COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 23

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 3 décembre 2002
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. Guy Teissier, président

SOMMAIRE

 

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- Examen, pour avis, du projet de loi de finances rectificative pour 2002 - n° 382
(M. Axel Poniatowski , rapporteur pour avis)


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Loi de finances rectificative pour 2002 (avis)

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné, pour avis, sur le rapport de M. Axel Poniatowski, le projet de loi de finances rectificative pour 2002 - n° 382.

M. Axel Poniatowski, rapporteur pour avis, a exposé que l'exécution de la loi de finances pour 2002 avait été marquée par deux lois de finances rectificatives. La loi de finances rectificative du 6 août 2002 a ouvert 908 millions d'euros de crédits de paiement au ministère de la défense, 808 millions d'euros au titre III, et 100 millions d'euros au titre V. Pour ce qui est des crédits de paiement, le présent projet de loi propose en son article 7 d'ajouter 88,1 millions d'euros de crédits de fonctionnement au titre III. Au titre V, l'article 8 propose l'ouverture de 210,56 millions d'euros de crédits de paiement et de 4,65 milliards d'euros d'autorisations de programme et l'article 9 propose l'annulation de 321 millions d'euros. En crédits de paiement, sur l'année, 896,1 millions d'euros sont donc ouverts au titre III , soit un abondement de 5,57 % du montant initial. Au titre V, pour la première fois depuis longtemps, le volume des crédits de paiement ouverts en exécution est identique au volume de crédits ouverts par la loi de finances initiale, à 10,5 millions d'euros près. Pour la première fois aussi, l'exécution du budget de la défense se fait en augmentation par rapport à la loi de finances initiale.

Les 88 millions d'euros de crédits supplémentaires ouverts au titre III par le présent projet se répartissent entre 7 millions d'euros pour régulariser la cotisation annuelle de la France au budget militaire de l'OTAN, et 81 millions d'euros pour des crédits de fonctionnement et d'alimentation destinés à financer les besoins créés par les opérations extérieures pour chacune des trois armées et des besoins de fonctionnement courant pour la gendarmerie. En fin d'exercice, la situation du titre III se singularise par sa qualité. L'ensemble des dépenses supplémentaires de rémunérations apparues au cours de l'année a été financé. Les loyers de la gendarmerie et les arriérés de dette de la défense envers la SNCF ont également été apurés.

S'agissant du titre V, le projet de loi ouvre des autorisations de programme pour des montants considérables : 4,65 milliards d'euros. Ces ouvertures concernent pour l'essentiel la passation de deux commandes globales de grande importance. La première, d'un montant de 1,326 milliard d'euros a pour objet le financement de la dernière tranche du développement du missile nucléaire balistique M 51, qui doit équiper la force océanique stratégique à partir de 2015. La deuxième, d'un montant de 3,114 milliards d'euros, concerne une commande globale de 59 avions Rafale, 46 pour l'armée de l'air et 13 pour la marine, à passer au 1er trimestre 2003. Contrairement aux lois de finances rectificatives pour 2000 et 2001, ces ouvertures ne sont accompagnées d'aucune annulation concomitante d'autres autorisations de programme.

Les 210,56 millions d'euros de crédits de paiement ouverts comportent 20 millions d'euros ouverts au chapitre 55-11 ayant pour objet de compenser une somme équivalente inscrite au budget 2003 et qui doit servir à accompagner la restructuration du statut de DCN en société nationale, et 190,56 millions d'euros, correspondant au montant de la contribution des armées au budget civil de recherche et développement (BCRD).

Cependant, les crédits ainsi inscrits n'ont aucune influence sur la gestion de 2002. Il s'agit d'un remboursement des contributions inscrites au budget de 2003. L'exécution de la loi de finances initiale pour 2002 est marquée par une diminution des dotations destinées à l'équipement nouveau des armées, de 321 millions d'euros, et une diminution nette des crédits des titres V et VI de 221 millions d'euros, compte tenu des 100 millions d'euros supplémentaires mis en place par la loi de finances rectificative d'été.

Cette diminution n'en fait pas moins de l'annuité 2002 du budget d'équipement de la défense la mieux exécutée de la loi de programmation militaire 1997-2002. Les crédits votés pour 2002 étaient de 12,4 milliards d'euros ; 12,19 milliards d'euros auront été dépensés. Cette situation se compare très favorablement à celle de 2001, où, sur 12,72 milliards d'euros de crédits d'équipement votés, 926 millions d'euros ont été annulés et seulement 11,8 milliards d'euros consommés.

Pour autant, elle n'est pas satisfaisante. Le mouvement de reprise des engagements et des paiements s'est poursuivi avec vigueur en 2002. Une partie au moins des 321 millions d'euros de crédits annulés correspond à un besoin et serait effectivement consommée au cas où il ne serait pas décidé de les annuler. Cette mesure d'annulation n'a donné lieu à aucun décret et c'est l'article 9 du projet de loi de finances rectificative qui opère cette annulation, qui est donc demandée au Parlement.

La progression constatée des dépenses du titre V fait d'ores et déjà apparaître que, pour la première fois depuis bien longtemps, certains chapitres, loin d'être surdotés par rapport à la consommation, vont s'avérer sous-dotés. Ainsi, le montant des crédits alloués à l'entretien du matériel pourrait ne pas suffire aux paiements nécessaires en 2002 et le budget d'équipement de la gendarmerie connaîtra des reports de charges importants.

Il est souhaitable que les budgets d'équipement annuels de la programmation militaire 2003-2008 soient exécutés en totalité et que le Parlement soit cohérent avec ses décisions de juillet 2002, qui ont mis en place les crédits supplémentaires destinés à l'entretien des matériels par abondement en crédits nouveaux et non par redéploiement de crédits existants. L'article 9 du projet de loi doit donc être supprimé et les 321 millions d'euros de crédits qu'il propose d'annuler, maintenus, quitte à ce qu'au 31 décembre le Gouvernement constate la non-consommation d'une partie de ces crédits et les annule par décret comme devenus effectivement sans objet.

Le rapporteur pour avis a évoqué les surcoûts liés aux opérations extérieures, qui se sont montés à 680 millions d'euros en 2002, près de 30 % de plus qu'en 2001. Le poids des opérations en Afghanistan, de plus de 200 millions d'euros, est la cause de cette progression. En revanche, le poids des opérations au long cours, en Bosnie et au Kosovo, diminue : la SFOR en Bosnie ne mobilise plus que 2 500 militaires français contre plus de 3 000 en l'an 2 000, et une réduction à 1 800 est en cours, dans le cadre de la refonte du dispositif ; au Kosovo, la France n'a plus que 4 500 militaires, au sein d'une force de 35 000 militaires, contre près de 6 000 et 45 000 l'an dernier. L'idée d'un financement des opérations extérieures en loi de finances initiale progresse, comme l'a montré le débat sur la loi de programmation militaire.

Le présent projet propose également deux mesures législatives de la compétence de la commission. Il proroge, par son article 32, le régime spécifique d'aliénation des immeubles inutiles aux services du ministère de la défense instauré en 1987. L'article 33 supprime le compte de commerce n° 904-01 relatif aux subsistances militaires et transfère les missions assurées sur ce compte à l'économat de l'armée, qu'il transforme en un établissement public commercial interarmées, l'économat des armées. Il s'agit d'assurer dans les meilleures conditions de souplesse et de réactivité l'approvisionnement des armées, notamment en opérations extérieures.

En conclusion, le rapporteur pour avis a invité la commission à supprimer l'article 9 et à donner un avis favorable à l'adoption du projet de loi, sous réserve de cette suppression.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

Le président Guy Teissier a estimé que, si le projet de loi de finances rectificative était dans l'ensemble satisfaisant, son article 9 était préoccupant. Lors des débats sur le projet de loi de programmation militaire, un engagement du Premier ministre de remettre les crédits d'équipement actuellement présentés comme « gelés » à la disposition du ministère de la défense à la fin du premier trimestre 2003 a été évoqué. Or, si l'Assemblée vote l'annulation de ces crédits, il existe un risque de les voir définitivement perdus. Le rapporteur a donc souligné à bon escient ce problème, d'autant plus que la commission est attentive à ce que l'engagement et la consommation des crédits correspondent strictement aux prévisions.

M. Gilbert Meyer s'est interrogé sur la stratégie la plus pertinente en vue d'assurer le maintien de ces crédits. L'engagement des crédits d'investissement se termine le 15 décembre et les crédits dont l'annulation est proposée ne pourront en tout état de cause pas être consommés en 2002. L'adoption de l'amendement n'apporterait aucune garantie sur l'ouverture de crédits équivalents en 2003. Un retrait de l'amendement en séance, au bénéfice d'un engagement d'abondement du budget 2003, pourrait s'avérer plus efficace.

Le rapporteur pour avis a précisé que, selon les informations qu'il a recueillies, une grande partie des crédits dont l'annulation est proposée a déjà été engagée. Une promesse d'abonder les crédits en 2003 ne permet pas de garantir l'imputation de l'abondement sur le titre V. Il aurait été possible au Gouvernement d'annuler ces crédits par décret. Au contraire, pour la première fois, il est demandé au Parlement d'annuler directement des crédits d'équipement de la défense. Pourquoi la commission devrait-elle revenir sur ses positions ?

Le président Guy Teissier a approuvé cette analyse. Les crédits étant déjà engagés, la suppression demandée créera des reports de charges sur 2003.

M. René Galy-Dejean a approuvé l'initiative du rapporteur visant à supprimer l'article 9. Aussi bien le Gouvernement que la commission ont pris la résolution de ne plus admettre que des gels de crédits viennent contredire les votes du Parlement. Il n'est pas possible de renoncer à ce principe dès le début de la période de la nouvelle programmation militaire. La justification de l'annulation présentée dans l'analyse du projet de loi n'est pas non plus admissible. Cette dernière indique que « les annulations de crédits excèdent légèrement par leur montant le coût en 2002 de la baisse de l'impôt sur le revenu adoptée lors du collectif d'été ». Si la politique de diminution d'impôt sur le revenu est justifiée, elle ne peut pas être financée par un effort sur les crédits de la défense, alors que la France est en guerre contre le terrorisme. Les Français doivent savoir que la France est en guerre et toute guerre nécessite des sacrifices. De plus, l'objectif de la baisse des impôts est de faciliter la croissance économique. Or, les dépenses d'équipement du ministère de la défense favorisent elles aussi la croissance et l'emploi ; la croissance commande donc de ne pas toucher à cette dépense.

M. Jean-Michel Boucheron a souligné que l'ensemble des membres de la commission était solidaire sur ce sujet. La commission de la défense, en ce début de période de nouvelle programmation militaire, est mise à l'épreuve et l'expérience montre que sa fermeté peut, dans de telles circonstances, être payante.

M. Jérôme Rivière a ajouté qu'une telle annulation nuirait au moral des armées et à la crédibilité de la commission.

Le président Guy Teissier a souligné que le vote en l'état de l'article 9 du projet de loi de finances rectificative pour 2002 affaiblirait la crédibilité du travail de contrôle trimestriel budgétaire que la commission s'est engagée à mener. La commission doit se tenir avec fermeté à la position de principe qu'elle a prise. Mettre en parallèle le montant de la baisse de l'impôt sur le revenu et la diminution des crédits de la défense n'est pas non plus acceptable.

La commission a alors adopté l'amendement de suppression de l'article 9 présenté par le rapporteur pour avis.

Après un débat auquel ont participé le président Guy Teissier et MM. René Galy-Dejean, Jean-Michel Boucheron, Georges Siffredi, Jérôme Rivière et Gilbert Meyer, la commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi de finances rectificative pour 2002 ainsi modifié.

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