COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 21

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 20 novembre 2002
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Michel Voisin, vice-président

SOMMAIRE

 

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- Examen du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 -n° 187 (M. Guy Teissier, rapporteur)


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Loi de programmation militaire 2003-2008 (rapport).

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné, sur le rapport de M. Guy Teissier, le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 - n° 187.

M. Guy Teissier, rapporteur, a rappelé qu'en décidant de suspendre la conscription et de professionnaliser les armées en février 1996, le Président de la République avait tiré les enseignements de la fin de la guerre froide. La mise en place d'armées professionnelles modernes s'inscrit cependant dans un échéancier plus long que la suspension du service national, effective depuis le 27 juin 2001, puisqu'il s'agit de parvenir à un modèle défini pour l'horizon de 2015, dont la réalisation concrète repose sur trois lois de programmation militaire. Alors que, dans un peu plus d'un mois, la première de ces étapes, la loi de programmation militaire pour les années 1997-2002, atteindra son terme, il faut aujourd'hui débattre du projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008, qui doit lui succéder.

L'exercice de la programmation, qui a pourtant pour objet de donner aux armées et aux industriels de l'armement un minimum de lisibilité à moyen terme, a déjà connu bien des aléas. Des cinq lois de programmation militaire qui se sont succédé depuis le milieu des années quatre-vingt, aucune n'est parvenue à son terme ou n'a été complètement respectée, y compris la loi de programmation militaire 1997-2002, dont l'exécution a abouti à une dépense de crédits d'équipement inférieure de 14 % aux prévisions, ce qui a durement affecté le déroulement de la première phase de la transition vers le modèle d'armée 2015. Le moral des forces s'en est ressenti, comme l'ont démontré les manifestations de gendarmes à l'hiver 2001.

Il était impératif de corriger cette dérive, sous peine de remettre en cause les conditions du succès de la professionnalisation. Le Président de la République et le Gouvernement ont décidé de rompre avec la fâcheuse habitude de considérer le budget de la défense comme une variable d'ajustement économique. Malgré des perspectives de croissance moins bonnes que prévu, le Gouvernement a choisi de donner la priorité à la défense. Le projet de loi de programmation militaire est, en ce sens, très ambitieux. Il est vrai que, si le contexte économique international est incertain, l'environnement stratégique, marqué par une recrudescence du terrorisme international et une intensification des risques de prolifération d'armes de destruction massive, l'est également. En outre, la France est membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU et elle entend être à la pointe des développements de l'Europe de la défense, ce qui exige un effort budgétaire adapté. Contrairement à certaines allégations, le projet de loi s'inscrit dans une dimension européenne : non seulement de nombreux programmes nouveaux sont envisagés en coopération, mais, de surcroît, l'ampleur de l'effort financier consenti crédibilise l'ambition affichée d'une capacité d'entraînement dans un certain nombre de domaines essentiels à la défense du continent européen et d'un statut de « nation-cadre » pour les opérations.

Si le modèle d'armée 2015 se trouve confirmé, certaines adaptations, rendues nécessaires par l'évolution de la menace terroriste et des dangers résultant de la prolifération des armes de destruction massive, y ont été apportées. La doctrine nucléaire est cependant réaffirmée. Comme l'a rappelé le Président de la République dans son discours du 8 juin 2001 devant l'institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), les fondements de la politique française de sécurité et de défense reposent sur le principe de l'« autonomie stratégique », dont la dissuasion est une composante. Les attentats du 11 septembre 2001 ne remettent pas en cause le bien-fondé de la dissuasion dans un monde où la menace nucléaire se fait désormais plus diffuse et où la prolifération balistique donne des capacités de menace à des Etats plus nombreux.

Outre la dissuasion, les missions essentielles des armées sont la prévention, la projection-action et la protection. Le modèle d'armée 2015 reste pertinent, même s'il a fallu l'actualiser pour ce qui concerne les moyens de commandement, de renseignement et d'appréciation des situations, la réduction du déficit capacitaire pour la projection et la mobilité des forces, qui dépendra pour partie de l'avenir du programme d'avion de transport A 400 M, l'amélioration des capacités d'action et de frappe dans la profondeur. L'objectif est d'assurer la permanence à la mer du groupe aéronaval et de doter la flotte de combat de capacités de tir de missiles de croisière, et le renforcement des moyens de protection, notamment au niveau de la surveillance des approches maritimes.

Destinées à répondre aux ambitions affichées par la France pour sa défense, les dispositions du projet de loi de programmation militaire répondent à trois objectifs : moderniser et renouveler les équipements, améliorer la disponibilité des matériels et consolider la professionnalisation.

L'effort le plus notable porte sur les crédits des titres V et VI, qui s'établiront en moyenne à 14,64 milliards d'euros, sans compter les crédits prévus pour la gendarmerie par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI), du 29 août 2002. Cette hausse très substantielle, de l'ordre de 22 % par rapport aux montants des crédits d'équipement réellement dépensés sur la période 1997-2002, représente un rattrapage indispensable pour garantir la réalisation du modèle 2015.

La dissuasion bénéficiera de la mise en service du troisième sous-marin nucléaire lanceur d'engins de nouvelle génération (SNLE-NG), de la poursuite du développement du quatrième SNLE-NG, ainsi que des missiles M 51 et air-sol moyenne portée améliorée (ASMP-A). Le commandement, les communications, la conduite des opérations et le renseignement (C3R) seront modernisés grâce au lancement des satellites d'observation Hélios II et de télécommunications Syracuse III et à la commande de douze drones moyenne altitude longue endurance (MALE) et de quarante drones multimissions multi-capteurs (MCMM), dont dix seront opérationnels en 2008. La projection et la mobilité seront améliorées avec la livraison de deux bâtiments de projection et de commandement (BPC), en remplacement de deux transports de chalands de débarquement (TCD) retirés du service, la commande de cinquante A 400 M pour une livraison des premiers exemplaires en 2009, la commande de trente-quatre hélicoptères NH 90 pour l'armée de terre, ainsi que la rénovation de vingt-quatre Cougar et quarante-cinq Puma. Les capacités de frappe dans la profondeur se trouveront elles aussi accrues par la commande d'un second porte-avions, la livraison de soixante-seize Rafale à l'armée de l'air et à la marine, ainsi que celle de cinq cents missiles Scalp dits d'emploi général (Scalp-EG), le missile de croisière naval devant être commandé en 2006 à raison de deux cent cinquante exemplaires.

La maîtrise des milieux aéroterrestre, aéromaritime et aérospatial sera également facilitée, notamment par les livraisons de trente-sept hélicoptères Tigre, des cent dix-sept derniers chars Leclerc avec leurs quinze dépanneurs, la commande de quatre cent trente-trois véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI) pour des livraisons commençant en 2006, l'équipement de 14 000 fantassins avec le système Félin, le lancement des programmes de sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) Barracuda et de frégates multimissions, ainsi que la commande d'une troisième frégate anti-aérienne Horizon, la modernisation des AWACS, la commande de missiles MICA et sol-air moyenne portée-terre (SAMP-T), sans oublier le développement d'une capacité de défense anti-missiles de théâtre.

Enfin, pour assurer la préparation et le maintien en condition opérationnelle, dont la commission a récemment mis en évidence les carences criantes à travers deux rapports d'information, le projet de loi de programmation prévoit notamment une réévaluation des annuités à près de 2,4 milliards d'euros par an pour l'entretien, contre un peu plus de 2 milliards d'euros jusqu'en 2002, des travaux d'infrastructures dans les hôpitaux d'instruction des armées et l'acquisition d'équipements de protection des forces contre les armes biologiques.

Ces dispositions du projet de loi révèlent l'ampleur de l'effort de modernisation et de renouvellement des équipements qui a été décidé. Dans l'ensemble, les armées n'ont pas bénéficié de tels investissements depuis sans doute longtemps. A ces dépenses d'équipement, s'ajouteront les crédits en faveur de la recherche militaire ou duale, soit un peu plus de 7 milliards d'euros, et des investissements en faveur de la gendarmerie, pour un montant excédant les 3 milliards d'euros, afin de contribuer à améliorer la sécurité intérieure.

Si les crédits du titre III ne sont pas programmés par le projet de loi, des critères quantitatifs et qualitatifs ont été définis pour l'entraînement et le fonctionnement des forces. Chaque année, les bâtiments de la marine devront passer cent jours à la mer, les pilotes d'avions de combat et d'appareils de transport devront réaliser respectivement cent quatre-vingts et quatre cents heures de vol, tandis que les personnels de l'armée de terre accompliront cent jours d'exercice sur le terrain, contre quatre-vingt quatre aujourd'hui. Il s'y ajoute la fixation d'un nombre minimal de munitions à tirer. En ce qui concerne les personnels, le projet de loi de programmation vise également à répondre au défi de la fidélisation des engagés, qui est essentielle pour garantir la pérennité de la professionnalisation ainsi que le format des armées. Du fait de la professionnalisation, le ministère de la défense recrute chaque année entre 27 000 et 30 000 militaires. Les effectifs des armées feront l'objet d'ajustements, avec l'augmentation du nombre d'engagés volontaires de l'armée de terre (EVAT) de 2 500 postes, compensée par la suppression de 3 000 postes de volontaires, qui ne peuvent pas toujours être pourvus. Le projet de loi prévoit également le recrutement de deux cent vingt médecins et trois cent cinquante infirmiers pour le service de santé des armées, ainsi que la création de 7 000 postes supplémentaires de gendarmes. Une centaine de postes sera également ouverte en faveur des services de renseignement du ministère de la défense. Par ailleurs, un fonds de consolidation de la professionnalisation sera créé et doté de 572,58 millions d'euros, afin de favoriser le recrutement des personnels militaires, notamment les spécialistes qui font défaut, de susciter leur volonté de rester dans les forces et de favoriser les conditions de leur reconversion sur le marché du travail à l'issue de leur engagement.

Ces dispositions seront complétées par la consolidation du recrutement des réservistes. Devant la difficulté à atteindre le nombre de 100 000 réservistes, qui était affiché par la loi de programmation militaire pour les années 1997 à 2002, les effectifs de la réserve opérationnelle ont été limités à 82 000 personnes en 2008. Cependant, seule la gendarmerie a dû réviser ses besoins, puisque les 50 000 réservistes prévus pour elle à l'origine seront ramenés à 32 000 à l'horizon 2008. Pour les autres armées, les objectifs restent inchangés : 28 000 réservistes pour l'armée de terre, 6 500 pour la marine, 8 000 pour l'armée de l'air, 7 000 pour le service de santé et 500 pour le service des essences. Pour la réalisation de ces objectifs, deux mesures essentielles seront inscrites dans le fonds de consolidation de la professionnalisation : la création d'une prime d'incitation au volontariat à servir dans la réserve opérationnelle, d'un montant de 1 500 euros pour les militaires du rang, et le financement d'un dispositif de formation militaire initiale du réserviste (FMIR). Il sera cependant sans doute opportun de modifier la législation en vigueur, notamment afin d'apporter des compensations aux chefs d'entreprise qui libèrent leurs personnels, de réviser la durée maximale des missions confiées aux réservistes, d'améliorer la couverture sociale de ceux-ci, d'égaliser leur accès aux décorations avec celui des personnels d'active, de renouer avec l'existence de préparations militaires rémunérées et d'assurer la présence d'un correspondant de la réserve par commune, par exemple au sein des conseils municipaux.

Enfin, les dispositifs d'incitation au départ des officiers et sous-officiers, prévus par les lois du 2 janvier 1970 et du 30 octobre 1975, seront prolongés.

Pour ce qui concerne le fonctionnement du ministère de la défense, il est prévu de recourir davantage à l'externalisation et d'envisager des modes de financements innovants. Ces orientations sont bienvenues, même si ces démarches supposent au préalable une expérimentation scrupuleuse, destinée à en mesurer l'efficacité réelle et la pertinence pour les armées.

En conclusion, le rapporteur a souligné que, si les dispositions du projet de loi de programmation militaire suscitent une grande satisfaction, il convient de rester très vigilant sur leur mise en œuvre. Etant donné la faible valeur juridique que confère le droit positif à une loi de programmation militaire, dont la traduction concrète passe par les lois de finances, la responsabilité du Parlement pour garantir le respect des engagements pris sera importante. Lors de l'examen des projets de loi de finances, la commission devra s'employer à assumer ses prérogatives de contrôle et de vote. Sur ce point, le président Guy Teissier a rappelé qu'il avait demandé et obtenu, à l'issue du débat sur le projet de loi de finances initiale pour 2003, la mise en place d'une structure tripartite associant des membres de la commission de la défense nationale et des forces armées à des représentants des ministères de la défense et de l'économie, des finances et de l'industrie, chargée d'assurer un suivi trimestriel du niveau de consommation des crédits des différentes armées. Le contrôle de la commission de la défense, par le biais de ses rapports d'information, sera également approfondi. Les attentes des personnels sont très fortes et rien n'irait plus à l'encontre de l'intérêt de l'institution militaire que de les décevoir une nouvelle fois.

Le rapporteur a conclu en souhaitant le vote des dispositions du texte du projet de loi en l'état, ce qui serait un gage de crédibilité et un signal fort adressé aux armées.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. René Galy-Dejean a souligné que le précédent gouvernement n'avait été capable de respecter ni la loi de programmation militaire 1997-2002, ni le cheminement vers le modèle d'armée 2015, alors qu'il avait bénéficié d'un contexte économique caractérisé par une forte croissance et le dynamisme des recettes fiscales. Aujourd'hui, la situation est en quelque sorte inversée, puisqu'il faut opérer un important rattrapage dans un contexte de baisse des recettes budgétaires. Le pacte de stabilité européen, dans sa définition actuelle, a des effets inadmissibles en matière de dépenses militaires, alors même qu'il s'agit de dépenses nécessaires. En 2008, l'effort financier en faveur de la défense devrait s'élever à 2,8 % du PIB au Royaume-Uni, à 2,1 % en France et à moins de 1 % dans les autres Etats membres de l'Union européenne, à l'exception de la Grèce. Il serait paradoxal que des Etats qui obèrent leur effort de défense, déjà limité, en finançant le développement du programme d'avion de combat américain Joint Strike Fighter (JSF), veuillent imposer un strict respect du pacte de stabilité. Il conviendrait d'envisager une démarche de la commission de la défense à ce sujet auprès du commissaire européen chargé de l'application du pacte de stabilité.

Le rapporteur a répondu qu'il conviendrait que, comme le propose la France, les dépenses de défense ne soient plus prises en compte pour le respect du pacte de stabilité. Il est aberrant de pénaliser les Etats qui effectuent les efforts de défense nécessaires pour ne pas laisser distancer l'Europe par les Etats-Unis. Il est également souhaitable de s'orienter vers l'harmonisation des dépenses de défense en Europe.

M. Jean-Yves Le Drian a estimé que les amputations de crédits militaires les plus importantes ont été opérées par les gouvernements de MM. Balladur et Juppé, alors que la loi de programmation militaire 1997-2002 a été pleinement respectée dans ses objectifs, même si l'ensemble des crédits n'a pas été inscrit. Il a souligné la nécessité de veiller à ce que la programmation soit à l'avenir respectée. Il a souhaité savoir comment fonctionnera la structure tripartite d'examen trimestriel des crédits évoquée par le rapporteur et si elle permettra d'assurer que les crédits prévus sont effectivement inscrits.

Alors que la France participe à la mise en place, pour fin 2003, d'une force européenne de réaction rapide de 60 000 hommes, l'OTAN envisage la création d'une force de 20 000 hommes, destinée en priorité, semble-t-il, à la lutte contre le terrorisme. L'articulation entre ces deux forces n'est pas claire et il conviendrait de préciser la position française à ce sujet.

Le rapporteur a souligné que la structure tripartite en cours de constitution n'avait pas pour objet de recevoir des informations sélectionnées par le ministère de l'économie, mais de mettre en place une procédure d'échange de questions et de réponses permettant de suivre le calendrier et l'exécution des engagements et des commandes. Il conviendra également, pour les matériels en réparation, que soient communiquées les dates prévisionnelles de leur remise en service. Il s'agit d'élaborer un véritable outil de contrôle.

En ce qui concerne les relations entre les forces de réaction de l'Union européenne et de l'OTAN, il convient d'abord de s'interroger sur l'utilité, politique et opérationnelle, qu'il y aurait à joindre ces deux forces. Les états-majors sont-ils prêts à fusionner et qui prendra le commandement des opérations ? Ces questions sont encore pendantes.

M. Charles Cova a affirmé sa confiance dans la pugnacité de la ministre de la défense, garante du respect du budget voté par le Parlement. Il est toutefois dommage que le fonds de consolidation de la professionnalisation ne comporte que 19 millions d'euros de crédits en 2003. Son augmentation programmée sur la période demande à être confirmée et la commission devra surveiller de près le respect des engagements du projet de loi.

Le projet de loi de programmation met insuffisamment l'accent sur la défense opérationnelle du territoire (DOT) qui est un élément essentiel de la lutte contre le terrorisme. Le rôle des réserves au sein de la DOT n'est pas défini avec suffisamment de précision. Enfin, la programmation s'intéresse trop peu à l'évolution du statut des militaires.

Le rapporteur a souligné l'intérêt pour la commission de se préoccuper de la situation sociale des militaires. Le fonds de consolidation de la professionnalisation est une innovation intéressante de la programmation. Le moral des militaires est fondamental et des gels qui porteraient sur des crédits restant, malgré leur progression sur la période, marginaux par rapport à l'ensemble du budget de la défense, ne seraient pas admissibles. La commission veillera à ce qu'il ne soit pas porté atteinte au moral des armées.

La défense opérationnelle du territoire ne relève pas de la loi de programmation militaire, mais de l'organisation de la défense. L'expression même a d'ailleurs été abandonnée, ce qui ne signifie pas que les armées ne soient pas en situation de veille permanente. Une réflexion doit être menée sur les risques encourus par le pays, par exemple dans les zones portuaires, dont la plupart des installations font aujourd'hui seulement l'objet d'une surveillance par des entreprises privées. Ces installations stratégiques pourraient être surveillées soit de nouveau par la gendarmerie, soit par des régiments d'active renforcés de réservistes, pour lesquels ce serait une intéressante mission.

M. Jean-Michel Boucheron a présenté la position du groupe socialiste sur le projet de loi. Le groupe constate que les orientations générales de ce texte sont les mêmes que celles du projet déposé par le précédent Gouvernement ; il est donc favorable à ces orientations. En revanche, il lui paraît clair que la mise en œuvre de ce projet suppose des moyens financiers qui, comme le montre l'analyse de la conjoncture économique non seulement en France, mais aussi dans d'autres pays européens, comme l'Allemagne, ne pourront être trouvés. Il est regrettable que le Gouvernement se soit privé du remarquable levier de croissance que représentait la législation sur les 35 heures.

Soucieux de montrer sa conscience du décalage entre les besoins nécessaires et les ressources probables, le groupe socialiste a donc décidé de s'opposer à l'adoption du projet de loi.

Le rapporteur a jugé que la France disposerait d'un instrument militaire d'une qualité encore plus grande si les milliards d'euros dépensés pour la mise en œuvre des 35 heures avaient été investis dans la défense du pays. Mettre en évidence la bonne orientation de la programmation militaire tout en votant contre, au motif de son éventuelle non-application pour des raisons de conjoncture économique, difficilement prévisible par nature, relève autant d'un « grand écart » que d'un exercice de « politique-fiction ». L'ancienne majorité aurait été plus avisée de profiter de l'importante croissance dont le pays a bénéficié lorsqu'elle était au pouvoir pour mettre en œuvre l'intégralité des dispositions financières de la loi de programmation militaire 1997-2002.

Abordant les menaces chimiques ou biologiques, M. Pierre Lang a regretté le manque de clarté du partage des compétences entre la protection civile et les armées. Si les matériels de pointe, intégrant l'imagerie médicale et la spectrographie de masse, sont disponibles, les spécialistes manquent dans ce domaine. Le projet de loi relatif à la programmation militaire prévoit-il un effort dans le créneau très particulier de la détection et de l'analyse de ces toxines ?

Le rapporteur a souligné que, dans le projet de loi, 51,5 millions d'euros sont affectés à la menace NRBC. C'est aux armées qu'il convient d'orienter les efforts en fonction de l'évolution des menaces et des crédits fournis et il faut leur faire confiance pour que la formation du personnel coïncide avec l'achat des équipements. Une manœuvre, baptisée Eurotox, a été organisée en octobre dernier à Canjuers, afin de tester le déploiement d'une opération de grande ampleur de réponse à une attaque biologique. Par ailleurs, le CNRS envisage des possibilités de mise à disposition de personnels pour participer à la recherche dans ces domaines.

M. Bernard Deflesselles a souligné que la bonne exécution de la loi de programmation militaire est essentielle, et relève non seulement de la responsabilité du Gouvernement, mais aussi du Parlement. La création d'une structure tripartite destinée à contrôler les crédits militaires est à cet égard une initiative bienvenue. En matière de défense européenne, les avancées restent lentes et difficiles, comme le prouvent les vicissitudes des programmes en coopération. Des contacts plus fréquents entre parlementaires spécialistes de défense des Etats membres de l'Union seraient souhaitables, afin de compléter l'action gouvernementale et d'impliquer davantage les Parlements dans le processus de construction de l'Europe de la défense.

Le rapporteur a fait valoir que les difficultés du moment sur le programme A 400 M ne doivent pas occulter des réussites indéniables, telles que les programmes de frégate Horizon ou d'hélicoptère NH 90, ainsi que les possibilités de coopération franco-britannique pour la construction de porte-avions. Le président de la commission rencontrera prochainement son homologue du Bundestag sur le programme A 400 M ; le niveau de commandes envisagé est aujourd'hui très proche de celui qui permettrait de maintenir le coût unitaire des appareils, soit 60 appareils.

Les présidents de commissions de la défense des parlements des quinze Etats de l'Union européenne se réunissent déjà de façon régulière tous les six mois, à l'initiative du pays exerçant la présidence de l'Union. Des réunions plus fréquentes et plus informelles, sur un ordre du jour donné, pourraient être organisées. Il serait souhaitable qu'elles donnent lieu à un véritable dialogue interparlementaire, plutôt qu'à des auditions de ministres.

M. Yves Fromion a indiqué que la création d'une structure tripartite de contrôle des crédits militaires pourrait être accompagnée d'une initiative similaire concernant la disponibilité technique opérationnelle des matériels, afin de compléter le contrôle de la mise en oeuvre des décisions prises.

Le rapporteur a approuvé cette proposition, qui sera plus facile à mettre en œuvre du fait de la création de structures de soutien intégrées en 1999 et 2000, la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD) et le service de soutien de la flotte (SSF).

M. Axel Poniatowski a souligné les conséquences très positives de la croissance du budget de la défense sur l'industrie nationale : elle se traduit par une augmentation de la production des entreprises de défense et une hausse de leurs exportations, comme le démontrent les exemples américain et britannique. C'est pourquoi une bonne exécution des crédits d'équipement militaire semble la plus probable.

La construction de l'Europe de la défense est une question délicate ; les dernières décisions prises dans ce domaine sont préoccupantes. La création d'une force de réaction rapide par l'OTAN est une initiative américaine qui vise à empêcher la naissance de la force de réaction rapide européenne. La proposition du Président de la République, prévoyant qu'une force européenne relève les forces de l'OTAN stationnées en Macédoine, a reçu un accueil mitigé de nos partenaires européens.

Le rapporteur a rappelé le poids des industries de défense dans l'économie nationale ; elles représentent 5  % des emplois directs totaux en France.

Le seul fait de discuter du commandement d'une force européenne en Macédoine constitue une avancée importante. La mise en œuvre d'une force européenne opérationnelle est cependant complexe, comme les difficultés rencontrées en Bosnie, puis au Kosovo l'ont démontré, les états-majors nationaux n'étant pas tous interopérables.

M. Robert Pandraud a exprimé ses inquiétudes pour l'Europe de la défense, du fait de l'absence totale d'une politique extérieure commune et du manque de volonté politique dans ces domaines ; l'élargissement de l'Union risque d'accroître les difficultés existantes.

Le rapporteur a souligné que l'interopérabilité des forces armées européennes pouvait être délicate à organiser, notamment en raison de la diversité des formats et des organisations des armées respectives des Etats membres. De ce fait, c'est la volonté commune des principaux Etats de l'Union européenne qui créera l'Europe de la défense. La France doit travailler à faire partager sa volonté de construire l'Europe de la défense.

Observant que l'accroissement du budget des armées avait accru le crédit de la France auprès de ses partenaires européens, M. Jérôme Rivière a estimé que tenir les engagements du projet de loi de programmation militaire contribuera à lever les réticences de certains Etats membres de l'Union européenne vis-à-vis de l'Europe de la défense. Il a souligné la difficulté qu'ont les parlementaires français à faire aborder des questions concrètes, comme l'A 400 M, au sein des réunions de parlementaires des quinze, ou à obtenir des soutiens à la notion de défense européenne dans des assemblées internationales comme l'Assemblée de l'OTAN. Cela montre la fragilité de l'Europe de la défense en cours de constitution et doit inciter à être attentif au respect des engagements budgétaires pris, sous peine de voir l'Europe de la défense se construire sous l'égide des Etats-Unis.

Le rapporteur a estimé que la France doit garder un rôle moteur dans la construction de l'Europe de la défense et que le projet de loi de programmation militaire présente à cet égard un effet d'entraînement bienvenu. Il serait dommageable que la France revienne sur ses engagements budgétaires. En participant activement au plan d'action européen sur les capacités (ECAP) et à la mise en place d'une force de réaction rapide, conformément aux conclusions du Conseil européen d'Helsinki, notre pays fait la preuve de son implication européenne. Il convient de poursuivre ces efforts.

M. Yves Fromion a souligné la difficulté pour nombre de pays partenaires de la France au sein de l'Europe de la défense à concevoir la force de réaction rapide européenne autrement que réduite à des fonctions supplétives d'une force de l'OTAN.

M. Michel Voisin, président, a observé que le groupe socialiste ne voterait pas un projet de loi de programmation militaire largement inspiré du texte présenté par le précédent Gouvernement.

Après avoir rejeté l'exception d'irrecevabilité n° 1 et la question préalable n° 1 présentées par M. Alain Bocquet et les membres du groupe des député-e-s Communistes et Républicains, la commission est passée à l'examen des articles du projet de loi.

Article premier : Approbation du rapport annexé

La Commission a adopté l'article premier sans modification.

Article 2 Moyens affectés aux dépenses en capital

La Commission a adopté l'article 2 sans modification.

Article 3 Effectifs prévisionnels du ministère de la défense

La Commission a adopté l'article 3 sans modification.

Article 4 Fonds de consolidation de la professionnalisation

La Commission a adopté l'article 4 sans modification.

Article 5 Mesures d'incitation au départ d'officiers et de sous-officiers

La Commission a adopté l'article 5 sans modification.

Article 6 Habilitation du Gouvernement à prendre des mesures par voie d'ordonnances

La Commission a adopté l'article 6 sans modification.

Article 7 Suivi des orientations et de la mise en œuvre de la politique de défense

La Commission a adopté l'article 7 sans modification.

La Commission a ensuite adopté l'ensemble du projet de loi sans modification.

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