COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 17

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 24 novembre 2004
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Guy Teissier, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur le projet de loi relatif au statut général des militaires (n° 1741)


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Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur le projet de loi relatif au statut général des militaires.

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur le projet de loi relatif au statut général des militaires (n° 1741).

Mme Michèle Alliot-Marie a tout d'abord rappelé que l'actuel statut général des militaires a exactement trente-deux ans. Il est apparu opportun de procéder à sa révision, conformément aux souhaits exprimés par le Président de la République et par le Premier ministre.

Si ce travail était nécessaire, c'est d'abord parce que la professionnalisation des armées a entraîné de multiples transformations et que les rapports entre les forces armées et la société ont profondément évolué. C'est ensuite parce que, depuis trente-deux ans, la société française elle-même s'est beaucoup transformée.

L'idée générale qui a commandé la rédaction de ce projet de loi était donc de s'adapter à ces changements, tout en réaffirmant les spécificités de l'état militaire, qui font la force des armées, et tout en faisant en sorte qu'il fasse l'objet d'une appropriation par les militaires eux-mêmes. C'est pourquoi il a été constitué une commission composée à la fois de représentants du ministère de la défense et de personnalités extérieures au monde militaire, présidée par le vice-président du Conseil d'Etat, M. Renaud Denoix de Saint Marc. Le Conseil supérieur de la fonction militaire a également été consulté tout au long des différentes étapes de la rédaction du projet.

Il importait que celui-ci soit clair, compréhensible par tous. C'est ainsi que la révision ou l'abrogation de quelque 400 articles, contenus dans une vingtaine de lois, ont abouti à un texte de moins de 100 articles. Dans le même esprit, la séparation entre les domaines législatif et réglementaire a été strictement respectée. Afin que la loi puisse entrer rapidement en application, la rédaction des projets de décret d'application a déjà fait l'objet d'un premier travail.

La professionnalisation des armées imposait de répondre à plusieurs enjeux nouveaux, dont le premier est celui de l'attractivité. Une armée professionnelle doit attirer des compétences diverses et fidéliser son personnel. De ce point de vue, elle est en concurrence avec les entreprises, en particulier quand il s'agit de recruter dans certaines spécialités.

Le deuxième enjeu est celui de la cohésion entre les militaires de carrière et les contractuels, ceux-ci représentant désormais plus de la moitié du personnel.

Etant donné les évolutions sociologiques de ces dernières années, il était nécessaire d'assouplir un certain nombre de règles. Les militaires ne doivent pas avoir le sentiment d'être des citoyens complètement à part, ni celui que leur sens des responsabilités et leur volonté de dialogue sont ignorés. Leurs droits doivent, dans toute la mesure du possible, se rapprocher de ceux de l'ensemble des fonctionnaires. Cela est d'autant plus important que le risque d'une certaine déstabilisation juridique existe bien.

Pour autant, le nouveau statut général ne doit pas sacrifier les principes essentiels auxquels les militaires sont d'ailleurs eux-mêmes attachés. C'est ainsi que sont réaffirmées certaines exigences fondamentales, inséparables de l'état militaire : la discipline, la disponibilité, l'esprit de sacrifice, le loyalisme et la neutralité.

Par ailleurs, l'unicité du statut militaire est maintenue. Quels que soient les armées et les services, les sujétions demeurent communes, tout comme les compensations qu'elles appellent.

Les règles principales du nouveau statut général ont pour but d'assouplir certaines restrictions, de conforter la concertation, de renforcer la protection et les garanties données aux militaires.

Les restrictions qui seront assouplies concernent notamment le droit civil des militaires. Le texte fait ainsi disparaître certaines obligations anachroniques, par exemple celle de demander une autorisation avant d'épouser un étranger, ou encore celle de déclarer la profession du conjoint. De telles dispositions ont été débattues, et le seront d'ailleurs à nouveau. Elles paraissent réalistes, et ne nuisent pas à l'intérêt du service.

Les militaires seront libres d'exercer des responsabilités associatives. Cependant, ils n'auront toujours pas la faculté d'appartenir à un groupement professionnel - ce terme est plus général que celui de syndicat - ni à un parti politique. En ce qui concerne le droit d'expression, il est également opportun que l'autorisation préalable soit supprimée : une disposition qui pouvait se comprendre dans une armée de conscription paraît moins justifiée aujourd'hui, d'autant que demeure l'obligation de réserve, laquelle est relative au sujet évoqué et proportionnelle à la responsabilité exercée.

S'agissant de la concertation, le système actuel des conseils de la fonction militaire est satisfaisant, mais a besoin de voir ses modalités confortées. Ce sont les chefs d'état-major ou les directeurs de service qui présideront en temps normal les conseils, et non plus le ministre, comme l'habitude en avait été prise, ce qui était confondre les niveaux de responsabilité.

Les membres du Conseil supérieur de la fonction militaire, qui est présidé par le ministre de la défense, seront désignés parmi les conseils de fonction militaire d'armée. La protection des membres de ces instances est garantie, car il est nécessaire que leur liberté de parole au sein de celles-ci soit totale.

Pour compléter le dispositif, une commission indépendante d'évaluation de la fonction militaire sera chargée de remettre périodiquement un rapport au Président de la République, afin d'apprécier l'évolution des statuts et des rémunérations des militaires. Certaines suspicions se manifestent parfois, soit qu'on estime que les militaires sont favorisés, soit au contraire qu'on les juge pénalisés. Les travaux de cette commission permettront de montrer ce qu'il en est réellement.

La protection et les garanties que l'Etat apporte aux militaires seront renforcées. La ministre a dit avoir été choquée, lors de son arrivée à la tête du ministère, par certaines situations qui, pour être individuelles et isolées, n'en manifestaient pas moins que certains principes appliqués aux autres fonctionnaires ne l'étaient pas aux militaires. Ceux-ci auront donc une meilleure couverture juridique et sociale. Sera notamment institué un principe d'imputabilité au service pendant toute la période des opérations. Il a pu en effet arriver que des militaires, victimes d'accidents en dehors des heures de service, mais lors d'une opération, se voient priver de toute protection, de même que leurs ayants droit, en particulier leurs veuves. C'est là une anomalie à laquelle il importait de mettre fin. De la même façon, les militaires bénéficieront d'une protection pénale en opération et dans les zones hautement sensibles - en dehors des cas de faute personnelle, bien entendu.

Le droit disciplinaire méritait également d'être rénové et simplifié, et les droits de la défense d'être mieux assis. Une échelle unique fusionnant sanctions disciplinaires et statutaires apportera à cet égard simplification et meilleure visibilité.

Les grandes règles de gestion du corps militaire seront modernisées. Il n'était pas pensable de traiter différemment des gens travaillant ensemble, sachant que les militaires sous contrat ne peuvent être considérés comme des contractuels ordinaires de l'Etat ; aussi les droits et protections des personnels sous contrat seront-ils rapprochés de ceux reconnus aux militaires de carrière. Les limites d'âges seront rationalisées afin de prendre en compte tout à la fois le besoin de jeunesse - surtout en opérations extérieures - et les conséquences de la réforme des retraites. Les dispositifs de reconversion professionnelle seront améliorés en facilitant notamment l'accès des militaires à la fonction publique civile. C'est non seulement l'intérêt de tout le monde, mais également un élément concourant à l'attractivité de la carrière militaire.

Mme Michèle Alliot-Marie a clairement reconnu qu'il ne s'agissait pas d'une révolution. Le statut ainsi renouvelé s'inscrit dans la prise en compte, indispensable, des spécificités militaires ; il n'en contient pas moins des adaptations essentielles qui traduisent une réelle modernisation, à la hauteur des enjeux de l'armée professionnelle du XXIe siècle, tant dans le domaine de l'emploi des postes que dans celui de la gestion des ressources humaines. Si la commission de la défense nationale a toujours, et unanimement, soutenu les efforts d'amélioration du matériel militaire, elle sait que la qualité des armées de la France dépend d'abord de celle des hommes et des femmes qui les servent.

Le président Guy Teissier a remercié la ministre d'avoir, trente-deux ans plus tard, apporté un peu d'air frais au statut de 1972. Au demeurant, il ne s'agit pas d'une révolution, mais d'un changement dans la continuité.

Tradition et modernité, a rectifié Mme Michèle Alliot-Marie.

Le président Guy Teissier a souligné que, la loi n'étant que le reflet des mœurs du temps, ce texte est en tout cas bienvenu.

L'égalité est un principe auquel tout parlementaire est très attaché. Or les articles 55 et 56, relatifs aux congés de la position de non-activité après épuisement des droits à congé de maladie (six mois), sont porteurs d'une inégalité de prime abord choquante. Le congé de longue durée pour maladie prévu à l'article 55 est plus avantageux que le congé de longue maladie, objet de l'article 56. Alors que, dans les deux cas, l'affection est imputable au service, l'intéressé aura droit à huit ans dans le premier, mais seulement à trois ans dans le second. Qu'est-ce qui fait la différence ? L'affection qui en est cause, selon qu'elle figure ou non dans une liste fixée par décret. Autrement dit, la « chance », si l'on peut s'exprimer ainsi, dépendra de la maladie que l'on aura attrapée. Selon quels critères - à déterminer dans la loi - sera dressée cette liste ? Quelles affections y figureront ? Et pourquoi celle-ci plutôt que celle-là ? Pourquoi prévoir deux régimes particuliers et des durées aussi variables pour des affections toutes contractées dans le cadre du service ? Le soldat qui aura contracté au Tchad telle pathologie, répertoriée dans le décret, aura finalement eu plus de « chance » que son camarade de chambrée si la sienne ne l'est pas ! De telles distorsions méritent éclaircissements.

Mme Michèle Alliot-Marie a rappelé que la distinction entre maladies imputables au service et maladies non imputables au service était parfaitement normale. La liste des maladies sera établie en fonction de la gravité et du lien plus ou moins automatique avec les contingences du service. Le but n'est pas de restreindre ni d'éliminer. Au surplus, la liste des maladies peut être complétée si nécessaire. C'est une question de bon sens.

M. Antoine Carré a observé que les maladies professionnelles obéissaient aux mêmes principes.

M. Jean-Louis Bernard a partagé cet avis : un marin chargé de la réparation des machines pourrait fort bien être atteint du syndrome du canal carpien, fréquent chez les tourneurs sur métaux. Mais cette affection ne sera pas directement imputable au service dans le cas d'un marin non astreint à ce genre de tâche.

Le président Guy Teissier a appelé l'attention sur le cas de nos troupes en Guyane : bon nombre de soldats en reviennent avec des maladies tropicales quasiment inconnues et difficiles à traiter. Une maladie peu fréquente, parfois même totalement nouvelle, sera par le fait absente de la liste.

Mme Michèle Alliot-Marie a assuré que la liste arrêtée par décret serait régulièrement complétée.

Le président Guy Teissier a insisté sur le fait que la maladie est dans tous les cas, qu'elle relève de l'article 55 ou de l'article 56, imputable au service : répertoriée, elle ouvre droit à un congé de huit ans, et seulement de trois ans si elle l'est pas.

Mme Michèle Alliot-Marie a précisé que l'inscription d'une maladie dans la liste serait fonction de ses conséquences et de sa gravité. Au surplus, la liste sera remise à jour au fur et à mesure : c'est l'avantage du décret.

M. Jean-Michel Boucheron a demandé si, dans ce cas, la rétroactivité s'appliquerait.

Mme Michèle Alliot-Marie a répondu que la reconnaissance d'une affection suffit pour donner droit aux congés de longue durée.

M. François Huwart a observé que la distinction, réglementaire, entre congé longue maladie et congé de longue durée existait déjà dans la fonction publique.

M. Yves Fromion s'est plus particulièrement intéressé au problème de la protection juridique de ceux qui ont le pouvoir hiérarchique de noter. Un chef de corps a récemment été traduit devant une juridiction civile par un de ses officiers qui estimait avoir été lésé dans son avancement. Ce phénomène peut évidemment se produire dans toutes les administrations, mais il prend une tout autre dimension dans l'armée du fait de l'importance qu'y tient la notation, mais également de la nécessité d'y préserver la discipline et les liens qui unissent les membres d'une unité militaire. Le nouveau statut prévoit-il des mécanismes capables de limiter ce genre de pratiques ? Dans le cas cité, le plaignant avait été débouté, mais l'événement avait fait grand bruit.

M. René Galy-Dejean s'est limité à une remarque d'ordre général sur l'article 2 qui commence par les mots : « Le présent statut s'applique aux militaires de carrière ». Par « militaire de carrière », il faut évidemment entendre les militaires servant dans les forces et les militaires servant dans la gendarmerie. Mais le statut des gendarmes a failli poser problème sous la précédente législature : leur statut de militaire de carrière a parfois été contesté, y compris dans certains ministères. Grâce notamment à la ténacité de l'actuel ministre de la défense, ce problème a heureusement été réglé et le nouveau statut vient finalement mettre un point final à cet épisode. Reste qu'il aurait été heureux, pour bien « serrer les boulons » et mettre définitivement un terme à bien des interrogations malsaines, de reprendre une formulation au demeurant très usuelle en précisant que le présent statut s'appliquera aux cadres militaires de carrière des forces armées et de la gendarmerie.

Mme Michèle Alliot-Marie a fait observer qu'un chef de corps ou un supérieur hiérarchique était tenu d'expliquer à son subordonné les motivations de sa notation. Cette obligation est un élément non négligeable, ne serait-ce que sur le plan psychologique. Au surplus, les voies de recours ne manquent pas. Il arrive même au ministre de voir des recours arriver jusqu'à lui, parfois par l'intermédiaire de parlementaires, alors même qu'il n'a aucune autorité en la matière. Les choses se règlent généralement à un échelon intermédiaire, dans le cadre du recours hiérarchique. Il existe par ailleurs une commission de recours des militaires (CRM) qui est une instance précontentieuse. Il est donc très rare de voir ce genre d'affaires finir devant les tribunaux ; il est fait le maximum pour l'éviter. On relève au grand maximum quelques cas de ce genre par an, dans lesquels le plaignant se voit au demeurant généralement débouté.

Le statut militaire de la gendarmerie a été conforté de multiples façons depuis deux ans et demi. Le recrutement de la gendarmerie dans les grandes écoles militaires, supprimé un temps, a été rouvert. La pratique de l'envoi des gendarmes en opérations extérieures, après plusieurs affirmations de principe, a été réinstaurée ; ils y réussissent du reste fort bien et en sont très heureux. La création de la force européenne de gendarmerie a été l'occasion de rappeler, y compris sur le plan européen, le statut militaire de la gendarmerie. Il n'est jusqu'à sa hiérarchie dont le caractère militaire n'ait été confirmé, avec la toute récente nomination d'un général de gendarmerie comme directeur général de la gendarmerie nationale.

Le parallélisme des formes étant ainsi assuré, est-il besoin de faire explicitement référence à la gendarmerie dans le statut ? La gendarmerie n'est pas un corps à part : c'est une composante des forces armées. Sinon, il conviendrait de les mentionner toutes en parlant des militaires « de l'armée de terre, de la marine, de l'armée de l'air et de la gendarmerie ». La banalisation apparaît finalement comme la meilleure des garanties. La ministre s'est déclarée prête à examiner un amendement de précision, mais à la condition que chacune des composantes des forces armées y soit mentionnée.

M. Jacques Brunhes a observé que le nouveau statut général des militaires s'appliquerait sans doute, lui aussi, pendant plusieurs décennies. Dans ces conditions, ne faudrait-il pas être plus audacieux et permettre que les militaires participent réellement à la vie citoyenne en les autorisant à adhérer à un parti politique ou à une confédération syndicale ?

Mme Michèle Alliot-Marie a rappelé que les militaires ont, bien sûr, le droit de vote. Ils ont aussi le droit d'exercer un mandat électif, mais, dans ce cas, ils sont détachés. Cela s'explique fort bien : la République ne tolérerait pas que ses militaires puissent être soupçonnés de favoriser une idéologie. La neutralité participe de la force de la fonction militaire et explique pour partie la très forte adhésion des citoyens français à leurs armées. Ainsi, selon les sondages les plus récents, les militaires obtiennent 83 % de taux de sympathie, immédiatement après les pompiers. Si les militaires étaient autorisés à faire état d'une appartenance politique explicite, la vision consensuelle qu'en ont les citoyens en serait modifiée. Il convient donc d'en rester là.

M. Jean-Michel Boucheron a indiqué que le groupe socialiste déposera quelques amendements techniques. Il a déclaré, à titre personnel, que le texte comportait de nombreux éléments positifs, se félicitant en particulier qu'il réaffirme à juste titre que les militaires ne sont pas des fonctionnaires comme les autres. La seule divergence tient au maintien de l'interdiction d'adhérer à un parti politique, qui devrait, lui semble-t-il, être levée, à la condition expresse qu'il ne puisse en être fait état.

Mme Michèle Alliot-Marie a répondu que des discussions avaient eu lieu à ce sujet avec les militaires. Tous sont, bien entendu, suffisamment responsables pour ne pas faire état de leur adhésion éventuelle à un parti politique ; mais il n'existe aucun moyen d'empêcher ce parti lui-même de révéler cette adhésion. Autant dire que permettre l'appartenance à un parti politique nuirait à la neutralité que les citoyens attendent de leur armée.

Le président Guy Teissier a souligné que l'armée de la République, émanation de la Nation, doit rester apolitique. D'ailleurs, des caporaux-chefs aux colonels, tous les militaires consultés se sont déclarés défavorables à la levée de l'interdiction. Le seul point sur lequel il y ait eu débat était celui de la participation à la vie de la cité, désir principalement exprimé par des sous-officiers et des officiers. Le risque de dérives inévitables leur a été rappelé : à supposer qu'ils soient élus localement, ils pourraient devenir grands électeurs, ce qui les obligerait à un choix politique lors des élections sénatoriales.

M. Jacques Brunhes a déclaré que, ne partageant pas ce sentiment, il aborderait à nouveau la question en séance plénière, étant entendu que toute adhésion d'un militaire à un parti politique devrait naturellement, comme M. Jean-Michel Boucheron l'avait indiqué, demeurer confidentielle.

M. Francis Hillmeyer a souligné que beaucoup restait à faire s'agissant de la réserve, dont la durée est estimée insuffisante cependant que les réservistes eux-mêmes sont encore trop souvent considérés comme des bêtes curieuses par leurs employeurs, notamment lorsque ceux-ci doivent les libérer pour faire leurs périodes... Il s'est étonné par ailleurs que le projet ne contienne aucune référence à la défense européenne.

Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué qu'un projet de loi spécifiquement consacré à la réserve serait présenté au cours du premier semestre 2005. La ministre a aussi rappelé que le présent projet portait sur la modernisation du statut général des militaires, ce qui n'a rien à voir avec la défense européenne qu'elle s'efforce de construire, semaine après semaine, avec ses homologues des pays membres de l'Union. C'est ainsi que vient d'aboutir, à Bruxelles, une initiative française : la création des « groupements tactiques 1500 », pour lesquels treize pays ont fait connaître leur disponibilité. Par ailleurs, l'Agence européenne de défense a, pour la première fois, adopté son budget et son programme de travail. Enfin, un accord s'est fait entre les cinq pays membres de l'Eurocorps pour fixer des garanties qui, jusqu'à présent, n'existaient pas. Ces événements, d'une grande importance, sont sans relation avec le projet, qui porte exclusivement sur le statut général des militaires.

M. Charles Cova s'est félicité de l'indispensable modernisation que traduit le projet, et a annoncé qu'il proposerait quelque vingt-cinq amendements, dont certains lui tiennent particulièrement à cœur : ainsi en est-il de celui qui porte sur les grades de la marine et d'un autre qui a trait à la suppression de la position statutaire « en retraite ». Déplorant que le terme de haut conseil de la fonction militaire n'ait pas été retenu, il a dit y tenir expressément et a rappelé que M. Renaud Denoix de Saint Marc l'avait retenu dans son rapport. Sa déception est d'autant plus vive que l'on semble à présent se contenter d'une commission définie a minima ; il faut pourtant créer une instance indépendante du ministère et dont l'autorité morale sera incontestable, à l'image de ce qui existe pour la magistrature et pour la fonction publique.

Mme Michèle Alliot-Marie a fait valoir que le maintien de la position « en retraite » irait contre les intérêts des militaires puisque ceux qui auraient ce statut seraient dans l'impossibilité juridique de revenir servir dans les armées à titre contractuel. Pour ce qui est de la nouvelle instance, le fait que son rapport soit remis au Président de la République indique que, quel que soit son nom, l'objectif visé est atteint. Pour autant, ses missions seront très différentes de celles qui sont assignées au Conseil supérieur de la fonction publique ; de surcroît, l'intitulé « Haut Conseil » induirait un grand risque de confusion avec le Conseil supérieur de la fonction militaire. La ministre, convenant que le terme de « commission » peut paraître trop banal, s'est dite prête à admettre un intitulé plus satisfaisant au cours de la discussion du projet.

M. Jean-Yves Hugon a fait savoir que l'association nationale et fédérale des anciens sous-officiers de carrière de l'armée française s'inquiète notamment de la situation des militaires sous contrat qui quittent les armées avant d'avoir atteint les quinze années de service exigées pour prétendre à une pension de retraite, et qui ne peuvent, de ce fait, voir prises en compte les bonifications auxquelles ils devraient avoir droit.

Mme Michèle Alliot-Marie a convenu qu'il s'agissait effectivement d'une injustice, qu'elle espérait voir régler dans le cadre de la loi réformant les retraites, ce qui n'a pas été possible. De nouvelles discussions ont eu lieu avec Bercy sans qu'un accord soit trouvé, mais la ministre a réussi à faire admettre qu'il serait possible d'obtenir le même résultat en valorisant ces bonifications dans le cadre de l'IRCANTEC. Certes, ce mécanisme n'est pas entièrement satisfaisant sur le plan intellectuel, mais c'est le seul moyen de surmonter les blocages très forts constatés tant au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie qu'au ministère de la fonction publique. Mais n'est-ce pas le résultat qui prime ?

Le président Guy Teissier a demandé à la ministre de faire le point de la situation en Côte d'Ivoire.

Mme Michèle Alliot-Marie a estimé que le calme qui semble revenu demeure fragile, et requiert une vigilance de tous les instants. La radio et la télévision ivoiriennes sont toujours entièrement monocolores, les radios et télévisions étrangères ne peuvent émettre et les journaux d'opposition, dont les locaux ont été saccagés, ne peuvent faire leur travail. Les « Jeunes Patriotes » partisans du président Laurent Gbagbo restent mobilisés, mais l'activisme des « Forces Nouvelles », qui n'ont rien à leur envier, n'est pas moins préoccupant, et il est essentiel, dans ce contexte, d'éviter toute provocation.

C'est pourquoi la France a commencé de renvoyer vers la « zone de confiance » un certain nombre de militaires qu'elle avait stationnés à Abidjan pour protéger ses ressortissants et ceux d'autres pays. De même, elle est en train de transférer aux civils et aux FANCI (forces armées nationales de Côte d'Ivoire) la gestion de l'aéroport, tout en préservant une capacité d'action et de réaction. On observe un certain retour à la normale, mais la situation reste très tendue, et les forces françaises ne doivent donc relâcher ni leur présence ni leur vigilance.

Le président Guy Teissier a demandé si les avions Mirage que l'on avait fait venir du Tchad sont toujours présents en Côte d'Ivoire et si les compagnies du 2e REP et du 8e RPIMa, envoyées en renfort, étaient reparties.

Mme Michèle Alliot-Marie a répondu que les Mirage ne s'étaient jamais posés en Côte d'Ivoire. Quant aux hommes du 2e REP et du 8e RPIMa, ils sont toujours sur place, mais leur rapatriement est envisagé.

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