COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 12

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 26 novembre 2003
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Guy Teissier, président

SOMMAIRE

 

pages

- Communication de M. Gilbert Meyer sur le logement des personnels de la défense

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- Informations relatives à la commission

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Logement des personnels de la défense (communication)

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu une communication de M. Gilbert Meyer sur le logement des personnels de la défense.

Le président Guy Teissier a précisé que M. Gilbert Meyer avait été chargé le 14 mars 2003, par le Premier ministre, d'une mission temporaire sur cette question, auprès de la ministre de la défense, et qu'il a remis son rapport le 25 septembre.

M. Gilbert Meyer a indiqué que la mission que lui avait confiée le Premier ministre sur le logement de l'ensemble des personnels, militaires et civils, de la défense lui avait permis d'examiner l'évolution des besoins depuis la professionnalisation et de présenter des propositions pour une rénovation de la politique en matière de logement des familles.

Le dernier inventaire, effectué en 2002, recense 61 840 logements, dont 12 395 logements domaniaux, 28 003 logements relevant de la société nationale immobilière (SNI), société anonyme d'économie mixte, 20 074 logements pris à bail et 1 368 autres logements. Ce parc immobilier permet seulement de loger 32 % des ayants droit et de répondre à 55 % des besoins exprimés. Il faut y ajouter 74 972 logements de la gendarmerie, l'ensemble constituant un parc de 135 000 logements.

La mission temporaire a permis de réaliser une enquête nationale laissant apparaître un besoin évalué à 11 302 logements supplémentaires, nécessaires pour satisfaire les besoins résultant de la professionnalisation. La loi de programmation militaire prévoit le financement de 5 258 logements ; il en manque donc 6 044. Si l'on ajoute 2 600 logements supplémentaires nécessaires pour satisfaire les besoins de la gendarmerie, ce sont 8 600 logements qui doivent être financés, en sus des prévisions, sur la durée de la programmation.

L'enquête, qui a porté sur l'ensemble des régions militaires, a aussi recensé les difficultés et doléances des personnels. En matière de recherche de logements, par exemple, les militaires regrettent de ne bénéficier, huit fois sur dix, d'aucune assistance. Le logement des militaires affectés sur une implantation pour des missions de six à huit mois paraît insatisfaisant. Les disparités entre loyers peuvent être très importantes d'une région à l'autre. Les militaires signalent aussi leurs difficultés à faire face au coût de la caution exigée lors d'une location. En construisant des ensembles comprenant parfois plusieurs centaines de logements destinés aux personnels de la défense, on a créé de véritables « colonies » de militaires, où la vie quotidienne peut être ressentie comme pesante. Enfin, l'accession à la propriété semble difficile, les militaires achetant rarement leur logement avant 40 ans, alors que les salariés du secteur civil commencent à devenir propriétaires vers 30 ou 35 ans.

Pour faire face à cette situation, le rapport formule plusieurs propositions.

Les principes et conditions d'attribution doivent être les mêmes quelles que soient les régions militaires et donc formalisés au niveau central, le dispositif d'attribution étant, quant à lui, confié aux régions militaires. Une contractualisation des besoins doit être effectuée par la région militaire avec les partenaires locaux ; les grandes collectivités territoriales ou leurs groupements disposent d'outils de gestion articulés avec les préoccupations d'aménagement urbain. Enfin, comme certains militaires dépassent le plafond de ressources au-dessous duquel il est possible d'obtenir un logement public, le rapport propose d'associer un opérateur public et un opérateur privé.

Ainsi, la formulation du besoin serait faite au niveau de la région militaire selon des principes unifiés ; la contractualisation avec les opérateurs serait effectuée sous la signature du général commandant la région militaire ; les demandes de logements pour des militaires ayant un revenu inférieur au plafond de ressources seraient formulées auprès de l'opérateur public, l'opérateur privé prenant en charge les autres. L'association de partenaires de proximité, dans le cadre d'une procédure simple, mettrait fin à la disparité des loyers au sein d'une aire géographique, les contrats étant centralisés au niveau du commandement régional.

Afin de démontrer la viabilité de ces propositions, la région Alsace a servi de laboratoire. Pour faire face à un déficit de 360 logements, un partenariat public-privé a été mis en place dans chacun des deux départements et des conventions ont été conclues. Ces conventions prévoient de limiter la proportion de militaires par immeuble, afin d'éviter une concentration excessive. Une exonération de la caution a été négociée, cette dernière étant désormais prise en charge dans le cadre de la convention signée à l'échelon régional. Le loyer sera calculé sur la base de l'année n-1, afin de limiter les coûts et de répondre à la demande de logements pour célibataires. En permettant un apport de logements supplémentaires, la coopération entre le public et le privé permettra également le relogement des militaires venant de prendre leur retraite. Ces conventions n'attendent plus que la signature du général commandant la région militaire de Metz.

Si ce système était appliqué à l'ensemble de la France, il permettrait de dégager une économie de 423 millions d'euros, voire de 600 millions d'euros si l'on prenait en compte les demandes de la gendarmerie. Cette réforme est nécessaire, les modes de gestion n'ayant guère changé depuis trente ans, alors que les besoins ont considérablement évolué. Les appelés étaient parfois confinés à douze par chambrée alors que les militaires professionnels sont aujourd'hui logés par deux ou quatre. Un changement de méthode s'impose : à titre d'exemple, 1 200 gendarmes, qui seraient mieux occupés à d'autres tâches, sont actuellement affectés à la seule gestion administrative des logements de leur arme.

Le rapport s'inscrit, comme l'avait souhaité le Premier ministre, dans une réflexion plus large que les seuls besoins du ministère de la défense. La diversité des méthodes de gestion immobilière des différents ministères conduit à une véritable gabegie. Confier à une administration unique la gestion de l'ensemble du secteur du logement public permettrait de gagner en efficacité et d'effectuer d'importantes économies.

Le président Guy Teissier a évoqué la situation particulière de l'Ile-de-France. Les difficultés de logement et le coût des loyers conduisent les militaires à redouter les affectations en région parisienne. Compte tenu de la rareté du foncier dans cette région, quelle pourrait être la marge de manœuvre du binôme public-privé ?

Par ailleurs, la création d'une structure unique de gestion du domaine immobilier de l'Etat présente un grand risque de lourdeurs administratives et une externalisation paraît de loin préférable.

M. Gilbert Meyer a souligné que le logement des militaires posait des difficultés très particulières en Ile-de-France, mais aussi dans le Var. Les propositions du rapport sont également applicables à ces deux aires géographiques, à condition que soit réalisée une maîtrise des surfaces disponibles. Le recensement des friches militaires d'Ile-de-France et du Var rend possibles les négociations avec les collectivités intéressées, en vue de procéder à des échanges de terrains pour éviter la concentration des logements de militaires. En Ile-de-France, 14 000 hectares de friches militaires sont disponibles, ce qui ouvre d'intéressantes perspectives. Dans le Var, les terrains utilisables sont moins nombreux, mais les besoins sont également moindres.

M. Gilbert Meyer a également précisé qu'il ne proposait pas de créer un nouvel organisme central chargé du logement, se superposant à la SNI, mais qu'il encourageait la création de structures par département. Cette évolution a déjà été engagée, certains départements prenant en charge la construction de logements. La nécessaire adaptation de la SNI aux nouvelles contraintes n'interdit pas de rechercher des solutions innovantes pour financer les logements supplémentaires. Cette tâche doit être confiée à des partenaires locaux, plus à même de proposer des solutions adaptées aux besoins identifiés.

M. Yves Fromion s'est interrogé sur la nécessité de maintenir les crédits destinés aux 5 200 logements prévus par la loi de programmation militaire pour 2003-2008, puisque les propositions formulées par le rapporteur permettent de disposer de logements supplémentaires de façon souple et à moindre coût.

M. Gilbert Meyer a précisé que les crédits prévus par la loi de programmation militaire étaient destinés à la réhabilitation de 5 200 logements situés en casernement et non à de nouvelles acquisitions dans le secteur civil.

M. Richard Mallié a relevé que, si la gestion interne par la gendarmerie de ses logements semble coûteuse en personnel, elle permet de fournir des emplois à des gendarmes qui ne sont plus susceptibles de recevoir une affectation de terrain. Par ailleurs, les gendarmes sont désormais très réticents à être logés dans des habitations à loyer modéré (HLM). Alors que la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) prévoit d'accroître la proportion de logements sociaux et de favoriser la mixité sociale, il serait souhaitable de pouvoir attribuer de tels logements aux gendarmes et aux militaires, ce qui correspondrait de surcroît aux souhaits de ceux-ci d'être moins concentrés dans certains quartiers.

M. Gilbert Meyer a observé que, si les logements sociaux souffrent encore d'une image dévalorisée, le confort qu'ils offrent est bien souvent supérieur à celui du parc privé. L'attribution de logements du secteur public aux gendarmes est possible, ainsi qu'il a pu le constater lui-même dans l'exercice de ses fonctions. Ainsi, en tant que président de l'office départemental d'HLM, il a pu faire construire douze appartements relevant du secteur public, ce qui lui a permis de regrouper les gendarmes d'une brigade fluviale dont les logements étaient auparavant dispersés.

M. Richard Mallié a souligné qu'il avait également mis en œuvre une telle opération en tant que maire, mais que la construction de logements avait été réalisée sur les fonds propres de l'opérateur HLM, dans le cadre d'une convention spécifique avec la gendarmerie.

M. Gilbert Meyer a distingué le cas des militaires de celui des gendarmes. Les premiers peuvent être hébergés dans un logement HLM, à condition de satisfaire aux conditions de ressources en vigueur. Les seconds peuvent l'être également, mais par la voie d'une convention spéciale, selon un traitement différencié.

Le président Guy Teissier a demandé quelles étaient les modalités financières retenues dans ce dernier cas.

M. Gilbert Meyer a répondu que le financement était assuré par une enveloppe régionale destinée aux logements publics.

M. Michel Sordi a indiqué que, s'agissant de la gendarmerie, des conventions publiques pouvaient être effectivement conclues en matière de logements, soit par la mise à disposition de terrains par les collectivités locales, soit par l'intervention d'un opérateur intermédiaire. Cependant, il existe toujours un différentiel entre les loyers versés et les charges effectives associées aux logements. Ce différentiel reste à la charge des collectivités territoriales concernées.

M. Gilbert Meyer a souligné que cette situation s'observait pour toutes les opérations relevant du secteur public. Les collectivités, en partenariat avec des opérateurs tels que l'office HLM ou une société d'économie mixte, définissent les conditions de l'opération et garantissent son équilibre en finançant la différence entre les loyers versés et les charges décomptées. En contrepartie, la collectivité impliquée prend une part active à la définition des modalités d'aménagement urbain.

M. Philippe Vitel a indiqué que, dans le Var, les problèmes de logement les plus aigus se rencontrent à Toulon et à Draguignan. A Toulon, le parc de logements géré par la SNI est insuffisant, tandis que les prix de l'immobilier sont très élevés. Les grands appartements sont rares, alors que les marins ont souvent une famille nombreuse. Ces personnels doivent en outre faire face à des difficultés de scolarisation de leurs enfants, en raison de leurs mutations fréquentes. En l'absence de constructions spécifiques, il apparaît nécessaire de réhabiliter les casernements. Or, la caserne Grignan, seule disponible à Toulon, a été rasée en vue de la construction du nouvel hôpital d'instruction des armées.

M. Gilbert Meyer a répondu que la situation du Var était plus critique que celle de l'Ile-de-France, dans la mesure où, contrairement à la région parisienne, ce département ne dispose que de peu de friches militaires. Les habitudes ont également changé : autrefois les marins restaient à bord même lorsque les bateaux étaient dans le port, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Un besoin supplémentaire existe donc, qui se conjugue au problème des prix du foncier.

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Informations relatives à la commission

La commission a nommé :

- M. Eric Diard rapporteur pour le projet de loi portant ratification de l'ordonnance n° 2003-483 du 5 juin 2003 relative aux dispositions rendues nécessaires par la suspension du livre II du code du service national (n° 1154 rectifié) ;

- M. Marc Joulaud rapporteur pour avis pour le projet de loi de finances rectificative pour 2003 (n° 1234).

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