COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 14

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 16 novembre 2005
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Guy Teissier, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur le projet de loi (n° 2156) modifiant la loi n° 99-894 du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense.



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Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur le projet de loi (n° 2156) modifiant la loi n° 99-894 du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense.

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur le projet de loi (n° 2156) modifiant la loi n° 99-894 du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense.

Rappelant l'intérêt que portent les membres de la commission sur la question des réserves, le président Guy Teissier a observé que le projet de loi présenté par la ministre de la défense était très attendu par les réservistes. L'examen de ce texte donnera certainement l'occasion à la commission de reprendre les propositions formulées dans le rapport d'information présenté sur le sujet avec M. Jean-Louis Léonard, le 2 novembre 2004. A travers les débats qui s'ouvrent, les parlementaires actuels, « enfants de la conscription », œuvreront pour les générations futures, qui, elles, n'auront pas connu les obligations du service national.

Mme Michèle Alliot-Marie a souligné l'intérêt personnel qu'elle porte au rôle et à la place des réservistes. Cette question de fond concerne effectivement l'avenir.

Le projet de loi modifiant la loi n° 99-894 du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense, est essentiel pour les armées mais aussi pour la nation, car les réserves constituent tout à la fois un complément indispensable aux forces d'active et une passerelle avec la société civile. Un cadre juridique existait déjà mais sa réforme est apparue nécessaire afin de rendre la réserve plus réactive et attractive.

La loi du 22 octobre 1999 a créé une réserve d'emploi fondée sur le volontariat. L'armée de terre et la gendarmerie nationale, en recourant à ce renfort quantitatif, ont démontré la pertinence et le besoin d'un tel mécanisme. Cependant, les armées ont également des besoins qualitatifs dont la satisfaction est devenue plus difficile avec la disparition des conscrits très qualifiés. C'est ainsi que le ministère de la défense enregistre actuellement des déficits en personnels atomiciens de la marine, en médecins ou personnels de santé ainsi qu'en informaticiens. La réserve n'a permis de résoudre ce problème que de façon partielle, de sorte qu'il est apparu nécessaire d'améliorer le cadre juridique actuel sur le fondement des enseignements de l'application de la loi de 1999.

Les mesures proposées dans le projet de loi soumis au Parlement s'inspirent tout à la fois des propositions des différents rapports parlementaires élaborés sur le sujet, de contacts noués sur le terrain avec des réservistes et d'une étude interne conduite par l'état-major des armées. L'objectif consiste à mettre en place une réserve mieux structurée et davantage tournée vers le besoin opérationnel.

Les trois principes édictés par la loi de 1999, à savoir le volontariat, le partenariat entre l'Etat et les employeurs de réservistes, ainsi que l'intégration de la réserve au sein des forces d'active, ont été maintenus. Le projet de loi poursuit néanmoins d'autres objectifs.

Le premier consiste à rationaliser l'organisation de la réserve. La distinction entre réserve opérationnelle et réserve citoyenne sera maintenue mais la première regroupera désormais les anciens militaires soumis à l'obligation de disponibilité et les volontaires tandis que la seconde ne comptera dans ses rangs que les seuls bénévoles affectés à la promotion du lien entre les armées et la nation. Bien évidemment, rien n'interdira aux réservistes de passer d'une réserve à l'autre : les réservistes opérationnels pourront ainsi volontairement contribuer à la promotion du lien entre les armées et la nation tandis que les bénévoles de la réserve citoyenne auront la possibilité de souscrire un engagement à servir dans la réserve opérationnelle. La distinction entre les deux réserves ne signifie pas pour autant leur cloisonnement.

Le deuxième objectif du projet de loi est le renforcement de l'efficacité de la réserve opérationnelle. Le délai de préavis nécessaire à l'information des employeurs est réduit de deux à un mois. Cette disposition a obtenu l'accord des employeurs privés et publics participant au Conseil supérieur de la réserve militaire (CSRM). En outre, une clause de réactivité des engagements à servir dans la réserve sera introduite afin de raccourcir à 15 jours, voire moins, les délais de préavis en cas de nécessité et après accord individuel préalable de l'employeur. Parallèlement, le plafond de la durée des services des réservistes sera porté à 150 jours pour les missions opérationnelles et à 210 jours pour l'exercice de certaines fonctions présentant un intérêt majeur pour la défense. Le recours aux réservistes deviendra plus prévisible et plus stable dans la durée, ce qui présente un avantage réel dans le cas des opérations extérieures.

Le troisième et dernier objectif du projet de loi consiste à faciliter le recrutement et l'emploi des réservistes. Il est notamment question de reculer les limites d'âge des personnels, les militaires du rang pouvant ainsi servir dans la réserve jusqu'à 50 ans tandis que les autres catégories bénéficieront d'un allongement aligné sur le recul des limites d'âge inscrit dans le nouveau statut général des militaires. Certaines conditions d'admission dans la réserve seront revues, les anciens légionnaires, notamment, n'en étant plus exclus. De même, le partenariat entre le ministère, les employeurs et les réservistes sera renforcé. Une trentaine de conventions a été signée à cette fin et de nombreuses autres sont en cours de préparation. L'objectif étant de rendre la réserve plus attractive, des mesures d'incitation financière pourront être accordées aux employeurs privés, pour lesquels l'emploi d'un réserviste peut parfois constituer une contrainte qu'il convient de compenser. Le ministère s'engagera également à communiquer aux entreprises partenaires diverses informations sur les engagements opérationnels des armées et sur les débouchés économiques qui, sur les théâtres d'opérations extérieures notamment, sont susceptibles de les intéresser. Par ailleurs, certains cadres réservistes de ces entreprises pourront bénéficier d'une formation complémentaire axée sur la sensibilisation aux problèmes d'intelligence économique. Enfin, les entreprises ayant signé une convention avec la défense continueront de se voir attribuer un label « partenaire de la défense ». Celles qui accordent des avantages à leurs réservistes pourront bientôt bénéficier d'un crédit d'impôt qui sera calculé en fonction des efforts consentis en termes de réactivité et de maintien du salaire. Le dispositif sera mis en place grâce à un amendement au projet de loi de finances rectificative.

Des mesures incitatives sont également prévues en direction des réservistes à qui les états-majors devront confier des activités valorisantes. Dès 2005, trois millions d'euros ont été inscrits pour la formation initiale des réservistes et ce montant sera doublé en 2006. D'autres mesures qui ne sont pas de nature législative sont à l'étude, comme la modification des conditions d'avancement d'échelon dans les différents grades. Les mesures de fidélisation restent tributaires du contexte budgétaire.

Sans bouleversement, le projet de loi constitue une pièce maîtresse du plan d'action pour les réserves défini dès 2004. Il convient de poursuivre la montée en puissance de la réserve opérationnelle et de promouvoir la réserve citoyenne auprès des jeunes. Le projet de loi donne un élan nouveau et significatif aux réserves, en reconnaissant le rôle des réservistes et en prenant en compte les difficultés qu'ils pouvaient rencontrer.

Le président Guy Teissier a souligné la persévérance et la constance de l'action de la ministre s'agissant des objectifs et des moyens de la réserve. Par-delà les aspects législatifs, il est nécessaire d'œuvrer en faveur d'une transformation des mentalités, afin que les militaires professionnels considèrent les réservistes comme des partenaires à part entière, comme c'est le cas dans les pays anglo-saxons. L'ignorance du rôle joué par les réserves est encore souvent trop grande dans les armées et une action pédagogique devrait être menée dans les écoles de formation des cadres pour la faire reculer. La mise en place d'une véritable réserve pourra être considérée comme achevée lorsqu'une section ou une compagnie complète sera employée lors d'une mission opérationnelle. A ce jour, la réserve constitue surtout une force d'appoint et un réservoir de compétences professionnelles individuelles. De plus, elle est caractérisée par un trop faible nombre de militaires du rang, ce que le projet de loi entend corriger.

L'effort en direction des jeunes doit s'exercer en leur proposant des parcours de carrière dans la réserve aussi proches que possible de ceux observés dans l'armée d'active. Il convient également que la fonction publique donne l'exemple : trop souvent des fonctionnaires déplorent les difficultés qu'ils rencontrent pour mener à bien leurs activités militaires. La mise en place d'un dispositif fiscal adapté comblera la principale lacune de la loi de 1999. Enfin, il serait nécessaire de veiller à ce que les réservistes au chômage effectuant des périodes dans la réserve ne soient pas pénalisés par la suppression de leurs allocations.

M. Jean-Claude Viollet a formé le vœu que ce projet de loi soit examiné avec le même état d'esprit constructif que celui qui avait prévalu lors de l'examen du statut général des militaires. Il a insisté sur l'importance d'une approche interarmées pour la gestion de la réserve, notamment en mobilisant les délégués militaires départementaux. Il a interrogé la ministre sur la protection juridique des réservistes citoyens et s'est interrogé sur l'opportunité de supprimer la limite d'âge dans la réserve citoyenne et de s'en remettre à l'agrément pour apprécier la qualité de chaque réserviste citoyen. Il convient de s'interroger sur les modalités d'une plus grande participation du mouvement associatif à la constitution de la réserve. Au-delà du dispositif de crédit d'impôts, il faudra examiner la question du différentiel de rémunération entre l'activité militaire et l'activité civile, qui nuit actuellement à l'attractivité de la réserve opérationnelle pour les militaires du rang et les sous-officiers. Les périodes de formation des réservistes pourraient être compensées par une moindre contribution des employeurs au titre de la formation professionnelle.

Face à la présence insuffisante des entreprises françaises dans les contrats de reconstruction, il serait souhaitable d'envisager le détachement de réservistes dans les structures civilo-militaires afin d'aider nos entreprises à mieux répondre à ces marchés.

La valorisation des réserves suppose également de développer une structure de soutien particulière, la journée du réserviste constituant certes un moment fort mais n'ayant pas le retentissement national nécessaire.

Mme Michèle Alliot-Marie a marqué son accord avec le président Guy Teissier au sujet de la nécessaire évolution des mentalités et du travail de communication à mener auprès de la jeunesse.

La question des réservistes qui pourraient, dans le civil, connaître une période de chômage ne se pose pas dans la mesure où le code de la sécurité sociale permet le cumul de la solde avec l'allocation chômage si l'activité ne dépasse pas 136 heures par mois et si la solde n'est pas supérieure à 70 % du dernier salaire reçu.

La réserve citoyenne a vocation à soutenir le dispositif opérationnel actuel. Alors que la France est souvent la première nation présente sur un théâtre d'opérations extérieur et effectue en général un travail difficile, d'autres pays arrivent plus tard et obtiennent les contrats de reconstruction, ce qui est dommage à la fois pour l'image du pays et pour nos entreprises. Les réservistes citoyens doivent permettre de mieux anticiper les opportunités pour les entreprises françaises. À plus long terme, ils peuvent favoriser l'action de ces dernières sur le terrain et, après avoir souscrit un engagement dans la réserve opérationnelle, participer, par exemple, à la remise sur pied des administrations de ces pays, afin que le droit anglo-saxon ne soit pas dominant.

Le développement d'une approche interarmées est nécessaire et sera facilité par la stratégie ministérielle de réforme qui implique une mutualisation accrue de certains services.

La couverture juridique des réservistes opérationnels est désormais complète, notamment en opération extérieure et on peut s'interroger sur l'existence de véritables risques juridiques encourus par les réservistes citoyens.

La suppression de la limite d'âge de la réserve citoyenne peut être envisagée, même si celle-ci est sensiblement reculée. Il convient toutefois de conserver une image dynamique des armées.

Il est possible d'étudier une modulation des contributions des employeurs au titre de la formation professionnelle, mais cela relève d'une loi de finances. Quant à la promotion des réserves, elle relève en partie de la direction de la communication de la défense (DICOD). Les difficultés réelles rencontrées pour motiver les chefs d'entreprise rendent nécessaire la poursuite de la réflexion sur l'adaptation du dispositif. Il est envisageable, certaines années, de regrouper la journée nationale du réserviste et la journée Nation-défense.

Le président Guy Teissier a estimé nécessaire de maintenir le principe d'une solde afférente au grade, au risque d'avoir des réservistes dont la solde serait inférieure à la rémunération servie dans leur emploi civil. La prime de fidélité ne pourrait-elle pas constituer une solution permettant de compléter la solde le cas échéant ? Il convient cependant de souligner que l'engagement dans la réserve revêt une dimension citoyenne pour laquelle on peut admettre une petite perte de revenu s'il s'agit d'un service offert à la nation.

Mme Michèle Alliot-Marie a souligné que cet esprit est à préserver.

M. Jean-Louis Léonard a signalé que le texte proposé constitue une véritable rupture culturelle entre la réserve du passé et celle, véritablement opérationnelle, qui est souhaitée. La loi du 22 octobre 1999 ne permettait pas de distinguer suffisamment la réserve opérationnelle de la réserve citoyenne. Le texte qui vient en discussion permet une saine clarification. Un vrai travail pédagogique reste cependant à faire.

La réserve, même si elle tend vers une interarmisation, doit rester gérée par chacune des armées avec ses soucis propres. A titre d'exemple, le maillage de la marine et celui de la gendarmerie sont trop différents et justifient que chaque armée conserve la gestion de sa réserve.

La fixation d'une limite d'âge dans la réserve citoyenne la rapproche trop de la réserve opérationnelle. Il paraît souhaitable de privilégier une limite exprimée en termes d'aptitude, celle-ci étant définie par un agrément.

Le projet de loi remet en cause l'existence du Conseil supérieur de la réserve militaire (CSRM). Le fonctionnement actuel de cette instance n'est pas satisfaisant : le déséquilibre de représentation constaté en son sein résulte d'une surreprésentation des organisations syndicales, celles-ci siégeant ès qualités et comme représentants de la fonction publique. Il conviendra de bien préciser la structure du futur CSRM.

La couverture sociale du réserviste opérationnel pose encore quelques difficultés : des différentiels ou des flous subsistent, notamment en cas d'accident. L'engagement actuel des gendarmes en France illustre la réalité des risques.

Enfin, il convient de signaler que l'équipement des réservistes est insuffisant, notamment dans la gendarmerie. Dans cette arme, d'ailleurs, il serait souhaitable d'envisager une réflexion sur l'ouverture du statut d'agent de police judiciaire adjoint (APJA) aux réservistes.

Mme Michèle Alliot-Marie a déclaré partager l'analyse sur la rupture culturelle concernant les réserves. L'interarmisation de la réserve s'avère certes difficile mais relève d'une certaine logique. Il ne s'agit pas d'intervenir dans la gestion des réservistes mais d'inciter ceux-ci à mieux se connaître comme c'est le cas pour les militaires d'active des différentes armées.

Une large refonte des textes réglementaires est prévue pour remédier aux insuffisances du CSRM ; la représentation permanente de la fonction publique est indispensable.

Les réservistes bénéficient, notamment en opérations extérieures, de la même couverture sociale que les militaires d'active. Il ne semble pas subsister aujourd'hui de faille, mais une réflexion sur ce sujet peut être envisagée.

L'équipement des réservistes de la gendarmerie est prévu dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure (LOPSI). 11 000 gilets pare-balles sont déjà en dotation pour les réservistes et d'autres équipements peuvent être fournis à la demande. Les nouvelles tenues seront disponibles dès cette année, l'intégralité des crédits prévus à cet effet ayant été maintenue. Depuis trois ans, un effort de rattrapage en termes d'équipement est mené mais il est compréhensible que les unités d'active soient équipées avant les réservistes.

Enfin, l'ouverture du statut d'APJA aux réservistes est souhaitable.

Après avoir regretté la suspension du service national, M. Michel Dasseux, rapporteur de la loi du 22 octobre 1999, a rappelé que ce texte avait vocation à évoluer dans le temps. Les modifications envisagées sont intéressantes même si certaines paraissent insuffisantes ou mal adaptées. Il est cependant sans doute exagéré de parler de rupture culturelle à propos des évolutions proposées.

Mme Michèle Alliot-Marie a précisé que la rupture réside dans une vraie différenciation entre la réserve opérationnelle et la réserve citoyenne. S'agissant de la suppression du service national, il convient de souligner que la France dispose actuellement de militaires efficaces sur le terrain parce qu'elle a fait le choix d'une armée professionnelle. La France a choisi d'exister en terme militaire, donc politique, et ce choix est le bon. La journée d'appel et de préparation à la défense (JAPD) pourrait être utilisée comme un outil de recrutement dans la réserve. Elle s'adresse maintenant à l'ensemble de la population de jeunes, garçons et filles. Sur les 840 000 jeunes reçus chaque année dans le cadre de cette journée, 60 000 sont détectés comme étant en difficulté ; plus de la moitié d'entre eux sont pris en charge par la défense de différentes façons : engagement dans l'armée d'active, recrutement dans le cadre du plan « défense - 2ème chance », cadets de la gendarmerie ou des pompiers...

M. Michel Dasseux a précisé qu'il n'était nullement opposé à une armée de métier. Le service militaire nécessitait certes d'être réformé et démocratisé, mais constituait un lieu où les différentes catégories sociales pouvaient se rencontrer, lieu qui n'existe plus désormais.

Le président Guy Teissier a souligné que si le service militaire avait effectivement cette fonction autrefois, tel n'était plus le cas au cours des dernières années de son existence, puisque certains pouvaient s'affranchir de leurs obligations militaires. Le service national ne constituait plus ce lieu de brassage, et était devenu de facto un système inégalitaire.

M. Philippe Folliot a relevé que le projet de loi apporte une légitime et nécessaire clarification sur le dispositif des réserves. Dans la gendarmerie, la réserve opérationnelle joue un rôle essentiel ; son caractère opérationnel est intimement lié à la forte présence des personnels sur le terrain. D'ailleurs, les réserves de la gendarmerie représentent environ la moitié de l'objectif total en matière de réserves.

M. Philippe Folliot s'est ensuite félicité que la ministre se soit déclarée favorable à la proposition du rapporteur attribuant le statut d'agent de police judiciaire adjoint (APJA) aux gendarmes réservistes. Par ailleurs, il convient de relativiser les difficultés rencontrées pour les équipements, par exemple pour les gilets pare-balles : il est rare que des gendarmes réservistes se trouvent face à de réels dangers, car ils sont le plus souvent affectés à des opérations de prépositionnement lors de manifestations de grande ampleur. En fait, les réserves constituent une nécessaire et utile variable d'ajustement, dans un sens tout à fait positif, et permettent ainsi d'avoir un dispositif opérationnel et bien adapté. En matière de maintien de l'ordre, ce sont tout d'abord les gendarmes mobiles qui devraient être sollicités, puis les pelotons d'intervention et de surveillance de la gendarmerie (PSIG), puis la gendarmerie départementale et, en dernier lieu, les réservistes. Ceux-ci ne doivent être mobilisés que dans des situations véritablement exceptionnelles. Dans l'ensemble, la situation générale de la gendarmerie s'est largement améliorée au cours des dernières années, ce dont profitent également les réservistes.

Tout en admettant qu'il est souhaitable de recourir en premier lieu aux forces les mieux formées, M. Yves Fromion a estimé que, lors de troubles importants, des réservistes peuvent être mobilisés dans des secteurs sensibles. Au cours des violences urbaines survenues ces dernières semaines, ces personnels réservistes se sont montrés particulièrement dévoués dans l'exercice de leur mission, mais ils étaient souvent jeunes, et n'avaient suivi qu'une courte formation. En tout état de cause, il serait aventureux d'affirmer qu'on n'utilisera en aucune circonstance des gendarmes réservistes pour des opérations de maintien de l'ordre.

M. Yves Fromion a ajouté qu'il était favorable à ce que la qualification d'APJA ne soit pas attribuée de façon automatique, notamment à des personnels très jeunes et peu formés. Une telle automaticité serait d'ailleurs sans doute mal vécue au sein de la gendarmerie elle-même.

Mme Michèle Alliot-Marie a précisé que l'attribution de la qualification d'APJA ne pouvait être obtenue sans une formation complémentaire et sans prestation de serment.

Le président Guy Teissier a ajouté que cette qualification devait être effectivement assortie de conditions, afin de récompenser les plus méritants. Il a précisé qu'il ne partageait pas pleinement l'avis de M. Philippe Folliot s'agissant de l'utilisation des gendarmes réservistes : les mettre face à des situations de crise leur permet de s'aguerrir et d'être à même de remplir un plus large éventail de missions. Du fait de la nature même des fonctions de la gendarmerie, très différentes de celles des autres armées, les réservistes y sont employés dans des situations beaucoup plus diversifiées.

M. Michel Voisin a précisé que l'attribution de la qualité d'APJA est conditionnée à l'obtention de qualifications juridiques et à une prestation de serment.

Le président Guy Teissier a rappelé que la ministre avait répondu cette après-midi, en séance publique, à une question relative à la conclusion du contrat de frégates multimissions. Serait-il possible d'avoir davantage d'informations sur sa teneur ?

Mme Michèle Alliot-Marie a souligné que ce contrat revêtait une grande importance aussi bien pour la marine que pour les salariés des entreprises impliquées, mais aussi pour l'Europe de la défense. L'important travail effectué par les différents services a permis d'obtenir ce succès et de lancer ainsi le plus grand programme naval jamais réalisé en Europe. Le montant du contrat atteint 11,1 milliards d'euros, pour la construction de 27 frégates, dont 17 pour la France et 10 pour l'Italie. Ce programme permet ainsi de renouveler en grande partie la flotte de surface qui commence à vieillir, même si sa disponibilité a notablement augmenté grâce aux efforts financiers consentis dans ce domaine et à l'amélioration de l'efficacité de DCN. La livraison du premier bâtiment est prévue pour 2011. La conclusion de ce contrat constitue une bonne nouvelle pour les salariés de DCN, notamment ceux de l'établissement de Lorient : en effet, le programme Horizon s'achèvera en 2008. La construction des frégates représentera environ 10 % de l'activité du site de Lorient en 2006, 50 % en 2007 et mobilisera ensuite la quasi-totalité de ses capacités de production. Le lancement de ce programme aura également des conséquences positives pour l'établissement de Brest puisque les capacités d'ingénierie de ce dernier seront mobilisées dès 2006. De même, les sites de Toulon, Ruelle et Indret seront concernés par le programme. D'autres sociétés prennent part à ce programme : Thales réalise le radar et le sonar des bâtiments, tandis que MBDA assure le développement et la fourniture des systèmes de missiles.

Sur le plan européen, ce programme de frégates est le premier contrat naval porté par l'OCCAR (Organisation conjointe de coopération en matière d'armement), pour laquelle il s'agit du deuxième contrat en termes de volume financier, après l'A 400 M. Il constitue une avancée indéniable en matière de défense européenne, dans une période d'attente et de morosité. Une fois de plus, c'est par le biais de la défense que l'Europe progresse. Cela a été rendu possible grâce à la visibilité que donne la loi de programmation militaire.

M. Jean-Louis Léonard a souhaité savoir quelle serait la durée de ce programme.

Mme Michèle Alliot-Marie a répondu que les premières livraisons débuteraient en 2011 et que le programme se déroulerait sur une période d'environ douze années.

Le président Guy Teissier a demandé si l'Italie s'était impliquée de façon formelle dans ce contrat.

Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué que l'Italie s'était engagée sur l'acquisition de quatre frégates, ainsi que sur la possibilité de commander les autres exemplaires prévus. En tout état de cause, le contrat étant signé, le programme est lancé ; si l'Italie voulait retarder le programme, elle devrait en assumer les conséquences, notamment en termes de pénalités, mais cela n'aurait pas d'incidence sur la partie française du programme.

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