquement et assorties de dispositifs d'accompagnement social. De plus, la définition des missions relevant du cœur de métier, qui ne peuvent être déléguées, est indispensable.

La crise de la gendarmerie et des armées en 2001 et 2002 n'a certes concerné que la composante militaire, mais elle touche directement la composante civile. Cette dernière a supporté sa part de réforme et ne doit pas subir les conséquences de la revalorisation de la condition militaire : il apparaît aujourd'hui nécessaire de mettre en œuvre des mesures significatives pour l'amélioration de sa condition.

Parmi les mesures à prendre, figurent le renforcement et la sécurisation de l'emploi civil par la résorption de l'emploi précaire, la revalorisation des grilles et l'amélioration des carrières, l'harmonisation, la modernisation et la revalorisation des régimes indemnitaires, l'extension du dispositif de cessation anticipée d'activité, l'amélioration indemnitaire des travailleurs exposés à l'amiante, la mise en place d'une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et l'ouverture de postes à l'avancement aux personnels issus des établissements restructurés. Toutes ces mesures doivent contribuer à la pleine reconnaissance du rôle et de la place du personnel civil. Les parlementaires sont appelés à jouer un rôle essentiel dans la concrétisation budgétaire de cette reconnaissance.

M. Jean-Louis Naudet, secrétaire général de la fédération nationale des travailleurs de l'Etat CGT, a déploré les orientations sécuritaires de la politique gouvernementale, qui ne permettent pas une véritable politique de défense nationale axée sur la sécurité et la protection du territoire et une politique sociale pour les personnels du ministère de la défense, dont les civils sont les grands oubliés. Il a dénoncé l'augmentation des dépenses pour une défense de moins en moins nationale, notamment sur le plan industriel, et de moins en moins au service des intérêts de la France. Les projets du Gouvernement s'inscrivent dans une logique belliqueuse et consacrent d'importants moyens financiers au développement de nouvelles armes de destruction massive, en particulier nucléaires, alors même que les budgets sociaux sont en diminution. Il a donc demandé à la commission d'intervenir en faveur de la réduction drastique des crédits nucléaires, ainsi que de la réorientation des crédits d'équipement vers les matériels conventionnels. Il a ensuite souligné que le projet de loi de programmation militaire se traduira par l'abandon de pans industriels nationaux entiers, notamment dans le secteur des munitions et des blindés lourds. Ce projet constitue un danger essentiel pour des groupes publics tels que la SNPE et Giat-Industries. Il a également dénoncé l'utilisation de l'explosion de l'usine AZF à Toulouse pour supprimer des emplois et favoriser le démantèlement de la SNPE.

Il a craint que le groupe Giat-Industries subisse un tel démantèlement, ce qui contribuerait à aggraver le chômage et la désindustrialisation de plusieurs bassins d'emplois. La situation de DCN n'est pas aussi stable qu'on pourrait le croire. Les programmes navals et leur financement ne sont pas assurés durablement. Les relations entre l'Etat et DCN doivent être clarifiées et le contrat d'entreprise doit être connu. Puisque le Gouvernement a souhaité réformer DCN, il doit désormais assurer son avenir en lui garantissant un plan de charge important. D'autres entreprises publiques d'armement sont dans des situations précaires : il est donc nécessaire d'organiser un débat national et transparent sur les questions de stratégie industrielle d'armement, avec la tenue d'une conférence ministérielle sur l'industrie nationale de défense, rassemblant tous les acteurs concernés.

Le projet de budget pour 2003 est à l'image du projet de loi de programmation militaire : les seuls emplois créés et les seules mesures sociales importantes concernent les militaires, les mesures positives concernant les personnels civils étant très réduites. Le projet pour 2003 annonce la suppression de 1 033 emplois, chiffre qui sera aggravé par le non remplacement de tous les départs et l'absence de compensation de la mise en œuvre des 35 heures. Les mesures sociales et catégorielles envisagées pour le personnel civil sont en recul : à titre d'exemple, la subvention de l'Etat à l'office national des anciens combattants (ONAC) diminue d'un million d'euros et les mesures pour l'action sociale sont destinées pour l'essentiel aux militaires.

M. Jean-Louis Naudet a conclu en déclarant que les personnels civils se sentent délaissés dans un contexte où les crédits de la défense augmentent et où le Parlement a voté une revalorisation rétroactive de 70 % du traitement des ministres. Il a demandé à la commission de la défense d'intervenir en faveur de mesures sociales plus substantielles pour les personnels civils, y compris en matière salariale. Il a enfin souhaité que le dialogue social soit plus développé, déplorant à cet égard l'attitude de la ministre de la défense.

Après avoir rappelé que son organisation avait effectué l'an passé un diagnostic pertinent sur l'entretien des matériels, M. Jean-Yves Placenti, représentant l'union nationale des syndicats autonomes de la défense (UNSA défense), s'est réjoui que les projets de loi de programmation militaire 2003-2008 et de finances pour 2003 prévoient une réorientation en faveur de l'équipement des forces et du fonctionnement des unités. Cependant, plusieurs questions restent en suspens, notamment celle de l'avenir des personnels de l'industrie française de l'armement.

La situation de Giat-Industries est des plus préoccupantes, malgré quelques perspectives de commandes. Le changement de statut juridique de DCN semble mal engagé, car les perspectives de pérennisation de l'activité des établissements ne reposent que sur des promesses de commandes non encore concrétisées. Où en est le contrat d'entreprise liant l'Etat et la future société nationale et quel est son contenu ? Que sont devenus les engagements d'assurer au personnel un lien fort et durable avec le ministère de la défense ? Pour ce qui concerne l'entretien des équipements, il y a lieu de mesurer les effets de la création des structures intégrées pour les matériels aériens et la maintenance de la flotte avant d'en généraliser l'existence. De surcroît, la délégation de l'entretien des matériels aéronautiques à une société portugaise suscite quelques interrogations, alors que des emplois sont supprimés en France. Il en va de même pour la contractualisation des relations entre le service de soutien de la flotte et DCN.

Parmi les autres préoccupations de l'UNSA défense figurent le rôle et la place des personnels civils. Au-delà des mesures envisagées par le projet de loi de programmation militaire et par le projet de budget pour 2003, il s'agit de savoir si ces personnels doivent continuer à être considérés comme une force supplétive ou s'il existe une volonté politique claire de les associer davantage à la consolidation de la professionnalisation. Pourquoi le lien fondamental entre la Nation et ses armées devrait-il ignorer l'effort civil en faveur de la défense ? L'UNSA défense est farouchement opposée à la diminution du nombre d'agents civils inscrite dans le projet de loi de finances pour 2003.

Au-delà des raisons de gestion qui ont conduit à cette situation, il existe d'autres causes qui relèvent d'un défaut d'attractivité des carrières ou d'un sentiment d'« apartheid statutaire ». Toutes les difficultés qui affectent les personnels militaires sont aggravées pour leurs homologues civils. A titre d'exemple, l'augmentation des crédits consacrés à la fidélisation des civils, de l'ordre de 13,5 millions d'euros, est sans commune mesure avec la revalorisation des dotations en faveur de la condition des militaires, qui s'élèveront à 375 millions d'euros dans le projet de loi de finances. Parmi les autres mesures dérogatoires en faveur des personnels militaires, figure également la prorogation, prévue par le projet de loi de programmation, des dispositions de la loi de 1970 facilitant l'accès des militaires à des emplois civils. Cette prorogation ne peut que renforcer le sentiment d'un fonctionnement à deux vitesses.

Bien qu'elle approuve le principe d'une amélioration des conditions de vie des militaires, l'UNSA-défense ne peut accepter la distinction entre les différentes catégories de personnels du ministère de la défense. La vacuité du volet civil du projet de loi de finances pour 2003, ainsi que l'absence de suite aux propositions de mesures compensatoires pour les personnels civils, sont tout à fait regrettables.

M. Denis Lefebvre, président de la fédération CFTC des personnels civils du ministère de la défense, a observé que la rentrée sociale était placée sous les auspices d'un malaise économique qui ne doit occulter ni les exigences de la défense, ni les légitimes revendications des personnels civils.

Le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 traduit une indéniable volonté d'améliorer l'équipement et le soutien des armées, à la condition que ses dispositions soient réellement exécutées. Les reports et les annulations budgétaires ont en effet causé un grand tort à l'industrie de l'armement, comme l'illustrent les programmes Rafale et NH 90. Si des programmes importants sont inscrits, à l'image du second porte-avions ou du lancement d'un bouclier anti-missiles qui devra être nécessairement développé par des moyens français et européens, des événements peuvent peser sur la réalisation des projets, comme le montre l'influence du contexte politique allemand pour l'A 400 M. Pour éviter un monopole technologique américain, les investissements devraient être plus importants dans les études et la recherche-développement. A ce propos, que deviendra l'Europe de la défense si les Britanniques confirment leur intention de commander des appareils américains F 35 pour équiper leurs futurs porte-avions ?

Pour ce qui concerne DCN, l'évolution statutaire se heurte à de grosses difficultés. Alors que les effectifs atteignaient 30 000 personnes il y a dix ans, l'entreprise ne compte plus que 13 500 salariés et l'objectif affiché par la direction est de l'ordre de 12 000 à l'horizon 2005. Les restructurations ont conduit à des pertes de compétences reconnues et les externalisations ont déstabilisé l'ensemble des personnels. Pour réussir, la réforme de DCN doit s'appuyer sur un plan de charge qui suppose une accélération des programmes prévus par le projet de loi de programmation militaire. Les personnels de Giat-Industries, quant à eux, ne sont pas rassurés sur le plan de charge des établissements et redoutent à terme des fermetures. Il est pourtant nécessaire d'assurer l'avenir de l'industrie de l'armement terrestre en France. L'amélioration du maintien en condition opérationnelle devra aussi assurer la pérennité des établissements de soutien des armées, tels que les services des essences ou les commissariats. Il convient de prendre garde aux excès d'externalisation et aux dérives qui engendrent des pertes d'emplois et de compétences.

Enfin, les 2 000 recrutements annuels de personnels civils annoncés seront-ils réellement effectués ? Il est permis d'en douter puisque, dès 2003, 1 033 postes seront supprimés. Cette diminution n'est pas acceptable, car des sous-effectifs perdurent au sein de la gendarmerie et de l'armée de terre notamment. Le plan de reconnaissance professionnelle, doté de 13,46 millions d'euros, ne permettra pas de combler le manque d'attractivité des postes offerts par le ministère de la défense. En fait, sous la pression du ministère des finances, les créations de postes militaires prévues par le projet de loi de finances pour 2003 sont en partie financées par les pertes d'effectifs civils, alors même que cette composante est indispensable pour améliorer l'efficacité des armées. Quant aux mesures sociales envisagées à hauteur de 4,4 millions d'euros, elles devront concerner tant les civils que les militaires, en particulier dans le domaine du logement, car les problèmes sociaux n'ont pas d'uniforme.

M. Vincent Hacquin, représentant de la fédération de l'encadrement civil de la défense (FECD)-CGC, a estimé que l'Etat devait privilégier le moyen et long terme dans les restructurations industrielles. La fédération de l'encadrement civil de la défense-CGC est satisfaite de l'augmentation significative de 5,5 milliards d'euros du titre V dans le projet de loi de programmation militaire.

Si le secteur naval a été correctement traité, avec notamment l'acquisition d'un second porte-avions et les commandes de nombreux bâtiments et sous-marins, le changement de statut de DCN ne s'imposait pas, encore moins au travers d'un simple article de loi de finances rectificative. Les conséquences de cette réforme sur les instances représentatives des personnels et le traitement des différentes catégories statutaires sont importantes. Ainsi, la FECD-CGC revendique une mise à disposition des fonctionnaires, contractuels et militaires de DCN dans les mêmes conditions que les ouvriers d'Etat. A défaut, il est concevable que les personnels ouvriers puissent disposer d'instances représentatives communes à l'ensemble du personnel. Mais l'avenir et la survie de DCN passent également par un contrat d'entreprise pluriannuel garantissant un plan de charge. Il est regrettable qu'à quelques mois de la création de DCN-SN, la direction soit réticente à communiquer aux partenaires sociaux le contenu du contrat d'entreprise qui serait pourtant susceptible de dissiper les inquiétudes grandissantes des personnels.

Dans le secteur aéronautique, les commandes sont moins généreuses, mais ne mettent pas en péril les industriels concernés. La France peut-elle néanmoins prétendre conserver ainsi sa place européenne ?

Pour ce qui concerne le secteur de l'armement terrestre, le lancement de nouveaux programmes, tels que le véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI), n'engendrera qu'une faible charge si la politique de sous-traitance est maintenue. Il faut donc en revoir les fondements. L'Etat ne doit pas brader Giat-Industries, mais au contraire la redimensionner pour des alliances d'abord nationales puis internationales. A cette fin, il convient de soutenir les perspectives d'exportation de blindés lourds, de financer la recherche-développement, de passer des commandes pluriannuelles, en particulier pour les armes et les munitions, et de s'intéresser aux activités de développement susceptibles de réguler le plan de charge. L'entreprise devra également proposer des mesures de désengagement attractives pour rééquilibrer la pyramide des âges par des embauches.

En ce qui concerne les mesures spécifiques de fidélisation et d'attractivité prévues par le projet de loi de programmation militaire, M. Vincent Hacquin a regretté que le budget pour 2003 prévoie 350 millions d'euros en faveur de l'amélioration de la condition des militaires et seulement 13,5 millions d'euros pour les civils, soit un rapport de 1 à 4 en volume d'agents et de 1 à 26 en montants financiers.

En définitive, le projet de loi de finances pour 2003 n'infléchit pas la politique conduite par l'ancien gouvernement. Si la revalorisation du titre V suscite des espoirs, le manque de crédits pour les matériels de l'armée de terre fait naître des inquiétudes, notamment pour l'avenir de Giat-Industries.

M. Blaise Romeyko, secrétaire général adjoint de la fédération de l'encadrement civil de la défense (FECD)-CGC, a indiqué que le conseil d'orientation des retraites avait choisi pour sujet central de sa réflexion le thème « âge et travail », ce qui montre à quel point l'activité des salariés âgés est un enjeu déterminant. Comme la pénibilité des dernières années d'activité est un facteur déterminant de départ anticipé en retraite, le conseil d'orientation des retraites fait de la gestion des carrières une priorité nationale. Cela passe par un effort massif de formation continue et le développement de la notion de deuxième carrière. A ce sujet, le conseil prône le développement de la promotion interne, ainsi que la validation des acquis professionnels.

Or, malgré l'augmentation du nombre de personnels civils au sein de la défense, il apparaît que l'encadrement civil de la défense reste encore rarement affecté à de réels postes de responsabilité. Bien que les agents de catégorie A et B exercent un vrai métier, ils ne se voient pas proposer un deuxième emploi, encore moins un troisième. Les parcours professionnels prenant en compte les expériences acquises et proposant aux fonctionnaires une véritable ascension sociale sont inexistants. La démotivation constatée chez beaucoup de personnels s'explique en grande partie par le fait que leur carrière n'offre plus de perspectives de responsabilités ni d'avancement et ne présente à leurs yeux plus guère d'intérêt.

D'ici dix ans, plus de la moitié des agents publics va partir à la retraite. La prise de mesures statutaires pourrait ouvrir des perspectives de carrières et permettre de réaliser de réels parcours professionnels comme dans le secteur privé qui, dans les années à venir, concurrencera les recrutements. La CGC est sensible aux démarches engagées par l'administration en ce qui concerne les primes des agents de catégorie A et B de la filière administrative ; elle souhaite que cela soit prolongé par une réelle reconnaissance de leur métier au sein de leur ministère.

Le président Guy Teissier s'est déclaré surpris par les propos des représentants des grandes centrales syndicales, faisant remarquer qu'un budget d'équipement aussi favorable n'a pas été présenté depuis longtemps : il comporte environ un milliard d'euros supplémentaire par rapport à celui de 2002, ce qui est un facteur de création d'emplois dans l'industrie de l'armement et de développement de l'outil de défense. Il inclut notamment des fonds importants pour le développement de systèmes d'avenir, tels que l'adaptation du missile M-51 aux sous-marins nucléaires lanceurs d'engins, le satellite Hélios 2, le programme Syracuse 3 et de très nombreuses livraisons d'équipement dont 45 chars Leclerc. Giat-Industries devrait en outre bénéficier de la commande de chars Leclerc de la part de l'Arabie Saoudite, si celle-ci se confirme effectivement comme on peut l'espérer.

La communauté civile et la communauté militaire ne sont pas antagonistes, mais complémentaires. Il existe un décalage entre les propos tenus par les représentants syndicaux et la symbiose entre civils et militaires que l'on peut constater sur le terrain, ce qui conduit à s'interroger sur la représentativité syndicale. L'amélioration de la condition militaire ne se fera pas aux dépens des personnels civils, même si ceux-ci peuvent légitimement souhaiter voir leur condition progresser.

Les propos tenus sur le gel des crédits ne correspondent pas à la réalité, car plus de la moitié des moyens supplémentaires votés dans le collectif budgétaire a d'ores et déjà été engagée. La ministre de la défense s'est clairement exprimée sur ce point devant la commission : le total des crédits annulés ne se monte qu'à 42 000 euros à la date d'aujourd'hui. Mais il est vrai que, dans la gestion des crédits votés, des tensions se font jour entre le ministère de la défense et le ministère des finances. La représentation nationale est la plus marrie lorsqu'elle constate que la « chose votée » n'est pas entièrement exécutée. Il convient d'imaginer la mise en place d'un mécanisme qui permette la globalisation du budget de la défense, afin de s'assurer que les crédits votés seront exécutés.

S'il est vrai que les objectifs en matière d'effectifs de personnel civil fixés par la loi de programmation 1997-2002 n'ont pas été respectés, on ne voit pas la trace d'une poursuite de cette situation en 2003.

Le président Guy Teissier s'est ensuite étonné des propos défavorables à la prorogation de la loi n° 70-2 qui permet l'intégration des militaires sous certaines conditions au sein de la fonction publique de l'Etat. En effet, le maintien d'une armée jeune et dynamique suppose un renouvellement régulier des personnels auxquels il faut légitimement fournir des possibilités de reconversion favorables. La mission d'un soldat est de se battre, éventuellement jusqu'au sacrifice de sa vie, ce qui n'est pas le cas des personnels civils de la défense et justifie les différences de statuts entre les deux catégories. Pour autant, il n'est pas question de polémiquer sur la nécessaire évolution des parcours professionnels des personnels civils, car il est légitime que chacun souhaite progresser dans sa carrière. La commission de la défense sera donc très attentive à ce point, tant pour les militaires que les personnels civils. La grille indiciaire doit bien sûr, elle aussi, requérir toute l'attention de la commission.

L'abandon de la conception et de la fabrication de blindés lourds provient du changement de contexte géostratégique, le développement d'une force de projection requérant des besoins en matériels plus légers. Néanmoins, les 406 chars Leclerc commandés seront effectivement tous livrés, les derniers étant mis en service dans les années à venir.

Le président Guy Teissier s'est ensuite demandé si la pérennisation et la protection des industries françaises d'armement par la commande publique devait rester un objectif. Estimant qu'un repli purement national sonnerait le glas des entreprises de défense, il a rappelé que les règles relatives aux marchés publics et le développement d'entreprises transeuropéennes rendaient désormais cette tâche impossible. Il convient donc au contraire de favoriser les programmes en coopération. La réalisation de l'avion de transport A 400 M, par exemple, créera des milliers d'emplois en France. En ce qui concerne Giat-Industries, on peut se demander si l'Etat a le droit, vis-à-vis du reste de la communauté nationale, de continuer à abonder le compte d'exploitation d'une entreprise à fonds perdus et sans espoir de redressement, alors que des utilisations beaucoup plus productives de ces crédits sont possibles.

M. Jean-Yves Hugon s'est élevé contre l'interprétation donnée par la CGT des dispositions de la loi de finances rectificative pour 2002 relatives à la rémunération des ministres.

M. Jean-Pierre Brat, représentant la CGT, a évoqué la situation de Giat-Industries, suffisamment difficile pour attirer l'attention du Parlement. L'annonce de la conclusion d'un contrat avec l'Arabie Saoudite doit être prise avec précaution, la direction de Giat-industries l'ayant démentie. Il convient de rappeler que le contrat passé avec les Emirats Arabes Unis s'était soldé par un coût de 8 milliards de francs pour la Nation et s'était également traduit par de multiples plans sociaux. La question cruciale concernera donc les modalités de réalisation de ce futur contrat. L'annonce d'un nouveau plan de restructuration drastique conduit la CGT à réitérer sa demande de création d'une commission d'enquête parlementaire sur cette entreprise.

Le projet originel prévoyait la commande de 1 400 chars. Certes, les 406 finalement commandés seront tous livrés conformément aux prévisions, mais il convient de s'interroger sur l'échéancier de la rénovation du parc d'AMX 10, ainsi que sur le programme Félin. En outre, le recours à l'industriel italien Beretta pour la fourniture du canon du Famas se fait au détriment des intérêts français. Alors que le programme VBCI est important pour Giat-Industries, il existe actuellement un risque de rupture technologique dans le domaine des blindés. Les tergiversations entre les armées, la délégation générale pour l'armement et Giat-Industries menacent directement les programmes et le retard dans la définition du véhicule fait craindre l'achat d'un engin étranger. L'outil industriel de Giat-Industries a été délaissé, alors qu'il serait nécessaire de soustraire le secteur de l'armement aux aléas du marché.

Regrettant une vision trop idéologique de l'industrie de défense et de ses relations avec la puissance publique, le président Guy Teissier a reconnu l'utilité du programme VBCI, qui répond aux besoins des armées. Les parlementaires partagent le même souci que les syndicats de ne pas perdre le savoir-faire qui s'est forgé dans nos industries d'armement. A ce titre, le président a annoncé la création prochaine d'une mission d'information sur Giat-Industries, au sein de la commission de la défense.

M. André Colliard, représentant la CFDT, a regretté que les commandes prévues sous la précédente loi de programmation n'aient jamais été respectées et que le plan de charge de Giat soit devenu une variable d'ajustement. Il a estimé que trois à quatre mille suppressions d'emploi étaient actuellement prévues. Se félicitant d'un éventuel contrat avec l'Arabie Saoudite, il a émis la crainte que le gouvernement français soit tenté de rogner sur ses commandes. La construction de l'Europe de la défense ne doit pas se traduire par l'abandon du savoir-faire français dans l'armement terrestre, notamment dans le domaine des munitions. En ce qui concerne les VBCI et la rénovation des AMX 10, l'Etat doit clarifier ses engagements par rapport aux industriels. Soulignant la crainte de certains salariés d'être mutés loin de leur domicile ou de se voir proposer des emplois moins qualifiés, il a insisté sur la nécessité d'envisager des mesures sociales et des mesures d'âge.

Le président Guy Teissier a souligné qu'il n'était pas question de laisser tomber en décrépitude les industries d'armement, mais bien au contraire de sauver ce qui peut l'être, au sein de partenariats internationaux. L'objectif du projet de loi de programmation militaire, voulu par le Président de la République, est précisément de permettre à la France de disposer d'une défense à la hauteur de ses ambitions et de tenir son rang au niveau européen. Il s'agit d'éviter que la France perde son statut industriel et ne devienne qu'un client parmi d'autres.

M. Yves Fromion s'est étonné du fait qu'il ne semblait plus être question de la diversification de Giat, alors que jusqu'à une date récente il s'agissait d'un objectif prioritaire. Est-ce que Giat-Industries n'aurait pas réussi à s'intégrer dans un environnement concurrentiel ?

M. Jean-Michel Janeau, représentant l'Union syndicale des syndicats autonomes (UNSA), a répondu que la diversification nécessitait des investissements qui n'avaient jamais été réalisés, les fonds versés par l'Etat à Giat-Industries ayant exclusivement servi à combler des déficits. Puis, il a indiqué que le manque d'enthousiasme vis-à-vis du projet de loi de programmation militaire s'expliquait par la mauvaise exécution des lois précédentes, dont les contrecoups se font encore sentir sur les industries de défense. L'avenir de Giat-Industries semble particulièrement sombre et il convient d'espérer que l'éventuel contrat avec l'Arabie Saoudite sera négocié dans de meilleures conditions que celui conclu avec les Emirats Arabes Unis. La transformation du statut de DCN a pour objectif affiché de permettre des alliances avec d'autres groupes européens, or nombre d'entre eux sont passés sous contrôle de sociétés américaines. Par ailleurs, si l'objectif de reconversion des militaires ne doit pas être remis en cause, la loi n° 70-2 n'est pas satisfaisante dans la mesure où elle déroge au statut général de la fonction publique. Il est à craindre qu'en matière de coopération européenne, une Europe à deux vitesses soit en train de se dessiner, la France étant particulièrement volontaire sur ce dossier, tandis que certains de ses partenaires semblent avant tout soucieux de leurs propres intérêts, comme en témoigne la décision des Britanniques d'acheter des F 35 américains pour équiper leurs futurs porte-avions.

M. Jean-Louis Naudet (CGT) a estimé que l'idée de diversifier les activités de Giat n'était pas abandonnée, mais que cette politique s'était heurtée depuis dix ans au refus constant de la direction de s'engager dans cette voie. La volonté de recentrage sur le cœur du métier, promue par cette même direction, risque d'aboutir à une impasse et il convient d'écouter davantage les propositions des organisations syndicales.

M. Yves Fromion a soutenu que des tentatives de diversification avaient eu lieu au sein des établissements du Giat situés à Bourges et que la vraie question résidait dans les causes de leur échec. Les réponses à cette question seraient d'ailleurs instructives pour éviter la répétition des mêmes erreurs pour DCN.

M. Jérôme Rivière a considéré que, si le scepticisme pouvait se comprendre au vu de la mauvaise exécution des précédentes lois de programmation militaire, le projet de loi de programmation militaire pour 2003-2008 constituait une véritable rupture. Les députés de la majorité feront tout leur possible pour aider le ministère de la défense à obtenir les moyens budgétaires nécessaires à la bonne exécution de la loi de programmation militaire.

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Audition des représentants des associations de retraités militaires.

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu des représentants des associations de retraités militaires.

M. Pierre Ingouf, président de la Confédération nationale des retraités militaires et des veuves de militaires de carrière (CNRM), a indiqué que les associations d'anciens militaires invitées à la présente audition sont pour la quasi-totalité d'entre elles membres du conseil permanent des retraités militaires (CPRM), organisme chargé de représenter les anciens militaires auprès du ministère de la défense.

Il a ensuite rappelé le processus suivi pour aboutir à l'établissement d'une plate-forme de propositions communes à l'ensemble des associations. Des démarches auprès de la ministre de la défense ont abouti à une modification du rôle et du fonctionnement du CPRM et à sa transformation en un organisme de réflexion, de concertation et de proposition. Le conseil a alors organisé des groupes de travail, chacun d'eux étant chargé d'un domaine spécifique : le pouvoir d'achat et l'avenir des retraites, les pensions militaires et d'invalidité, l'accompagnement de la professionnalisation, le soutien social des retraités et le droit à réparation. Il a ensuite indiqué que l'un de leurs membres, M. Georges Gabrielli, a participé aux travaux d'une commission créée au sein du ministère de la défense pour étudier les problèmes liés aux maladies professionnelles et tout particulièrement à l'amiante. Les groupes de travail ont abouti à des propositions qui sont en cours d'examen au ministère de la défense. Il a donc sollicité l'appui de la commission de la défense de l'Assemblée nationale pour faire aboutir leurs demandes, tout en déplorant la date tardive de la présente audition.

M. André Arrouet, président de l'Union nationale des sous-officiers en retraite (UNSOR), a sollicité l'appui de la commission pour la réalisation de mesures longtemps demandées. Le Premier ministre a souhaité que la réforme des retraites aboutisse à une plus grande équité entre les Français, tout en tenant compte des spécificités des différents statuts et de la diversité des situations. Le représentant de l'UNSOR a souligné la nécessité du maintien du régime institué par le Code des pensions civiles et militaires de retraite et de la conservation du régime à jouissance immédiate. Il a demandé la prise en compte pour le calcul de la pension de retraite de certaines indemnités ou accessoires de solde, ainsi que l'indemnité pour charge militaire attribuée à l'ensemble des personnels militaires, tout en indiquant que la réalisation de cette dernière était négociable en temps et en volume. Il a ensuite souligné que la situation de certaines veuves reste préoccupante et a déploré qu'elles soient obligées de solliciter annuellement une étude afin d'obtenir des majorations spécifiques.

Il a demandé une révision à la hausse du minimum vieillesse de façon à atteindre en cinq ans un montant de 800 euros par mois, et ce pour l'ensemble de la collectivité nationale. Enfin, il a jugé nécessaire la suppression du remboursement sur patrimoine successoral des sommes perçues au titre de l'allocation supplémentaire.

M. Jean-Michel Bernard, représentant l'Association nationale des officiers de carrière en retraite (ANOCR), a indiqué que les dispositions du projet de loi de programmation militaire et du projet de loi de finances pour 2003 sont globalement très satisfaisantes, de même que les déclarations portant sur la revalorisation de la place de l'armée dans notre société. Cependant, des atteintes sont portées à la condition sociale des militaires et il est nécessaire de les corriger.

Il a tout d'abord présenté la situation des lieutenants qui ont pris leur retraite avant 1976 : ces derniers étaient presque toujours des anciens sous-officiers ayant vaillamment servi. Or, ils ont été oubliés lors de la réforme indiciaire réalisée par M. Michel Durafour. Le coût budgétaire de la correction de cette injustice s'élève à 320 000 euros par an seulement. Les promesses se sont succédé pour remédier à cette situation, mais elles n'ont jamais été traduites en mesures concrètes. Un effort en la matière serait apprécié par l'ensemble de la population militaire.

Il a ensuite abordé la question du droit à réparation. Longtemps, les militaires étaient protégés même lors de leur départ en permission. En cas d'accident, ils pouvaient, le cas échéant, bénéficier d'une pension militaire d'invalidité. Ces dispositions ont été supprimées et la situation actuelle n'est pas satisfaisante. Lors d'opérations extérieures ou en escale, les personnels militaires bénéficiaient auparavant, dans les faits, d'une présomption générale d'imputabilité au service en cas d'accident. Des difficultés sont cependant apparues, aboutissant à des contentieux invraisemblables. Alors que la ministre avait tout d'abord laissé entendre qu'une réponse satisfaisante serait apportée à leur demande, la définition de la présomption demeure excessivement restreinte dans le texte ensuite publié. Par ailleurs, l'allocation provisoire d'indemnité, supprimée par le décret du 11 janvier 2001, devrait être rétablie. Enfin, la couverture des frais de cures thermales pour les personnels militaires, en vertu d'une loi ancienne, mais toujours en vigueur, devrait être intégrale, alors qu'un décret récent a plafonné cet avantage.

Les petites atteintes renouvelées à la condition militaire peuvent donner l'impression que les militaires sont moins bien défendus que d'autres catégories sociales et des risques de revendications sont réels au sein de l'armée de terre et de l'armée de l'air.

M. Gérard Auzanneau, vice-président de l'Union nationale du personnel en retraite de la gendarmerie (UNPRG), a attiré l'attention sur la situation des maréchaux des logis chefs de la gendarmerie partis en retraite avant le 1er juillet 1986, qui ne profitent pas des dispositions permettant aux mêmes gradés retraités après cette date de bénéficier d'une retraite équivalente à celle des gendarmes à l'échelon exceptionnel. En effet, depuis le 1er août 1995, le gendarme à échelon exceptionnel se voit attribuer à vingt et un ans et six mois de service un indice supérieur de neuf points à celui de maréchal des logis chef parti à la retraite avant le 1er juillet 1986 avec la même ancienneté. En outre, un arrêté du 5 avril 1995 a permis la revalorisation des pensions des maréchaux des logis chef partis en retraite après le 1er juillet 1986.

Le Gouvernement a jusqu'à présent entretenu le paradoxe en prétendant que la situation des maréchaux des logis chefs retraités avant le 1er juillet 1986 n'est pas discriminatoire et reste conforme à l'équité, au prétexte qu'ils continuent à percevoir une pension de retraite supérieure à celle des gendarmes ayant atteint à cette époque le dernier échelon de leur grade. Pourquoi laisser pour compte cette catégorie de pensionnés ? Ils sont aux environs de trois mille qui s'estiment lésés et dont la situation doit être reconsidérée. Les associations de retraités militaires et le conseil permanent des retraités militaires demandent qu'à l'avenir, aucune mesure circonstancielle ne soit adoptée sans qu'il ait été auparavant procédé à une étude générale permettant de prendre en compte les conséquences générales à l'égard d'autres catégories.

Intervenant au titre du groupe de travail sur les pensions de vieillesse et les maladies professionnelles, M. Georges Gabrielli, président de la Fédération nationale des officiers mariniers quartiers-maîtres en retraite et veuves (FNOM), a souligné que les maladies professionnelles ne sont pas prises en compte dans le code des pensions militaires d'invalidité dont dépend tout militaire, qu'il soit en activité ou en retraite. Aux termes des articles L 2 et L 5, pour obtenir une pension, il faut prouver l'imputabilité au service et un taux minimum d'invalidité de 30 %.

Pour l'amiante, à la suite de rencontres bilatérales entre le ministère de la défense et les associations de retraités, une partie des cas individuels, notamment au sein de la marine, est en voie de règlement. Pour autant, bien que le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, soit devenu opérationnel, l'intégration des militaires dans le système des départs anticipés à la retraite des travailleurs de l'amiante tarde à venir. Par ailleurs, les dossiers concernant une nouvelle maladie, la polypose de la vessie, affluent au sein des associations. Sont plus particulièrement concernés les personnels de l'armée de l'air et de l'aéronautique navale qui ont manipulé des produits aminés. Cependant, l'imputabilité au service reste à prouver, même lorsque l'attribution d'un taux d'invalidité supérieur à 30 % est obtenue. Le conseil permanent des retraités militaires revendique donc l'intégration des militaires dans le système de départ anticipé en retraite des travailleurs de l'amiante, la prise en compte par le code des pensions militaires d'invalidité des maladies professionnelles et un assouplissement des règles d'attribution des pensions, assorti d'une accélération des procédures.

Pour ce qui concerne les pensions militaires d'invalidité, les militaires sous-officiers et les officiers mariniers ne sont pas traités de la même manière. En effet, deux tableaux d'indice des pensions d'invalidité différents sont prévus, de telle manière que, pour une même invalidité de 100 %, il existe un différentiel d'indemnisation d'un peu plus de 910 euros par an en faveur des officiers mariniers. Les retraités militaires demandent la mise en place d'un calendrier qui permettrait de mettre fin à cette injustice en alignant le sort des plus défavorisés sur celui des officiers mariniers, ce qui représenterait une dépense globale de quelque 15 millions d'euros pour une population totale d'environ 60 000 victimes.

M. Antoine Champeaux, secrétaire général de la Confédération nationale des retraités militaires et des veuves de militaires de carrière, a évoqué la question des pensions de retraite des militaires rayés des contrôles avant quinze ans de service. Les bénéfices de campagne acquis en opérations extérieures ou pour service à la mer seront sans influence sur la retraite future de 70 % des militaires qui quitteront le service, puisque leur décompte intervient seulement pour les militaires qui deviennent fonctionnaires. L'attractivité nécessaire à un recrutement de qualité et le renouvellement des effectifs gagneraient à ce que cette question d'équité soit réglée. En l'occurrence, une intervention de la commission de la défense sur le sujet serait bienvenue.

Par ailleurs, les militaires non officiers ayant moins de cinq ans de service et radiés des cadres pour une ou plusieurs infirmités subies à l'occasion d'une opération n'ouvrant pas droit à campagne double ne peuvent pas prétendre à un droit à pension de retraite. Ils ont le choix entre la perception d'une solde de réforme proportionnelle au temps passé en service ou l'affiliation rétroactive au régime général de la sécurité sociale et à l'IRCANTEC. Une fois encore, l'intervention de la commission est sollicitée auprès du ministère des finances, afin que soit adoptée une lecture bienveillante de la loi du 6 août 1955 et de l'article L 48 de l'ancien code des pensions civiles et militaires de retraite, en appliquant l'article L 6-4 du nouveau code. De la sorte, les soldats blessés en opérations extérieures et réformés avant cinq ans de service pourraient percevoir une modeste pension de retraite dès qu'intervient leur réforme définitive.

Abordant le problème du droit au travail des anciens militaires, M. Henri Lacaille, président de l'Union Nationale de Coordination des Associations Militaires (UNCAM), a rappelé qu'entre 1992 et 1997 les anciens militaires se trouvant au chômage au cours d'une carrière civile ont été privés par les conventions de l'UNEDIC d'une part importante et croissante selon l'âge de leurs allocations de chômage, au prétexte qu'ils bénéficiaient d'une retraite. Si la loi de professionnalisation des armées, votée en 1996, a interdit cette pratique jusqu'à ce que les militaires atteignent l'âge de 60 ans, ce dont les conventions de l'UNEDIC ont pris acte, les anciens militaires de plus de 60 ans, qui n'ont pas pu réunir tous régimes confondus le nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier du calcul de leur retraite au taux maximal, restent concernés par le droit antérieur. Or, la limite d'âge de 60 ans a perdu aujourd'hui son aspect fatidique et il est temps de rendre aux anciens militaires la plénitude de leurs droits en amendant la loi de professionnalisation dans le sens reconnu par la jurisprudence de la Cour de cassation, afin qu'ils puissent toucher une retraite de sécurité sociale à taux plein, comme cela était prévu par la loi portant diverses mesures d'ordre social votée en 1995, qui n'a jamais été appliquée.

Le président Guy Teissier a proposé que la commission reçoive l'an prochain les associations dès le mois de mai, de façon à être informée de leurs revendications avant même le lancement de la procédure budgétaire.

Évoquant la question des veuves qui perçoivent le seul minimum vieillesse, il a déploré que ces situations, pour difficiles qu'elles soient, soient régies par des textes généraux dont il était malheureusement difficile de sortir une catégorie de personnes.

La question des sous-lieutenants retraités a été résolue sous la précédente législature à l'initiative de la commission et notamment de M. Charles Cova. S'agissant des lieutenants, leur situation constitue toujours une grande injustice. Ces personnels, sous-officiers promus à l'épaulette à l'issue d'une longue carrière passée à défendre les armes de la France sur toutes les terres du globe, se trouvent aujourd'hui pénalisés par rapport à des collègues retraités comme adjudants-chefs. Cette situation a été évoquée lors de l'audition de la ministre de la défense sur le budget et son règlement devrait intervenir dès cette année par amendement au projet de loi de finances, ou au plus tard lors de l'examen du budget pour 2004.

Une instruction ministérielle a été prise sur la redéfinition du service et notamment les trajets de permission. Peut-être un texte de niveau juridique supérieur devrait-il venir la renforcer. De même, la couverture des militaires, notamment en cas d'escale ou d'opérations extérieures, est à l'examen au ministère. La loi portant statut général des militaires sera prochainement révisée ; la commission veillera à ce que cette question y soit traitée.

L'intégration des bonifications de campagne au sein du régime général passe par une réforme du cadre général du régime des retraites. Il ne pourra pas y être procédé avant 2003. Enfin, la commission essaiera de sensibiliser la ministre de la défense à la question du montant des retraites des brigadiers chefs.

M. Jean-Louis Bernard s'est félicité que l'asbestose ait été reconnue comme maladie professionnelle dans la marine avec un taux d'invalidité de 30 %. Il a cependant émis des doutes sur la possibilité d'obtenir le statut de maladie professionnelle pour la polypose vésicale, beaucoup de personnes ayant travaillé au contact de solvants ne présentant pas cette pathologie, alors que l'immense majorité de ceux qui la présentent n'ont jamais été en contact avec des solvants.

M. Charles Cova, après avoir rappelé qu'il était à l'origine de la loi garantissant la possibilité pour les militaires retraités exerçant une seconde carrière de conserver une pension de retraite, a indiqué qu'il avait l'intention de déposer une proposition de loi modifiant dans un sens favorable l'article 9 de cette loi.

Le docteur Bernard Lefebvre, président du syndicat professionnel des anciens médecins des armées ayant exercé la médecine libérale ou salariée (SAMA), a d'abord rappelé que si la création du SAMA, en 1972, avait suscité des réactions d'opposition et de défiance du service de santé et du ministère de l'époque, elle répondait en fait à la nécessité qu'avait le médecin quittant le service militaire actif de trouver une structure légale pour défendre ses intérêts civils. Il a exprimé une pensée reconnaissante pour tous les responsables qui l'on précédé et qui ont expliqué avec tant de ténacité que ce n'était que l'application d'un simple droit syndical.

Aujourd'hui, le SAMA a fini par trouver une parfaite compréhension, à tel point que vient d'être édité « le Guide de la reconversion pour le médecin des armées », travail très important réalisé par une équipe du SAMA. Plus qu'un ouvrage unique en son genre pour les médecins, il est un symbole, en ces temps de professionnalisation, de la complémentarité indispensable entre les militaires d'active et ceux qui entreprennent une nouvelle carrière, bien différente de celle qu'ils terminent : un bon recrutement des armées, en particulier pour les contrats relativement courts, passe inévitablement par la certitude d'une reconversion, sinon aisée, tout au moins facilitée.

Le SAMA est également représenté au sein du conseil d'administration de la caisse nationale militaire de sécurité sociale par son président : il n'a de cesse d'y défendre les intérêts des militaires, de leurs familles et des retraités. Cette caisse, originale à bien des points de vue, et qui pourrait même servir de « caisse pilote » pour les autres caisses françaises d'assurance maladie, n'en reste pas moins assujettie à des dispositions légales qui parfois perturbent sa mission : ainsi, la couverture sociale des militaires en Nouvelle Calédonie est gérée par la caisse locale. Il serait souhaitable que la représentation nationale se penche sur cette étrange situation.

Le troisième souci du SAMA est celui de ses retraités militaires qui restent vigilants sur le niveau des pensions et leur avenir. Rien à ce jour ne les a considérablement diminuées, mais la menace est là, avec la nécessaire restructuration des retraites évoquée par tous et qui ne devra pas se faire aux détriments de ceux qui ont su exposer leur vie pour protéger celle des autres. Le SAMA partage le combat de ses camarades ici présents.

S'agissant des problèmes spécifiques rencontrés par les adhérents du SAMA en tant que médecins civils, un point important récemment évoqué avec le président national de l'ordre des médecins est l'impossibilité actuelle de la reconnaissance des titres des médecins militaires, fussent-ils hospitaliers de haut niveau, suite à la disparition de la commission de qualification ordinale. Il ne s'agit probablement que d'un problème transitoire ; il paraît cependant intéressant, pour y remédier, d'envisager l'inscription de tous les médecins militaires au conseil de l'ordre des médecins. Cela résoudrait en outre le problème de la reconnaissance des titres.

Il y a quatre ans, le SAMA, guidé par son expérience, s'interrogeait sur l'expression en milieu militaire. L'actualité rattrape souvent celui qui n'a pas voulu prendre ses dispositions et il faut évaluer le risque que peut représenter un mouvement mal contrôlé. C'est pourquoi il ne faut pas redouter la mise en place d'une structure syndicale professionnelle classique. Elle saura couper l'herbe sous le pied de ceux qui, de façon anarchique, voudront bénéficier de ce qui est reconnu comme un droit de l'homme.

Le président Guy Teissier, après avoir félicité le président du SAMA pour la part prise à la création de la caisse nationale militaire de sécurité sociale , a considéré qu'on avait parfois simplement tort d'avoir eu raison trop tôt, même si ses derniers propos méritaient sans doute un large débat.

M. Jean-Louis Bernard, approuvé par M. Philippe Vitel, a jugé légitime la demande d'inscription des médecins militaires au conseil de l'ordre des médecins.

M. Gustave Dubois, vice-président de la confédération française d'associations de retraités et pensionnés de la gendarmerie (CFARPG) a exposé que, d'une façon générale, l'état d'esprit des personnels de la gendarmerie démontrait un moral affaibli, avec une impression de déconsidération de leur métier et de leur grade, la crainte de la perte de leur statut militaire et d'une intégration au sein du ministère de l'intérieur, l'impression d'une fonction mal définie. La rémunération peu attractive des gendarmes adjoints n'incite pas ce personnel à prolonger sa carrière et la gendarmerie se voit ainsi privée d'un recrutement intéressant. Les prévisions d'un nouveau maillage de la gendarmerie suscitent des craintes, à l'instar des dernières suppressions d'unités qui ont aggravé les conditions de vie familiale des gendarmes. L'agrandissement du maillage de la gendarmerie serait en opposition avec les actions actuelles de proximité et ne serait pas opérationnel pour le renseignement en des lieux géographiques isolés. S'ajoutent la crainte de la dévaluation des indices de solde par rapport à certains services publics, notamment par l'attribution de la catégorie A aux officiers de la police nationale, et le sentiment d'une disparition quasi-totale de l'action préventive, eu égard aux charges et services trop importants pesant sur les diverses unités.

Face à cette situation, plusieurs mesures peuvent être suggérées. La pension de réversion des veuves doit être revalorisée en fixant un plancher de revenus mensuels à 750 euros. Ces dernières devraient également bénéficier de la réversion intégrale « complément enfants ». Les primes allouées devraient être intégrées à la solde de base. Une revalorisation des pensions les plus faibles doit être opérée. Il doit être procédé à un assouplissement des conditions d'admission ou d'élévation dans les ordres nationaux et d'octroi de la médaille militaire pour les personnels d'active et en retraite. L'attribution de la Légion d'honneur à tous les militaires de la gendarmerie tués en service commandé devrait être la règle. Enfin, une représentation effective des associations de retraités, au même titre que les syndicats, dans tous les organismes consultatifs et de gestion devrait être assurée.

Le président Guy Teissier a fait observer que le projet de loi de programmation militaire ne négligeait aucunement les difficultés de la gendarmerie : 7 000 des 10 000 postes budgétaires supplémentaires qu'il ouvre sont pour elle. S'agissant du projet de loi de finances pour 2003, la ministre de la défense a fait part hier à la commission des mesures concernant la gendarmerie : réfection et construction de logements pour remédier à la situation anormale de certains logements de fonction, acquisition de véhicules, de radios, de 42 000 gilets pare-balles. Enfin, l'attachement du Gouvernement au statut militaire de la gendarmerie n'est pas à démontrer. Quant à la commission de la défense, elle a marqué son intérêt pour la gendarmerie en se saisissant pour avis du projet de loi d'orientation de la sécurité intérieure ; son président rendra le mois prochain visite à une école de gendarmerie et à une brigade de gendarmerie maritime.

M. Alain Bonavita, président de l'Association nationale des officiers de carrière en retraite (ANOCR), s'est inquiété des graves conséquences des atteintes à la condition militaire sur la qualité du recrutement et l'aptitude opérationnelle des armées. Les effets d'une telle dégradation persistent longtemps et sont difficiles à corriger. Une guerre se gagne certes avec des matériels modernes, mais aussi avec des hommes de qualité et des chefs compétents. Les députés sont au fait de ces problèmes et l'ANOCR leur est reconnaissante pour leur action en faveur des personnels militaires, actifs et retraités.

Le président Guy Teissier a souligné que la commission veillerait à la qualité du recrutement. La gendarmerie doit pour sa part rester sous statut militaire et il conviendrait de remettre en question la récente décision ayant confié exclusivement la formation des officiers de gendarmerie à l'école de Melun, afin de revenir à une formation militaire commune avec l'armée de terre.

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