COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 2

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 5 octobre 2004
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Guy Teissier, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2005 (n° 1800)

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Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2005.

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2005 (n° 1800).

Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué que, alors même que l'environnement international apparaît très incertain, la défense a fait l'objet d'un effort particulier de la Nation depuis 2002. A l'occasion des arbitrages rendus cette année sur le projet de budget pour 2005, cette orientation a donné lieu à des réflexions, voire à des critiques. Elle recouvre pourtant des enjeux très importants, puisqu'il s'agit d'assurer la sécurité des Français sur le territoire national, notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et de la conduite d'opérations intérieures, mais aussi hors de nos frontières, comme l'illustre l'opération menée en Côte d'Ivoire, par exemple.

L'effort réalisé en faveur de la défense nationale conditionne également la crédibilité de la France aussi bien en Europe, alors que notre pays joue un rôle moteur dans la construction d'une politique européenne de sécurité et de défense (PESD), que dans le monde. Il s'avère en effet indispensable que la France dispose des moyens militaires nécessaires pour donner crédit à ses positions et convictions.

Premier recruteur national, avec l'embauche d'environ 35 000 personnes chaque année, le ministère de la défense est aussi le premier investisseur public, et sans doute également privé, du pays, tout en jouant un rôle essentiel en matière d'innovation et de recherche.

Le projet de loi de finances initiale pour 2005 permet de procéder à l'exécution scrupuleuse de la loi de programmation militaire 2003-2008 pour la troisième année consécutive, mais il n'ignore pas pour autant les difficultés actuelles, résultant d'un contexte budgétaire contraint. Le ministère de la défense entend prendre part aux efforts d'économies et de rationalisation mis en oeuvre par l'Etat et il estime qu'il doit être comptable de chaque euro qu'il dépense, tout en étant en mesure de réaliser les missions qui lui sont confiées. Si, aux termes du projet de loi de finances initiale pour 2005, le budget de la défense s'élève à 32,92 milliards d'euros, en augmentation de 1,6 % par rapport à 2004, auxquels s'ajoutent 9,5 milliards d'euros de pensions, des choix ont été faits en matière d'organisation interne, de politique de ressources humaines et de programmes d'équipement, afin d'améliorer la gestion des dépenses.

En premier lieu, les réorganisations annoncées en 2003 sont effectivement engagées et leur mise en œuvre sera poursuivie. La refonte des services d'infrastructure et d'archives sera effective en 2005 tandis que, dans le domaine opérationnel, un régiment spécialisé dans les applications nucléaires, radiologiques, bactériologiques et chimiques (NRBC) sera créé. Un régiment d'hélicoptères sera dissous lors de l'entrée en service du Tigre. En matière de soutien, l'économat des armées doit être renforcé tandis que l'entretien de certains matériels sera transféré à Giat Industries. Le ministère procède également à l'externalisation de fonctions qui ne relèvent pas du cœur de métier des personnels militaires, telles que la gestion du parc de véhicules de la gamme commerciale ainsi que celle du logement des gendarmes. S'agissant de l'administration financière, dans un souci de bonne gestion, l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) continuera d'être anticipée et les expérimentations déjà menées seront étendues au service de santé des armées, ainsi qu'au service des essences des armées et à la légion de gendarmerie située en Franche-Comté. Le ministère attend de ces expérimentations une meilleure connaissance des coûts, une globalisation de sa gestion, parallèlement à l'élaboration d'indicateurs de performances. Ces efforts méritent d'être soulignés, alors même que le budget de la défense fait l'objet de critiques récurrentes. De surcroît, la mise en œuvre de ces réformes se traduit par des contraintes sur les personnels, 4 000 militaires et 2 000 civils étant concernés par des changements d'affectation et d'activités professionnelles. Il est donc impératif de prendre en compte les aspects sociaux de l'amélioration de la gestion du ministère.

Ensuite, le ministère de la défense a souhaité axer sa politique de ressources humaines sur l'amélioration de la condition des personnels, ce qui s'avère essentiel pour assurer la consolidation de la professionnalisation, alors même qu'une armée professionnelle doit désormais s'adapter à la sophistication croissante de ses matériels et de ses activités. Cette orientation se traduit par une augmentation de 2,5 % de la masse salariale, laquelle s'élève à 14,2 milliards d'euros. Une telle évolution n'est toutefois pas uniquement due à l'amélioration de la condition des personnels, puisqu'elle inclut également le coût de mesures incontournables, telle la mise en œuvre de la réforme sur les retraites, qui atteint 179 millions d'euros, ainsi que la revalorisation du point fonction publique, qui avoisine 52 millions d'euros. Le ministère doit poursuivre sa politique de créations d'emplois dans des secteurs importants, par le recrutement de 700 gendarmes supplémentaires, conformément à la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI), la création de 58 postes de médecins pour le service de santé des armées et celle de 20 postes pour la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Enfin, des mesures de fidélisation des personnels civils et militaires, d'un montant de 87 millions d'euros, sont également prévues. Au total, le ministère de la défense a consenti des efforts en matière d'effectifs. Ayant privilégié l'amélioration de la condition des personnels, il n'obtient pas la pleine réalisation des effectifs au niveau souhaité par les chefs d'état-major des différentes armées. Il convient toutefois de distinguer les dispositions du projet de loi de finances initiale pour 2005 des conditions d'exécution de l'exercice budgétaire en cours. Un dérapage de la gestion des recrutements a été constaté en juillet dernier et il a été immédiatement corrigé par un ralentissement des recrutements, indispensable pour assurer la maîtrise des dépenses de rémunérations au niveau fixé par le budget pour 2004. Les recrutements prévus pour 2005, quant à eux, vont être poursuivis, pour atteindre un niveau compris entre 33 000 et 35 000 personnes. Il reste que certaines armées, l'armée de terre plus particulièrement, subissent des tensions sur le niveau de leurs effectifs, du fait de leur forte implication dans les opérations extérieures. Si des solutions peuvent être trouvées en cours de gestion, en 2005, le nécessaire sera fait pour atténuer cette contrainte.

Pour ce qui concerne les programmes, des aménagements ont été apportés en tenant compte du contexte opérationnel et du retour d'expérience. Ainsi, la version biplace du Rafale a été abandonnée, sauf à des fins de formation. De même, le DC 8 Sarigue a été retiré du service actif, tandis que le programme de drones multicapteurs-multimissions (MCMM) a été abandonné, au profit d'un nouveau projet à vocation européenne : l'EuroMALE. Le ministère de la défense fait ainsi montre d'efforts et de bonne gestion. Cependant, il ne saurait être question de remettre en cause les missions de défense, la sécurité des Français et le respect de la loi de programmation militaire 2003-2008 constituant le cadre dans lequel s'inscrit le projet de loi de finances pour 2005, qui poursuit la remise à niveau des équipements et la modernisation des forces tout en préservant un haut degré de professionnalisme et une capacité d'intégration dans un environnement européen.

Depuis 2002, un effort constant a été consenti pour le financement du maintien en condition opérationnelle, afin de redresser le niveau de disponibilité des matériels. Certes, les objectifs ne sont pas encore pleinement atteints, en raison notamment du vieillissement des équipements. Néanmoins, la disponibilité s'est nettement améliorée, de l'ordre de 8 % pour la flotte de surface et 5 % pour les avions de combat. Le taux de disponibilité des véhicules de l'armée de terre avoisine même 90 % en opérations extérieures. Pour prolonger cet effort, le projet de budget pour 2005 prévoit la somme de 2,8 milliards d'euros.

Des matériels anciens sont très souvent indisponibles et leur entretien coûte de plus en plus cher. Cette situation justifie par conséquent la poursuite des acquisitions prévues. Pour 2005, les 15,2 milliards d'euros de crédits de paiement inscrits sur le titre V, en augmentation de 2 % par rapport à 2004, permettront le lancement du premier satellite de télécommunications Syracuse III, la livraison de dix nouveaux Rafale à l'armée de l'air en sus des cinq déjà réceptionnés à la fin de cette année, ainsi que celles du premier NH 90 pour la marine, de huit Tigre pour l'armée de terre, d'un bâtiment de projection et de commandement (BPC), de soixante-dix missiles de croisière Scalp-EG et trente missiles AS 30 laser. Pour la gendarmerie, 55 000 tenues, 32 000 pistolets de nouvelle génération et 10 000 gilets pare-balles sont également prévus. Parallèlement, de nouvelles commandes interviendront grâce à un montant de 15,3 milliards d'euros en autorisations de programme, qui permettront en particulier la poursuite du développement du M 51 sur les trois prochaines années, la commande de huit frégates multimissions, ainsi que celles de deux avions de transport à long rayon d'action, dont un disponible dès 2005, et de 11 000 systèmes FELIN. La gendarmerie se verra attribuer 2 000 véhicules, 45 000 tenues et 34 000 pistolets automatiques.

Pour aller plus loin et construire une défense mieux préparée aux défis de demain, la recherche technologique de défense bénéficiera d'une dotation de 1,34 milliard d'euros, soit une augmentation de 8 % par rapport à 2004. En l'espèce, la politique de développement de démonstrateurs est particulièrement prometteuse, car elle permet de maîtriser les technologies futures tout en fédérant les industriels européens, à l'exemple du projet d'Unmanned Combat Aerial Vehicle (UCAV)-Neuron, pour lequel six pays se sont associés à la France. La bulle opérationnelle aéroterrestre (BOA), quant à elle, offrira une vision homogène de la protection des troupes terrestres, tandis qu'EuroMALE a d'ores et déjà permis de rationaliser les programmes concernant les drones sur les plans opérationnel et industriel. En conséquence, les ressources des études-amont augmenteront de 100 millions d'euros. Il est à noter qu'une part croissante de cet effort est menée en coopération européenne, ce qui justifie que la recherche technologique ressortisse au champ de compétences de l'agence européenne de défense. Enfin, la coopération avec le ministère de la recherche va être renforcée.

Parallèlement, la réorganisation de la conduite des programmes d'armement et l'évolution de la délégation générale pour l'armement (DGA), déjà bien engagées, amélioreront la performance du ministère en matière d'acquisitions. Le rapprochement qui en résulte entre états-majors et DGA, au sein du conseil des systèmes de forces, a permis de nouer un dialogue constructif et inédit. Certaines propositions de révisions de programmes ont ainsi pu être soumises à l'arbitrage de la ministre, ce qui prouve, si besoin était, l'utilité d'une action cohérente menée avec l'ensemble des acteurs compétents. La nouvelle organisation de la DGA rapprochera les acteurs traitant de recherche, de coopération bilatérale, de questions industrielles et d'intelligence économique, en vue d'une action plus cohérente du ministère dans ces domaines.

Pour conserver un bon niveau opérationnel, l'entraînement des personnels doit rester satisfaisant. Sur ce point, des problèmes ont été rencontrés ces dernières années, y compris en 2004. La conjugaison d'un déblocage tardif des crédits en fin d'année avec l'imputation du coût des opérations extérieures sur les crédits de fonctionnement, et donc d'entraînement, des armées explique ce constat. Il serait faux de croire qu'une intervention sur un théâtre d'opérations extérieures peut tenir lieu d'entraînement. Bien au contraire, ce type d'actions exige au préalable un haut niveau d'entraînement. Dans cette perspective, la dotation de fonctionnement sera portée à 3,55 milliards d'euros, soit une augmentation de 3,4 %. Les objectifs fixés par la loi de programmation militaire devraient ainsi être atteints.

Compte tenu de ce qui précède, il convient de se féliciter de l'inscription d'une dotation budgétaire initiale de 100 millions d'euros en faveur des opérations extérieures. Même si l'objectif souhaité par le ministère s'élevait initialement à 250 millions d'euros, conformément aux conclusions d'une étude menée conjointement par l'inspection générale des finances et le contrôle général des armées, il s'agit là d'une innovation heureuse. En tout état de cause, les coûts des opérations extérieures non réglés en loi de finances devront être acquittés d'une manière ou d'une autre.

Par ailleurs, un abondement de 20 millions d'euros des crédits dévolus aux carburants a été décidé afin de prendre en compte l'augmentation du cours du pétrole.

En outre, la dotation de fonctionnement permettra de consolider la professionnalisation, avec 87 millions d'euros répartis comme suit : 43 millions d'euros pour le plan d'amélioration de la condition militaire, 11 millions d'euros pour le fonds de consolidation de la professionnalisation afin de prendre en compte certaines spécialités professionnelles, 20 millions d'euros pour l'adaptation des grades aux emplois et 12 millions d'euros pour les personnels civils. S'agissant de ces derniers, il faut relever que, pour la troisième année, le montant prévu équivaudra au total des annuités inscrites à cet effet en lois de finances entre 1997 et 2002.

De même, une meilleure prise en compte de l'apport de la réserve permettra d'accroître de 6 000 le nombre des réservistes, grâce à une mesure de 15 millions d'euros, dont 3 millions d'euros pour leur formation initiale. Cet effort sera complété par l'élaboration sur le sujet d'un projet de loi qui pourrait être présenté au Conseil des ministres en fin d'année et débattu par le Parlement en 2005 ; ce projet devrait permettre de proposer des activités plus intéressantes aux réservistes et de mieux gérer cette ressource dans la durée.

Pour conclure, Mme Michèle Alliot-Marie a estimé que, respectant intégralement la troisième annuité de la loi de programmation militaire, le projet de loi de finances pour 2005 permettra d'accroître la capacité opérationnelle de nos forces. Cet effort s'inscrit dans un double contexte, interne et européen : il répond au souci de contenir les dépenses publiques par respect du contribuable et participe à la rationalisation des dépenses européennes de défense, en donnant à l'Union européenne les moyens de se faire entendre sur une scène internationale incertaine et brouillée. La France, en donnant une impulsion à son outil de défense et en maintenant le niveau de ses dépenses de défense dans le temps, joue un rôle d'entraînement sur ses partenaires européens, notamment vis-à-vis des nouveaux pays membres, traditionnellement tournés vers l'OTAN. Il est significatif que la Pologne et la Hongrie soient prêtes à s'insérer dans des groupements tactiques interarmées de 1 500 hommes. De même, le changement d'attitude des pays nordiques, qui révèle une forte volonté de s'impliquer dans l'Europe de la défense, est considérable : la Finlande et les pays baltes souhaitent participer à l'agence européenne de défense et la Suède est un des contributeurs majeurs du projet UCAV-Neuron. Or, avec l'Europe de la défense, c'est aussi la défense du territoire national qui progresse.

Tout en félicitant la ministre de la défense pour le respect, pour la troisième année consécutive, des engagements de la loi de programmation militaire, le président Guy Teissier a fait remarquer l'existence d'un décalage entre la satisfaction des militaires par rapport au vote de budgets en progression et la difficulté de réaliser ces budgets lors de leur exécution. Il a ainsi pu constater, lors de déplacements dans les unités, des difficultés à atteindre les objectifs d'entraînement et la suppression de certains exercices. A titre d'illustration, les travaux de la mission d'information sur le contrôle de l'exécution des crédits de la défense ont révélé que seuls sept AMX 10 RC avaient pu aujourd'hui être rénovés, alors qu'il était prévu initialement d'en moderniser 52 d'ici la fin 2004.

Par ailleurs, les conditions de livraison des hélicoptères Tigre à l'armée française suscitent au sein de la commission des interrogations, avivées par la récente audition du président-directeur général d'Eurocopter. Alors que deux appareils étaient attendus en 2003 et sept en 2004, ce ne sont, du fait de la nécessité de partager les livraisons avec l'Espagne, que trois exemplaires au mieux qui seront disponibles.

Enfin, le président Guy Teissier a souligné la nécessité de proposer de véritables préparations militaires, attractives et rémunérées, afin de préparer les réserves de demain.

Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué que les difficultés rencontrées dans l'entraînement des forces étaient dues à un report partiel des charges liées aux opérations extérieures de 2003 sur les crédits de fonctionnement, principalement ceux de l'armée de terre, puisque l'armée de l'air et la marine n'ont quasiment pas été affectées dans leur entraînement. Les opérations extérieures de 2004 seront intégralement remboursées en loi de finances rectificative, ce qui permettra de repartir sur une base saine.

Les retards de livraison des chars Leclerc sont liés à la situation sociale de Giat Industries et au ralentissement du rythme de travail et de sortie des matériels. Cette situation a aussi un impact négatif sur l'image commerciale de l'entreprise et il faut espérer qu'elle ne soit que transitoire. Les problèmes liés au Tigre sont de nature différente. Un retard d'une année a été pris il y a trois ou quatre ans dans le déroulement du programme et il n'a pu être rattrapé. De plus, le partage des livraisons avec les Espagnols était une des conditions pour pouvoir remporter ce marché, qui était loin d'être acquis, puisque l'Espagne envisageait initialement de renouveler son parc d'hélicoptères de combat avec des Apache américains.

Le projet de loi sur les réserves permettra au Parlement d'améliorer le dispositif existant. Le Gouvernement envisage sa préparation dans un esprit de dialogue.

M. Jean-Michel Boucheron a indiqué que le groupe socialiste avait décidé de rejeter le projet de loi de finances présenté par le gouvernement essoufflé et antisocial de M. Jean-Pierre Raffarin, ce qui le conduit à sanctionner l'ensemble des budgets, y compris ceux qui peuvent paraître moins mauvais que d'autres.

Compte tenu des priorités affichées par la ministre, il a souhaité connaître la raison de la baisse des autorisations de programme, de 100 millions d'euros au titre de l'entretien programmé des matériels et de 420 millions d'euros au titre de la recherche. Il a également voulu connaître le sentiment de la ministre sur ses relations avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. En effet, le montant des rémunérations et charges sociales pour 2005 augmente grâce à la présence d'une provision de 100 millions d'euros au titre des opérations extérieures. Cette provision apparaît nettement insuffisante par rapport aux besoins constatés les années précédentes. De plus, le projet de budget prévoit de supprimer 900 postes dans la gendarmerie. Cette baisse d'effectifs se traduira-t-elle par l'abandon de certaines missions ?

M. Jean-Michel Boucheron a ensuite souhaité avoir des précisions sur l'état d'avancement de la mise en place de financements innovants, notamment dans le programme des frégates multimissions et il s'est inquiété du montant élevé des intérêts moratoires, signe révélateur d'un problème de paiement des fournisseurs.

Il a également observé que le rapport au Parlement sur les exportations d'armements de la France en 2002 n'avait pas été publié et demandé la raison de cet oubli.

Il a enfin souhaité avoir des précisions sur l'origine et la nationalité du missile sol-air qui a été saisi lors de la récente arrestation de responsables d'ETA.

Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué que la consommation des autorisations de programme avait dû être réduite pour ne pas engendrer un montant excessif de paiements.

La suppression de 900 postes dans la gendarmerie résulte essentiellement de l'externalisation de la gestion administrative des logements de fonction de cette armée, qui requérait jusqu'à présent 1 200 gendarmes.

Les financements innovants concernent en particulier les frégates multimissions. Les discussions avec les industriels et le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie sont menées parallèlement et selon le même calendrier, avec pour objectif d'être achevées avant la fin de l'année.

Certaines pratiques de gestion du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, notamment la volonté de retarder autant que possible la mise à disposition des crédits, peuvent paraître discutables. Elles contribuent à augmenter les intérêts moratoires versés aux fournisseurs pour retards de paiement. A la fin du 1er semestre 2004, cette somme s'élève à 25 millions d'euros, soit une hausse de 5 millions d'euros par rapport à 2003.

La rédaction du rapport au Parlement sur les exportations d'armements de la France en 2002 a, effectivement, pris du retard. Il sera publié d'ici la fin de l'année et portera sur les années 2002 et 2003.

Le missile sol-air retrouvé dans la cache de l'ETA était d'origine russe, relativement moderne et totalement opérationnel.

M. Jérôme Rivière a demandé si la commande des 59 Rafale était signée et si l'éventuel achat de cet appareil par l'armée de l'air de Singapour avait été pris en compte. Il a également souhaité savoir si la rénovation des Puma de l'aviation légère de l'armée de terre ne risquait pas d'induire une certaine obsolescence des moyens aéroportés de l'armée de terre, notamment dans le cadre d'opérations extérieures menées conjointement avec l'armée de terre allemande qui, elle, sera équipée plus tôt de NH 90 neufs. M. Jérôme Rivière a ensuite demandé quel est le calendrier des discussions menées entre DCN et Thales. Enfin, alors que le principe d'un copilotage du futur programme budgétaire relatif à l'équipement des forces par le chef d'état-major des armées et le délégué général pour l'armement semble susciter des réserves, il a souhaité savoir quels avantages la ministre de la défense attend d'une telle répartition des responsabilités.

Mme Michèle Alliot-Marie a répondu que la commande des 59 Rafale était « finalisée » et qu'elle avait donné lieu à des discussions très approfondies, sous l'égide du délégué général pour l'armement, M. François Lureau, en ce qui concerne notamment le règlement des obsolescences, dont il est apparu que certaines peuvent survenir au bout de deux à trois ans sur un appareil destiné à durer au moins vingt-cinq ans. C'est un problème structurel auquel il faudra apporter une solution. L'éventualité d'une commande singapourienne a été prise en compte.

La rénovation des Puma a été décidée, car il n'est pas possible de leur substituer immédiatement des hélicoptères NH 90. Les risques d'obsolescence et de décalage par rapport aux Allemands, avec lesquels nous travaillons en étroite collaboration, sont très faibles.

Un véritable projet industriel se dessine derrière le rapprochement entre DCN et Thales. En 2002, DCN et la marine se trouvaient dans une situation conflictuelle. Le contexte s'est fondamentalement amélioré depuis lors : la qualité du travail de DCN satisfait la marine et son carnet de commandes est bien rempli. Son éventuelle alliance avec Thales est intéressante et porteuse d'avenir. Elle pourrait même servir de modèle pour d'autres secteurs.

La collaboration entre l'état-major des armées et la DGA semble donner satisfaction aux principaux intéressés. Auparavant, les responsabilités étaient trop diluées. Ce ne sera plus le cas avec notamment la mise en place d'un copilotage du programme budgétaire relatif à l'équipement des forces.

M. Gilbert Le Bris a noté avec satisfaction l'inscription en loi de finances initiale d'une ligne de crédits relative aux opérations extérieures, même si son montant de 100 millions d'euros reste en deçà des dépenses réelles, comprises entre 600 et 650 millions d'euros. Conviendrait-il d'augmenter cette dotation initiale ou d'accélérer les circuits de remboursement des sommes avancées par le ministère de la défense ?

Les Britanniques semblent hésiter de nouveau sur les caractéristiques de l'appareil qui équipera leurs futurs porte-avions, construits en commun avec le second porte-avions français. Ne risque t-on pas de prendre du retard ?

Enfin, le projet de loi de finances pour 2005 prévoit la création de vingt postes supplémentaires au sein de la DGSE. N'est-ce pas insuffisant, compte tenu du fait que le renseignement revêt désormais une importance stratégique majeure ?

Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué qu'une accélération des circuits de remboursement des sommes avancées par les armées lors d'opérations extérieures serait la bienvenue. Elle serait complémentaire d'une budgétisation en loi de finances initiale dont le niveau souhaitable serait de 250 millions d'euros, ce qui correspondrait aux dépenses minimales constatées pour les opérations extérieures au cours de ces dernières années et au montant recommandé par la mission conjointe de l'inspection générale des finances et du contrôle général des armées.

La réflexion sur le second porte-avions porte sur toutes les coopérations possibles. Néanmoins, il est hors de question pour la France de prendre le moindre retard sur le calendrier, notamment en raison de la seconde indisponibilité périodique pour entretien et réparations (IPER) du Charles de Gaulle. Malgré tout, à ce stade, il n'y a aucune inquiétude particulière à avoir.

Les vingt postes créés à la DGSE correspondent à des demandes précises de linguistes, spécialistes en langues rares. Il convient de souligner en l'espèce que la France, qui a toujours privilégié le renseignement humain, dispose, par rapport à d'autres pays, d'un bon réseau.

M. Charles Cova a demandé quand entrerait en vigueur le décret relatif à l'indemnité réversible de spécialité critique, très utile pour fidéliser certaines professions particulièrement spécialisées, comme les atomiciens de la marine.

Il a également observé qu'en l'état actuel des dispositions du titre III, il semble que le renouvellement de l'affrètement de certains moyens de lutte contre les pollutions ainsi que le prépositionnement d'un remorqueur de haute mer dans le Golfe de Gascogne restent en suspens. Il a donc souhaité être rassuré sur ce point.

Après avoir indiqué que la prime à l'embauche avait déjà été créée en 2003, Mme Michèle Alliot-Marie a précisé qu'une dotation de 13 millions d'euros a été inscrite dans le projet de loi de finances pour 2005 afin de financer la prime à la haute technicité, destinée notamment aux atomiciens, aux informaticiens et à certains mécaniciens. Les conditions d'attribution de cette prime restent à définir et il s'agit de l'un des sujets pour lesquels la discussion avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie demeure délicate.

Pour ce qui concerne la lutte contre les pollutions maritimes et l'action de l'Etat en mer, l'exercice 2005 se traduira par une augmentation des moyens avec l'utilisation de deux remorqueurs de nouvelle génération à Brest et à Cherbourg. En avril 2003, il a été décidé de moderniser deux des bâtiments affrétés par la marine, avec une mise en service prévue dans le courant de l'année 2005.

M. François Lamy a souligné que, pour la première fois, le projet de budget comprenait une ligne de crédits pour les dépenses engagées par les armées au titre de la coopération militaire. Dotée de 98 millions d'euros, elle représente un montant supérieur à celui dont dispose la direction de la coopération militaire et de défense (DCMD) du ministère des affaires étrangères. La ministre de la défense souhaite-t-elle que l'ensemble de la coopération militaire et de défense soit transféré sous la responsabilité de son ministère ?

Mme Michèle Alliot-Marie a répondu qu'elle réclamait ce transfert depuis longtemps. Si la volonté de globalisation des crédits de la coopération au sein du ministère des affaires étrangères est compréhensible, elle présente toutefois des difficultés de gestion pour le ministère de la défense, les besoins en crédits pour la coopération militaire représentant des montants élevés au regard des capacités financières du ministère des affaires étrangères. Dans certains cas, le ministère de la défense est d'ores et déjà amené à financer les actions de coopération militaire, sans espoir de remboursement des sommes ainsi avancées. De surcroît, des emplois ont été transférés au ministère des affaires étrangères, mais ils ont servi à d'autres actions qu'à la coopération militaire. Un transfert d'ensemble de la responsabilité de la coopération militaire au ministère de la défense serait donc un gage d'efficacité et une mission de réflexion a été confiée sur ce point au secrétaire général de la défense nationale, en vue d'une proposition d'arbitrage.

M. Jean Lemière a estimé que, si la livraison des bâtiments de projection et de commandement (BPC) aux dates prévues traduisait le respect de la loi de programmation militaire, la question de la batellerie associée à ces deux bâtiments restait en suspens. Par ailleurs, alors qu'EADS a manifesté son souhait de participer au rapprochement entre HDW et Thyssen, en rachetant les 25 % détenus par le fonds américain One equity partner, il a souhaité connaître le point de vue de la ministre de la défense sur les perspectives de regroupements de l'industrie navale à l'échelle européenne.

Mme Michèle Alliot-Marie a précisé que la loi de programmation militaire 2003-2008 ne prévoyait pas de financement pour la batellerie associée aux BPC, celle-ci devant être prise en compte par la prochaine loi de programmation militaire.

Face à la concurrence de l'Asie du sud-est, il est indispensable que se constitue une véritable industrie navale de dimension européenne, permettant de disposer d'une base de clientèle et de développer la recherche et technologie dans le domaine naval. Les gouvernements ont pris conscience de cette nécessité et incitent les industriels à agir. Opérationnelle à compter de janvier 2005, l'agence européenne de défense aura à jouer un rôle important en la matière.

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