COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 2

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 4 octobre 2005
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Guy Teissier, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2006

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Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2006.

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2006.

Le président Guy Teissier s'est félicité de voir les dispositions de la loi de programmation militaire respectées par le projet de loi de finances initiale pour 2006. Les crédits de la mission « défense » s'élèvent à 47 milliards d'euros, en progression de 3,4 %. Ils donnent aux forces armées les moyens d'accomplir leurs missions. De surcroît, le renforcement de la budgétisation des dépenses dues aux opérations extérieures, avec une inscription de 250 millions d'euros pour l'année 2006, mérite d'être salué.

Mme Michèle Alliot-Marie a précisé que le projet de budget de la mission « défense » est en hausse de 3,4 % hors pensions, et de 2,2 %, en incluant celles-ci. Ce projet de loi de finances initiale présente une double caractéristique : d'une part, il constitue le premier budget établi en application de la loi organique relative aux lois de finances, d'autre part, il permet, pour la quatrième année consécutive, de respecter les dispositions de la loi de programmation militaire. Donnant aux forces armées les moyens de réaliser leurs missions, il implique qu'en contrepartie, le ministère de la défense poursuive l'amélioration de son fonctionnement et renforce sa transparence.

Le ministère de la défense a pour missions prioritaires d'assurer la sécurité de nos concitoyens et de répondre aux obligations découlant des engagements internationaux de la France, notamment en tant que membre du Conseil de sécurité de l'ONU, de l'Union européenne et de l'OTAN.

Les dispositions du projet de loi de finances pour 2006 garantissent la poursuite de l'effort consenti en matière de dissuasion, tandis que la commande du second porte-avions sera passée et que le programme de sous-marins d'attaque Barracuda sera lancé. Dans le même temps, les programmes A 400 M, Felin et d'hélicoptères destinés à la gendarmerie poursuivront leur développement. Avant la fin de l'année 2005, le contrat de notification des frégates multimissions (FREMM) sera notifié et il constituera de fait une commande historique, représentant pour la France et particulièrement pour la Bretagne plus de 2 000 emplois directs pendant douze années.

Parallèlement, le satellite Syracuse III B sera lancé d'ici quelques semaines, et, en 2006, 14 avions Rafale, 34 chars Leclerc et 160 missiles Scalp-EG seront livrés. Le deuxième bâtiment de projection et de commandement « Tonnerre » sera également admis au service actif.

Dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI), les crédits destinés aux équipements de la gendarmerie atteindront 200 millions d'euros, contre 120 millions d'euros l'année précédente, afin de permettre le renouvellement des matériels. Plus de 2 000 véhicules de brigade et de police de la route seront ainsi acquis et un effort important sera consenti en faveur de l'immobilier.

S'agissant des personnels, les effectifs sont globalement maintenus au niveau atteint en 2004. Des emplois seront créés au sein du service de santé des armées, en application d'un plan de rattrapage lancé depuis trois années ; les effectifs de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) seront également accrus, afin de prendre en compte la situation stratégique actuelle et les menaces terroristes qui pèsent sur la France. Enfin, 2 000 emplois seront créés dans la gendarmerie, ce qui porte à 5 100 les créations d'emplois de gendarmes depuis 2003. 

Le projet de loi de finances pour 2006 permettra également de franchir une nouvelle étape dans la politique des réserves. Alors que le projet de loi relatif aux réserves sera soumis au Parlement avant la fin de l'année 2005, le projet de loi de finances initiale prévoit une augmentation de 15 millions d'euros des moyens alloués aux réserves pour porter ces derniers à 110 millions d'euros. De surcroît, afin de renforcer l'attractivité des réserves, le ministère de la défense a obtenu la création d'un crédit d'impôt destiné aux employeurs dans le but de maintenir le niveau de rémunération de leurs employés réservistes.

La budgétisation des surcoûts résultant des opérations extérieures enregistre des progrès considérables. Alors que près de 11 000 hommes sont déployés sur des théâtres extérieurs, les dépenses supplémentaires occasionnées par ces opérations devraient atteindre environ 550 millions d'euros et seront entièrement financées par le décret d'avance publié à la fin du mois de septembre. En 2006, le projet de loi de finances initiale inscrit 250 millions d'euros à ce titre, ce qui constitue une avancée indéniable, à laquelle l'Assemblée nationale, et particulièrement la commission de la défense, ont largement contribué. Pour l'exercice 2006, le financement d'environ la moitié des opérations extérieures sera ainsi assuré dès le projet de loi de finances initiale. Le Président de la République a d'ailleurs exprimé le souhait que, d'ici le terme de la loi de programmation militaire, la quasi-intégralité de ces surcoûts soit financée de cette façon.

L'avancée enregistrée dans ce domaine dans le projet de loi de finances pour 2006 revêt une grande importance à la fois parce qu'elle permet de réduire les difficultés de trésorerie que connaissaient les armées, notamment l'armée de terre, du fait des opérations extérieures mais encore parce qu'elle permet d'éviter des reports de crédits sur l'année suivante. En effet, le financement des opérations extérieures en fin d'année, dans le cadre de la loi de finances rectificative, se traduit par l'ouverture tardive de crédits, qui ne peuvent être consommés l'année de leur inscription.

Le projet de loi de finances initiale pour 2006 fournit également au ministère de la défense un cadre d'intervention nouveau, permettant une présentation plus claire des moyens qui lui sont alloués. La loi organique relative aux lois de finances constitue une occasion pour le ministère d'améliorer son propre fonctionnement. Sa mise en œuvre s'inscrit dans la continuité de la stratégie ministérielle de réforme conduite depuis 2003, qui a pour objectifs de clarifier les responsabilités de chacun et de mieux suivre les résultats des mesures prises. Cette clarification des responsabilités a été engagée par la réforme de la délégation générale pour l'armement (DGA) et le renforcement des pouvoirs d'arbitrage du chef d'état-major des armées par le décret publié en mai dernier. Par ailleurs, la mutualisation des services a été réalisée dès 2004, avec la création du service historique de la défense, réunissant les archives du ministère tandis, qu'en 2005, a été mis en place le service d'infrastructure de la défense qui regroupe les services constructeurs des armées sous l'autorité du secrétaire général pour l'administration. Ces mesures permettent de réaliser des économies et d'accroître la lisibilité de l'action du ministère. La prochaine étape de ce processus consistera à mutualiser les services d'information.

La modernisation du ministère de la défense s'appuie également sur de modes de gestion innovants. A la fin du mois de juillet 2005, un contrat prévoyant la location de longue durée d'avions de transport à long rayon d'action (TLRA) a été signé, dans l'attente de l'arrivée des avions A 400 M. Ce dispositif de location, de par sa longue durée, permet de réaliser des économies. L'externalisation des véhicules de la gamme commerciale se poursuit, alors qu'est réalisé le retour d'expérience des premières mesures prises dans ce domaine. Le ministère de la défense contribue également au développement des contrats de partenariats de l'Etat qui permettent de confier à un tiers une mission associant les investissements nécessaires au service public, la construction d'équipements ainsi que leur maintenance et leur exploitation.

Au total, le ministère de la défense a réalisé depuis 2002 des économies à hauteur de 480 millions d'euros, ce qui constitue un effort considérable.

De même, la gestion des ressources humaines a été modernisée, avec l'entrée en vigueur du nouveau statut général des militaires dès le 1er juillet 2005. Conformément aux engagements pris, quasiment tous les décrets d'application sont aujourd'hui en vigueur. De même, le projet de loi de finances permet d'améliorer le statut des personnels civils.

Ce projet de budget pour la défense a pour ambition d'être au service des priorités gouvernementales. Tout d'abord, il doit permettre de répondre aux attentes des Français en matière de sécurité, que ce soit pour la protection de nos ressortissants à l'étranger ou pour l'anticipation et pour la gestion des crises, à l'heure où les zones d'instabilité se multiplient. Ensuite, il doit permettre à la France d'être l'un des leaders de la construction européenne. Si cette dernière tend actuellement à susciter des interrogations, voire une certaine morosité, on ne peut que constater que la défense constitue l'un des domaines où l'Union a enregistré ses plus importants progrès. La politique européenne de sécurité et de défense (PESD) suscite de fait un consensus large, y compris parmi ceux qui étaient opposés à la ratification du référendum sur la Constitution européenne. La défense peut constituer le moyen de relancer la construction européenne, par des réalisations concrètes, telles la mise en œuvre d'une force européenne de gendarmerie ou la poursuite de programmes d'armement en coopération comme l'avion A 400 M, les hélicoptères Tigre et NH 90, mais aussi les frégates multimissions et les drones dont l'Euromale. La responsabilité de ce dernier programme pourrait ainsi être confiée à l'Agence européenne de défense.

Avec le projet de loi de finances initiale pour 2006, le ministère de la défense montre également son ambition de contribuer à la croissance sociale et économique du pays : premier investisseur public de France, en passant 67 % des marchés publics de l'Etat, il fait travailler près de 10 000 entreprises, souvent des PME-PMI, sur l'ensemble du territoire national, soit environ 2 millions de salariés. Il est également le premier recruteur de jeunes chaque année. 32 000 ont ainsi été concernés en 2005, dont 7 000 sans diplôme ; davantage le seront en 2006. Cette action de formation et d'insertion est doublée de l'octroi de possibilités de reconversion, 90 % des 12 000 jeunes concernés en 2004 ayant ainsi bénéficié d'une prestation de reconversion.

La participation du ministère de la défense à la priorité gouvernementale en faveur de l'emploi des jeunes s'est imposée naturellement. Le projet « défense, deuxième chance », financé par les crédits du plan de cohésion sociale doit progressivement permettre d'accueillir, chaque année, 20 000 jeunes en échec scolaire, professionnel ou social, qui sont décelés lors de la journée d'appel et de préparation à la défense. À ceux de ces jeunes qui le souhaitent, une possibilité de remise à niveau scolaire et comportementale, assortie d'un véritable apprentissage professionnel sera proposée pour une durée s'échelonnant entre un et deux ans. Les bénéficiaires se verront attribuer une allocation de 300 euros mensuels dont la moitié sera capitalisée en vue d'un versement à la fin de la durée de leur contrat afin de leur donner les moyens d'une première installation. L'encadrement sera constitué d'anciens sous-officiers et de personnels de l'éducation nationale. Le premier centre a ouvert à Montry la semaine passée. Deux autres devraient entrer en activité d'ici la fin de l'année, puis un à deux établissements verront le jour chaque mois.

La dernière ambition affichée par le ministère de la défense à travers le projet de loi de finances pour 2006 est la préparation de l'avenir par une véritable politique de recherche. Les crédits destinés aux études amont passeront ainsi de 550 à 600 millions d'euros, l'objectif étant de parvenir à une enveloppe de 700 millions d'euros en 2008, comme prévu par la loi de programmation militaire 2003-2008. De même, les crédits de recherche et technologie passeront de 1,4 à 1,5 milliard d'euros. Le ministère contribue également à la mise en place des pôles de compétitivité, grâce notamment à la qualité de ses écoles, de ses centres de formation et aussi de ses entreprises, qui placent la défense au cœur du dynamisme économique et industriel de la France.

Après avoir exprimé sa satisfaction à l'égard de l'instauration du dispositif « défense, deuxième chance », le président Guy Teissier a estimé que cette initiative, que l'on pourrait tout aussi bien qualifier de « dernière chance » pour une population majoritairement d'origine immigrée et en grandes difficultés sociales, suscite beaucoup d'espoir s'il en croit le discours et le comportement des jeunes rencontrés à Montry. Non seulement, ils bénéficient désormais d'un véritable projet d'avenir mais, de surcroît, ils se sentent fiers de participer à ce projet et même de porter l'uniforme. Il est à souhaiter que cette forme de « métropolisation » du service militaire adapté, dont de nombreux parlementaires étaient partisans, jouisse du même succès.

Le président Guy Teissier s'est ensuite inquiété des retards constatés par la mission d'information sur le contrôle des crédits de la défense s'agissant des livraisons de grands programmes majeurs, tels que le Tigre, le NH 90 ou le Rafale. Au-delà de la problématique industrielle, il est à craindre que cette situation n'affecte le moral des troupes, qui sont obligées de continuer à utiliser des matériels vieillissants. Comment la ministre entend-elle remédier à cette situation ?

Par ailleurs, l'actualité récente a montré que le renseignement constitue le meilleur gage de sécurité contre le terrorisme. De combien de recrutements supplémentaires la DGSE bénéficiera-t-elle en 2006 ? Quelle appréciation la ministre porte-t-elle sur le niveau de compétence des services placés sous son autorité ? Quel est son sentiment sur le degré de coopération et d'échange d'informations des services de renseignement européens ? Ne peut-on pas aller dans le sens, préconisé récemment par l'Autriche, de la création d'une agence européenne préfigurant un service de renseignement de l'Union européenne ?

Mme Michèle Alliot-Marie a manifesté son attachement à l'expression « défense, deuxième chance » qui illustre parfaitement l'esprit du dispositif récemment mis en place, d'autant que le ministère étudie actuellement la faisabilité d'un dispositif destiné aux jeunes en plus grande difficulté sociale, en partenariat avec des entreprises. Il leur permettrait d'obtenir des permis ou des qualifications minimales susceptibles de favoriser leur retour à l'emploi.

Le contrôle parlementaire est bienvenu dans de nombreux domaines. D'ailleurs, le ministère de la défense a en quelque sorte anticipé l'application de la loi organique relative aux lois de finances en travaillant dans une totale transparence avec la mission d'information sur le contrôle des crédits de la défense. Actuellement, aucun retard n'est à redouter pour l'A 400 M. En revanche, la situation des programmes Tigre et NH 90 est inacceptable, tant pour le ministère puisque seulement deux appareils ont été livrés à l'armée de terre que pour l'exportation, où les problèmes de livraison rencontrés ont également un impact. Il n'existe pas aujourd'hui d'indication d'autre retard que celui constaté lors du lancement du programme NH 90.

La situation est effectivement préoccupante car les appareils en service sont anciens et rencontrent des problèmes de disponibilité. Si le taux de disponibilité des forces déployées en opérations extérieures est supérieur à 92 %, la disponibilité moyenne des autres unités, même si elle augmente, oscille entre 60 et 65 % seulement. S'ajoutent à cela le renchérissement du coût du maintien en condition opérationnelle ainsi que le raccourcissement des délais d'apparition des obsolescences. Une réflexion devra s'engager avec les industriels sur ces questions.

La DGSE bénéficiera de la création de 20 postes, essentiellement destinés à accroître ses moyens de cryptologie. Le renseignement étant devenu une priorité, les instructions ont été données auprès des différents états-majors des armées pour pourvoir les emplois de la DGSE et de la direction du renseignement militaire (DRM) réservés à des militaires et jusqu'à présent non pourvus. De même, les états de service de ces personnels seront dorénavant pris en compte de manière positive dans le déroulement de leur carrière. Le niveau et la qualité des effectifs permettent aux autorités compétentes de prendre des décisions de traitement de risque et, le cas échéant, d'action. Néanmoins, il existe de trop fréquents cas de recoupement d'informations, certaines analyses étant ainsi produites deux fois, ce qui montre que l'organisation pourrait être améliorée.

La coopération avec les autres ministères, notamment celui de l'intérieur, ou avec nos partenaires étrangers fonctionne bien. Depuis le 11 septembre 2001, la communication s'est largement améliorée entre services européens et américains. Elle s'est encore renforcée sur le plan européen depuis les attentats survenus à Madrid et à Londres : la France fournit régulièrement des informations sensibles à ses partenaires étrangers et en reçoit également. Mais la mise en place d'un service unique n'est pas envisagée.

Le président Guy Teissier a indiqué qu'il n'avait pas évoqué la création d'un service supplémentaire, mais d'une agence européenne du renseignement, sur le modèle de ce qui a été bâti pour la gendarmerie.

Mme Michèle Alliot-Marie a marqué son opposition à la création d'un tel organisme qui risquerait de développer une trop grande inertie alors qu'en la matière, l'action doit primer.

M. Charles Cova s'est félicité de la mise en œuvre du projet « défense, deuxième chance » mais a regretté que des contraintes administratives empêchent les sous-officiers de l'encadrement de cumuler les revenus qui leurs sont versés pour la circonstance avec la pension qu'ils perçoivent au titre des services effectués dans l'armée d'active.

Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué que cette question avait trouvé une réponse et que les personnels en question pourraient désormais cumuler ces deux sources de revenus.

M. Jean-Michel Boucheron a estimé que le budget de la défense pour 2006 n'était certes pas le pire de ceux présentés par le gouvernement de M. de Villepin pour 2006, ni le pire concernant la défense depuis plusieurs années. Regrettant la difficulté d'établir des comparaisons par rapport aux années précédentes en raison de la mise en œuvre de la LOLF, il a cependant fait part de trois inquiétudes :

- Si la loi de finances initiale peut effectivement laisser croire que la loi de programmation militaire sera respectée, le budget exécuté laisse apparaître d'importants crédits non consommés.

- A la fin de la législature, la « bosse » constituée par la masse des crédits non consommés posera un problème douloureux à résoudre.

- Le ministère de l'économie et des finances a annoncé une mise en réserve de 5 % des crédits qui seront votés dans le cadre du budget 2006. Une partie de ce budget apparaît donc très virtuelle.

M. Jean-Michel Boucheron a ensuite posé les questions suivantes :

- 900 millions d'euros ont été inscrits pour 2006 au titre des études préalables à la réalisation du second porte-avions. Cette somme n'est-elle pas trop importante ? Le dessin du porte-avions français étant calqué sur celui décidé par les britanniques, quid de la maîtrise de la France dans ce projet ?

- Un rapport particulièrement critique sur l'évolution de DCN est en circulation : la ministre partage-t-elle ces appréciations ?

- Le financement innovant qui avait été imaginés pour les FREMM ayant été abandonnés, comment le ministère envisage-t-il de financer ce programme ?

En réponse à ces questions, Mme Michèle Alliot-Marie a reconnu que la nouvelle présentation budgétaire rendait les comparaisons plus délicates et que pour cette raison, consigne avait été donnée aux services de se tenir prêts à répondre à toutes les interrogations des parlementaires.

Le ministère de la défense a obtenu au cours de l'été un arbitrage au plus haut niveau garantissant la consommation de tous les reports de crédits avant la fin de la loi de programmation militaire. Ces crédits, qui s'élèvent à quelque deux milliards d'euros, sont constitués de sommes qui n'ont pas pu être utilisées au cours d'exercices précédents en raison de remboursements d'opérations extérieures intervenus de manière tardive. Cette importante décision garantit un taux de réalisation de la LPM de 100 %.

La mise en place d'une réserve de précaution est une procédure annuelle classique. En 2005, elle s'est élevée à 600 millions d'euros. Elle est désormais entièrement levée. Le ministère de la défense n'a jamais connu de gels de crédits qui sont généralement le prélude à une annulation.

Le projet de loi de finances pour 2006 fait la part belle à la marine : plus de 900 millions d'euros sont effectivement inscrits au titre des études relatives au second porte-avions, ce qui constitue un signe fort de la volonté gouvernementale de le réaliser. Il est souhaitable que ce bâtiment soit le plus proche possible des navires britanniques afin de réduire son coût, mais son dessin définitif n'est pas encore choisi. Des différences seront néanmoins inévitables dans la mesure où les Britanniques ont choisi un avion à décollage vertical alors que la France a fait le choix de la catapulte.

Mme Michèle Alliot-Marie a infirmé l'existence d'un rapport sur DCN et rappelé la teneur de son discours prononcé à Toulon sur les résultats de la réforme qui permettent d'apprécier le dynamisme de cette société. Les propos négatifs qui pourraient circuler sur DCN sont caractéristiques d'un état d'esprit bien français qu'il faut combattre, trop prédisposé au dénigrement et à la morosité.

Pour ce qui concerne les FREMM, le besoin de financement sur la période 2005-2008 est de 1,5 milliard d'euros. Si le financement innovant souhaité n'a pu être mis en œuvre, un arbitrage a cependant été rendu début 2004 en faveur de ce programme : l'Etat contribuera à son financement à hauteur d'1 milliard d'euros, ces crédits venant s'ajouter à ceux inscrits en LPM ; les financements restant à trouver ne s'élèvent donc plus qu'à 500 millions d'euros.

Reprenant à son compte les appréciations de la ministre sur les compétences technologiques de DCN, le président Guy Teissier a évoqué le rapprochement avec Thales-naval qui, semble-t-il, tarde à se réaliser du fait notamment des caractéristiques des deux entités. Afin de disposer d'un pôle naval fort, les parlementaires estiment que la fusion doit être réalisée avant la fin de l'année. Quel est l'état d'avancement du dossier ?

Considérant que les négociations financières menées aujourd'hui peuvent avoir des conséquences boursières et qu'elles demandent à être traitées avec la plus grande discrétion, Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué que le rapprochement DCN-Thales revêt une importance industrielle certaine. Il s'inscrit dans le cadre de la création d'un pôle naval militaire européen susceptible de faire face à la forte concurrence provenant notamment du sud-est asiatique.

L'association entre une entreprise très récente, DCN, et une entreprise comme Thales peut poser quelques problèmes liés à la difficulté d'estimer les actifs. L'examen de documents comptables s'avère indispensable et, dans le cas de DCN, ces derniers n'ont été que récemment établis. Hors, c'est sur le fondement des informations qu'ils contiennent que les négociations peuvent être conduites.

M. Jean-Claude Viollet a évoqué l'accroissement de la charge représentée par le maintien en condition opérationnelle des matériels. L'augmentation des coûts constatée est préoccupante. Des efforts ont été consentis pour améliorer le taux de disponibilité des matériels et favoriser l'évolution des structures de maintenance. Cependant, la limitation de ces dépenses ne saurait se concevoir sans raisonner en termes de coûts de possession des matériels. Il serait préférable d'envisager, pour les futurs matériels, des mécanismes d'intéressement des industriels visant à limiter de l'accroissement de la charge.

En ce qui concerne les externalisations et les nouvelles formes de partenariat, M. Jean-Claude Viollet a souligné que, si des procédures d'externalisation étaient initiées dans un certain nombre de cas tels que la gestion du parc automobile de la gamme commerciale ou l'entretien du parc immobilier, la situation des contrats de partenariat était moins évidente. Hors, ces contrats représentent une réelle opportunité en permettant par exemple à une base-école de devenir un centre de formation ouvert d'une part, et en favorisant le développement de stratégies industrielles, d'autre part. Il serait souhaitable, aujourd'hui, de préciser les enjeux de ces partenariats, leurs limites, le calendrier de mise en oeuvre et d'apprécier leurs conséquences possibles en termes de personnel, tant civil que militaire.

Déclarant partager ces préoccupations sur le maintien en condition opérationnelle, Mme Michèle Alliot-Marie a suggéré d'engager des discussions entre la commission et le ministère sur ce sujet. Aujourd'hui, une obligation de disponibilité est inscrite dans certains marchés de fourniture de matériel. Cette contrainte sera désormais plus fréquemment imposée. Un groupe de travail pourrait également être constitué sur les externalisations afin d'en préciser le cadre.

M. Joël Hart s'est inquiété du délai de livraison des hélicoptères NH 90 destinés à l'ALAT. Les matériels actuellement utilisés sont très anciens et souffrent par ailleurs d'une utilisation excessive.

Mme Michèle Alliot-Marie a précisé que les livraisons devraient être réalisées dans les délais prévus et s'est inquiétée du problème posé par l'utilisation excessive des matériels déployés conduisant à une accélération du vieillissement de ces moyens.

M. Joël Hart a évoqué le cas des matériels spécialisés du génie : ces derniers sont en général très anciens et il est difficile de se procurer les pièces détachées. Le moral des personnels s'en trouve affecté.

Mme Michèle Alliot-Marie a précisé que les lacunes constatées en matière de pièces détachées sont liées à des difficultés d'approvisionnement et non à un problème financier. Il est ahurissant de constater que des industriels ne fournissent pas des pièces de rechange pour des matériels dont ils ont assuré la livraison. Une réflexion sur les dotations en matériel et leur utilisation sera engagée.

M. Jean Lemière a souhaité disposer d'éléments d'information sur le programme Barracuda, concernant l'échéance prévue pour la signature des contrats. Dans le projet de loi de finances pour 2006, 188 millions d'euros en autorisations de programme et 159 millions d'euros en crédits de paiement sont prévus. Des reports de gestion sont-ils prévus début 2006 ?

Mme Michèle Alliot-Marie a considéré que l'inscription d'un montant important de crédits dans le projet de loi de finances au profit du programme Barracuda constituait un signal fort. Les reports de crédits non consommés sur l'exercice 2006 représenteront plusieurs centaines de millions d'euros et leur affectation reste à déterminer. L'objectif retenu pour la signature du contrat concernant ces matériels pourrait intervenir à la fin du premier semestre 2006.

M. Jean Michel a salué la volonté et la ténacité de la ministre, notamment face au ministère de l'économie et des finances. Rappelant son expérience de rapporteur pour avis des crédits d'équipement à partir de 1997, il a estimé que le phénomène de reports massifs de crédits et de charges constaté à l'époque semblait se perpétuer. Les reports de crédits non consommés atteignent en effet le montant considérable de 2,8 milliards d'euros sur deux ans. L'objectif d'une consommation de 100 % de ces reports d'ici à la fin de la loi de programmation militaire 2003-2008 est extrêmement optimiste et le risque de laisser au prochain ministre de la défense une « bosse » financière est réel. S'agissant des travaux de la mission d'information sur le contrôle des crédits de la défense, il a souhaité que soient examinés plus en détail les réalisations et les financements des programmes, y compris pour la dissuasion nucléaire et le renseignement. Il y va de la crédibilité de l'institution parlementaire comme de celle des parlementaires eux-mêmes.

Mme Michèle Alliot-Marie a répondu qu'il n'était pas question seulement d'optimisme, mais aussi de faits, puisque la décision d'une consommation intégrale des crédits reportés avait été officiellement prise et que, dès cette année, 900 millions d'euros seraient concernés à ce titre.

Elle a précisé qu'elle n'avait pas pour habitude, quelles que soient ses fonctions, de laisser à ses successeurs des dossiers non financés. Les décisions prises cet été ont fait l'objet de négociations difficiles avec le ministère de l'économie et des finances, mais elles permettront de réaliser intégralement la loi de programmation militaire 2003-2008, à la différence de la précédente loi de programmation pour laquelle 20 % des crédits prévus ont in fine fait défaut. Elle a marqué son accord avec l'idée d'un suivi plus fin des programmes en cours par les parlementaires, qui, par leurs travaux, lui permettent de disposer d'un éclairage utile pour la prise de décisions et lui sont un soutien. Il reste que dans certains domaines tels la dissuasion nucléaire ou les services de renseignement, la transparence ne peut être totale.

M. Philippe Folliot a salué la volonté de la ministre de maintenir le caractère militaire de la gendarmerie. Si en 2005 les arbitrages budgétaires n'ont pas été favorables à cette dernière, le rattrapage prévu au titre de la loi d'orientation pour la sécurité intérieure (LOPSI) pour 2006 est particulièrement positif, avec des crédits passant de 120 à 200 millions d'euros. Toutefois, ceux-ci ne permettront pas de combler les retards considérables accumulés en matière immobilière, notamment pour le parc domanial. En ce qui concerne les commandes d'équipements, quand pourra intervenir celle du véhicule de l'avant blindé (VAB) en version maintien de l'ordre, particulièrement nécessaire en raison de ses capacités de résistance aux risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC), mais aussi du fait du vieillissement des blindés actuellement en service ?

Mme Michèle Alliot-Marie a souhaité obtenir l'appui de la commission de la défense pour que l'ensemble des crédits de la gendarmerie continue à être retracé intégralement au sein du budget de la défense. L'appartenance de la gendarmerie au monde militaire fait partie de la tradition républicaine et il est nécessaire d'examiner les problèmes d'entraînement, d'équipement et d'immobilier conjointement avec ceux des autres armées. D'aucuns sont tentés d'entraîner la gendarmerie vers un statut civil à terme. La ministre a indiqué qu'elle resterait ferme face à ces tentatives.

Le retard accumulé en matière immobilière dans la gendarmerie résulte de l'âge des bâtiments, de leur qualité parfois médiocre et du manque d'entretien. L'augmentation des crédits ne sera pas suffisante pour rétablir complètement la situation en quelques années et il convient d'utiliser au mieux les dispositions permettant de trouver des solutions associant les collectivités territoriales. Des instructions précises ont été données à la DGGN sur ce point, afin que les gendarmes puissent travailler dans des conditions normales, notamment en matière d'hébergement. Il est possible d'envisager un véritable programme sur dix ans permettant de rénover intelligemment et en profondeur le parc immobilier.

Le président Guy Teissier s'est interrogé sur la situation de Giat Industries, tant en ce qui concerne son plan de charge après l'achèvement du programme Leclerc que du point de vue des perspectives de rapprochement avec d'autres industriels européens.

Mme Michèle Alliot-Marie a souligné que la gestion de ce dossier avait été difficile. Si des voix ont pu s'élever en faveur de la fermeture de l'entreprise, cette solution n'a pas été retenue et les situations individuelles des employés ont été traitées de la manière la plus humaine possible. De ce point de vue, le ministère de la défense a fait le maximum en créant des postes de fonctionnaires et d'ouvriers d'état et il aurait été souhaitable que certaines collectivités territoriales s'investissent davantage. La reconversion des sites a été effectuée dans des conditions meilleures que prévu et il convient désormais de passer à une seconde phase permettant d'envisager l'avenir de l'entreprise. La transformation de DCN montre qu'il est possible de réussir si la volonté est réelle. Il faut un vrai projet industriel pour l'entreprise et les perspectives de commandes concernant le véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI) ou le programme Felin peuvent y contribuer. Les réflexions doivent être approfondies pour ce qui concerne les partenariats susceptibles d'être noués en Europe. L'armement terrestre reste une question de souveraineté et des pistes d'alliance peuvent être étudiées en Allemagne, mais aussi en Grande-Bretagne ou dans certains pays d'Europe centrale et orientale où le savoir-faire est réel. L'Agence européenne de défense a également un rôle important à jouer dans la définition des besoins opérationnels futurs et de la base industrielle nécessaire à leur satisfaction.

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