COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 30

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 7 juillet 2004
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Guy Teissier, président

puis de M. Antoine Carré, secrétaire

SOMMAIRE

 

pages

- Audition des représentants des associations de retraités militaires

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- Information relative à la commission

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Audition des représentants des associations de retraités militaires.

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu les représentants des associations de retraités militaires.

M. Georges Gabrielli, président de la fédération nationale des officiers-mariniers en retraite (FNOM), a relevé les difficultés posées par l'indemnisation des maladies professionnelles dans le code des pensions militaires d'invalidité pour les travailleurs de l'amiante ; si plusieurs dispositifs adaptés ont été mis en place, il serait souhaitable que ces travailleurs bénéficient d'un départ anticipé prenant en compte leur durée d'embarquement sur des bâtiments militaires amiantés. Les problèmes rencontrés pour prouver l'imputabilité au service de la maladie de la polypose de la vessie, afin de pouvoir obtenir une pension, doivent également être examinés. De façon générale, beaucoup de maladies professionnelles ne sont pas suffisamment reconnues. Il apparaît par ailleurs nécessaire d'harmoniser les différents taux de pensions militaires d'invalidité, lesquels n'ont pas été modifiés depuis 1956, afin d'assurer l'égalité de traitement des différents personnels. Les modalités actuelles de défense des personnes comparaissant devant la commission de réforme doivent être améliorées. Enfin, les dispositions de l'article 115 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre doivent être pérennisées, en prévoyant des crédits budgétaires suffisants, s'agissant notamment du remboursement des cures thermales.

M. Henri Lacaille, président de l'union nationale de coordination des anciens militaires (UNCAM), a rappelé qu'une proposition de loi visant à préserver les droits aux allocations de chômage des militaires retraités avait été présentée en 2002 par M. Charles Cova et cosignée par 130 députés. Son adoption apparaît particulièrement nécessaire aujourd'hui et pourrait être réalisée par la voie d'un amendement au projet de loi portant statut général des militaires.

M. Jacques Porcheron, président de l'association nationale et fédérale d'anciens sous-officiers de carrière de l'armée française (ANFASOCAF), a souligné l'intérêt de la représentation des associations membres du conseil permanent des retraités militaires (CPRM) dans les comités sociaux (ASA), auprès de l'institution de gestion sociale des armées (IGESA) ou dans les centres locaux d'information et de coordination (CLIC) ; de même, il serait souhaitable que les retraités militaires soient représentés au conseil national de la vie associative et dans les centres communaux d'action sociale. Il a ensuite regretté que, dans le projet de réforme du statut général des militaires, il ne soit pas envisagé d'autoriser les militaires en activité à adhérer aux associations de retraités et que les militaires soient relégués au rang de citoyens de seconde zone, du fait de l'interdiction qui leur est faite d'adhérer à des syndicats et à des partis politiques.

Le président Guy Teissier a souligné que les militaires en activité disposent d'organismes représentatifs propres tandis que les associations de retraités militaires traitent de préoccupations spécifiques distinctes ; dès lors, il n'est pas souhaitable de permettre aux militaires en activité d'adhérer à ces associations, d'autant plus que, par ce biais, ils pourraient être tentés de détourner ces dernières de leur objet en leur faisant jouer le rôle de syndicats. S'agissant de l'interdiction d'engagement actif dans des partis politiques, le métier de militaire n'est pas compatible avec la fonction d'élu, même local.

M. Yves Fromion a ajouté qu'aucun élu ne peut être véritablement neutre et que les maires de petites communes participent aux élections sénatoriales et peuvent parrainer un candidat à l'élection présidentielle. L'opinion publique reproche souvent à de hauts fonctionnaires, tels que des préfets ou des directeurs d'administration centrale, de ne plus être neutres et les magistrats ont perdu beaucoup de leur crédibilité avec la création de syndicats qui affichent pour certains des orientations politiques. Les militaires n'auraient rien à gagner à s'engager de façon visible dans des partis politiques.

M. André Arrouet, président de l'union nationale des sous-officiers en retraite (UNSOR), a souligné l'importance du maintien du pouvoir d'achat des retraités militaires et a attiré l'attention sur la situation des veuves de retraités, certaines d'entre elles subsistant avec des ressources les situant en dessous du seuil de pauvreté. Il serait donc nécessaire d'augmenter de façon conséquente le minimum vieillesse. Il apparaît également souhaitable de prendre en compte l'ensemble des bonifications acquises dans le calcul du régime général de la sécurité sociale pour les militaires partis sans droit à une pension de retraite. Cette question se pose de façon récurrente, mais n'a pas obtenu de réponse jusqu'alors ; la réforme du statut général des militaires pourrait fournir l'occasion de corriger cette anomalie.

M. Alain Bonavita, président de l'association nationale des officiers de carrière en retraite (ANOCR), a indiqué que le projet de loi réformant le statut général des militaires paraissait globalement positif. L'ANOCR demande toutefois que les termes du statut actuel concernant les appellations de grades et les diverses positions statutaires, notamment celle de retraité, soient maintenues. Tout en saluant l'amélioration de la couverture des risques juridiques et physiques encourus par les militaires, elle souhaite que la présomption d'imputabilité au service soit étendue aux accidents survenus dans toutes les activités prescrites par le commandement. Cette couverture devrait également bénéficier aux militaires effectuant des carrières courtes. Par souci de préserver la neutralité politique des armées, l'ANOCR approuve le maintien de l'interdiction faite aux militaires en activité d'adhérer aux associations professionnelles, même s'il y a lieu d'affiner la définition de celles-ci. En revanche, la suppression du conditionalat pour les officiers généraux risque de réduire les espoirs de fin de carrière et donc l'attractivité du métier militaire. L'abaissement de deux à trois ans de la limite d'âge des généraux de division, de corps d'armée et d'armée et le maintien au service de certains d'entre eux au-delà de la nouvelle limite d'âge statutaire est de nature à porter atteinte à la neutralité des armées. Il conviendra de veiller à l'évolution des taux de sélection des candidats à l'engagement, élément essentiel pour le maintien de la qualité de nos armées.

M. Pierre Ingouf, président de la confédération nationale des retraités militaires et des veuves de militaires de carrière (CNRM), a indiqué que la question de l'harmonisation des taux de CSG des revenus d'activité et des revenus de remplacement allait se poser avec la réforme de l'assurance maladie. Si les retraités ne sont pas opposés à un alignement progressif de ces taux, en revanche, ils réfutent toute cotisation spécifique liée à la vieillesse. Rappelant que, jusqu'en 1980, date de la création de la cotisation maladie, les pensions n'étaient pas soumises à cotisations, M. Pierre Ingouf a souhaité que les éléments constitutifs de cette cotisation fassent l'objet d'un réexamen.

Le président Guy Teissier a rappelé que les commissions de réforme ne constituaient pas une juridiction et qu'il était toujours possible de contester leurs décisions devant les juridictions compétentes. La réforme des retraites prévoit des accords de revalorisation afin de maintenir le pouvoir d'achat. L'indexation des pensions sur les prix paraît plus intéressante pour les retraités que celle sur les salaires. La prise en charge de la bonification de retraite dans le cadre de l'IRCANTEC est prévue par le projet de réforme des statuts. Il a souligné qu'il restait très attaché à la revalorisation des pensions des lieutenants retraités avant 1976, réforme très peu coûteuse et nécessaire pour réparer une injustice.

La réussite de la professionnalisation des armées françaises est manifeste si on la compare avec la situation que rencontrent certains de nos voisins. Ainsi, l'Espagne couvre seulement 74 % de ses besoins en recrutement et a été conduite à admettre dans ses armées des recrues d'origine étrangère. Les armées françaises restent attractives, comme en témoigne le fait qu'il y a deux candidats pour chaque poste de militaire du rang. Les écoles de sous-officiers n'ont pas la capacité suffisante pour répondre aux besoins et les écoles d'officiers disposent toujours d'un recrutement de qualité, amélioré et diversifié par l'ouverture de nouvelles filières. Il convient toutefois de rester vigilant, d'autant plus que le niveau des engagés a toujours été inférieur à celui des appelés. La nécessaire reconversion des personnels doit également faire l'objet d'une attention particulière. Enfin, malgré la suppression du conditionalat, le maintien en activité des généraux jusqu'à 61, voire 62 ans, selon l'emploi occupé, est acquis.

M. Alain Bonavita a estimé que le taux de sélection des personnels et le taux de disponibilité des matériels constituaient des éléments très importants pour juger de la qualité des armées en temps de paix. Des difficultés se manifestent pour pourvoir certains postes de militaires du rang.

M. Pierre Ingouf a souligné que l'avant-projet de loi relatif au statut général des militaires, en ne reconduisant pas certaines dispositions du statut de 1972, risque de pénaliser les militaires servant sous contrat et de compromettre leur réinsertion dans la vie civile.

L'avant-projet de loi ne reprend pas, en effet, le deuxième alinéa de l'article 95 du statut de 1972, qui oblige les armées à fournir aux militaires ayant accompli plus de quatre ans de service une formation professionnelle les préparant au retour à la vie civile. En outre, il ne prévoit pas non plus, en cas de non-renouvellement de l'engagement par l'autorité militaire pour motif autre que disciplinaire, le préavis de six mois qui avait été instauré à l'article 93-2 du statut de 1972.

Il serait bon que la commission examine l'opportunité de rétablir ces dispositions lors de l'examen du projet de loi.

M. Michel Machillot, président national adjoint de l'union nationale du personnel en retraite de la gendarmerie (UNPRG), a souhaité connaître la position de la commission sur le devenir de la caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) et son regroupement avec les caisses primaires d'assurance maladie, ainsi que sur une éventuelle fusion des mutuelles militaires. Observant par ailleurs que le contrôle médical auquel sont soumis les réservistes est aussi rigoureux que celui réservé aux militaires d'active, il a proposé qu'un contrôle médical adapté aux retraités de plus de 55 ans soit mis en place. Il a enfin demandé la position de la commission sur la réforme des grades en gendarmerie de 2005 à 2012 et les moyens budgétaires y afférents.

M. Antoine Carré, président, a émis des doutes sur l'actualité d'une éventuelle fusion des mutuelles militaires, celle-ci ne semblant ni obligatoire, ni même envisagée. Constatant qu'il était demandé aux réservistes d'être aussi performants que les militaires d'active, il a insisté sur la nécessité de faire preuve de vigilance pour conserver la qualité des personnels.

M. Yves Fromion a estimé qu'il n'était pas prévu de remettre en cause la spécificité de la CNMSS. Son intégration au régime général n'est pas à l'ordre du jour.

M. Bernard Lefevre, président du syndicat professionnel des anciens médecins
des armées (SAMA), a observé qu'une intégration de la CNMSS dans le régime général est techniquement difficile, en raison de différences statutaires et juridiques entre les caisses. En outre, le régime spécial des militaires tient compte de spécificités propres aux armées depuis l'après-guerre et il n'y a pas de justification pour le remettre en question. En ce qui concerne le contrôle médical, il faut distinguer les normes, qui ne peuvent être modifiées, de l'appréciation de l'aptitude des personnels par le commandement, qui doit être préservée.

M. Michel Machillot a souhaité qu'un peu de souplesse soit apportée aux examens médicaux, de manière à éviter aux armées de se priver de personnels compétents et dévoués.

M. Yves Fromion a précisé que le directeur général de la gendarmerie nationale avait obtenu un accroissement du nombre des officiers subalternes afin de confier à ces derniers le commandement de regroupements de brigades. Ces perspectives de commandement sur le terrain sont tout à fait intéressantes pour de jeunes officiers subalternes.

M. Michel Lachaud, vice-président de la FNOM, a regretté que le projet de nouveau statut ne permette pas aux personnels d'active d'adhérer à des associations d'anciens militaires, alors qu'il les autorise à rejoindre une très large gamme de groupements, allant des associations de parents d'élèves aux sectes en passant par Greenpeace. Dans cette logique, on peut s'interroger sur l'utilité de la présence des retraités militaires au conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM).

Regrettant la disparition de la position de « militaire en retraite », il a fait valoir que les réservistes, qui se trouvent souvent en retraite, participent à la pérennité du lien armée-Nation. Or, le fait d'être réserviste ne constitue pas une position d'activité.

La rédaction de l'avant-projet de loi modifiant le statut de 1972 conduit à la disparition de la déclinaison hiérarchique spécifique à certaines armées, telle la marine. Ainsi, le corps des officiers-mariniers, créé par une ordonnance de Colbert en 1668, ne serait plus explicitement mentionné et disparaîtrait, de la même manière que les grades spécifiques à la gendarmerie nationale et au service de santé des armées. Une telle évolution serait irrespectueuse de l'histoire des armées.

Enfin, le projet de réforme qualifie le CSFM d'organisme de consultation et non plus de concertation. La FNOM demande que les deux termes figurent dans la loi.

M. Antoine Carré, président, a estimé que la qualification du CSFM pouvait effectivement être complétée à l'occasion de l'examen parlementaire du projet de loi. Il s'est déclaré attentif aux remarques formulées au sujet de la participation des militaires à des associations non professionnelles. Les hiérarchies particulières de certaines armées ne figureront pas dans la loi, mais dans des décrets d'application.

M. Michel Lachaud a souligné qu'à la différence d'une loi, un décret peut facilement être modifié et ne constitue donc pas une garantie suffisante.

M. Pierre Verdier, président de la fédération nationale des retraités de la gendarmerie (FNRG), a regretté que les associations de retraités militaires ne puissent accueillir en leur sein des personnels d'active. Il a déploré les probables restrictions budgétaires à l'encontre de la gendarmerie, les dispositions de la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure (LOPSI) n'étant visiblement pas respectées. En 2004, les recrutements se font a minima, les loyers de certaines casernes sont impayés, ce qui pose des problèmes d'image, et les reports de charges passeront de 25 millions d'euros à 50 millions d'euros. Les dépenses en faveur de la gendarmerie sont pourtant rentables, car le citoyen se rend compte immédiatement des améliorations qui en résultent. Le prochain budget devra tenir compte des besoins en personnels et en équipements de la gendarmerie.

M. Antoine Carré, président, a rappelé que la commission est toujours restée extrêmement vigilante sur le budget de la gendarmerie. Il a observé que la situation était d'ailleurs meilleure et plus favorable depuis quelques années. Les recrutements s'effectuant surtout en fin d'année, les inquiétudes de la FNRG sont peut-être prématurées ; il faudra examiner ce point avec attention au début de l'année 2005. Enfin, pour ce qui concerne les logements, les collectivités locales devraient désormais pouvoir construire des casernements dans le cadre de partenariats public-privé (PPP), ce qui se traduira par une amélioration des conditions de vie des gendarmes.

Le docteur Bernard Lefevre a indiqué que les 500 médecins membres du SAMA étaient disposés à assister gratuitement les militaires convoqués par les commissions de réforme.

Devant les inquiétudes liées aux nouvelles conditions de départ en retraite, le SAMA a mis en place un observatoire de la reconversion, chargé de cerner les problèmes des jeunes retraités, ainsi qu'un observatoire des retraites destiné à évaluer l'évolution de ces dernières et à mesurer notamment les différences entre les personnels qui mènent une carrière militaire jusqu'à leur terme et ceux qui choisissent de se reconvertir dans le secteur civil.

Le docteur Bernard Lefevre a indiqué que les médecins militaires, comme l'ensemble des professionnels de la santé, étaient pleinement conscients des problèmes financiers rencontrés par le régime d'assurance maladie, mais que, garants de la qualité des soins, ils n'avaient pas à être stigmatisés. Cette situation ne doit pas, non plus, servir de prétexte aux assureurs pour augmenter de manière inconsidérée les primes. Un projet de création d'une assurance spécifique aux médecins est soutenu par plusieurs syndicats, dont le SAMA.

Il est regrettable que le syndicat des anciens médecins des armées n'ait pas été entendu par la commission qui a préparé le nouveau statut des militaires. Cela explique probablement la timidité de l'évolution proposée, alors que l'occasion était unique d'aligner les droits des militaires sur ceux des autres citoyens et d'harmoniser notre législation avec celle des autres pays européens. Le soupçon permanent qui pèse sur les soldats est insupportable. Dans la mesure où la neutralité n'existe pas, il est temps de considérer les militaires comme des citoyens à part entière et de leur faire confiance.

M. Antoine Carré, président, a estimé que la création des deux observatoires est une initiative intéressante qui devra être suivie dans le temps. L'attitude abusive de certains assureurs à l'égard du corps médical peut parfois être assimilée à du chantage et la mise en place d'une structure d'assurance professionnelle est une bonne chose. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que les risques médicaux sont réels et que les demandes de réparation de certains patients atteints, par exemple, d'affections nosocomiales sont quelquefois légitimes.

M. Jacques Porcheron a regretté que la commission présidée par M. Renaud Denoix de Saint-Marc ait préconisé le maintien de l'interdiction, pour les militaires d'active, d'adhérer à des associations professionnelles. L'interdiction du droit d'association, même pour des militaires, est indubitablement contraire à l'article 11 de la convention européenne des droits de l'homme.

M. Antoine Carré, président, a souligné que le débat relatif à la réforme du statut général des militaires sera certainement très ouvert et que les textes qui circulent actuellement ne sont pas définitifs.

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Information relative à la commission

La commission a nommé M. Eric Diard rapporteur pour avis pour le projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, de modernisation de la sécurité civile (n° 1680).

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