COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 6

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 18 octobre 2005
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Guy Teissier, président

SOMMAIRE

 

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- Audition du général Richard Wolsztynski, chef d'état-major de l'armée de l'air, sur le projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540)

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Audition du général Richard Wolsztynski, chef d'état-major de l'armée de l'air, sur le projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540)

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu le général Richard Wolsztynski, chef d'état-major de l'armée de l'air, sur le projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540).

Le président Guy Teissier s'est réjoui d'accueillir le général Richard Wolsztynski, chef d'état-major de l'armée de l'air et lui a adressé les félicitations de toute la commission pour l'excellente prestation que l'armée de l'air a effectuée sur la base de Colmar-Meyenheim à l'occasion des universités d'été de la défense. Il a précisé qu'en dépit des innovations introduites par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), la commission avait maintenu des avis budgétaires par armée. Il a demandé des informations sur le travail des forces stationnées à Douchanbe et a souhaité connaître l'appréciation de l'état-major de l'armée de l'air sur le redéploiement du dispositif français en Afrique. Il a enfin interrogé le général Wolsztynski sur la façon dont le nouveau système de fonctionnement des armées, fondé sur le principe de « collégialité arbitrée », se mettait en place.

Le général Richard Wolsztynski a déclaré que l'armée de l'air continuerait en 2006 à s'inscrire dans l'action engagée jusqu'à présent afin de faire face à la diversité des missions qu'elle rencontre, action qui lui permet de rester dans le « club assez fermé » des armées de l'air ayant conservé une cohérence opérationnelle globale. C'est ainsi que les forces aériennes françaises ont pu, pour la troisième fois, envoyer un dispositif à Douchanbe, au Tadjikistan, pour soutenir les forces au sol déployées dans le cadre de l'opération Enduring Freedom et dans celui de l'International Security Assistance Force (ISAF).

Ce dispositif, baptisé Serpentaire, est implanté sur l'aéroport civil de Douchanbe, où le génie de l'air a réalisé de très importants travaux d'infrastructure permettant de reconstruire presque intégralement la piste qui pourra servir utilement au développement économique tadjik. À partir de cette base, trois Mirage F1 CR et trois Mirage 2000 D interviennent en Afghanistan, en particulier dans les zones montagneuses de l'est et du sud-est en appui des forces spéciales. Il y a quinze jours, les Mirage F1 CR ont réalisé un tir canon sur l'entrée d'une cache d'armes souterraine découverte par les forces spéciales facilitant ainsi l'acquisition visuelle des pilotes de deux Mirage 2000 D qui ont tiré avec succès leurs bombes guidées laser à une distance de 15 kilomètres. Une mission similaire a été réalisée trois jours plus tard, démontrant la polyvalence opérationnelle, la réactivité et la capacité d'adaptation des forces françaises dans de telles circonstances.

Par ailleurs, la Nato Response Force 5 et 6, dispositif dans lequel la France et le Royaume-Uni fournissent 50 % des moyens et assurent alternativement le rôle de nation-cadre, a coordonné l'ensemble de l'aide humanitaire européenne au profit des populations victimes du cyclone Katrina aux Etats-Unis en acheminant tout le matériel fourni par les pays européens jusqu'à la base américaine de Ramstein, en Allemagne, avant son départ vers les États-Unis. Un dispositif analogue est en train de se mettre en place dans le même cadre, afin de venir en aide aux victimes du tremblement de terre au Pakistan. S'agissant des opérations extérieures, il faut noter l'effet positif induit par la provision inscrite au projet de loi de finances pour 2006 de 250 millions d'euros, contre 100 millions d'euros en 2005, destinés à couvrir les surcoûts qui en résultent.

La diversité des missions confiées à l'armée de l'air se traduit également par des opérations de protection d'événements importants ou de commémorations tels que celle du débarquement de Normandie ou, plus récemment, le salon du Bourget et le défilé du 14 juillet, ainsi que les nombreuses missions de service public, d'assistance en vol ou en mer.

En ce qui concerne les personnels, l'armée de l'air maintient son niveau d'effectifs en dessous du niveau budgétaire fixé. Toutefois, les ressources humaines ne peuvent, dans une institution militaire, être gérées à l'aune de la seule masse salariale. Il importe désormais de définir un équilibre adéquat.

Le réseau des bases aériennes continuera à bénéficier d'un budget de fonctionnement quasiment stable, même s'il connaît une légère diminution correspondant aux efforts de productivité que l'armée de l'air réalise. Se pose toutefois la question du format des implantations, qui pourrait être sensiblement ajusté. Les personnels sont parfaitement conscients du risque de paupérisation qui menace certaines bases dont le périmètre des missions a évolué au fil du temps, pouvant compromettre l'adéquation entre forces et soutien. D'autres bases connaissent des problèmes d'environnement liés au développement urbain, qui se révèle sensible aux gênes sonores résultant de l'activité des avions de combat. Ainsi le remplacement sur certaines implantations des Mirage 2000 à leur fin de vie ne pourra pas être envisagé. De plus, d'ici à dix ans disparaîtront progressivement les quatre escadrons de Mirage F 1. Leur remplacement par des escadrons d'avions Rafale ne pouvant être garanti, la question de l'avenir de certaines implantations est également posée. Les bases aériennes sont des outils de combat, mais également des éléments majeurs d'aménagement du territoire au sein d'un réseau rationnel et cohérent. Dans le cadre des restructurations engagées par le ministère de la défense, l'armée de l'air proposera au service d'infrastructure de la défense (SID), nouvellement créé, un plan intégrant la modernisation de ce réseau des bases aériennes. Il faut aussi prendre en compte le poids économique d'une base aérienne qui injecte en moyenne 40 millions d'euros par an dans l'économie locale.

S'agissant des outils de formation, le projet d'une école de chasse franco-belge s'est désormais concrétisé : les deux ministres de la défense ont présidé la cérémonie de remise des brevets de la première promotion en juillet dernier. Une démarche analogue est entreprise pour l'école de l'aviation de transport d'Avord. Il y a tout lieu de se réjouir de la rapidité de ce processus, qui pourrait associer d'autres pays. En effet, nombre d'armées de l'air ont dû réduire leur format et ne peuvent s'offrir un outil de formation, au regard de leurs besoins quantitatifs limités. La France peut donc leur proposer une solution et contribuer à la convergence des outils de formation, propice à la construction de l'Europe de la défense. La Grèce, la Pologne et la Slovaquie sont intéressées, de même que certains pays non européens, tel le Chili.

Le projet de loi de finances pour 2006 prévoit les crédits nécessaires à la conduite des exercices. L'armée de l'air souhaite privilégier les exercices de type régional, les plus proches possible des conditions rencontrées en opération extérieure dans le cadre de coalitions. C'est le cas de l'exercice « Croix du Sud » au Brésil, organisé tous les deux ans et qui réunit les pays d'Amérique du Sud. La France sera de nouveau invitée en 2006, avec notamment l'Afrique du Sud.

S'agissant des systèmes d'armes, l'A 400 M verra au début de l'année 2006 débuter une phase importante avec les essais moteurs et hélices. Il est sans doute le programme le plus fédérateur à l'échelle européenne. Le programme EUROMALE est également une excellente piste de coopération entre pays européens ; on peut toutefois regretter que le système intérimaire de drone Male (SIDM), destiné à prendre la relève des Hunter, ait enregistré dix-huit mois de retard, ralentissant ainsi la dynamique européenne. La situation de l'European Airlift Center (EAC), issu de la démarche du groupe aérien européen (GAE), est quelque peu préoccupante. Un an après la signature de l'accord par les ministres de la défense concernés, la mise en place d'un dispositif de planification et de coordination du transport européen rencontre en effet des difficultés, bien qu'il soit particulièrement attendu par nos partenaires allemands. Dans le domaine de la sûreté aérienne, une nouvelle impulsion avait été donnée à la suite du 11 septembre 2001 aux accords bilatéraux visant à affranchir les opérations de sûreté aérienne et de police du ciel des contraintes frontalières. Un texte a été signé en 2004 avec l'Espagne, qui a déjà donné lieu à des exercices ; depuis, des accords ont été signés avec la Belgique et l'Italie, le seront dans quelques jours avec la Suisse, et devraient l'être prochainement avec le Royaume-Uni et l'Allemagne.

L'année 2006 verra enfin l'arrivée du premier escadron Rafale au standard F 2. Sa mise en service opérationnelle interviendra en juin ou juillet 2006 sur la base de Saint-Dizier. Les expérimentations conduites à Mont-de-Marsan se déroulent bien. Par ailleurs, le développement du standard F 2 se poursuit ainsi que le chantier d'adaptation des infrastructures à Saint-Dizier. Le Rafale multirôles disposera, en armements « air-air », du missile Mica dans ses deux versions, électromagnétique (EM) et infrarouge (IR), et, en armements « air-sol », du missile de croisière Scalp-EG et de l'AASM, armement de grande précision. Au total, douze Rafale auront été livrés à l'armée de l'air dont 9 en 2005 ; manquent à ce jour deux appareils, auxquels viendront s'ajouter les douze avions prévus pour 2006. Est également prévue la livraison de 140 missiles Scalp-EG et de 87 Mica IR.

L'A 400 M devrait compter 180 appareils commandés par le Royaume-Uni, l'Allemagne, la France, la Belgique, l'Espagne et la Turquie, auxquels se sont associés depuis l'Afrique du Sud, le Chili et la Malaisie. S'agissant du transport stratégique, les DC 8, à bout de souffle, ont été retirés du service, y compris le Sarigue, dont le coût du maintien en condition opérationnelle (MCO) atteignait quelque 18 millions d'euros par an. Les cinq à six prochaines années verront également le retrait progressif des Transall. Des solutions de remplacement sont recherchées dans une dynamique de coopération européenne, notamment dans le cadre de l'EAC, et dans un processus de location longue durée avec option d'achat de deux avions à très long rayon d'action (TLRA), en l'occurrence des Airbus A 340 d'occasion, dont le premier sera livré en juillet 2006 et le second début 2007. L'armée de l'air étudie également le dossier des avions A 330 MRTT, avion multi rôle de ravitaillement et de transport. Les Britanniques précisent aujourd'hui les aspects financiers d'un programme équivalent, lequel pourrait conduire à l'émergence d'une flotte européenne de ravitaillement et de transport. Le premier avion A330 MRTT sera livré en 2007 à l'Australie.

Un effort significatif a été consenti en matière de maintien en condition opérationnelle afin de sortir d'une situation critique : il y a cinq ans, certaines flottes ne comptaient plus qu'un avion disponible sur trois. La SIMMAD, nouvelle structure intégrée, n'a pas encore atteint son régime de croisière, alors que le passif à résorber représente un véritable défi, mais elle a permis d'importants progrès : le taux de disponibilité est, d'ores et déjà, de deux avions sur trois. Le personnel est particulièrement sensible au niveau de disponibilité opérationnelle et ne comprend pas toujours les raisons qui ne permettent pas de progresser dans ce domaine. Les résultats obtenus dépendent cependant de plusieurs paramètres, notamment celui de la hausse des coûts de MCO pouvant atteindre parfois plus de 50 %, coûts difficilement négociables avec les industriels en position de monopole. La situation d'ensemble s'est améliorée, mais il devrait être possible de faire mieux encore grâce à des contrats définissant clairement les priorités, plutôt que de chercher à obtenir à tout prix une disponibilité maximale. En revanche, pour les opérations extérieures, telles que celles menées à partir de Douchanbe, il faut souligner l'excellente disponibilité des équipements, une disponibilité voisine de 100 % qui s'impose d'elle-même lors d'engagements opérationnels.

Pour conduire son processus de modernisation, l'armée de l'air a également intégré les enjeux liés à la nouvelle répartition des responsabilités au sein du ministère. La logique de transformation, formalisée dans les travaux conduits par le groupe de projet « Air 2010 », consiste avant tout en une simplification organisationnelle articulée autour de quatre pôles : un pôle Opérationnel mis en œuvre dès 2003, un pôle « Soutien », dont la construction a été lancée cette année à partir de l'état-major de la région aérienne Sud installé à Bordeaux, un pôle « Forces » appelé à être très rapidement mis en réseau et un pôle « Personnel » qui sera capable de traiter, dans le cadre d'une chaîne resserrée et unique, les différentes étapes associées à la carrière des personnels. Le projet de loi de finances pour 2006 permet de poursuivre les évolutions engagées, dans une démarche résolue de construction d'une défense européenne.

Le président Guy Teissier a souligné l'intérêt des informations apportées sur l'évolution du format des bases aériennes, puis a souhaité obtenir des précisions sur le mécanisme de location utilisé pour les deux avions à très long rayon d'action. Revenant sur le coût exorbitant du MCO, il a demandé si ces modalités de location étaient transposables à d'autres programmes. Rappelant enfin que tout appareil, aussi sophistiqué soit-il, a besoin d'hommes pour le servir, il s'est enquis du moral de l'armée de l'air : si le recrutement reste abondant, la qualité n'est pas toujours au rendez-vous, selon certains.

Le général Richard Wolsztynski a assuré, au vu de toutes les visites qu'il effectue sur le terrain, que le moral des aviateurs ne suscite pas d'inquiétudes. Mais les aviateurs, homme ou femme, père ou mère de famille, se préoccupent des perspectives offertes à leur famille. L'armée de l'air tient compte des contraintes ou sujétions que sont notamment les cas d'éloignement géographique. Il arrive également que, dans certaines spécialités, les comparaisons avec le secteur civil suscitent quelques convoitises et jalousies. On relève fréquemment ce problème chez les contrôleurs aériens, en particulier dans les lieux où cohabitent civils et militaires. Ces difficultés mises à part, le moral des hommes est globalement satisfaisant. L'image de l'armée de l'air est bonne et le recrutement ne pose pas de difficulté. Certes, dans certaines spécialités comme les pompiers, les informaticiens ou le contrôle aérien, les hommes à peine formés peuvent avoir tendance à rejoindre d'autres organismes où les perspectives de carrière sont plus attractives, mais il faut aussi y voir une contribution de l'armée de l'air au resserrement des liens entre l'armée et la Nation.

L'acquisition des deux TLRA, au-delà de ses modalités de financement, marque le début de la constitution d'une véritable famille d'Airbus militaires au sein de l'armée de l'air, avec trois A 310, deux A 319 présidentiels et ces deux A 340, ce qui pourrait permettre de bénéficier de prix raisonnables pour la formation des équipages. Nul ne peut dire quels résultats donnera la formule de la location de longue durée, mais il ne faut pas écarter d'autres possibilités d'emploi dans le secteur civil, en fonction de la disponibilité des appareils et des équipages et dans le respect des règles de la concurrence.

M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis, a demandé si les moyens alloués au titre des carburants permettront à l'armée de l'air de mener à bien ses missions et à ses pilotes de totaliser un nombre d'heures de vol satisfaisant, par comparaison avec leurs homologues européens. S'agissant du MCO, il a rappelé que la SIMMAD devait faire face à un endettement très lourd, qui la contraint dans ses activités. Une mission a été confiée à l'ingénieur général Louis-Alain Roche afin d'optimiser le MCO de tous les aéronefs. Peut-on en espérer de nouvelles améliorations ?

Il s'est également enquis des réactions de l'état-major de l'armée de l'air à la suite de l'échec du Rafale à Singapour et, plus généralement, des perspectives d'exportation de cet appareil. Pour ce qui est des avions livrés à l'armée de l'air, la répartition entre biplaces et monoplaces devrait, semble-t-il, évoluer au bénéfice des seconds.

Il a enfin rappelé que, si les ravitailleurs A330 MRTT avaient trouvé acquéreur en Australie et au Royaume-Uni, ils pouvaient également espérer une part du marché américain, à la suite du rejet de l'offre de Boeing. Dans un tel contexte, le choix de l'armée de l'air pourrait avoir une incidence non négligeable.

Le général Richard Wolsztynski lui a apporté les éléments de réponse suivants.

- Grâce aux abondements des crédits de carburant intervenus à la fin de 2004, la gestion de 2005 a débuté dans de bonnes conditions. Les dotations de carburant inscrites en 2005 permettront, en dépit de la flambée des cours, de finir l'année en respectant les normes d'entraînement pour les pilotes de combat, soit 180 heures de vol par pilote et par an. Pour 2006 en revanche, un appui du chef d'état-major des armées sera nécessaire, dans le cadre du programme « Préparation et emploi des forces », qui inclut les moyens en carburant et en fonctionnement, ainsi que le MCO. Ce sera à coup sûr un bon exemple de « collégialité arbitrée ».

- La norme quelque peu  sanctuarisée de 180 heures, calculée par les différentes armées de l'air du temps de la guerre froide, correspond peu ou prou pour un jeune pilote à un vol par jour, plus les divers stages de formation. Il traduit en tout cas la régularité d'un entraînement propre à donner une assurance suffisante, celle-là même qui explique la performance opérationnelle de nos pilotes en Afghanistan. En Europe, seule la France, le Royaume-Uni et, pour partie, les pays scandinaves réussissent à se maintenir à ce niveau. Les armées de l'air d'Europe centrale, ex-membres du pacte de Varsovie et désormais membres de l'OTAN, sont tombées à cinquante heures, sinon moins. Les proches voisins de la France se situent entre les deux ; l'Allemagne, par exemple, se maintient à 110 ou 120 heures. Il est d'ailleurs intéressant de ne retrouver, dans les missions délicates menées en Asie centrale, que les avions de combat des pays restés à la norme de 180 heures. Les autres pays se cantonnent à la fourniture d'hélicoptères ou d'avions de transport. Il faut noter que le retrait des Mirage F1 marquera la fin des simulateurs de l'ancienne génération. Avec les nouveaux systèmes de simulation associés aux nouveaux équipements, il sera possible de s'entraîner à une mission donnée, dans tous ses aspects. Ce facteur devra être pris en compte en matière de formation.

- La SIMMAD, tout comme l'armée de l'air dans son ensemble, a un plan de résorption de ses reports de charges, et il faut lui laisser le temps de le mettre en œuvre. Il est positif que le chef d'état-major des armées soit désormais associé à son comité directeur. Le principe d'une organisation traitant les contrats de façon globale est, à l'évidence, la meilleure façon de maintenir une certaine pression sur les industriels chargés du MCO, grâce à une connaissance beaucoup plus fine des prix. L'armée de l'air est bien sûr associée à la mission de l'ingénieur général Louis-Alain Roche, laquelle devrait favoriser le passage d'une logique d'acquisition à une logique de possession.

- Il y a tout lieu d'être déçu par l'échec du Rafale à Singapour, d'autant que l'on avait rarement eu l'occasion de voir tous les acteurs français intervenir de façon aussi coordonnée. Si le programme lui-même n'est évidemment pas remis en cause du côté français, l'idée d'un escadron en partenariat avec Singapour, qui avait suscité l'intérêt de ce pays, est remise à plus tard. Aujourd'hui, il importe de stabiliser le système d'armes du standard F2, puis de préparer le standard F3, qui permettra la frappe nucléaire et la reconnaissance tactique jusqu'alors assurée par les F1 CR. Ces systèmes d'armes seront appelés à vivre une cinquantaine d'années. Dès sa mise en service, à l'été 2006, le premier escadron de Rafale multirôle permettra de montrer l'avion en utilisation opérationnelle ; le problème de l'exportation se posera alors différemment.

M. Jean-Michel Boucheron a souhaité connaître les raisons des difficultés de l'EAC basé à Eindhoven. Quand peut-on espérer voir cette coordination devenir véritablement opérationnelle ? Il s'est également interrogé sur l'articulation financière entre les programmes UCAV et Rafale, imbriqués en termes de recherche et développement.

M. Jérôme Rivière a demandé si l'échec sur le marché singapourien, qui avait des implications sur le standard post-F3 français, se traduira par une renégociation avec le partenaire industriel. De fait, les Rafale livrés à l'armée de l'air n'auront ni antenne active ni système OSF. Il a demandé quelle serait l'articulation du standard post-F3 avec l'arrivée du missile Meteor dans les forces. Il a également remarqué que la construction budgétaire est fondée sur un baril de pétrole à 36 ou 38 dollars, chiffres très éloignés des 60 dollars prévisibles pour 2006. Remarquant par ailleurs que la problématique de la SIMMAD avait été présentée de façon très claire, il a estimé que la logique de contrat global et la logique de possession étaient difficilement compatibles avec une résorption des reports de charges en deux ans. Enfin, considérant les difficultés rencontrées par EADS dans le développement du SIDM, M. Jérôme Rivière s'est interrogé sur la conduite du programme EUROMALE : est-il envisageable d'apporter un soutien financier supplémentaire afin de conforter les partenaires européens de la France dans la volonté de réaliser ce programme, qui est le seul à ne susciter aucune divergence ?

Le général Richard Wolsztynski leur a apporté les éléments de réponse suivants.

- Les difficultés de l'EAC sont essentiellement liées aux divergences de points de vue entre certains pays. L'EAC aurait notamment pu jouer un rôle à l'occasion du tsunami, si elle avait été sollicitée ; elle avait parfaitement assumé sa mission dans l'opération Artémis au Congo, pour laquelle la France était nation cadre.

- Le débat de l'articulation entre UCAV (unmanned combat aerial vehicle) et Rafale est ouvert. Si l'on imagine aisément que l'UAV (unmanned aerial vehicle) puisse intervenir en complément de la composante pilotée, notamment lorsqu'il s'agit de surveiller pendant des heures une zone donnée ou lorsque les dangers pour les pilotes sont trop importants, il est plus difficile de définir la complémentarité entre l'UCAV et l'avion piloté. Il est probable que, pour l'entraînement, un ou deux appareils suffiront, les autres restant sous cocon, pour avoir une utilisation proche de celles des missiles. Sur le plan financier en tout cas, l'un prendra inévitablement la place de l'autre. En l'état, personne ne peut précisément décrire comment seront utilisés les UCAV par rapport aux avions pilotés. On commence à étudier des utilisations successives ou combinées, ou encore selon des affectations géographiques différentes.

- Sur le Rafale post-F3, la délégation générale pour l'armement dispose de davantage d'informations sur les négociations en cours. Toutefois, il faut rappeler que l'industriel travaille d'ores et déjà sur le radar à antenne active. Les développements prévus de type post-F3 ne paraissent pas pour l'heure incompatibles avec le calendrier retenu pour le missile Meteor. Les autorités de Singapour l'avaient parfaitement admis. Au demeurant, ce ne sont sans doute pas des considérations techniques qui ont déterminé leur décision finale. Le système retenu par la France, dans lequel Rafale et AWACS se conjuguent, avec l'utilisation de la liaison 16, garde toute sa cohérence.

- Il serait évidemment souhaitable d'étaler un peu plus le plan de résorption des reports de charges de la SIMMAD, sur laquelle pèsent de fortes contraintes. Il faut tenir compte de tous les facteurs, notamment de la logique de l'industriel et de la persistance de certaines situations de monopole. La SIMMAD a incontestablement besoin d'être soutenue, par exemple dans le cadre de la « collégialité arbitrée ». L'évolution du prix du baril appellera également un financement supplémentaire.

- S'agissant du programme EUROMALE, tous ses partenaires reconnaissent les efforts déployés par la France, et particulièrement dans le domaine de l'imagerie - reconnaissance tactique, satellite et drones. La France a donné une impulsion décisive grâce au programme Helios et la banque de données ainsi construite joue un rôle de premier plan en Asie centrale, où les forces françaises peuvent disposer en permanence des données nécessaires.

M. Jean-Claude Viollet a observé que la question du format du réseau de base renvoyait à celle de l'adéquation des moyens aux besoins opérationnels, mais également à la fin de la loi de programmation militaire en cours, sinon à la suivante. Reste à savoir si la conjugaison des différents besoins garantira la pleine opérationnalité de l'ensemble des forces. Évoquant un projet d'externalisation de l'entretien d'avions-écoles à Cognac, il a estimé que ce pourrait être l'occasion de développer un pôle « formation » fort en même temps qu'un pôle industriel « maintenance » dépassant même le cadre national. Ce projet devait, semble-t-il, donner lieu à décision durant l'année 2006.

Le général Richard Wolsztynski a estimé que le projet de Cognac serait une excellente opportunité ; l'armée de l'air est prête à accompagner tous les dispositifs de ce type. S'agissant des questions de format, on oublie trop souvent qu'une base aérienne n'est pas propriété de l'armée de l'air. Toute base aérienne est à vocation interarmées, et même interministérielle. Rien n'interdit de soutenir d'autres projets dès lors que tout le monde y trouve son compte : tel pourrait être le cas en matière de sécurité civile, pour l'accueil de Canadair, par exemple. La réduction des flottes et l'évolution des missions appellent certainement une simplification des dispositifs. Ainsi, pour les hélicoptères, le regroupement des missions de sauvetage et de police du ciel autour d'un noyau central réduira fortement les missions du centre d'instruction de Toulouse ; pour autant, le dispositif « terre » stationné autour de la ville devra toujours disposer d'une plate-forme pour les hélicoptères. En tout état de cause, la « désertification » de certaines bases va souvent de pair avec la dégradation, année après année, des bâtiments, laquelle a rapidement des effets délétères sur le moral des personnels. Il est donc nécessaire d'adopter une démarche responsable et rationnelle.

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