COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 8

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 19 octobre 2005
(Séance de 11 heures 30)

Présidence de M. Guy Teissier, président,
puis de M. Michel Voisin, vice-président

SOMMAIRE

 

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- Audition du général Guy Parayre, directeur général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540)

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Audition du général Guy Parayre, directeur général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540).

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu le général Guy Parayre, directeur général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540).

Le président Guy Teissier a rappelé qu'en application de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), les crédits de la gendarmerie sont inscrits pour 2006 dans la mission « Sécurité », qui viendra en discussion en séance publique le 2 novembre prochain. La Commission est convaincue que cette nouvelle répartition ne doit pas conduire à dissoudre le caractère militaire de la gendarmerie. La défense au sens large comprend désormais la sécurité et la Commission sera sans doute de plus en plus souvent amenée à traiter de ces questions, rejoignant en la matière le concept anglo-saxon de homeland security.

Le général Guy Parayre, directeur général de la gendarmerie nationale, a exprimé, en préambule, sa fierté et sa satisfaction de présenter les crédits concernant la gendarmerie nationale pour 2006, qui lui permettront de poursuivre l'effort entrepris. Assumant pour la première fois cette mission en tant que directeur général, à un moment historique marqué par l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances, il a souhaité dresser un rapide bilan de l'activité de la gendarmerie avant de détailler les dispositions du budget.

Dans la continuité de la dynamique initiée dès 2002, l'effort en matière de lutte contre la délinquance s'est poursuivi en 2005. Le niveau des résultats enregistrés exige désormais un effort important de motivation et de gains de productivité pour consolider, voire améliorer ce degré de performance.

Le projet de budget permettra de renforcer la sécurité de nos concitoyens grâce aux effectifs supplémentaires et aux nouvelles technologies, indispensables aujourd'hui à la sécurité intérieure, comme la vidéosurveillance et les dispositifs de lutte contre les nouvelles formes de délinquance.

Les moyens alloués à la gendarmerie sont un levier indispensable et fort pour maintenir le moral du personnel. Dès 2002, il s'est mobilisé, avant même que les effets des nouvelles mesures ne se fassent sentir. Les résultats sont aujourd'hui au rendez-vous. Ces moyens sont vitaux pour l'institution et témoignent concrètement du soutien apporté par la représentation nationale.

Il appartient à la gendarmerie d'en faire le meilleur usage, d'une part en optimisant leur utilisation et, d'autre part, en informant mieux les parlementaires, grâce aux mécanismes prévus par la LOLF.

La délinquance a significativement diminué en zone de gendarmerie nationale depuis 2002, année où près de 1 200 000 crimes et délits avaient été constatés. Après les bons résultats de 2003 et 2004, marqués par des baisses successives de 3,5 % puis de 6,3 %, les premiers mois de 2005 annoncent un résultat satisfaisant, même si les progrès enregistrés - aux alentours de 3 % - sont plus modestes, confirmant ainsi une tendance ininterrompue en zone de gendarmerie nationale depuis février 2003. En septembre 2005, la délinquance de voie publique a encore régressé et sa part demeure inférieure à la moitié du total de la délinquance constatée.

Ce bilan est le résultat d'une activité opérationnelle volontaire et résolue ; tous les indices en témoignent. Entre 2002 et 2004, les infractions révélées par l'action des services (IRAS) ont progressé de plus de 27 %, pour atteindre 70 659 faits en 2004. La gendarmerie s'est résolument engagée dans les luttes contre l'immigration clandestine et les différents trafics, notamment de drogue, qui ont notablement baissé, même si cela ne se traduit par concrètement en nombre d'infractions

Depuis le début 2005, la progression du chiffre des IRAS par rapport à 2004 est de l'ordre de 9 % et le taux d'élucidation de toutes les infractions est proche de 40 %.

S'agissant de la qualité des enquêtes, entre 2001 et 2004, le nombre de placements en garde à vue a progressé de 52 %, tandis que le nombre d'écrous augmentait de 54 %. Cela traduit un meilleur ciblage de l'activité, permettant d'être plus efficace. Ainsi l'activité des services a été adaptée à celle de la délinquance, ce qui a conduit à renforcer l'activité de nuit. Celle-ci a atteint 13 % de l'activité globale au premier semestre 2005, soit plus de 11 millions d'heures/gendarme/an.

Cet effort témoigne de l'engagement de la gendarmerie d'être toujours plus présente dans les créneaux horaires au cours desquels la menace est importante. La réelle difficulté à faire baisser durablement les violences contre les personnes pousse au maintien d'un effort soutenu dans ce domaine.

Pour lutter contre l'insécurité routière, et à la suite de l'impulsion donnée par le président de la République le 14 juillet 2002, la gendarmerie a su réorganiser son dispositif. En 2004, elle y a consacré près de 10 millions d'heures, soit près de 17 % de plus qu'en 2002. Les résultats sont là : en zone de gendarmerie, 1 473 vies ont été épargnées depuis 2002. Il est possible de faire encore mieux, puisque, sur les 5 000 tués sur les routes chaque année, 4 000 le sont en zone de gendarmerie. Cinq domaines dans lesquels des progrès décisifs pourraient être accomplis ont été identifiés :

- Le réseau secondaire reste le plus dangereux, avec 76 % des tués pour 52 % du trafic. En 2006, des moyens de contrôle spécifiques devraient être déployés dans chaque unité, à savoir 1 400 jumelles à visée électronique et 10 200 éthylotests électroniques. Le comportement des usagers est étroitement lié au niveau de la répression et les accidents liés à l'alcool, à la vitesse, au cannabis et au comportement des jeunes à la sortie des discothèques ont lieu surtout sur le réseau secondaire.

- Les motocyclistes et les jeunes sont les deux catégories d'usagers de la route pour lesquelles le nombre de tués n'a pas baissé. La gendarmerie va intensifier son action dans leur direction, ainsi qu'à l'égard des conducteurs de poids lourds, dont l'implication dans des accidents mortels est proportionnellement plus forte que leur part dans le trafic routier.

- Une action sera menée en direction des véhicules étrangers, qui échappent actuellement en partie au contrôle-sanction automatisé, en particulier en zone transfrontalière.

Depuis 2002, la gendarmerie s'est résolument modernisée. La « zonalisation » de l'emploi des forces mobiles et l'orientation prioritaire des escadrons de gendarmerie mobile vers la sécurité publique générale en zone de gendarmerie nationale contribuent aux bons résultats mentionnés. L'effort de sécurisation mené depuis trois ans, de jour comme de nuit, a permis d'obtenir des résultats probants. Maintenu, il sera mieux ciblé sur les violences de type urbain ou périurbain. En coordination avec la police nationale, la gendarmerie va renforcer son dispositif de lutte contre ces violences en consacrant au moins cinq escadrons aux secteurs les plus sensibles, situés dans sept départements de métropole.

Le redéploiement des forces de police et de gendarmerie est achevé en métropole. Il est en voie d'achèvement outre mer, les dernières opérations devant être menées à la Réunion d'ici l'automne 2007. Comme l'a indiqué le ministre de l'intérieur, M. Nicolas Sarkozy, ce redéploiement aura permis de donner plus de cohérence au dispositif global.

Les communautés de brigades sont en place depuis 2003. Actuellement, 1 068 d'entre elles et 654 brigades autonomes regroupent 3 506 brigades territoriales en métropole et outre-mer. Des efforts doivent encore être consentis pour renforcer leur efficacité. Il faudra notamment permettre, en 2006, à l'ensemble des personnels d'échanger, grâce aux réseaux informatiques, des informations en temps réel. Les commandants de région devront expliquer davantage aux élus les conséquences de ces mesures en termes d'organisation du travail : les gendarmes sont plus efficaces à l'extérieur des brigades, au contact de la population et visibles par les délinquants, que dans leurs locaux. Les moyens modernes le permettent désormais, il faut en tirer profit.

Enfin, la réorganisation du commandement territorial est effective depuis le 1er juillet 2005. Il s'agit d'une véritable modernisation de l'Etat. La suppression d'un niveau hiérarchique rend la chaîne de commandement à la fois plus réactive, plus lisible et plus en phase avec la réalité administrative. Le nouveau commandant de région exerçant la plénitude du commandement sur ses unités subordonnées, il peut susciter une véritable dynamique et permettre aux personnels de s'adapter à la zonalité et la mobilité de la délinquance. S'il est trop tôt pour tirer des enseignements des quelques semaines de fonctionnement, la réforme s'est mise en place sans heurt et les premiers retours sont excellents.

La nouvelle présentation du budget de la gendarmerie s'effectue au sein du programme 152 de la mission interministérielle « Sécurité ». Ce programme ne retrace qu'une partie des crédits, le programme 212 « Soutien de la politique de défense », sous pilotage du secrétariat général pour l'administration, englobant les crédits immobiliers et ceux consacrés à l'informatique de gestion.

La mission interministérielle correspond aux préoccupations des citoyens en matière de sécurité. La stratégie définie conjointement avec la police nationale « renforcer la lutte contre l'insécurité en optimisant l'allocation des ressources » reflète la volonté de consolider et de renforcer le niveau de sécurité. Cette volonté s'appuie sur le maintien ou la recherche permanente d'une plus grande efficacité de l'institution.

Ainsi, cette stratégie s'inscrit dans le respect des orientations du ministre de l'intérieur et du ministre de la défense. Elle est assortie d'indicateurs qui permettent de mesurer le niveau ou le degré d'efficacité atteint par rapport aux objectifs fixés.

Le projet de loi de finances pour 2006 reflète la poursuite de l'effort pour la réalisation de la loi de programmation militaire et de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.

Afin d'assurer cette réalisation qui prévoit la création, au profit de la gendarmerie, de 7 000 emplois supplémentaires entre 2003 et 2007, 2 000 emplois nouveaux seront créés en 2006, au lieu des 1 600 initialement prévus, comme Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense, l'a indiqué le 29 juin 2005. Cela permettra de compenser une partie du retard pris l'an dernier puisque 700 postes seulement avaient été créés sur les 1 400 prévus.

Avec plus de 6,7 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et 6,669 milliards d'euros de crédits de paiement, fonds de concours et pensions compris, le budget du programme gendarmerie nationale regroupe 13,7 % des crédits du budget de la défense et des anciens combattants. Il représente 44 % des crédits de la mission « Sécurité ».

Responsable de ce programme et de la mise en œuvre de la stratégie définie, le directeur général de la gendarmerie nationale s'emploiera à atteindre les objectifs présentés dans le projet annuel de performance. Pour optimiser pleinement les moyens mis à la disposition de la gendarmerie, il s'appuiera sur une démarche de pilotage, ainsi que sur le dialogue de gestion instauré depuis deux ans avec les régions - et considérablement renforcé à l'occasion de la réforme du commandement territorial. Des cibles cohérentes avec les priorités gouvernementales et les politiques transversales comme la sécurité routière, la politique de la ville ou le développement de l'outre-mer seront déterminées.

Le projet annuel de performance de la gendarmerie est décliné jusqu'à l'échelon départemental sous la forme d'un programme d'actions structurées, mises en œuvre avec les commandements de groupements, dont l'objectif est d'assurer la meilleure réponse de la gendarmerie aux missions qui lui sont confiées.

Ce programme, qui sera exécuté dans le cadre d'un budget opérationnel de programme unique, est axé sur le cœur de métier de la gendarmerie : veiller à la sûreté publique, assurer le maintien de l'ordre et l'exécution des lois. Les cinq actions qui le composent correspondent aux missions génériques des unités dont la vocation doit être soulignée : l'institution est en effet organisée pour contrôler l'espace de manière polyvalente et modulable selon les risques et les menaces qu'elle doit affronter.

La première action porte sur l'ordre et la sécurité publics. Elle intègre plusieurs volets : sécurité publique, protection des personnes et des biens, maintien de l'ordre, protection des institutions et renfort apporté aux unités territoriales. Elle comprend deux axes dont les périmètres respectifs correspondent à la gendarmerie départementale et à la gendarmerie mobile.

La deuxième action concerne la sécurité routière. Cette priorité gouvernementale mobilise toutes les unités et, plus particulièrement, tout un réseau d'unités spécialisées, regroupées en escadrons départementaux de sécurité routière.

La troisième action est relative à la police judiciaire et aux concours à la justice. Elle englobe la totalité des missions judiciaires de la gendarmerie accomplie tant par les unités territoriales que par les sections et brigades de recherches.

La quatrième action regroupe, sous l'appellation « commandement, ressources humaines et logistiques », trois types de dépenses, de nature assez différente, ce qui explique son poids dans le budget et son coût en effectifs. Elle comprend l'ensemble des fonctions de direction, d'administration, de gestion et de soutien, exercées au niveau national et, de manière déconcentrée, au sein des régions. Elle intègre l'ensemble du budget permettant aux unités de fonctionner en 2006 ainsi que le budget formation. Une grande partie des crédits de soutien a été transférée dans le programme 212 « Soutien de la politique de Défense », appelant à un nécessaire et permanent dialogue avec le secrétaire général pour l'administration, directeur de ce programme.

La cinquième et dernière action porte sur l'exercice des missions de défense militaire.

Le budget 2006, même s'il ne répond pas à toutes les attentes, permettra de poursuivre la modernisation de la gendarmerie.

En matière d'effectifs, pour le personnel d'active, 2 000 postes devraient être accordés en 2006. Près de 73 % des effectifs supplémentaires prévus par la LOPSI devraient être ainsi recrutés fin 2006.

La mise en place du plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE) se poursuit avec une annuité à 750 officiers et 906 gradés supérieurs. Cela permettra d'entretenir la dynamique initiée en 2005 qui reçoit un accueil favorable des personnels comme des élus locaux.

Dans le cadre de la participation de la gendarmerie aux fonctions interarmées, 622 emplois ont été transférés vers d'autres programmes, dont le programme 212. Ces transferts peuvent s'analyser comme des opérations blanches, les tâches étant transférées en même temps que les effectifs.

Enfin, la gendarmerie participe aux économies du ministère de la défense à hauteur de 658 équivalents temps plein.

Pour la réserve opérationnelle, l'augmentation des crédits permet de compter dorénavant 18 500 réservistes dans ses rangs, employés quinze jours par an en moyenne. En 2006, les dotations supplémentaires inscrites dans le projet de loi de finances devraient permettre d'atteindre l'objectif de 22 000 engagements à servir dans la réserve (ESR). La montée en puissance vers les 40 000 ESR se poursuit donc normalement.

En matière de performance et d'évaluation, l'organisation de la gendarmerie permet la mise en place d'un véritable contrôle de gestion, au niveau national et régional, afin de mettre en œuvre la LOLF dans les meilleures conditions.

Avec une dotation de 420 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 343 millions d'euros de crédits de paiement, l'évolution des crédits d'équipement hors infrastructures est sensible. Toutefois, le poids du passé, 230 millions d'euros restant à payer, limitera les marges de manoeuvre, d'autant que les nouvelles règles de mise en réserve restreignent les disponibilités. Ces crédits permettront néanmoins la poursuite des programmes d'équipement suivants :

- la dernière livraison de la nouvelle tenue, avec 24 575 exemplaires, et du nouveau pistolet automatique Sig-Sauer SP 2022 avec l'acquisition de 12 000 armes ;

- la mise en place de nouveaux moyens dans les unités intervenant dans les zones sensibles, après l'acquisition, en 2005, de 500 lanceurs de balles de défense et de 60 pistolets à impulsion électrique Taser X26 ;

- la poursuite du renouvellement du parc automobile des unités opérationnelles et la troisième commande de véhicules pour la gendarmerie mobile, l'objectif final d'équipement de la gendarmerie mobile étant de 1 016 véhicules, soit 8 véhicules par escadron. En 2006, 33 escadrons seront équipés.

Les moyens de communication seront également développés. Le réseau RUBIS dont le déploiement est achevé depuis 2000, fait l'objet d'une modernisation lui permettant d'être pérennisé jusqu'en 2020.

Le déploiement du réseau tactique CORAIL nouvelle génération est terminé depuis avril 2005 pour les unités de gendarmerie mobile. Il a la particularité de s'appuyer, en région parisienne, sur l'infrastructure du réseau ACROPOL de la police nationale, qui fonctionne sur une norme identique à celle du réseau Rubis mais dans une gamme de fréquences adaptée aux zones fortement urbanisées. Cette coordination s'accompagne d'une modernisation des centres opérationnels départementaux.

Les moyens dont la gendarmerie disposera en 2006 devraient lui permettre de continuer à progresser dans la mission qui lui est dévolue, à savoir améliorer encore la sécurité de nos concitoyens.

Le président Guy Tessier a rappelé que la Commission avait pour préoccupation permanente d'assurer l'ancrage de la gendarmerie nationale aux côtés des autres armées au sein du ministère de la défense. De ce point de vue, son intégration dans le programme interministériel de sécurité pourrait-elle être une menace pour son statut militaire ?

Certains gendarmes ont-ils par ailleurs la tentation de quitter ce statut pour se rapprocher de celui des policiers ?

Le général Guy Parayre a estimé que l'existence d'une mission interministérielle, comprenant un programme pour la police et un pour la gendarmerie nationale, ne constituait pas une menace pour le caractère militaire de cette dernière et pouvait même être considérée comme une garantie, dans la mesure où la participation de chacune des deux forces à la mission est clairement identifiée.

Les gendarmes ne sont pas particulièrement tentés de se rapprocher du statut des policiers. Ils ont avant tout le souci d'accomplir leur tâche le mieux possible ; ils sont conscients de la demande de sécurité de la population et s'efforcent d'y répondre, sous réserve d'en avoir les moyens. Il appartient au directeur général et à la ministre de la défense de veiller à ce que les équilibres avec les armées, ainsi qu'avec la police, soient maintenus en termes d'exigences et de moyens.

M. Philippe Folliot a souligné que les questions d'ordre technique peuvent avoir des conséquences politiques et qu'il partageait le sentiment du président Guy Teissier sur la nécessité de conserver à la gendarmerie nationale son statut militaire, toute démocratie ayant besoin d'un système de police dual quelles qu'en soient les modalités. En outre, le caractère militaire de la gendarmerie est important en termes d'aménagement du territoire, pour maintenir un maillage territorial et une présence dans les endroits les plus reculés. Enfin, il paraît difficile de demander à des civils de participer aux OPEX, la gendarmerie étant particulièrement efficace pour prendre le contrôle du terrain et pour assurer le maintien de l'ordre.

Cependant, les crédits destinés à la gendarmerie ne figurent pas tous dans la même mission. 90 % d'entre eux sont dans la mission « Sécurité » mais 10 % figurent au sein de la mission « Défense » dans le programme « Soutien de la politique de la défense », notamment l'immobilier et la partie non opérationnelle des crédits informatiques. La gendarmerie a-t-elle aujourd'hui l'assurance que ces 10 % de crédits lui reviendront effectivement ?

Le général Guy Parayre a formé le voeu que l'audition du secrétaire général pour l'administration ait rassuré M. Philippe Folliot sur ce point. Tant que l'exercice budgétaire n'a pas eu lieu, il n'y a pas de raison de soupçonner le secrétariat général de vouloir maltraiter les gendarmes ; il faudra faire le bilan ensuite. Des rencontres ont eu lieu et les décisions devraient être appliquées de la façon la plus intelligente et la plus efficace possible.

M. Jean-Claude Viollet s'est également interrogé sur le placement sous la responsabilité du SGA des systèmes d'information pour l'administration et la gestion. Il s'agit de systèmes essentiellement opérationnels, qui sont autant de leviers de performance, sans vocation transversale, à quelques exceptions près. L'idée d'intégrer à terme les SIC-gendarmerie au programme de soutien des forces fait redouter l'émergence de difficultés fonctionnelles, pour des enjeux de mutualisation relativement faibles.

Le risque d'absorption de la chaîne de soutien SIC-gendarmerie par la direction interarmées des réseaux « infrastructure systèmes d'information » pourrait perturber son fonctionnement, ne serait-ce qu'à cause de la dispersion des unités, ainsi que des difficultés de gestion pour les personnels spécialisés dont le nombre n'est pas négligeable.

La direction générale de la gendarmerie doit disposer de la plénitude de ses moyens, y compris le soutien SIC. Les télécommunications et l'informatique forment, pour la gendarmerie, un tout indissociable. La question se pose donc des modalités de préservation des intérêts de la gendarmerie dans la forme d'organisation retenue, sachant qu'elle est capable de respecter des politiques d'achat, des dispositifs de rationalisation ainsi que les critères d'interopérabilité qui lui sont fixés.

Par ailleurs, à l'heure de la création d'une force de gendarmerie européenne, le maintien sous le contrôle de la gendarmerie de l'ensemble des éléments opérationnels est d'autant plus justifié. Enfin, la dualité police-gendarmerie n'a de sens que si elle est équilibrée, argument qui plaide également pour que la gendarmerie contrôle l'ensemble de ses moyens, matériels et humains.

Le général Guy Parayre a rappelé que toute la partie opérationnelle des crédits informatiques reste dans l'enveloppe de la direction générale, même s'il est souvent difficile de distinguer l'informatique opérationnelle de l'informatique de gestion.

Pour les crédits qui sont dans l'enveloppe SGA de l'ordre de 6 à 7 millions d'euros, il a été admis par le ministère de la défense que la gendarmerie n'intégrerait pas l'ensemble de la direction interarmées des réseaux d'infrastructures et des systèmes d'information de la défense (DIRISI). Dans l'architecture qui été choisie, la direction générale de la gendarmerie devra, pour l'informatique comme pour les infrastructures, dialoguer avec le SGA.

Faisant part d'une expérience locale, M. Michel Voisin a estimé que le décret en vertu duquel les gendarmes doivent informer les maires de ce qui se passe dans leur commune est, selon les élus locaux, insuffisamment respecté. Quelles sont les directives en ce domaine ?

S'agissant des effectifs, les mêmes élus s'étonnent de ne pas voir arriver sur le terrain les affectations annoncées.

Enfin, il a estimé utile, étant lui-même très attaché à ce que les gendarmes restent des militaires, de comparer leur temps de disponibilité avec celui des policiers.

M. Jean Michel a observé que ce temps de travail était encore, il y a peu, de 22 heures par semaine pour les policiers et de quelque 45 heures pour les gendarmes.

Le général Guy Parayre a indiqué que, s'agissant de l'information des élus, le directeur général de la gendarmerie réitérerait les directives déjà données. Le ministre de l'intérieur a clairement indiqué que les élus devaient disposer de toutes les informations étant de leur ressort territorial. Les gendarmes doivent maintenir un contact avec les élus, qui sont les plus à même de relayer l'attente de la population, notamment en matière de sécurité.

M. Michel Voisin a tenu à tempérer ses propos initiaux, en faisant valoir que les élus étaient sans doute particulièrement exigeants en ce domaine.

S'agissant des effectifs, le général Guy Parayre a précisé que les créations de postes s'étaient élevées à 1 200 personnels en 2003, autant en 2004, et 700 en 2005. Une certaine inertie est liée à l'impératif de formation qui diffère la présence sur le terrain des recrues. Par ailleurs, les redéploiements ont absorbé une bonne part des deux premières annuités. La répartition par type de mission montre l'affectation du personnel à la fois dans le secteur judiciaire et dans la territoriale, cette dernière ayant disposé de 789 créations en 2003, de 798 en 2004 et de 373 en 2005. Il est bien évident que ces chiffres paraissent faibles au regard des 3 500 brigades. Il est donc préférable de renforcer chaque fois que possible les capacités à l'échelon supérieur, par exemple départemental, avec des pelotons de surveillance et d'intervention.

M. Jean-Michel Boucheron a souhaité savoir de quel programme relevaient les gendarmes qui gardent la force nucléaire de dissuasion.

Il s'est par ailleurs étonné de l'augmentation de 54 % du nombre des écroués, la jugeant particulièrement élevée.

Après avoir précisé que la garde de la force nucléaire s'inscrivait dans le programme 152, le général Guy Parayre a indiqué que le pourcentage mentionné s'expliquait par l'augmentation des mises en cause ainsi que par un durcissement de la politique pénale intervenu en 2004.

M. Jean Michel jugeant lui aussi le pourcentage excessif, le général Guy Parayre s'est engagé à faire procéder à des vérifications.

M. Francis Hillmeyer s'est demandé si la baisse statistique de la délinquance correspondait à une réalité sur le terrain ou tenait surtout au fait que les victimes étaient souvent découragées de porter plainte.

Si l'arsenal répressif a été renforcé en matière d'insécurité routière, en particulier avec les radars, des mesures ont-elles également été prises contre cette autre forme d'agression de plus en plus importante que constitue le bruit ?

Enfin, pour lutter contre la petite délinquance, qui est finalement celle qui gêne le plus les Français, l'arsenal juridique dont dispose la gendarmerie est-il suffisant ?

Tout en admettant qu'une contestation des chiffres est toujours possible, le général Guy Parayre a fait valoir que les évolutions étaient mesurées à périmètre constant. On observe par ailleurs que la sécurité n'est plus désormais la première préoccupation des Français.

S'agissant des dépôts de plaintes, même si on ne peut être certain que les directives de la direction générale sont totalement appliquées, celles qui ont été données sont claires sur la nécessité de ne pas dissuader une victime qui veut porter plainte. D'ailleurs, les observations des élus comme des citoyens ne font pas état d'un nombre important de refus de dépôt de plainte.

S'agissant de l'arsenal juridique, l'orientation donnée en faveur d'une meilleure prise en compte des victimes, d'un meilleur accueil dans les unités, d'une présence accrue sur le terrain au contact de la population, semble aller dans le sens souhaité, qui n'est pas uniquement répressif.

Pour les incivilités, la difficulté réside souvent dans la preuve de l'infraction - il est ainsi difficile de constater le bruit fait par une mobylette une demi-heure après son passage... Par ailleurs, compte tenu du volume de la délinquance rapporté aux capacités des tribunaux, la réponse pénale n'est peut-être pas toujours la mieux adaptée.

M. Yves Fromion a souligné que les quelques difficultés dans les rapports entre les maires et les gendarmes tenaient moins à la mauvaise volonté de ces derniers qu'à leur habitude de ne rendre compte qu'à leur hiérarchie et au procureur. Les choses iront sans doute en s'améliorant.

Il a par ailleurs demandé si le budget 2006 paraissait suffisant pour développer l'emploi des réserves, dont on connaît l'utilité pour la gendarmerie.

S'agissant des nomades, les gendarmes semblent désemparés faut de pouvoir exercer de véritables contrôles sur ces populations. Quelles mesures peuvent être mises en œuvre et avec quels moyens ?

M. Alain Moyne-Bressand a appuyé la volonté du directeur général de mettre plus de gendarmes sur le terrain en engageant pour cela une politique de simplification administrative, de coordination et de suppressions de services. Mais est-il possible d'aller encore plus loin ?

La gendarmerie mobile ayant, par ailleurs, clarifié ses actions, ses effectifs sont-ils aujourd'hui stabilisés par rapport à ceux de la territoriale, qui devrait bénéficier d'une priorité ?

Le général Guy Parayre a souligné l'utilité des réserves. 5,7 millions d'euros de plus leur seront consacrés cette année, ce qui permettra de passer de 18 000 à 22 000 ESR. Aller au-delà pourrait poser des problèmes de recrutement, car ce ne sont pas uniquement d'anciens gendarmes qui sont recrutés mais aussi des personnes extérieures à la gendarmerie qui doivent être formées. Le rythme actuel de montée en puissance semble donc satisfaisant.

S'agissant des nomades, la prise de conscience des difficultés rencontrées a motivé la création de l'Office central de la délinquance itinérante. Des propositions ont été faites pour aller plus loin ; mais il n'est pas certain qu'elles aboutissent dans un délai rapide.

S'agissant des simplifications attendues, un travail important a été accompli pour repérer les tâches indues, mais, comme il faut bien les réaliser, elles incombent encore souvent à un gendarme, seul fonctionnaire restant sur le terrain... Et on peut connaître des échecs : depuis 2002, la gendarmerie n'a pu transférer la mission des extractions et des transfèrements et sa charge s'est même alourdie.

Le président Guy Tessier a fait observer qu'à la prison des Baumettes, cette tâche a longtemps incombé à la seule gendarmerie, et qu'elle est désormais partagée avec l'administration pénitentiaire.

Le général Guy Parayre a déclaré comprendre la volonté des élus territoriaux de sédentariser la gendarmerie mobile, compte tenu de ce qu'elle apporte à la sécurité générale. Mais il faut se garder de cette tentation car la « mobile » exerce d'importantes missions d'ordre public, en particulier outre-mer et dans le cadre des OPEX. Actuellement, seize escadrons sont en permanence outre-mer. Avec plus de 200 jours de déplacements par an en moyenne, le dispositif de gendarmerie mobile ne peut être réduit.

M. Jean-Yves Hugon a interrogé le directeur général sur les retraits de points consécutif aux infractions constatées par les radars automatiques. Il lui semble en effet que les Français ont des difficultés à connaître le nombre de points qui leur restent.

Le général Guy Parayre a convenu qu'il existait un problème de suivi dans le dispositif automatisé de contrôles-sanctions. Un travail d'amélioration est actuellement mené, qui concerne essentiellement les préfectures.

Rendant hommage à la gendarmerie, M. Jean Michel a rapporté le propos d'un juge d'instruction la jugeant indispensable pour un bon déroulement d'une reconstitution criminelle.

Abordant les relations entres gendarmes et élus locaux, il a estimé qu'elles se dégradaient depuis quelque temps. Cela ne tient pas au rôle nouveau de la gendarmerie : auparavant, elles étaient systématiques et le chef de brigade rendait régulièrement visite à la mairie, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. La situation est telle que le président de l'association des maires du Puy-de-Dôme, M. Michel Charasse, s'est récemment demandé si la réticence à informer les maires ne tenait pas à un ordre, dont on pourrait se demander s'il vient du parquet ou de la gendarmerie elle-même...

Il a enfin souhaité des réponses précises sur le nombre d'heures effectuées par les gendarmes.

M. Michel Voisin a fait observer que dans son département, l'Ain, où il préside d'ailleurs l'association des maires, les mêmes interrogations reviennent régulièrement, sans qu'elles soient pour autant totalement justifiées.

Le général Guy Parayre a remercié M. Jean Michel pour son observation, qui lui permettra d'engager une action correctrice, et l'a assuré que les directives données étaient exactement inverses. La constitution des communautés de brigade a permis de dégager du temps pour des gradés, ce qui leur permet d'aller au contact des élus. Sans doute les responsabilités de l'incompréhension sont-elles partagées, entre des gendarmes qui n'appliquent pas bien la règle et des élus qui font état de rumeurs parfois infondées.

Les horaires des gendarmes varient en fonction des besoins. Leur temps d'activité comptabilisée est exactement de 8 heures 32 par jour, auxquelles s'ajoutent neuf heures d'astreinte, conformément au statut militaire. Il faudrait d'ailleurs tenir compte de ces temps d'astreinte pour calculer le coût que représenterait une force civile, même si celui des casernes n'est pas négligeable non plus.

Le volet aménagement du territoire ne doit pas être occulté. Un élu a obtenu qu'on recrée une brigade à Urdos, au bout de la vallée d'Aspe. Pourquoi ne demande-t-on pas à d'autres corps de l'État d'aller à Urdos ?

M. Jean Michel a alors fait observer que l'obéissance due par tout militaire expliquait sans doute cette situation.

M. Jean-Claude Viollet, sortant du champ de l'audition proprement dite, a souhaité que la Commission puisse auditionner assez rapidement Mme la ministre de la Défense sur la situation en Côte d'Ivoire, sur ses développements possibles dans les jours qui viennent, sur la situation et sur la mission des forces françaises, ainsi que sur les dysfonctionnements de la chaîne de commandement.

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