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COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 17

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 7 décembre 2005
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Guy Teissier, président

SOMMAIRE

 

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- Examen du rapport d'information sur le service militaire adapté (Mme Françoise Branget, rapporteure)


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Service militaire adapté (rapport d'information).

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné le rapport d'information de Mme Françoise Branget sur le service militaire adapté.

Mme Françoise Branget, rapporteure, a rappelé que le service militaire adapté (SMA) est un dispositif qui concentre ses efforts sur la resocialisation, la réinsertion et la pré-formation des jeunes en difficulté.

Si son image est bien entendu militaire, en raison de l'encadrement et du statut militaire des volontaires, il dépend de fait presque exclusivement du ministère de l'outre-mer pour ses financements. Il s'agit d'une structure très largement interministérielle, à la fois pour la définition des priorités et pour son commandement.

Les personnels du ministère de la défense mis à la disposition du ministère de l'outre-mer ne sont pas pris en charge par le budget de la défense tant qu'ils sont affectés au SMA. La mission qui leur est confiée diffère profondément de ce que peut être le quotidien d'une armée professionnalisée, mais la plupart sont satisfaits de cette expérience enrichissante.

Le SMA a en effet contribué à former plusieurs générations de jeunes d'outre-mer cumulant des difficultés économiques, sociales et scolaires très importantes. Le taux de chômage dans les collectivités d'outre-mer reste plus de deux fois supérieur à celui de la métropole et les résultats des tests de lecture réalisés lors de la journée d'appel et de préparation à la défense (JAPD) font apparaître que 33,5 % des jeunes ultramarins connaissent des difficultés de lecture.

Pour ces jeunes, le SMA est une véritable deuxième chance dans la vie.

Le dispositif tel qu'il existe aujourd'hui résulte d'une assez longue évolution, le SMA s'étant étendu des DOM aux TOM et autres collectivités territoriales d'outre mer, avec une implantation en 1984 en Nouvelle Calédonie et à Mayotte, et en 1989 en Polynésie française. Le maillage est désormais complet et se caractérise par une grande adaptation aux réalités humaines et géographiques locales.

Avec la professionnalisation des armées, les appelés ont été progressivement remplacés par les volontaires. La professionnalisation est complète depuis 2002 et le nombre de candidats par poste disponible reste élevé : en 2004, trois pour un en moyenne.

La part des filles représente actuellement environ 20 % du total des volontaires. L'objectif, volontariste, est d'augmenter leur proportion à hauteur de 25 % en 2006 et de 50 % en 2015, ce qui suppose la mise en place de filières plus attractives pour elles.

Pour répondre aux besoins locaux, les effectifs de volontaires du SMA sont passés de 2 500 à 3 000 personnes en 2003. Cette augmentation pose cependant un problème dans la mesure où le nombre de cadres n'a pas suivi la même évolution, alors que les relations étroites entre ceux-ci et les jeunes constituent l'une des clés du succès du SMA.

La formation militaire représente 30 % du total du temps passé au SMA, le reste devant être consacré à la formation professionnelle. Cette formation militaire comprend une large part d'apprentissage de la citoyenneté, avec une remise à niveau scolaire dispensée ou encadrée par des professeurs des écoles détachés.

S'agissant de la formation professionnelle proprement dite, trois points doivent être soulignés :

- la grande diversité des formations dispensées ;

- l'importance des partenariats noués avec d'autres acteurs de la formation professionnelle, tels que l'AFPA, les régions et les chambres de commerce et d'industrie ;

- la capacité d'effectuer des adaptations ponctuelles des filières pour répondre à un besoin précis du marché local du travail.

Deux structures particulières accueillent des jeunes ultramarins en métropole, afin de leur dispenser des formations professionnelles non représentées outre-mer. Il s'agit du détachement de Périgueux, depuis 1995, et du centre militaire de formation professionnelle (CMFP) de Fontenay-le-Comte, en vertu d'une convention conclue avec l'armée de terre, depuis 2005. Si la volonté d'offrir un éventail de formations plus large doit être saluée, la mise en œuvre de cette politique se heurte malgré tout à une double contrainte. D'une part, les capacités d'accueil des infrastructures du SMA à Périgueux sont limitées. D'autre part, la vocation première du CMFP demeure la reconversion des militaires et la pérennité du dispositif n'est pas assurée.

L'indicateur de performance du SMA mesure l'insertion des jeunes à l'issue de leur contrat, laquelle est définie comme l'obtention directe d'un emploi ou la poursuite d'une formation. Les taux obtenus sont des plus satisfaisants, avec 72,9 % en 2004, et l'objectif de 80 % fixé à l'horizon 2008 est ambitieux. Le travail de collecte d'informations concernant les parcours des volontaires à l'issue de leur contrat est difficile. Pour disposer de statistiques harmonisées et plus fiables, des partenariats plus structurés avec l'ANPE seraient nécessaires.

Les résultats sont à la mesure du coût global de la formation d'un stagiaire, qui s'établit à 32 400 euros en 2004. L'Union européenne prend en charge de l'ordre de 10 % du coût de fonctionnement par le biais des fonds structurels. L'évolution des crédits consacrés au SMA ces dernières années n'est pas sans soulever quelques inquiétudes, tant en raison de la persistance d'un sous encadrement que de la faiblesse des investissements. Dans certains cas, le retard accumulé en matière de renouvellement des matériels commence à poser la question du respect des normes de sécurité du travail. La pérennité de certaines formations qualifiantes pourrait à terme être remise en question si cette situation se prolongeait.

Le bilan de près de 45 ans d'existence du SMA permet d'identifier les principaux facteurs d'une réussite incontestée, marquée par l'attachement profond au dispositif de l'ensemble des élus d'outre-mer.

La capacité d'adaptation aux réalités économiques et humaines locales, aussi bien pour le choix des implantations que pour celui des formations dispensées, a joué un grand rôle. Le SMA se spécialise de plus en plus dans les formations pré-qualifiantes et la remise à niveau, s'insérant ainsi de façon rationnelle dans l'offre de formation disponible.

Un deuxième facteur important est le temps : plusieurs générations ont servi au SMA, qui dispose de ce fait d'un influent réseau d'anciens et d'une notoriété réelle.

L'adaptation de la pédagogie au public concerné et surtout la priorité donnée au comportement, dans un cadre militaire, constituent quant à eux des éléments déterminants dans l'appréciation portée par les employeurs sur l'apport d'un passage au SMA.

La rapporteure a alors présenté quatre recommandations.

Tout d'abord, le maintien du statut militaire du SMA est indispensable.

Ensuite, un effort particulier doit être consenti pour permettre aux unités du SMA de pouvoir effectivement garantir à l'ensemble des stagiaires de passer l'examen du permis de conduire, ce dernier étant devenu un élément déterminant pour leur insertion.

Pour les jeunes d'outre-mer, la possibilité de suivre en métropole une formation qui n'est pas dispensée localement constitue une véritable chance et cette faculté doit être mieux assurée. Cela suppose une formule garantissant la pérennité du partenariat conclu avec le CMFP de Fontenay-le-Comte ou, à défaut, la mise à disposition d'une emprise d'une taille suffisante pour assurer l'accueil et le développement des filières de formation.

Enfin, un effort financier supplémentaire est nécessaire afin d'assurer un taux d'encadrement satisfaisant et, surtout, d'engager une reprise des investissements. Si des économies peuvent être réalisées en la matière grâce à des partenariats ou à l'externalisation, cet exercice trouve toutefois rapidement ses limites et ne peut dispenser d'une véritable mise à niveau des infrastructures et des équipements.

La rapporteure a conclu son propos en citant des propos du général de Gaulle datant de 1964 sur le SMA, rapportés dans un livre d'Alain Peyrefitte : « il n'est pas dit qu'un jour ou l'autre, on ne devra pas organiser un système comparable en métropole [...] Vous savez, l'armée ça a quand même du bon. Ça enseigne aux jeunes à lire, à écrire et à compter là où l'école a échoué, parce que, entre-temps, les jeunes ont mûri. Ça leur donne une seconde chance. Ça leur apprend à vivre ensemble, à respecter une discipline. »

Le président Guy Teissier a souhaité obtenir des précisions sur les raisons limitant la capacité d'accueil du centre de Périgueux et sur les filières proposées par le centre de formation de Fontenay-le-Comte.

La rapporteure a indiqué que l'exiguïté des locaux du SMA à Périgueux ne permettait pas d'accueillir beaucoup plus que la cinquantaine de stagiaires déjà présents. Le CMFP de Fontenay-le-Comte, qui est le centre de reconversion des militaires de l'armée de terre, permet aux stagiaires du SMA de recevoir des formations qui ne sont pas proposées outre-mer, telles que l'usinage de précision ou l'installation d'antennes, par exemple. Ces formations qualifiantes sont dispensées par l'AFPA.

Le président Guy Teissier a souligné la grande faculté d'adaptation du SMA aux besoins locaux. Il a rappelé qu'une filière d'agent de sécurité avait été créée en Guyane pour répondre à la demande des entreprises. Il a souhaité connaître les causes de la baisse du taux d'encadrement.

La rapporteure a répondu que cette diminution était uniquement liée à des motifs budgétaires. Les candidats à l'encadrement restent nombreux. Ainsi, on compte environ dix candidats par poste de volontaire technicien offert.

M. Yves Fromion a jugé que ce rapport, extrêmement intéressant, arrivait à point nommé. Il a souhaité connaître le taux de placement des jeunes à l'issue de leur formation, ainsi que la proportion de ceux qui se rendaient ensuite en métropole pour y trouver du travail. Les jeunes originaires des DOM-TOM résidant en métropole peuvent-ils retourner outre-mer pour y suivre une formation proposée par le SMA ?

La rapporteure a noté que si les jeunes passés par le SMA s'installent parfois en métropole pour y trouver un emploi, c'est davantage le cas pour les Antillais que pour les Réunionnais ou les Néo-Calédoniens. Il semble cependant que la majorité des volontaires stagiaires restent dans leur région d'origine pour y développer un projet professionnel. Le taux d'insertion, c'est-à-dire de jeunes trouvant un emploi ou une formation qualifiante à l'issue du SMA, est de l'ordre de 70 à 75 %. Mais l'outil statistique manque encore de fiabilité et ne permet pas à l'heure actuelle d'effectuer un véritable suivi du parcours des jeunes après leur passage au SMA. Les principaux acteurs concernés (ANPE, ASSEDIC, conseils régionaux, missions locales...) envisagent d'ailleurs la mise en place d'un dispositif permettant de pallier cette lacune.

La rapporteure a souligné que le service militaire adapté était unanimement apprécié outre-mer et qu'il constituait souvent la seule solution pour des jeunes ne pouvant s'engager dans la voie d'une formation civile classique.

Le président Guy Teissier a souligné l'intérêt du SMA, dont le taux de réussite peut être considéré comme remarquable, dans la mesure où de nombreux stagiaires, à leur arrivée, sont en situation d'échec scolaire total.

M. Yves Fromion a observé que le profil des jeunes concernés par le dispositif « Défense 2ème chance » sera sensiblement identique à celui des stagiaires du SMA. Il s'est ensuite interrogé sur la disparité des statistiques en matière d'illettrisme, en prenant l'exemple du département du Cher où, à l'issue de la JAPD, 15 % des jeunes sont déclarés en difficulté de lecture, ce qui ne correspond pas aux données fournies par le rectorat.

Soulignant la longue expérience du CMFP de Fontenay-le-Comte en matière de formation qualifiante et de suivi professionnel, M. Dominique Caillaud a souhaité que ses capacités, actuellement sous-employées, soient davantage mobilisées au profit des volontaires du SMA. Le centre dispose en effet d'un important réseau d'employeurs et de moyens de suivi personnalisé qui seraient certainement utiles pour les stagiaires, et cette action pourrait être coordonnée avec celle des pôles de compétitivité économique.

Se référant à ses déplacements à Nouméa, Mayotte, La Réunion et Saint-Laurent-du-Maroni, M. Charles Cova s'est associé aux appréciations de la rapporteure sur la qualité de l'encadrement du SMA. Il a ensuite demandé quelle était la part d'autofinancement des unités résultant de leur propre production.

La rapporteure a indiqué que les productions réalisées dans le cadre de la formation, tout particulièrement en matière agricole, étaient effectivement utilisées directement par les régiments et groupements, mais dans une proportion difficilement quantifiable.

Le président Guy Teissier a précisé que, bien souvent, les produits agricoles sont donnés aux stagiaires en fin de semaine, afin qu'ils puissent en faire bénéficier leur famille.

En réponse à une question de M. Charles Cova, la rapporteure a souligné l'importance de la coopération entre le régiment du SMA de la Réunion et Madagascar, certains volontaires pouvant ponctuellement y effectuer des chantiers d'application.

La commission a décidé, en application de l'article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.

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