COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 11

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 26 octobre 2005
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Guy Teissier, président

SOMMAIRE

 

pages

Examen pour avis des crédits pour 2006

- Mission « Défense » :

· « environnement et prospective de la politique de défense »

       (M. Yves Fromion, rapporteur pour avis)




2

· « préparation et emploi des forces (marine) »

       (M. Philippe Vitel, rapporteur pour avis)


6

· « équipement des forces »

       (M. Jérôme Rivière, rapporteur pour avis)


9

· « préparation et emploi des forces »

       (M. Antoine Carré, rapporteur pour avis)


12

· « soutien de la politique de la défense »

       (M. Jean-Claude Beaulieu, rapporteur pour avis)


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- Avis d'ensemble sur crédits de la Mission « Défense »

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Loi de finances pour 2006 : Mission « Défense » : « environnement et prospective de la politique de défense » (avis).

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné pour avis, sur le rapport de M. Yves Fromion, les crédits de la Mission « Défense » : « environnement et prospective de la politique de défense », pour 2006.

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis, a relevé que le programme 144 « Environnement et prospection de la politique de défense » constituait un objet budgétaire un peu particulier. Comme le note avec un sens de l'euphémisme assez poussé le « bleu défense », ce programme « comprend des entités très diverses ». Il est en fait constitué des actions retraçant :

- l'analyse stratégique et la prospective de défense ;

- la recherche et l'exploitation du renseignement de défense à l'intérieur et à l'extérieur du territoire ;

- la politique en matière d'industrie, de technologie de défense et d'exportation d'armement ;

- l'orientation et la conduite de la diplomatie de défense.

C'est également le programme ayant la dimension la plus réduite au sein de la mission Défense. Enfin, le responsable du programme est le directeur chargé des affaires stratégiques (DAS), s'appuyant sur un comité de pilotage associant l'ensemble des acteurs concernés, dont certains disposent de moyens et d'une autorité non négligeables.

Le programme 144 présente néanmoins le mérite d'avoir donné davantage de visibilité à trois activités particulièrement importantes. Tout d'abord, il met en évidence le travail d'analyse stratégique et de prospective de défense. Ensuite, il offre à la recherche de défense un cadre bien individualisé, sachant que cette dernière constitue un enjeu majeur pour la préparation de l'avenir. Enfin, le programme permet d'associer au sein d'une même action deux des services de renseignement dépendant du ministère de la défense. En invitant le Parlement à s'interroger sur l'environnement et la politique de défense, la loi organique relative aux lois de finances lui donne pour la première fois l'occasion d'être un acteur « engagé » dans la réflexion qui sous-tend les grands choix en matière de défense et de sécurité.

Les actions « Analyse stratégique » et « Prospective des systèmes de forces » présentent des points communs, avec un poids budgétaire limité, la concentration de personnels de haut niveau, une « production » d'ordre intellectuel et l'association le plus souvent des mêmes acteurs. L'élaboration de la prospective de défense à moyen et à long terme s'appuie donc sur trois exercices à vocation distincte et inégalement liés : le PP 30 tout d'abord ; la planification à 15 ans ensuite (actuellement constituée par le modèle d'armées  2015) ; la programmation militaire enfin, pour une période de six ans généralement.

Il est particulièrement nécessaire de maintenir une planification et une programmation à moyen et à long terme, afin de disposer de perspectives suffisantes, tant pour l'état-major des armées, qui a besoin de visibilité, que pour les industriels, du fait des délais nécessaires à l'acquisition et à la maîtrise des technologies.

La mise en place progressive d'une réflexion prospective associant plus étroitement les Etats membres de l'Union apparaît indispensable. S'il ne faut pas masquer les difficultés de l'exercice, compte tenu de priorités politiques et militaires souvent différentes et de l'importance inégale accordée aux questions de défense, une démarche volontaire s'impose cependant. Seule une réflexion commune sur les besoins opérationnels à long terme permettra de déterminer plus efficacement des programmes d'équipement pouvant être menés en commun. C'est l'Agence européenne de défense (AED) qui a vocation à devenir le lieu d'élaboration de cette prospective européenne. Elle a d'ailleurs a développé une approche par capacités technologiques assez similaire à celle de la France. L'enjeu des travaux de l'Agence sur ces points est considérable et il convient que la démarche retenue soit orientée prioritairement vers les besoins opérationnels, afin de ne pas s'enfermer dans une logique exclusivement industrielle.

Le projet de loi de finances pour 2006 porte la marque d'un volontarisme certain en matière de recherche de défense, ce qu'il convient de saluer, s'agissant d'un domaine offrant moins de visibilité que d'autres et où il peut être tentant de procéder à des ajustements budgétaires plus ou moins assumés. Or, pour être efficace, l'effort en matière de recherche suppose d'être régulier. De surcroît, il s'agit d'un domaine clé de la préparation de l'avenir.

En 2003, les crédits votés au titre des études amont représentaient près de 432 millions d'euros. En 2006, les crédits proposés s'élèvent à 601 millions d'euros (+9,4 %). La tendance à l'augmentation des crédits, si elle se poursuit à ce rythme, devrait permettre de parvenir à une enveloppe de 700 millions d'euros en 2008. Cet objectif politique est honorable, toutefois un effort supplémentaire serait nécessaire si l'on veut respecter strictement les prévisions de la loi de programmation militaire.

Les crédits d'études amont sont répartis en trois sous-actions d'inégale importance. En matière nucléaire, un démonstrateur dit de partie haute balistique, préparant de possibles améliorations de performances du M 51 contribuera de façon significative au maintien de capacités industrielles pour la dissuasion. En matière spatiale, des lacunes capacitaires sont à déplorer et la recherche est un des moyens permettant d'essayer de les compenser partiellement tout en abordant les futurs programmes. Pour 2006, les crédits de paiement des études amont espace progressent de 13,3 %. Plusieurs démonstrateurs ont été lancés ou sont en cours de lancement : Essaim (interception de communications), ELINT (détection et localisation des émetteurs radars) et Spirale (détection de départ de missiles balistiques). Il convient de soutenir de façon déterminée les entreprises intervenant dans le domaine des satellites qui, faute d'un volume suffisant de commandes institutionnelles, font actuellement face à une situation préoccupante. Enfin, pour les « autres études amont », qui constituent de loin la principale masse de crédits, avec 499 millions d'euros en crédits de paiement pour 2006, la politique active de démonstrateurs technologiques se poursuit.

Dans ce domaine aussi, l'avenir est européen et c'est sans doute par le biais de l'AED qu'une meilleure efficacité de la recherche de défense et de sécurité pourra être atteinte.

Pour que l'Agence puisse assurer pleinement ses missions, il est nécessaire qu'elle développe sa vision à long terme, tant capacitaire que technologique. Elle pourrait disposer en propre d'un véritable budget de recherche, lui permettant de peser réellement sur les programmes de recherche, et d'avoir une capacité de coordination en amont des programmes d'armement. Les financements nécessaires pourraient provenir en partie du budget communautaire. Il reste que cette position doit être bien expliquée à nos partenaires européens pour emporter leur adhésion. De manière plus immédiate, des programmes fédérateurs peuvent être envisagés, notamment dans le domaine des drones. Ainsi, le projet EUROMALE a été identifié par la France comme un programme potentiel à confier à l'AED. Il pourrait être complété à terme par des projets spatiaux ambitieux, en particulier pour préparer la relève du système Hélios.

Face à la menace terroriste, à la prolifération des armes de destruction massive mais aussi pour mener les opérations extérieures, un renseignement de qualité est devenu vital. Le projet de budget pour 2006 témoigne sur ce plan d'un certain volontarisme, même si l'effort doit être poursuivi et amplifié. L'action 3 « Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France » comprend deux sous-actions, qui correspondent à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et à la Direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD).

Ces deux services de renseignement militaire présentent des différences marquées, tant en raison de leurs poids budgétaire respectifs que de leurs périmètres d'action. Leur présence au sein d'une même action ne s'explique donc pas par une identité d'objectifs, mais plutôt par une forme de complémentarité et par la volonté d'un développement des synergies dans les domaines où cela est possible. Il reste que l'action 3 ne donne pas une vision globale de l'activité de l'ensemble des services de renseignement placés sous la tutelle du ministre de la défense, puisque la direction du renseignement militaire voit ses crédits retracés au sein du programme 178 « Préparation et emploi des forces ».

En ce qui concerne l'accroissement des moyens humains des services de renseignement, la DGSE est renforcée par 20 créations de postes, visant à permettre de répondre aux besoins en matière d'analyse et de cryptographie. De plus, la progression des crédits de rémunération permet à celle-ci d'envisager à moyen terme de combler le décalage entre effectifs théoriques et effectifs réels. L'effort consenti est donc significatif. En revanche, pour la DPSD, la masse salariale prévue pour 2006 a été établie sur la base d'un effectif moyen réalisé, inférieur aux effectifs réellement affectés.

La progression des investissements est plus soutenue que ces dernières années, ce qui doit être salué, avec une croissance de 14 %. Ces crédits concernent pour l'essentiel la DGSE, qu'il s'agisse de ses équipements techniques (95,7 millions d'euros) ou, dans une moindre mesure, des opérations immobilières (23,1 millions d'euros), la part de ces dernières tendant à diminuer significativement. Les crédits alloués en 2006 sont destinés à financer les priorités d'équipement liées au recueil du renseignement d'origine technique, à la cryptographie et à la gestion des flux massifs d'information. Ces défis sont d'autant plus stratégiques à relever qu'ils concourent à la lutte anti-terroriste et à la capacité d'échanges avec les partenaires. Les projets de mutualisation se poursuivent, avec en particulier la création d'un centre réalisé en partenariat avec la direction du renseignement militaire, situé outre-mer.

Les services de renseignement ont de fait engagé une politique de partage des coûts des principaux équipements, tout particulièrement en matière de capteurs et de transmissions, chacun restant ensuite autonome pour déterminer l'emploi de la part d'utilisation lui revenant.

En ce qui concerne la question de l'échange d'informations entre services nationaux, chacun déclare avoir désormais compris l'importance du décloisonnement et les dangers d'une éventuelle rétention. Les échanges apparaissent donc comme une réalité quotidienne. Les progrès sont également significatifs en matière de coopération internationale depuis 2001, sous l'effet de la menace commune. Les échanges réalisés entre services de différents Etats ont lieu principalement sur un plan bilatéral.

Pour conclure, le rapporteur a indiqué qu'il faudra un certain temps pour que la gestion effective du programme 144 puisse être bien appréciée. Le succès de l'entreprise dépendra de la manière dont les acteurs coopéreront et accepteront la logique d'évaluation et de performance.

S'agissant d'évaluation et de performance, l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances conduit le Parlement à dépasser la simple étude des crédits et à s'attacher à leur utilisation. De ce point de vue, il serait nécessaire de s'intéresser à l'objet et aux conclusions des études commandées par la DAS. Avec la loi organique relative aux lois de finances, la prospective de défense devient véritablement une responsabilité partagée et le Parlement peut faire valoir son droit de regard sur les grands choix qui concernent notre défense. Il est donc indispensable qu'une réflexion s'engage avec le ministère de la défense pour que l'action parlementaire puisse se développer dans des conditions convenables en ce qui concerne le suivi de la gestion du programme 144.

M. René Galy-Dejean a attiré l'attention de la commission sur la nature du programme ainsi que sur la position de la DGSE en son sein. Qualifié d' « hétérogène » par le rapporteur, ce programme peut même apparaître hétéroclite. Bien qu'éminent spécialiste, le directeur des affaires stratégiques du ministère de la défense éprouvera des difficultés à gérer des services aussi divers que la DPSD, la DGSE et la DGA.

S'il convient de se féliciter de l'augmentation des crédits de la DGSE, il est néanmoins possible de se demander si la mise en réserve que le ministère des finances impose à toutes les administrations dès le début de l'exercice ne va pas aboutir à remettre en question cette progression, alors que, jusqu'à présent, la DGSE n'était pas soumise à ces mises en réserves.

Le président Guy Teissier a indiqué que le directeur des affaires stratégiques serait reçu prochainement et qu'il pourrait expliquer à la commission comment il entendait gérer ce programme marqué par la diversité.

Le rapporteur a répondu que ces observations ne lui avaient pas échappé, et encore moins au responsable du programme. Les rapports que ce dernier devra entretenir avec les responsables de BOP risquent de prendre une forme différente de ceux prévalant dans les autres programmes. La gestion du programme 144 sera certainement un cas à part car les modalités d'un arbitrage raisonnable sont pour le moins floues pour le moment. Mais, en même temps, la proximité réelle de tous les grands centres de décision au sein d'un même programme constitue une opportunité pour le Parlement de ne pas s'en tenir seulement à la surface des choses et de ne pas rester un simple spectateur.

La commission de la défense nationale a approuvé les conclusions du rapporteur sur les crédits du programme « Environnement et prospective de la politique de défense ».

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Mission « Défense » : « préparation et emploi des forces (marine) » (avis).

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné pour avis, sur le rapport de M. Philippe Vitel, les crédits de la Mission « Défense » : « préparation et emploi des forces (marine) », pour 2006.

M. Philippe Vitel, rapporteur pour avis, s'est félicité que la commission ait choisi de maintenir des avis budgétaires s'intéressant aux différentes armées, afin de continuer à examiner les problèmes spécifiques de chacune des forces. Les militaires sont d'ailleurs attachés à la pérennité de ce lien que les députés entretiennent avec eux.

La marine, comme les autres armées, participe activement à des missions fondamentales pour la protection de notre territoire ou le rayonnement diplomatique et politique de la France. On ne peut comprendre l'utilité des investissements que la nation lui consacre sans avoir conscience de son apport à la sécurité nationale et mondiale, à la préservation de l'environnement marin ou encore au sauvetage en mer de vies humaines.

Au sein de la mission Défense, l'essentiel des crédits de la marine est réparti dans les programmes « Préparation et emploi des forces » et « Equipement des forces ». Il existe en effet une action « Préparation des forces navales », dotée de 4,62 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 4,44 milliards d'euros en crédits de paiement, ainsi qu'une action « Equipement des forces navales », d'environ 2,99 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,41 milliards d'euros en crédits de paiement. L'état-major de la marine gérera un budget opérationnel de programme (BOP) sur le fonctionnement et la masse salariale s'agissant du programme « Préparation et emploi des forces », ainsi qu'un autre BOP relatif à la commission permanente des programmes et des essais et au centre d'expérimentation pratiques et de réception de l'aéronautique navale dans le programme « Equipement des forces ».

Du point de vue budgétaire, l'action « Préparation des forces navales » recouvre trois grandes finalités : le commandement et les activités des composantes de la marine, les ressources humaines et le soutien des forces. Le financement du commandement des forces navales se verra attribuer près de 294 millions d'euros en autorisations d'engagement et 292 millions d'euros en crédits de paiement. En l'espèce, les structures de commandement de la marine sont loin d'être celles qui bénéficient de l'enveloppe budgétaire la plus conséquente. Pour l'activité des forces navales, il est prévu, au total, près de 1,6 milliard d'euros en autorisations d'engagement et presque autant en crédits de paiement. La force d'action navale consomme à elle seule plus de la moitié de ces financements, avec 53 % des crédits de paiement, et l'aéronautique navale plus du quart, soit 27 %. Les dotations prévues en faveur de l'achat de carburants suscitent quelques inquiétudes. En dépit d'une revalorisation de 14 millions d'euros, l'enveloppe devrait être insuffisante pour contrebalancer le renchérissement prévisible des cours du pétrole. Les réserves des stocks stratégiques ayant déjà été entamées ces deux dernières années, les marges de manœuvre resteront assez faibles.

Pour ce qui concerne les ressources humaines, compte tenu de l'octroi d'une masse salariale de 2,8 milliards d'euros, la marine pourra disposer, en 2006, d'un effectif total de 50 612 personnes : 41 654 militaires et 8 958 civils. Dans l'ensemble, le format de 2005 sera reconduit, ce qui signifie un sous-effectif militaire cantonné à 1 %, du fait notamment des carences rencontrées dans certaines spécialités particulières, tels les atomiciens ou les marins-pompiers, et un déficit en personnels civils de l'ordre de 7 %. C'est ce dernier aspect qui pose le plus de difficultés, car il affecte les fonctions de soutien.

Pour le maintien en condition opérationnelle des matériels, le projet de loi de finances pour 2006 prévoit une revalorisation de 7 % des crédits de paiement, lesquels s'élèveront ainsi à 967,6 millions d'euros. L'augmentation des dotations budgétaires depuis 2002, conjuguée aux réorganisations internes, a produit des effets notables puisque la marine a quasiment atteint ses objectifs de disponibilité technique globale, c'est-à-dire de disponibilité sous faible préavis en incluant les durées d'entraînement opérationnel des équipages. Ceux-ci se situent en 2005 à des taux de 70 % pour les bâtiments de surface et 69,4 % pour les aéronefs. Illustration de cette amélioration, la disponibilité des sous-marins nucléaires d'attaque a singulièrement progressé : au premier semestre 2005, quatre bâtiments étaient régulièrement opérationnels. Les inquiétudes portent plutôt sur la disponibilité des appareils vieillissants de l'aéronautique navale, et particulièrement les hélicoptères, dont le renouvellement n'est pourtant pas imminent. Il convient donc de rester vigilants. Les prestataires de service semblent parfois abuser de leur position pour transférer une partie de leurs tâches aux personnels de la marine, ce qui n'est pas acceptable. En outre, quelques tensions persistent sur la fourniture des rechanges, du fait de mesures de régulation budgétaire.

Tout en se prononçant favorablement pour l'adoption des dispositions du projet de loi de finances pour 2006 en faveur de la préparation et l'emploi opérationnel de la marine, le rapporteur a souhaité insister sur les trois défis qui conditionnent l'avenir de cette armée.

Le premier est humain, car il touche à la fidélisation des personnels. Depuis plusieurs années, l'effort a particulièrement porté sur l'allègement ou la compensation indemnitaire des contraintes. Les personnels ne sont toutefois pas unanimes par rapport à l'octroi de primes qu'ils jugent discriminatoires et problématiques pour la cohésion des équipages. Peut-être faudrait-il mieux encourager les mesures indiciaires ? Les principales revendications concernent surtout l'amélioration des conditions de logement et la garde des jeunes enfants. Actuellement, beaucoup de marins éprouvent des difficultés de logement car ils ne peuvent assumer financièrement l'augmentation très sensible des loyers à Paris et Toulon. De même, la question des gardes d'enfants revêt une importance particulière quand l'on sait que plus de la moitié des femmes engagées dans la marine sont mariées à des marins. La marine a créé à elle seule environ la moitié des crèches du ministère de la défense, mais il faut aller plus loin.

Le deuxième défi concerne la capacité d'investissement dans les infrastructures et le renouvellement de la flotte. Les installations portuaires et les immeubles de casernement ont trop souvent été les premières victimes des mesures de régulation budgétaire. Du côté des nouveaux matériels, il est vrai que la marine a obtenu la commande du second porte-avions, des huit premières frégates européennes multimissions (FREMM), du premier sous-marin nucléaire d'attaque Barracuda ou encore du missile de croisière naval. Dans le même temps, le remplacement des vieux transports de chalands de débarquement par deux nouveaux bâtiments de projection et de commandement ainsi que l'entrée en service de la première frégate antiaérienne Horizon concrétisent la modernisation annoncée et tant attendue. Le respect du format n'est pas pour autant garanti. On parle de dédier deux FREMM à la lutte antiaérienne en lieu et place de deux frégates Horizon et, par ailleurs, il n'est pas certain que l'escadrille des Barracuda comportera six bâtiments au final, pour des raisons de coûts. Ces inquiétudes, les marins s'en font l'écho.

Le dernier défi est industriel. Depuis plus de deux ans, la société nationale DCN a considérablement évolué. La marine y trouve elle aussi son intérêt. La transformation du statut de DCN avait pour objectif de lui permettre de participer aux restructurations européennes de son secteur. De ce point de vue, les choses semblent en voie de changer, le rapprochement avec le groupe Thales devant prendre, sous des délais aussi brefs que possible, la forme d'une entrée au capital de la société nationale. Des alliances de nature européenne sont appelées à intervenir dans un second temps. C'est cette phase là qui sera déterminante, pour la pérennité des savoir-faire français dans le domaine naval comme pour la marine.

Se faisant l'écho d'un article de presse, publié dans l'édition du jour du Parisien, M. René Galy-Dejean s'est inquiété d'éventuelles difficultés de plan de charge que rencontrerait DCN, notamment sur ses sites de Lorient et de Cherbourg. De telles informations appellent à d'autant plus de vigilance que le redressement financier de la société nationale a été conditionné par la garantie d'un certain niveau d'activité à moyen terme.

M. Philippe Vitel a indiqué que les perspectives d'activité de DCN sont effectivement suspendues à la conclusion de deux contrats : les FREMM, pour l'établissement de Lorient, et les sous-marins Barracuda, pour celui de Cherbourg. Dans le premier cas, une signature est attendue d'ici la fin de l'année, ce qui permettrait un lancement dès 2006 de la réalisation des frégates. Dans le second cas, des problèmes apparaîtront effectivement si la notification des études de développement du premier sous-marin n'intervient pas d'ici la fin du premier semestre 2006.

Le carnet de commandes de DCN, vocable plus approprié que celui de plan de charge pour une société, comporte également des prestations de maintien en condition opérationnelle. En la matière, DCN a fait de gros progrès qualitatifs. La société s'est vue confier l'entretien de la plupart des bâtiments fortement armés de la marine, ce qui lui assure un chiffre d'affaires non négligeable, mais elle affronte également la concurrence sur les autres catégories de bâtiments, ce qui l'expose parfois à des pertes de contrats.

Aujourd'hui, DCN affiche des résultats positifs en avance de deux ans sur les prévisions réalisées lors du changement de son statut. A Toulon, cette vitalité économique s'est traduite par l'embauche de 180 personnes en un an, dont 80 % d'ingénieurs et de cadres de haut niveau. En outre, l'entreprise se trouve au premier plan dans le pôle de compétitivité maritime, que l'agglomération varoise a obtenu.

Le président Guy Teissier a estimé que la situation générale de la société ne saurait s'apprécier uniquement à travers celle de son établissement de Toulon, dont l'activité est également dépendante du devenir de l'escadrille des sous-marins nucléaires d'attaque. L'article cité fait vraisemblablement état d'une situation conjoncturelle inquiétante en raison de l'absence de signature du contrat Barracuda et du report de la notification des FREMM. Il faut néanmoins conserver l'espoir que le second de ces contrats aboutisse d'ici à la fin de cette année.

M. Jérôme Rivière n'a pas exclu que les récentes informations parues sur DCN dans la presse soient destinées à déprécier la valeur de l'entreprise nationale, au sujet de laquelle le groupe Thales et l'Etat sont en négociations. Du point de vue de l'intelligence économique, une telle stratégie paraît tout à fait concevable.

La commission de la défense nationale a ensuite approuvé les conclusions du rapporteur sur les crédits du programme « Préparation et emploi des forces » : « marine ».

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Mission « Défense » : « équipement des forces » (avis).

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jérôme Rivière, les crédits de la Mission « Défense » : « équipement des forces », pour 2006.

Jérôme Rivière, rapporteur pour avis, a insisté sur la nouveauté que constitue l'avis budgétaire sur les crédits d'équipement, qui représentent 29 % des crédits de la mission Défense, créée par la LOLF. Le programme 146 comporte cinq actions :

- Equipement de la composante interarmées ;

- Equipement des forces terrestres ;

- Equipement des forces navales ;

- Equipement des forces aériennes ;

- Préparation et conduite des opérations d'armement.

Il faut noter que, pour ce qui concerne des crédits ne relevant pas du champ de la loi de programmation militaire, il n'est pas possible de retracer l'évolution des crédits des actions du programme 146 « équipement des forces » entre la loi de finances initiale pour 2005 et le projet de loi de finances pour 2006, compte tenu des nombreux changements de périmètre. De fait, seule la loi de règlement permettra des comparaisons valables.

Les crédits de « l'agrégat LPM » sont satisfaisants puisqu'ils s'élèvent pour 2005 à 9,133 milliards d'euros en autorisations de paiement et 9,250 milliards d'euros en crédits de paiement et pour 2006 à 9,362 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 9,463 milliards d'euros en crédits de paiement.

- Pour l'action « Equipement de la composante interarmées », les principaux paiements concernent les programmes M51 (608 millions d'euros), Syracuse III (240 millions d'euros), ASMP-A (119 millions d'euros) et hélicoptères pour unités spécialisées (HUS) pour 60,57 millions d'euros.

- Pour l'action « Equipement des forces terrestres », l'augmentation en CP est notamment due aux livraisons et à des paiements importants sur le SAMP/T (62,12 millions d'euros). L'armée de terre se verra livrer 26 systèmes RITA valorisés, 1250 postes PR4G-VS4, 25 DRAC, 94 SIR, 7 hélicoptères Tigre, 34 chars Leclerc, 5 dépanneurs de char Leclerc, 32 chars AMX-10 RC rénovés, 66 VBL, 358 systèmes FELIN, 5 radars COBRA et 306 véhicules VAB valorisés.

- Pour l'action « Equipements des forces navales », le Rafale bénéficiera de 534,8 millions d'euros, le SNLE-NG n°4 de 389,5 millions d'euros et les FREMM de 199,3 millions d'euros (dont 73 millions d'euros au titre de la participation du ministère des finances).

- Pour l'action « Equipement des forces aériennes », les principaux postes sont le Rafale (1079,67 millions d'euros) et l'ATF (326,05 millions d'euros) qui sont en pleine phase de production pour le premier et d'industrialisation pour le second.

- Pour l'action « Préparation et conduite des opérations d'armement » concernant les crédits de l'agrégat LPM, à périmètre constant, la dotation aurait été selon la nouvelle nomenclature de 1126,90 millions d'euros 2005 en crédits de paiement; elle passe à 1077,33 millions d'euros 2006, soit une diminution de 4,4%. 128,6 millions d'euros seront consacrés aux investissements. Par ailleurs, 925,65 millions d'euros seront transférés au CEA/DAM.

Le rapporteur a souligné par ailleurs le poids des intérêts moratoire : ceux-ci ont atteint 16,6 millions d'euros en 2004 et s'élèvent déjà cette année à 14,7 millions d'euros, ce qui laisse prévoir un dépassement des niveaux atteints en 2004. En 2006, leur montant sera sans doute au moins équivalent à celui constaté en 2005.

Il a ensuite évoqué la situation du programme Rafale qui existe aujourd'hui aux standards F1 et F2, attendu. Le standard F3 est indispensable puisque c'est lui qui a vocation à porter l'arme nucléaire ; la première livraison est prévue pour 2008. Le standard post F3 pose le problème de la mise au point de l'optronique secteur frontal (OSF) dont 48 exemplaires ont été commandés. Après l'échec de Singapour, on peut s'interroger sur le financement du radar à antenne active. La DGA affirme, qu'en sacrifiant le coût de huit Rafale, ce dernier équipement pourra être développé et livré sans augmentation du coût du programme. Pour sa part, le missile AASM équipe d'ores et déjà le standard F2.

Le programme Tigre a enregistré 18 mois de retard dans les premières livraisons. A cet égard, le rapporteur a estimé qu'il ne saurait être satisfaisant pour le Parlement de voter des crédits sans connaître leur destination finale. La DGA a commandé un audit sur la société Eurocopter, lequel a conclu que l'entreprise avait largement sous-estimé la complexité du matériel à fabriquer. Il convient de rester vigilant sur le standard Tigre HAP, fabriqué en coopération avec l'Espagne et de veiller particulièrement à l'adoption d'un missile commun aux deux pays sous peine de voir exploser les coûts.

Les perspectives du NH 90 sont, quant à elles, inquiétantes. Confiée à la NAHEMA, structure de l'OTAN, la gestion du programme ne s'est pas révélée performante. Il y a donc lieu de s'interroger sur le caractère opportun du choix de cette structure : n'eût-il pas été préférable de confier le programme à l'OCCAR ?

Pour ce qui concerne les drones, depuis l'abandon du Hunter, on constate une perte de capacité. La société EADS développe aujourd'hui le SIDN. Le projet EUROMALE n'est pas encore suffisamment avancé, il faudra demeurer attentif à son bon déroulement.

Dans le domaine des avions ravitailleurs, le MRTT, qui ne figure pas dans la LPM, doit faire l'objet d'une coopération avec un financement innovant avec le Royaume-Uni, lequel semble avant tout soucieux de ménager ses seuls intérêts.

La signature du programme FREMM doit intervenir au plus vite sous peine de voir la marine souffrir de carences capacitaires.

Le deuxième porte-avions souffre, lui, d'effets d'annonce à répétition. 900 millions d'euros en autorisations d'engagement et 53 millions d'euros en crédits de paiement seulement sont bien inscrits dans le projet de loi de finances pour 2006. Mais nos partenaires britanniques ont, pour la troisième fois, repoussé de six mois leur « maingate ». Dans ces conditions, les études commenceront, au mieux, en septembre 2006.

M. Jérôme Rivière, rapporteur pour avis, a alors présenté un amendement tendant à transférer une somme d'un montant équivalent à la moitié des crédits de paiement dévolus au deuxième porte-avions vers le programme « environnement et prospective de la défense » dont la sous-action « études amont autres » inclut les crédit dévolus à l'EUROMALE, estimant que son adoption serait, pour la commission de la défense, l'occasion de montrer sa volonté de développer l'Europe de l'armement.

M. Charles Cova, tout en reconnaissant la valeur des motivations du rapporteur, a rappelé que la coopération avec le Royaume-Uni n'est jamais aisée, comme l'a montré l'échec d'un travail commun sur la frégate Horizon. L'adoption de l'amendement ne manquerait pas d'avoir un effet négatif, risquant d'être interprétée par nos partenaires britanniques comme un début d'abandon du projet.

Admettant que les arguments du rapporteur étaient fondés, M. René Galy-Dejean s'est prononcé défavorablement à l'adoption de l'amendement après avoir estimé que l'affaire du deuxième porte-avions ne pouvait être traitée par des considérations purement rationnelles.

Après avoir marqué son approbation à la démarche du rapporteur pour avis, le Président Guy Tessier, s'est interrogé sur l'efficacité, au regard de l'avancement du projet EUROMALE, de la mesure proposée par l'amendement. En effet, la société EADS s'est montrée présomptueuse en la matière et les difficultés qu'elle rencontre dans le développement de ce programme relèvent plus de la technologie que des moyens financiers.

Estimant que tous les avis exprimés étaient également sensés, M. Jean-Michel Boucheron a estimé que le débat devait avoir lieu en séance publique afin d'obtenir des éléments de réponse de la ministre de la défense.

Le Président Guy Tessier ayant approuvé cette proposition, M. Jérôme Rivière, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il présenterait son amendement en séance publique. Sur le fond, la mesure proposée présente l'intérêt d'obliger le Gouvernement à dépenser les sommes retirées du programme « équipement des forces » dans le périmètre du programme « environnement et prospective de la politique de défense ».

Le Président Guy Tessier a estimé qu'il y avait là sujet à un débat utile en séance publique, au terme duquel, il conviendrait que le rapporteur retire son amendement.

La commission a rejeté l'amendement.

Elle a ensuite donné un avis favorable au programme « Equipement des forces ».

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Mission « Défense » : « préparation et emploi des forces » (avis).

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné pour avis, sur le rapport de M. Antoine Carré, les crédits de la Mission « Défense » : « préparation et emploi des forces », pour 2006.

M. Antoine Carré, rapporteur pour avis, a estimé que, pour la quatrième année consécutive, les crédits de la loi de finances pour 2006 s'inscrivent dans le respect des objectifs de la loi de programmation militaire 2003/2008. Il faut, cette année encore, saluer cet effort particulier, fourni dans un contexte économique difficile qui se traduit par de fortes contraintes budgétaires.

L'examen du projet de loi de finances pour 2006 est, à bien des égards, placé sous le signe de la novation. Mais de ce fait même, certaines comparaisons deviennent mal aisées lorsqu'elles ne sont pas, purement et simplement, devenues sans objet.

Le programme 178 « Préparation et emploi des forces » est placé sous la responsabilité du chef d'état-major des armées. De part son contenu, il occupe une place centrale, représentant près de la moitié des crédits et près des deux tiers des ressources humaines du ministère de la défense. Il est doté de 20 900 millions d'euros, ce qui le place, à cet égard, à la tête des programmes. Il consacre le rôle central du CEMA, prévu par les dispositions du décret du 21 mai 2005.

Au sein de ce programme, le rapport pour avis « Préparation et emploi des forces » n'examine pas les crédits attribués à chaque armée, la commission ayant choisi de maintenir des avis spécifiques pour chacune d'entre elle.

Il porte donc sur les actions suivantes :

- planification des moyens et conduite des opérations ;

- logistique interarmées ;

- surcoûts liés aux opérations extérieures ;

- surcoûts liés aux opérations intérieures.

Les crédits de la première action retracent les activités de l'Etat-major des armées dans le domaine du commandement interarmées et interalliés. En effet, la France occupe une place importante dans ce domaine, tant sur le plan européen, par sa participation à la constitution de l'état-major européen de niveau stratégique en cas de décision d'intervention de l'Union Européenne, que par sa participation à la Nato response force (NRF).

Par ailleurs, la nouvelle architecture de la chaîne du commandement, telle qu'elle résulte du décret du 21 mai 2005, constitue une véritable réforme entièrement tournée vers l'efficacité opérationnelle.

L'action « logistique interarmées » recouvre les activités du service de santé des armées (SSA) et du service des essences des armées (SEA). Elle est dotée de 1 152 millions d'euros, ce qui représente 5,3 % des crédits du programme.

Le SSA souffre toujours de problèmes d'effectifs, particulièrement pour les médecins d'active et les personnels civils. De fait, le choc de la professionnalisation des armées produit encore ses effets. Cependant, les réformes en cours, qui sont pertinentes, ne devraient pas manquer de porter leurs fruits, cela toujours dans un contexte budgétaire très contraint.

Le SEA assume l'ensemble de la logistique pétrolière pour les armées, à l'exception de la marine qui pourvoit elle-même à ses propres besoins. Il exerce aussi un rôle d'expertise dans le domaine des produits pétroliers. Il faut rappeler que, selon le ministère de la défense, un doublement du prix du baril de pétrole peut créer un besoin supplémentaire de l'ordre de 0,7 % du budget (soit 300 millions d'euros) pour ce ministère. Un mécanisme de couverture pétrolière a été mis en place par le biais de la création d'un comité des risques auquel participe le SEA. Cependant, le stock « OPEX » du service a été entièrement consommé en 2004, il est actuellement en reconstitution mais à un rythme qui gagnerait à être accéléré.

Très présents sur toutes les OPEX, ces deux services assument des fonctions indispensables. Par ailleurs, le service de santé des armées participe à la médecine civile ainsi qu'à la plupart des plans d'urgence sanitaire de l'Etat et de secours aux populations civiles victimes de catastrophes dans le monde entier.

Enfin, l'action « surcoûts liés aux opérations extérieures » consacre une heureuse avancée dans la prévision des dépenses. Alors que près de 11 000 hommes sont déployés sur des théâtres extérieurs, les dépenses supplémentaires occasionnées par ces opérations devraient atteindre environ 550 millions d'euros en 2005. Elles seront entièrement financées par le décret d'avance publié à la fin du mois de septembre. Pour 2006, le projet de loi de finances inscrit 250 millions d'euros à ce titre, ce qui constitue une avancée indéniable. Pour l'exercice 2006, le financement d'environ la moitié des opérations extérieures sera ainsi assuré dès la loi de finances initiale.

Pour ce qui concerne le financement des surcoûts liés aux opérations intérieures, aucun crédit n'est demandé dans le cadre du projet de loi de finances.

La commission de la défense nationale a alors approuvé les conclusions du rapporteur sur les crédits du programme « Préparation et emploi des forces ».

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Mission « Défense » : « soutien de la politique de la défense » (avis).

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-Claude Beaulieu, les crédits de la Mission « Défense » : « soutien de la politique de la défense », pour 2006.

M. Jean-Claude Beaulieu, rapporteur pour avis, a noté qu'avec un budget de seulement 3 milliards d'euros, le programme 212 « soutien de la politique de défense » arrivait loin derrière ceux relatifs à la préparation et l'emploi et des forces et à l'équipement. Placé sous la responsabilité directe du secrétaire général pour l'administration, il retrace pourtant toutes les fonctions transversales du ministère de la défense.

Les actions de « pilotage » et de « contrôle » appellent peu de commentaires : elles ne regroupent que quelques centaines de personnes chacune et mobilisent peu de moyens. L'action « gestion centrale », en revanche, est pourvue de moyens plus substantiels puisque, avec 3 400 agents, elle rassemble les effectifs du secrétariat général pour l'administration et des organismes qui lui sont rattachés, à l'exception de quelques services spécifiques. Les crédits de cette action s'élèveront en 2006 à 537 millions d'euros de crédits de paiement.

Enfin, l'action relative aux systèmes d'information, d'administration et de gestion regroupe tous les systèmes informatiques de la défense. Sa création a conduit le ministère à concevoir deux nouvelles directions en matière informatique. La direction générale des systèmes d'information et de communication (DGSIC) aura pour objectif de mettre fin à la dispersion des politiques en matière informatique. La direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information (DIRISI) regroupera des services éparpillés dans le ministère dans le but d'assurer la fonction support de l'ensemble des réseaux de la défense. Les crédits de cette action s'élèveront, en 2006, à 106 millions d'euros de crédits de paiement. Ils permettront la poursuite de la réalisation d'un certain nombre de projets parmi lesquels les plus importants concernent la gestion des ressources humaines, la gestion des ressources financières ou de l'intranet dit « sensible ».

L'action immobilière est la plus lourde du programme. Avec 2 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, elle mobilise les deux tiers des ressources. Le rapporteur a souhaité apporter un éclairage particulier sur les deux armées qui disposent du plus grand nombre d'emprises et qui ont des préoccupations diamétralement opposées : l'armée de terre et la gendarmerie.

Avec la professionnalisation des armées, les forces terrestres ont considérablement réduit leurs effectifs. Malgré les cessions de biens immobiliers déjà intervenues, elles disposent encore de 175 000 hectares de terrain et de 20 millions de m² de plancher répartis en 220 garnisons et 1 950 immeubles. L'armée de terre considère que 650 de ces emprises, un tiers de son patrimoine, pourraient être cédées. Mais une contrainte particulièrement lourde et onéreuse s'impose : la dépollution.

Un décret paru en 2003 assouplit les règles et permet de dépolluer en regard de l'usage futur du terrain. Le coût de la dépollution étant directement lié à la profondeur des travaux, son ampleur est désormais modulée en fonction des projets de réutilisation des sites. Un autre décret, encore en préparation, permettra bientôt de faire réaliser par des entreprises privées dûment habilitées, certains travaux, notamment pyrotechniques, que les armées ne peuvent assumer faute de moyens suffisants en personnels. En effet, les personnels du ministère de la défense, comme ceux du ministère de l'intérieur, sont censés agir principalement sur des déminages inopinés. La dépollution systématique des emprises à céder ne fait pas partie de leurs attributions. Enfin, les dépollutions s'avérant particulièrement coûteuses, un fonds interarmées de dépollution (FID) a été mis en place en 2004 et est alimenté par une partie des revenus tirés des ventes de biens immobiliers. Il permet la prise en charge des opérations les plus onéreuses.

La gendarmerie, de son côté, a des préoccupations tout à fait différentes : loin d'avoir perdu des effectifs, elle en a gagné au cours de ces dernières années. Dès lors, le souci principal n'est pas de céder des emprises, mais d'en trouver de nouvelles pour un personnel dont la réglementation prévoit qu'il doit être logé « par nécessité absolue de service ».

La gendarmerie, qui compte 4 101 casernes en France métropolitaine et outre-mer, dispose actuellement d'un parc de près de 80 000 logements pour son personnel militaire. Les emprises domaniales sont évidemment les moins coûteuses puisque la gendarmerie n'a pas de loyer à verser. Toutefois, l'acquisition de casernes, malgré un intérêt à terme évident, reste très limitée pour des raisons budgétaires. Or, le recours accru au secteur locatif entraîne une conséquence directe sur les charges de loyer payées par la gendarmerie : alors que cette somme s'élevait à 327 millions d'euros en 2004, elle est passée à 353 millions en 2005, atteindra 380 millions d'euros l'an prochain, dépassera probablement les 400 millions en 2007 et s'établira aux alentours de 450 millions en 2008.

La gendarmerie essaie actuellement de privilégier la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine de l'Etat (AOT) qui lui permet de s'associer à un opérateur privé. Ce dernier fait construire et loue aux militaires la caserne et les logements pendant une durée comprise entre 25 et 30 ans. A l'issue de cette période, l'Etat devient propriétaire du bien. Cette procédure induit le paiement d'un loyer pendant plusieurs années, mais fait entrer, à terme, l'emprise dans le domaine de l'Etat. L'objectif est de remplacer toute une génération de casernements anciens dont certains sont devenus vétustes, mais également de loger les 7 000 gendarmes supplémentaires dont la LOPSI autorise le recrutement. Il s'agit également de loger en caserne les militaires qui, actuellement, sont logés à l'extérieur. En l'absence de perturbation budgétaire, sept à huit années seront nécessaires pour mener à bien cette ambition.

Mais les opérations d'infrastructure ne se résument pas à des acquisitions ou à des cessions. Les plus importantes concernent actuellement des opérations de construction ou de reconstruction sur des emprises qui sont depuis longtemps la propriété de la défense. C'est le cas de la reconstruction de l'hôpital militaire Sainte-Anne, à Toulon (230 millions d'euros), de la construction de l'école d'hélicoptères franco-allemande du Luc, destinée à former les équipages du Tigre (87,5 millions d'euros), de la création du pole stratégique de Paris - qui consiste à rénover l'infrastructure de commandement stratégique et à renforcer la sécurité du ministère de la défense (136 millions d'euros) -, de la construction du centre d'entraînement en zone urbaine, le CENZUB, à Sissonnes (75 millions d'euros) ou de la création du quartier général français de la force de réaction rapide de l'Otan, dans la citadelle de Lille (45 millions d'euros).

Le rapporteur a ensuite présenté l'action sociale du ministère de la défense. La professionnalisation des armées a conduit au remplacement des appelés, dont la plupart étaient célibataires, par des engagés volontaires qui restent plusieurs années sous l'uniforme et dont la proportion de chargés de famille est bien plus importante. La question de l'emploi du conjoint et de la garde des enfants se pose donc avec beaucoup plus d'acuité que par le passé, surtout dans une armée dont le nombre de militaires affectés en opérations extérieures a connu une augmentation impressionnante depuis une dizaine d'années. L'assistance aux familles restées dans la ville de garnison devient primordiale. Dans ce contexte, l'action sociale qui s'adresse aussi bien aux agents civils qu'aux militaires s'inscrit comme un élément essentiel de la condition du personnel.

Pour mettre en œuvre sa politique sociale, le ministère dispose d'un partenaire privilégié : l'institut de gestion sociale des armées (IGESA) avec lequel est passé un contrat pluriannuel d'objectifs. Acteur essentiel de la mise en œuvre de la politique sociale du ministère de la défense, l'IGESA gère une quarantaine d'établissements de vacances, soixante-dix centres, treize crèches, vingt-huit haltes-garderies et deux maisons d'enfants. Les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2006 au titre de l'action sociale de la défense s'élèvent à 88 millions d'euros d'autorisations d'engagement, mais atteignent 165 millions d'euros avec les dépenses en personnel. Ces chiffres présentent le principal défi que le ministère de la défense aura à relever en matière d'action sociale : comment réduire les coûts de fonctionnement pour que la plus grande partie des crédits soient consacrés aux prestations et non à la gestion ?

Après avoir rappelé l'intérêt de la nouvelle architecture budgétaire qui permet d'obtenir une meilleure vision des missions budgétaires dans des domaines comme l'immobilier ou l'action sociale, M. Jean-Claude Beaulieu a estimé que le projet de loi de finances pour 2006 prévoyait un budget cohérent pour la défense en général et son soutien en particulier.

La commission de la défense nationale a alors approuvé les conclusions du rapporteur sur les crédits du programme « Soutien de la politique de défense ».

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Loi de finances pour 2006 : crédits de la Mission « Défense ».

M. Jean-Michel Boucheron a déclaré qu'après mûre réflexion, le groupe socialiste voterait contre les crédits de la Mission « Défense », non pour s'opposer aux intentions affichées mais parce que les crédits proposés relèvent d'un exercice virtuel, voire de l'équilibrisme.

M. Michel Voisin s'est étonné de cette prise de position, eu égard à l'effort remarquable consenti depuis quatre ans, tranchant avec une période marquée par les effets de la croyance aux « dividendes de la paix », et qui a permis de faire passer de 1,79 % à 2,17 % du PIB les crédits consacrés à la défense. Ce résultat a été obtenu de haute lutte par la ministre de la défense face au ministère des finances et justifie le vote du groupe UMP en faveur du budget de la Mission « Défense ».

Le président Guy Teissier a souligné que le Président de la République, chef des armées, avait joué un rôle décisif et constant dans les arbitrages budgétaires concernant la défense.

La commission de la défense a alors donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la Mission « Défense ».

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