COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 4

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 9 octobre 2002
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Guy Teissier, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de l'amiral Jean-Louis Battet, chef d'état-major de la marine, sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 (n° 187) et sur le projet de loi de finances pour 2003 (n° 230)



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- Examen de l'avis budgétaire marine (M. Charles Cova, rapporteur pour avis)

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Audition de l'amiral Jean-Louis Battet, chef d'état-major de la marine, sur le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 et sur le projet de loi de finances pour 2003.

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu l'amiral Jean-Louis Battet, chef d'état-major de la marine, sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 (n° 187) et le projet de loi de finances pour 2003 (n° 230).

L'amiral Jean-Louis Battet a tout d'abord observé que l'exécution de la loi de programmation militaire pour les années 1997-2002 était globalement nuancée, puisque de fortes contraintes financières ont pesé sur le titre V, à l'issue de la revue des programmes, afin de préserver l'essentiel du titre III. La professionnalisation a ainsi été accomplie de façon satisfaisante, grâce en particulier à un recrutement significatif de civils. En outre, les aspirations des personnels ont commencé à être prises en compte à travers les premières mesures du plan d'amélioration de la condition militaire, décidé en 2002, et plus spécialement la compensation du temps d'activité et d'obligation professionnelle des militaires (TAOPM). En revanche, le titre V a été marqué par un manque de 3 milliards d'euros, soit l'équivalent d'une annuité complète. Il a donc fallu procéder à des réajustements du format des équipements en désarmant prématurément la frégate lance-missiles Duquesne ainsi que le porte-avions Foch et en retardant le programme de sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de nouvelle génération (SNLE-NG), les livraisons de Rafale, ainsi que l'entrée en service des frégates antiaériennes Horizon, ce qui a conduit aux premières vraies ruptures capacitaires de la marine.

Le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008 consacre un effort significatif, mais il ne fait que ramener les armées sur la voie du modèle 2015. La marine est dans la même situation que les autres armées, puisque la répartition s'est faite comme d'habitude à la stricte proportionnelle. La disposition la plus emblématique concerne la décision de construire un second porte-avions qui permettra d'assurer la permanence du groupe aéronaval. Cependant, les autres composantes de la marine ne seront pas pour autant remises en cause puisque, parallèlement, l'acquisition de frégates multimissions, de sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) Barracuda, de bâtiments de projection et de commandement (BPC) et de frégates Horizon se poursuivra. Les frégates multimissions et les Barracuda seront dotés de missiles de croisière. Quant à la dissuasion, elle verra son rôle renforcé par la confirmation du quatrième SNLE-NG et le développement du missile stratégique M 51. Enfin, pour tenir compte des conséquences des attentats du 11 septembre 2001 sur la protection des approches maritimes, les efforts porteront aussi sur la réactivation des sémaphores et l'acquisition d'équipements nécessaires à la sauvegarde maritime. Mais le succès de cette modernisation dépend aussi du changement de statut de l'ancienne direction des constructions navales (DCN). Cette réforme influera directement sur le niveau de renouvellement de la flotte et son entretien dans des conditions financièrement et matériellement acceptables. Elle est cependant conditionnée par des problèmes fiscaux et financiers liés à l'application par DCN de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et à l'accompagnement social de la diminution des effectifs de la nouvelle société nationale.

Le projet de loi de finances pour 2003, quant à lui, est strictement conforme à la première annuité du projet de loi de programmation militaire. La marine ne bénéficie pas d'un traitement de faveur, puisque la répartition des crédits entre les différentes armées a été effectuée de manière proportionnelle. Le titre III augmentera de 4,6 %, permettant la poursuite du redressement du niveau d'activité des bâtiments, qui devrait passer de 97 à 100 jours à la mer. Par ailleurs, 10 millions d'euros supplémentaires seront consacrés aux externalisations, afin de soulager les contraintes des personnels qui pourront ainsi se consacrer davantage à leurs tâches opérationnelles. En revanche, la dotation réservée aux produits pétroliers repose sur des hypothèses de coûts qui se révéleront optimistes si le niveau actuel des cours se confirme en 2003. Pour ce qui concerne les personnels, la stabilisation des effectifs à 44 267 emplois budgétaires reporte le rattrapage des 250 postes non pourvus en 2002 à l'exercice 2005. La situation est assez comparable pour les personnels civils, même si le déficit reste relativement faible au regard de l'effectif total. En fait, la marine doit plus particulièrement affronter des problèmes de capacité de formation des personnels militaires, qui ne lui permettent pas de résorber ses besoins structurels, et des déficits dans certaines spécialités importantes, qui justifient la mise en place de mesures indemnitaires souples et modulées par l'intermédiaire du fonds de consolidation de la professionnalisation. Pour le reste, toutes les mesures de condition militaire ont été financées.

Le titre V bénéficiera de son côté d'une revalorisation de 11 % en valeur du niveau de ses crédits de paiement. Ce budget doit être analysé à l'aune des modifications de structures importantes qui résultent du transfert de la gestion des rechanges, des pyrotechnies et de certaines infrastructures portuaires dépendant auparavant de DCN, ainsi que de la budgétisation des centres d'essais de la délégation générale pour l'armement (DGA). Une grande partie de l'effort budgétaire sera consacrée aux programmes et aux opérations du domaine classique dont le poids augmentera de 24 %. Ainsi, les programmes Horizon, principal anti-air missile system (PAAMS) et NH 90 seront développés, tout comme les Barracuda et les frégates multimissions. Par ailleurs, un troisième avion de guet Hawkeye sera livré et le programme Rafale entrera dans une phase de développement. L'amélioration de la disponibilité des matériels est également l'une des priorités du projet de loi de finances pour 2003 puisque, à structures constantes, le niveau des crédits de paiement prévus à cet effet augmentera de 11 %. Enfin, les crédits dévolus à la force océanique stratégique (FOST) augmenteront eux aussi de 10,7 %, afin d'assurer le développement de sa modernisation.

Les autorisations de programme inscrites au titre V progresseront de 33,5 % par rapport à 2002. Cette augmentation inclut les provisions pour charges issues du changement du statut de DCN, mais les crédits de paiement correspondant ne seront débloqués qu'en loi de finances rectificative. Il est impératif que l'application de la TVA par DCN se traduise par le respect d'une neutralité fiscale, car la marine supporterait dès 2003 un surcoût de l'ordre de 11 %. Les programmes classiques disposeront d'une dotation stable permettant de poursuivre toutes les opérations programmées et de commander 250 missiles Mica et 60 missiles Aster. Si le programme NH 90 pourra être poursuivi, la commande globale de Rafale devra être couverte par un montant d'autorisations de programme de 848 millions d'euros en loi de finances rectificative pour 2002.

En conclusion, l'amiral Jean-Louis Battet a observé que le projet de loi de finances pour 2003 répondait aux attentes des personnels, car il met plus particulièrement l'accent sur l'entretien et le renouvellement des matériels. La seule incertitude réside dans la couverture des charges liées à la mutation de DCN, dont l'amélioration de la productivité est indispensable. Si une mise en concurrence doit être envisagée à terme, elle ne pourra être mise en œuvre que progressivement, en accompagnement de son évolution. Enfin, de gros efforts sont entrepris pour consommer la totalité des crédits, ce qu'illustrent les chiffres d'exécution budgétaire pour l'exercice 2002.

Le président Guy Teissier a déclaré partager la conviction exprimée par l'amiral Battet : le métier militaire repose sur une vocation et sa nature différente interdit de le comparer au reste du monde du travail. La première satisfaction des militaires consiste à pouvoir accomplir leurs missions en disposant des matériels adéquats. Comment la marine va-t-elle appréhender ses nouveaux rapports avec DCN lorsque cette administration aura changé de statut ?

L'amiral Jean-Louis Battet a souligné que les conséquences de la réforme de DCN constituaient un sujet de mobilisation quotidien et qu'il était impératif de réussir cette transformation. La société DCN ne devrait pas connaître le sort de Giat-Industries, car elle disposera de compétences techniques, de commandes de l'Etat et de marchés à l'exportation. Il convient toutefois de noter que DCN a perdu beaucoup de compétences humaines, trop de cadres étant partis. En sortant du carcan que constitue son statut actuel, l'entreprise pourra embaucher des cadres et des commerciaux. La marine soutient ce processus et reste en étroit contact avec la direction de DCN. Cependant, il faut se préparer aux difficultés inhérentes à l'établissement de relations commerciales de droit commun. Le partage de la responsabilité des emprises portuaires a été effectué. La société DCN sera propriétaire des établissements de Lorient, Cherbourg et Indret, tandis qu'elle sera locataire des installations de Brest et Toulon. À l'avenir, la marine passera avec DCN de véritables contrats comportant des clauses et des pénalités de retard. Tant que DCN continuera à rester de fait en situation de monopole dans les secteurs de la construction et surtout de l'entretien, en raison de ses compétences, il faudra veiller à ce que les prix facturés à la marine nationale soient équitablement calculés en regard de ceux retenus dans les activités d'exportation.

M. Charles Cova, rapporteur pour avis des crédits de la marine, a remercié les responsables et les personnels des ports-base de Brest et de Toulon pour la qualité de leur accueil et des réponses aux questions qu'il a pu leur poser. La charge supplémentaire induite par la TVA facturée par DCN représente environ 120 millions d'euros et la ministre de la défense a assuré qu'elle interviendrait pour qu'un éventuel surcoût supplémentaire soit compensé pour le budget de la marine. Les installations portuaires transférées par DCN à la marine sont dans un état vétuste. La marine devra t-elle financer le coût de leur remise en état ? Si l'insuffisance des autorisations de programme inscrites dans le projet de loi de finances pour 2003 pour les Rafale n'était pas compensée en loi de finances rectificative de fin d'année, quelles seraient les conséquences sur les dates de livraison et de mise en service des deuxième et troisième flottilles ?

L'amiral Jean-Louis Battet a fait part de ses inquiétudes sur la qualité des infrastructures transférées par DCN. Aucun chiffrage n'est encore disponible, car un audit conjoint du service des travaux maritimes de la marine et des experts de DCN est en cours. Par ailleurs, DCN recourt aux prestations d'une société d'audit spécialisée. Les résultats devraient être disponibles d'ici un mois. Le dossier doit avancer rapidement, le ministère de l'économie et des finances souhaitant disposer d'une vision d'ensemble de la situation. A titre de précaution, 32 millions d'euros ont été inscrits en faveur des infrastructures correspondantes dans le projet de loi de finances pour 2003. Pour ce qui concerne les dotations nécessaires au Rafale, dans le cas où l'enveloppe inscrite en collectif de fin d'année s'avérerait insuffisante, il faudrait revoir globalement l'affectation des autorisations de programmes disponibles.

M. Gilbert Meyer a indiqué que les conditions d'exécution de la précédente loi de programmation militaire, caractérisée par une gestion des crédits perfectible et une chute constante du taux de disponibilité des matériels depuis 1995, avaient conduit la marine à mettre en place le service de soutien de la flotte (SSF). Cette structure est-elle actuellement totalement opérationnelle ? Est-elle parvenue à s'adapter à la grande diversité des matériels de la marine ? Le SSF est-il capable de reprendre à sa charge une partie des prestations précédemment assurées par DCN ?

L'amiral Jean-Louis Battet a rappelé que le SSF avait été mis en place pour redresser le niveau de disponibilité des bâtiments. Auparavant, l'entretien intermédiaire et les indisponibilités périodiques pour entretien et réparations (IPER) étaient effectués par deux intervenants différents. La création du SSF, service mixte de 800 personnes composé de personnels de la marine et de la délégation générale pour l'armement (DGA), a permis d'unifier les donneurs d'ordre. Sa mise en place a suscité d'importantes attentes, qui ne peuvent encore être toutes satisfaites aujourd'hui. Cependant, la situation s'améliore progressivement, comme l'illustre la réussite de l'opération Héraclès. Le déploiement de 30 % des bâtiments de la marine n'aurait sans doute pas été possible sans le SSF.

Cependant, le SSF va prochainement connaître un accroissement de ses responsabilités. L'extension de son champ de compétences est critiquée. Certains évoquent même le risque d'émergence d'une « nouvelle DCN » au sein de la marine. Cette expression très critique ne recouvre aucune réalité. Certes, le SSF reprend à sa charge des activités diverses, mais de façon différente selon les missions. Il contrôle les ateliers militaires de la flotte (AMF), mais uniquement à titre de donneur d'ordres, car ceux-ci sont rattachés aux bases navales. La reprise de la gestion des rechanges à DCN, actuellement en cours, constitue également une opération très importante, notamment en raison de leur situation très dégradée. Le SSF installe en ce moment un logiciel spécifique pour assurer cette mission. Le commissariat de la marine assumera le magasinage et la distribution des pièces. Quelque 100 personnels de la marine y travaillent depuis près d'un an, en mettant en place des dispositifs modernes et automatisés. Enfin, le SSF reprend aussi à son compte les activités de pyrotechnie qui relevaient auparavant de DCN. Ainsi, tout comme l'armée de l'air et l'armée de terre, la marine gérera par elle-même ce secteur. Une remise à niveau sera, là encore, nécessaire.

Les critiques à l'encontre du SSF sont exagérées, car le changement de périmètre lui est imposé par les évolutions en cours. En outre, la situation n'est pas figée, car il est envisageable de regrouper, à terme, les activités de pyrotechnie, les rechanges et les AMF dans un service distinct. Le procès d'intention qui est fait au SSF est d'autant plus malvenu qu'il faut du temps pour redresser une situation aussi dégradée que celle de l'entretien de la flotte.

M. Jean-Yves Le Drian s'est réjoui des dispositions budgétaires du projet de loi de finances pour 2003, tout en soulignant qu'il faudrait que cette inflexion soit maintenue dans le temps. La volonté d'accompagner fortement la mutation de DCN est d'autant plus satisfaisante que les relations entre DCN et la marine n'ont pas toujours été bonnes. L'existence d'un outil de construction navale militaire de haut niveau en France est de l'intérêt bien compris de l'Etat et de la marine. Quant aux engagements pris en matière de TVA, ils devront être respectés et la capitalisation de DCN devra être suffisamment élevée pour lui permettre de se développer.

M. Jean-Yves Le Drian a ensuite demandé quel est le bilan global de l'opération Héraclès, notamment en ce qui concerne l'activité du porte-avions qui a été injustement critiqué auparavant, comment se déroule l'adaptation du programme Rafale au choix d'une version biplace et en quoi consistent les missions de sauvegarde maritime et de protection des côtes.

L'amiral Jean-Louis Battet a indiqué que l'opération Héraclès avait démontré la capacité de la France à déployer son groupe aéronaval à longue distance. Seuls les Etats-Unis et la France peuvent accomplir une telle opération. La France et les Etats-Unis ont entretenu d'excellentes relations tout au long des opérations. Cette coopération peut d'ailleurs être illustrée par l'étroite coordination dans la mise en oeuvre des Hawkeye et les échanges de personnels, pilotes notamment. Dans l'ensemble, le fonctionnement du porte-avions s'est révélé pleinement satisfaisant et les Super Etendard, dont la disponibilité a été bonne, ont bien accompli leurs missions.

Le développement de la version biplace du Rafale ne rencontre pas de problèmes. En ce qui concerne la traduction concrète du concept de sauvegarde maritime, une frégate est actuellement au large de Beyrouth dans le cadre de l'opération Amarante, afin de mener des actions de lutte anti-terrorisme. Une autre frégate sera positionnée 4 à 6 mois par an dans la zone Antilles-Guyane. Du point de vue des équipements, 22 vedettes de 19 mètres seront acquises pour la gendarmerie maritime. Les possibilités d'achat de Falcon 50 sont également examinées. La sûreté des approches maritimes repose désormais sur une action conjointe des unités chargées des missions de service public et des moyens en charge de la défense militaire du littoral.

En tant qu'élu d'un bassin industriel où coexistent des pôles de construction navale public et privé, M. Jean Lemière a souhaité avoir des précisions sur les dates de mise en service des deux bâtiments de projection et de commandement (BPC) et sur les critères d'attribution du marché.

L'amiral Jean-Louis Battet a confirmé que les dates actuellement prévues pour la livraison des bâtiments étaient 2005 et 2006. La décision de la répartition du marché entre les chantiers est du ressort du Gouvernement.

Evoquant notamment la vente du pétrolier ravitailleur Durance à l'Argentine, M. Gilbert Le Bris s'est étonné de la diminution du nombre de bâtiments logistiques, la capacité de projection de la marine en la matière reposant uniquement sur le bâtiment-atelier polyvalent Jules Verne. Il a demandé quels sont les moyens des forces maritimes dans l'Océan Indien.

L'amiral Jean-Louis Battet a rappelé que le modèle d'armée 2015 avait conduit à une diminution de 20% du nombre des bâtiments, ce qui a nécessité un certain nombre de compromis. La disponibilité du porte-avions Charles de Gaulle en mer d'Arabie a été facilitée par la présence du Jules Verne, ce qui illustre l'importance de ce type de bâtiments, dont la loi de programmation ultérieure au projet présenté par le Gouvernement devra prévoir le renouvellement. La marine dispose aujourd'hui de quatre pétroliers ravitailleurs et travaille sur le sujet, à travers le concept de pétrolier ravitailleur de nouvelle génération (PR-NG). Néanmoins, si le besoin se fait sentir, il est toujours envisageable d'affréter des bâtiments de ravitaillement civils.

M. Yves Fromion a souhaité connaître le sentiment du chef d'état-major de la marine sur le choix du second porte-avions et il a demandé l'état des pourparlers avec la DGA sur la version block III du missile anti-navire Exocet.

L'amiral Jean-Louis Battet a indiqué que le choix du second porte-avions faisait actuellement l'objet de trois études par rapport au coût d'acquisition et au coût d'entretien : l'une d'un porte-avions nucléaire type Charles de Gaulle, l'autre d'un porte-avions conventionnel construit en coopération avec la Grande-Bretagne, la troisième d'un porte-avions conventionnel construit en national. Les partisans de la propulsion nucléaire font valoir qu'elle permet d'économiser un pétrolier ravitailleur supplémentaire et d'avoir une plus grande souplesse d'emploi, tandis que les défenseurs de la propulsion classique mettent en avant le caractère moins coûteux à l'acquisition et à l'entretien d'une telle solution. La Grande-Bretagne a fait le choix d'un modèle qui reste adaptable et n'exclut pas la possibilité de mettre en place un catapultage avec brins d'arrêt, ce qui préserve une éventuelle coopération. Le second porte-avions restera dans toutes les hypothèses un instrument de puissance nationale pouvant être mis au service de la construction européenne.

La France a fait le choix de renoncer au missile anti-navire du futur (ANF) ce qui redonne à l'Exocet block III toute son importance, notamment à l'exportation. La marine finance l'amélioration de l'auto-directeur, l'amélioration de la portée reste à financer sur d'autres sources. L'Exocet constitue d'ailleurs un vrai marché à l'exportation. Mais si la marine financera l'amélioration des auto-directeurs, il n'en sera pas de même pour l'accroissement de la portée du missile, qui ne correspond pas à un besoin actuel. Cette différence de besoin par rapport à l'exportation doit être prise en compte par les industriels lorsqu'ils s'adressent à la DGA pour le financement d'études amont.

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Loi de finances pour 2003 : marine (avis)

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Charles Cova, les crédits de la marine pour 2003.

M. Charles Cova, rapporteur pour avis, a souligné qu'aucun projet de loi de finances initiale n'avait été, ces dernières années, aussi satisfaisant pour la marine que celui pour 2003. Les crédits du titre III augmenteront de 4,6 %, tandis que les autorisations de programme et les crédits de paiement des titres V et VI seront revalorisés de 33,5 % et 11,9% respectivement. Ces enveloppes sont avant tout destinées à rattraper un retard prononcé par rapport au modèle d'armée 2015, puisque l'exécution de la loi de programmation militaire pour les années 1997-2002 a fait apparaître un déficit d'investissement pour la marine de 3 milliards d'euros de crédits de paiement.

Le projet de loi de finances initiale pour 2003 engage donc un effort de rattrapage, qui se concrétise par 13,5 millions d'euros en faveur des mesures de revalorisation de la condition militaire de février 2002, une augmentation de 34 millions d'euros des crédits de fonctionnement pour l'activité des forces et leur soutien, et la poursuite des principaux programmes, notamment les sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda et les frégates multimissions. En fait, le titre V du budget de la marine n'appelle qu'une seule réserve, qui porte sur le Rafale, puisque les besoins en autorisations de programme pour 2003 devraient être couverts en loi de finances rectificative de fin d'année seulement. La décision de principe de construire un second porte-avions ainsi que l'entrée en service d'une troisième frégate antiaérienne Horizon avant 2015 montrent que l'effort en faveur des crédits d'équipement de la marine est à moyen et long terme.

Cependant, et malgré de nombreux motifs de satisfaction, certaines difficultés sont ressenties sur le terrain.

En premier lieu, la marine n'arrive pas à rallier son format d'effectifs. Pour le seul exercice 2002, il devrait apparaître un déficit de 18 officiers, 165 officiers mariniers, 465 volontaires, 92 fonctionnaires et 540 ouvriers d'Etat. Or, en 2003, aucun poste militaire supplémentaire ne sera créé. La situation des effectifs civils est également préoccupante, car la marine nationale plus que toute autre armée a fondé la réussite de sa professionnalisation sur un recrutement significatif de cette catégorie de personnels. Des mesures financières spécifiques devraient être décidées dès 2003 dans le cadre du fonds de consolidation de la professionnalisation, afin de fidéliser certaines catégories d'engagés, notamment les atomiciens, les informaticiens et les infirmiers. La solution passe certainement aussi par une amélioration du cycle de formation et une meilleure utilisation des réservistes.

L'entretien des bâtiments figure lui aussi en bonne place parmi les difficultés majeures de la marine. Incontestablement, le niveau de la disponibilité de la flotte ne s'est pas amélioré ces dernières années, se situant le plus souvent en-deçà de 60, voire 50 %, alors que théoriquement il devrait atteindre les 80 %. Le projet de loi de finances initiale pour 2003 apporte des réponses financières, grâce à un accroissement de 11 % des crédits consacrés à l'entretien programmé des matériels, mais cela ne suffira pas, car les causes de cette situation tiennent tout à la fois à une réorganisation de la chaîne de maintenance par la création du service de soutien de la flotte et aux défaillances de l'industriel chargé de la plus grande partie de l'entretien, à savoir l'ancienne direction des constructions navales (DCN). Il va de l'intérêt de la marine que DCN devienne une société performante et compétitive, mais force est de reconnaître que la mutation industrielle de l'ancienne direction des constructions navales coûte cher à son principal client, ainsi qu'aux contribuables d'ailleurs. A titre d'illustration, l'entrée en vigueur du statut de société nationale va se traduire par une majoration des coûts de 8 %, soit près de 120 millions d'euros chaque année, du fait de l'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur l'ensemble des prestations.

Enfin, les contraintes réglementaires affectent elles aussi la vie quotidienne des personnels de la marine. Le code des marchés publics, par exemple, ne paraît pas toujours adapté à la gestion prévisionnelle de la maintenance et il a posé de sérieux problèmes pour l'affrètement de navires de pompage d'hydrocarbures pour des missions de service public. Ces tracasseries administratives perturbent le bon fonctionnement d'un service public dont la vocation est d'abord opérationnelle et non gestionnaire et il conviendrait d'engager une réflexion sur une simplification administrative en faveur des armées.

Certes, tous les problèmes évoqués ne trouvent pas leur solution dans un projet de loi de finances. Il était néanmoins nécessaire d'en parler, ne serait-ce que pour démontrer aux personnels rencontrés dans les ports-base de Brest et Toulon que leurs préoccupations ont été relayées par le rapporteur pour avis et qu'elles sont prises en considération par la commission de la défense. D'ailleurs, si le projet de loi de finances pour 2003 et le projet de loi de programmation militaire leur apparaissent satisfaisants, ils restent attentifs à leur concrétisation. Il reviendra aux parlementaires de veiller à ce que les engagements pris soient tenus sur la durée, sous réserve que les services du ministère de la défense transmettent plus rapidement au Parlement les réponses aux questionnaires budgétaires qui leur ont été envoyés.

Reconnaissant que le budget de la marine était globalement bon, M. Gilbert Le Bris a souligné qu'environ 17 % des missions de la marine nationale relevaient du service public. Est-il envisageable de mieux identifier les dotations budgétaires pour l'accomplissement de ces missions ?

M. Charles Cova, rapporteur pour avis, a répondu que certaines missions comme le sauvetage en mer sont assumées par plusieurs administrations sans réelle coordination, ce qui a pour résultat de disséminer les moyens matériels dont dispose la puissance publique.

M. Jean-Yves Le Drian a noté le caractère nouveau et intéressant du concept de sauvegarde maritime, auquel la commission devrait s'intéresser davantage. Considérant le budget de la marine comme globalement bon, il a regretté la persistance de doutes pour le futur, tels que ceux liés au remboursement de la TVA. Pour ces raisons, le groupe socialiste s'abstiendra.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la marine pour 2003.

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