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COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 35

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 10 mai 2006
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Guy Teissier, président

SOMMAIRE

 

pages

- Audition des représentants des associations de retraités militaires

- Information relative à la commission

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Audition des représentants des associations de retraités militaires.

La commission de la défense et des forces armées a procédé à l'audition des représentants des associations de retraités militaires.

Le président Guy Teissier a souhaité la bienvenue aux dirigeants des associations de retraités militaires, venus devant la commission pour un exercice désormais traditionnel, se félicitant qu'elle puisse ainsi mieux connaître les problèmes qui leur sont spécifiques.

M. Alain Clerc, président confédéral adjoint de la Confédération nationale des retraités militaires, des anciens militaires et de leurs conjoints (CNRM), a émis le vœu que son mouvement soit associé à la concertation sur la future réglementation relative à la protection sociale complémentaire des militaires, qui sera menée sous l'égide de la représentation nationale, de l'Inspection générale des affaires sociales et de l'Inspection générale des finances. Il a par ailleurs recommandé que l'occasion soit saisie pour moderniser les mutuelles en les rapprochant et que soit étudié un adossement à la Caisse nationale militaire de sécurité sociale, à l'instar du dispositif en vigueur pour la Mutualité sociale agricole , avec, en contrepartie des subventions directes ou indirectes, l'obligation de souscrire une affiliation à la mutuelle militaire.

La question de l'avenir des réserves du Fonds de prévoyance militaire et du Fonds de prévoyance aéronautique, malheureusement devenue presque polémique, a été évoquée au Conseil supérieur de la fonction militaire sans que cela se traduise dans les faits. La tentation d'employer ces fonds à des fins pour lesquels ils n'ont pas été prévus inquiète beaucoup la CNRM. Elle demande à la commission de veiller à leur utilisation exclusive au profit de la communauté militaire, contributrice principale, et d'intervenir auprès de Mme la ministre de la défense pour que, dans les programmes immobiliers construits grâce à eux, des logements soient réalisés au bénéfice des anciens militaires âgés et nécessiteux, qui ressortissent de l'action sociale.

Enfin, la CNRM tient beaucoup à ce que le projet de loi de finances pour 2007 contienne une amorce de réponse à la question de l'harmonisation des indices servant au calcul des pensions d'invalidité des personnels non-officiers des armées de terre, de l'air, de la gendarmerie et des services communs. En outre, il serait bon que les bonifications pour service en campagne acquises par les jeunes militaires en opérations extérieures (OPEX) soient prises en compte lorsqu'ils quittent l'armée et sont rattachés au régime général de la sécurité sociale.

M. Jean Bihan, président national de l'Union nationale des sous-officiers en retraite (UNSOR), après avoir précisé qu'il intervenait au nom de l'ensemble des associations membres du Comité d'action des anciens militaires et marins de carrière (COMAC), a remercié le président de la commission pour son courrier en réponse au rapport de la Cour des comptes, qui laissait entendre que les retraités militaires étaient des nantis, ainsi que pour ses réponses concernant les fonds de prévoyance.

Depuis le 1er janvier 2004, les pensions sont revalorisées chaque année à proportion de l'évolution prévisionnelle de l'indice des prix à la consommation hors tabac. Le risque de rupture d'équilibre par rapport aux retraites versées antérieurement à 2004, sur lequel l'UNSOR avait alerté la commission, apparaît maintenant fondé. L'indice des prix à la consommation retenu semble être celui fourni par l'INSEE fin octobre. Les prix ayant augmenté de 2 % entre janvier 2005 et janvier 2006, puis de 1,9 % entre février 2005 et février 2006, le taux de 1,8 % de progression au 1er janvier 2006 semble inexact. Ne vaudrait-il pas mieux revoir le système, attendre l'indice de fin décembre et revaloriser les pensions fin février en prenant en compte l'indice réel de l'année écoulée ? Bien qu'animés par le sentiment de solidarité nationale, les retraités s'inquiètent d'une baisse évidente de leur pouvoir d'achat.

La situation des veuves de retraités militaires les plus anciennes demeure préoccupante, certaines d'entre elles subsistant avec des ressources les situant en dessous du seuil de pauvreté. Le COMAC sollicite l'intervention de la représentation nationale afin d'appeler l'attention du Gouvernement sur ces cas particuliers. Par ailleurs, la loi portant réforme des retraites défavorise les veuves lors du partage de la pension de réversion entre conjoints survivants.

Le COMAC prête également le plus grand intérêt à la prise en compte de l'ensemble des bonifications annuitaires.

Le président Guy Teissier s'étant enquis des catégories de veuves pouvant vivre sous le seuil de pauvreté, M. Jean Bihan a expliqué qu'il s'agissait de femmes âgées, n'ayant jamais travaillé.

M. Michel Lachaud, président de la Fédération nationale des officiers mariniers, quartiers-maîtres en retraite et veuves (FNOM), a remercié à son tour le président de la commission pour sa lettre adressée au premier président de la Cour des comptes, dont le rapport avait touché un point sensible des militaires et anciens militaires : alors que l'article L. 1 du code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR) fait des pensions militaires une rémunération pour services rendus à la nation, en percevoir une tend à devenir une faute. Il conviendrait d'avancer sur le dossier des délais d'instruction des pensions militaires d'invalidité car le système actuel est très lourd.

Après avoir noté que la marine nationale, pendant dix-huit mois, se retrouvera pour la première fois de son histoire dépourvue de groupe aéronaval du fait du grand carénage du Charles-de-Gaulle, et que l'entrée en fonction du Tonnerre n'y suppléera pas, M. Michel Lachaud souhaite obtenir des informations sur le chantier du second porte-avions.

Le président Guy Teissier a souligné que le Mistral et le Tonnerre sont deux très beaux bâtiments ; les petits soucis rencontrés par le premier en ce qui concerne les systèmes d'armes ne se reproduiront pas pour le second.

M. Charles Cova a ajouté que le programme de deuxième porte-avions progressait et que M. Jean-Marie Poimbœuf, président-directeur général de DCN, avait levé les inquiétudes de la commission à propos de la collaboration avec les Britanniques. Une ligne budgétaire considérable - environ 950 millions d'euros - a d'ailleurs été votée au budget 2006. Il s'est donc dit rassuré mais vigilant et a invité M. Michel Lachaud à interroger les autorités de la marine, qui suivent le dossier d'extrêmement près.

M. Jacques Porcheron, président de l'Association nationale et fédérale d'anciens sous-officiers de carrière de l'armée française (ANFASOCAF), a appelé l'attention de la commission sur un jugement du 19 janvier 2005 du tribunal de grande instance de Paris, par lequel un sous-officier du grade d'adjudant-chef en retraite de l'armée de l'air a obtenu la revalorisation du niveau de sa pension par rapport aux militaires du même grade de la marine, c'est-à-dire les maîtres principaux. Le montant des pensions de tous les officiers, quelle que soit leur armée, est identique. Dans son jugement, le tribunal constate qu'il y a eu discrimination entre des non-officiers de la marine et des non-officiers des autres armées. Cette décision de justice s'impose car elle n'a pas fait l'objet d'appel de la part du ministère de la défense. Alors, pour quelles raisons ne l'applique-t-il pas ?

M. Bernard Thibault, secrétaire général adjoint de l'Union nationale du personnel en retraite de la gendarmerie (UNPRG), a demandé s'il était envisagé d'étendre la mesure d'aide financière aux filles ou fils de mère ou de père mort en déportation, instituée par le décret n° 2004-750 du 27 juillet 2004, aux personnes dont le père, après avoir été fait prisonnier sur le territoire national et transféré dans un stalag, y a trouvé la mort suite à une action de guerre.

Puis il s'est interrogé sur la situation administrative des militaires de la gendarmerie détachés en opérations extérieures et pour lesquels aucun journal de marche n'est établi lorsqu'ils n'interviennent pas en unité constituée.

M. André Dosset, vice-président de la Fédération nationale des retraités de la gendarmerie (FNRG), a annoncé qu'il remettrait à la commission la motion votée lors du dernier congrès de son mouvement, organisé à Nantes en janvier 2006, qui aborde les questions de la perte du pouvoir d'achat des retraités, du rapprochement des mutuelles et surtout des fonds de prévoyance militaire.

M. Jacques Bourillet, vice-président de l'Association nationale des officiers de carrière en retraite (ANOCR), a rappelé que l'article 12 de la loi portant statut général des militaires dispose que les fonds de prévoyance « sont conservés, gérés et utilisés exclusivement au profit des ayants droit et de leurs ayants cause ». En première mesure, il y a lieu de préserver ces avoirs de toute convoitise en les plaçant dans un établissement d'intérêt public. Il convient ensuite d'abaisser les cotisations payées par les personnels d'active et d'augmenter les prestations versées. Il importe enfin de réfléchir à l'emploi de ces fonds, dans l'esprit de la loi. A cet effet, l'ANOCR suggère de mettre sur pied un comité d'emploi des fonds de prévoyance, composé de représentants de l'administration de la défense ainsi que de personnels d'active et de réserve. Cette instance proposerait des solutions, après une large consultation menée dans la sérénité. Plusieurs pistes pourraient être explorées : soutien à la reconversion des militaires ; contribution à la recherche d'une solution au problème du logement des militaires ; aide supplémentaire aux ayants droit, tout spécialement pour les veuves et les enfants des personnels décédés en service...

Les retraités militaires ont été surpris de lire dans le rapport de la Cour de comptes qu'ils bénéficiaient d'un régime de retraite favorable par rapport aux autres membres de la fonction publique. Tous les retraités militaires seraient gravement choqués par une remise en cause des dispositions qui viennent d'être adoptées, en 2005, dans la loi portant statut général des militaires, et en 2003, dans la loi sur les retraites.

Si toutes les actions entreprises à propos de la revalorisation des retraites des lieutenants, en particulier celles conduites par le président de la commission, ont abouti, il a fallu attendre un an pour que les intéressés bénéficient des nouvelles dispositions : ils en ont ressenti les effets en mars 2006, avec un effet rétroactif au 1er juillet 2005.

Les retraités militaires ont été profondément blessés de voir leur position statutaire disparaître, même si leur « lien avec l'institution » a été réaffirmé. Cette dernière formulation ne saurait remplacer la force significative d'une position statutaire, marquant la considération de la nation. Cette mesure, ressentie comme une mise à l'écart du monde de la défense, risque de démobiliser les retraités militaires dans les actions qu'ils mènent naturellement et discrètement pour promouvoir l'esprit de défense dans leur entourage, les associations et les écoles, ainsi que pour participer au devoir de mémoire. Il serait dommage pour la vie sociale de tout le pays qu'ils cessent de faire valoir l'esprit de solidarité et l'éthique qui les ont animés pendant leur activité sous l'uniforme et qui les animent toujours. Il y a donc lieu de trouver une nouvelle formulation, exprimant de manière claire et significative les liens entre les retraités et la défense.

M. Bernard Lefèvre, président du Syndicat des anciens médecins des armées (SAMA), a confirmé que la reconnaissance de l'armée revêtait une importance psychologique pour les retraités. En effet, à l'époque de la professionnalisation, l'image de l'armée dépend aussi du message que font passer les retraités.

Année après année, le SAMA poursuit son aide à la réinsertion des anciens médecins des armées et veille aux intérêts des retraités tout en restant fermement attaché au service de santé. C'est dire combien une action syndicale purement professionnelle peut être utile quand elle est pratiquée sans arrière-pensée.

L'année dernière, le SAMA avait fait part à la commission de la création de son observatoire à la reconversion, chargé de mieux comprendre les problèmes des jeunes retraités et de comparer l'évolution parallèle des carrières civiles et militaires des médecins issus du même corps. Cet organisme commence à apporter des renseignements, grâce à l'aide de la direction centrale du service de santé des armées, qui exploite ses enquêtes. Parallèlement, une nouvelle version du guide à la reconversion, préparé sous l'égide du SAMA, sera bientôt éditée par la direction de la fonction militaire et du personnel civil du ministère de la défense, en plein accord avec le service de santé des armées.

Par ailleurs, l'instauration du médecin traitant et de la filière des spécialistes favorise la circulation des patients entre un généraliste et ses correspondants habituels, ce qui peut léser l'ancien médecin militaire, bien souvent inconnu lorsqu'il s'installe. La mise en route de ce nouveau système étant difficile, il est impossible d'en tirer une quelconque conclusion ; le SAMA reste donc vigilant.

Une réelle difficulté de reconnaissance des titres des anciens médecins des armées persiste. La solution, toujours attendue, consisterait à clarifier la situation en établissant une fois pour toutes, par décret, l'équivalence entre les titres de chef de clinique et d'assistant des hôpitaux des armées. Cela n'aurait aucun coût pour la communauté et éviterait bien des tracasseries inutiles.

Le chantage éhonté des assureurs - plus de 500 % d'augmentation - à l'égard des spécialités dites « à risque », telles la chirurgie, l'anesthésie, l'obstétrique ou l'échographie, est une gêne majeure pour l'exercice médical. Cette situation intolérable, qui ne repose sur aucune étude de sinistralité sérieuse, est parfaitement connue des ministères concernés. Plus de 15 000 médecins attendent l'autorisation du ministère des finances pour fonder leur propre assurance, adossée à des groupes sérieux. Il ne leur restera bientôt plus que l'expression des urnes pour se faire entendre !

Dans un autre domaine, celui des anciens combattants, le SAMA continue de conseiller bénévolement des anciens militaires, un peu perdus face au tribunal des pensions. Ce travail, encore mal connu et pas toujours aisé, rend de réels services. Les efforts accomplis pour améliorer les délais d'instruction des pensions sont appréciables.

M. Bernard Lefèvre a complimenté la commission pour les améliorations annoncées dans les actions de chancellerie pour les retraités les plus méritants.

Le service de santé a été perturbé plus que tout autre par la professionnalisation des armées, sans que le nombre et la qualité de ses missions s'en trouvent pour autant réduits. Ce service fonde sa politique, entre autres, sur un recrutement important afin de conserver un contrôle qualitatif et quantitatif suffisant. Cet effort doit bien entendu être poursuivi mais la réserve opérationnelle offre également un apport circonstanciel utile. Le SAMA, qui regroupe un grand nombre d'anciens du corps en a pris conscience et se propose d'être le fer de lance de cette réserve ; c'est dans cet esprit que son président a signé un nouvel engagement et s'est porté volontaire pour une prochaine OPEX, afin de pouvoir tester les difficultés éventuelles et d'aider à leur résolution.

Le président Guy Teissier a alors apporté les éléments de réponse suivants :

- Le ministère de la défense reconnaît qu'il existe une distorsion entre les officiers mariniers et les sous-officiers des autres armées en matière de pensions militaires d'invalidité. Cette iniquité résulte de l'absence d'harmonisation de règles édictées à une époque où chaque armée dépendait d'un ministère autonome. Une étude a chiffré à près de 10 millions d'euros le coût de la réparation de cette injustice, dans l'hypothèse où les pensions militaires d'invalidité de toutes les armées seraient alignées sur celles de la marine. La ministre de la défense a donné son accord de principe pour que soit mis en œuvre un alignement progressif des taux. Une première tranche de 850 000 euros doit être prévue dans le projet de budget pour 2007. Compte tenu de l'importance du coût du rattrapage, seul un plan à long terme, sur une dizaine d'années, est envisageable. Le tribunal des pensions militaires d'invalidité a effectivement donné raison à un plaignant, ancien sous-officier de l'armée de l'air, qui réclamait l'alignement de sa pension sur le barème de la marine. Conscient de l'injustice, le ministère de la défense a décidé de ne pas faire appel de cette décision, qui confirme la nécessité de démarrer la mise en œuvre du plan de rattrapage.

- La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a mis fin au dispositif de transposition automatique aux retraités des mesures salariales générales et des réformes statutaires prises au profit des personnels en activité. Les agents publics civils et militaires retraités voient désormais leur pension progresser en fonction de l'indice des prix. Depuis l'entrée en vigueur de la réforme des retraites, ce nouveau mode d'indexation a permis aux retraités de bénéficier d'une revalorisation de leurs pensions de 1,5 % au 1er janvier 2004, de 2 % au 1er janvier 2005 et de 1,8 % au 1er janvier 2006. La hausse des prix en France, selon les chiffres mêmes de l'INSEE, a bien été évaluée à 1,8 % en 2005. L'augmentation décidée au 1er janvier 2006 apparaît donc cohérente. S'il était normal que les militaires participent à l'effort national de sauvegarde du système de retraites, la réforme de 2003 a tenu le plus grand compte des spécificités du métier des armes en préservant les dispositions propres aux militaires.

- Les pensions de réversion servies aux veuves d'anciens militaires relèvent des régimes spéciaux de retraite des agents publics, qui obéissent au code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR). Ainsi, la pension de réversion servie aux veuves des fonctionnaires civils et militaires correspond à 50 % de la pension qu'aurait obtenue le conjoint. Ce taux est légèrement inférieur à celui du régime général de la sécurité sociale, égal à 54 %. Toutefois, les règles d'attribution de ces pensions sont plus favorables que celles du régime général : la pension de réversion est servie quelle que soit la situation de l'intéressé(e), ce qui n'est pas le cas de la pension de réversion du régime général, dont le versement est soumis à des conditions de ressources. Les veuves ou veufs de militaires ne sont donc pas désavantagés par rapport aux veuves ou veufs de fonctionnaires civils. Revendiquer, comme certains en sont tentés, un alignement du taux sur celui du secteur privé serait risqué dans la mesure où il pourrait être exigé, en contrepartie, que les conditions de ressources soient également homogénéisées.

- En application de la loi Morice de 1947, l'Etat employeur accorde aux mutuelles de la fonction publique un soutien par des subventions ainsi que par la mise à disposition d'agents et de locaux comprenant la prise en charge des frais de fonctionnement courant. Ce cadre d'intervention a été remis en cause en 2005 : la Commission européenne, le 22 juillet, a recommandé à la France de modifier les aides étatiques aux mutuelles de fonctionnaires fédérées au sein de la Mutualité fonction publique, en considérant qu'elles contrevenaient aux règles de concurrence en matière d'assurance complémentaire maladie. Le Conseil d'Etat, par un arrêt du 26 septembre 2005, a enjoint à l'Etat d'abroger dans un délai de six mois les dispositions réglementaires prévoyant le versement de subventions aux seules mutuelles de la fonction publique, parce qu'elles induisent une rupture d'égalité. Le ministère de la défense a versé une dernière fois, en février 2006, une subvention d'un montant total de 8 471 890 euros aux cinq mutuelles de la défense : la Mutuelle de l'armée de l'air, la Mutuelle des sapeurs pompiers de Paris, la Caisse nationale du gendarme-Mutuelle de la gendarmerie, la Mutuelle nationale militaire et la Mutuelle civile de la défense. Les services du ministère ont préparé des projets de redéploiement de crédits de 8,5 millions d'euros pour financer, dans le cadre du budget 2007, plusieurs mesures d'action sociale : développement, par le biais du chèque emploi service universel, d'emplois adaptés aux besoins de la population militaire ; mise en œuvre d'un plan d'accroissement des capacités d'accueil de jeunes enfants ; souscription de places en foyer pour les retraités. Cinq conventions précisant les conditions de remboursement des personnels mis à disposition des mutuelles à compter du 1er janvier 2007 sont en cours de négociation. Conformément aux demandes de la Confédération nationale des retraités militaires, les assemblées générales des mutuelles prévues en 2006 devraient mettre en place des mesures d'intégration des moyens entre mutuelles. Par ailleurs, la participation des mutuelles militaires, avec voix consultative, au conseil d'administration de la Caisse nationale militaire de sécurité sociale, est envisagée.

- Les militaires n'ayant pas effectué quinze ans de service ne peuvent bénéficier d'une pension de retraite à jouissance immédiate. Ils sont affiliés rétroactivement au régime général d'assurance vieillesse et à l'Institut de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et collectivités publiques (IRCANTEC). Ils ne peuvent conserver au sein de ces régimes les bonifications spécifiques aux pensions militaires de retraite, notamment la bonification du cinquième, la bonification pour campagne et la bonification pour services aériens ou subaquatiques. La perspective de prise en compte de ces dispositifs n'a pas été retenue par le Gouvernement car elle aurait permis aux anciens militaires de percevoir une retraite à taux plein plus tôt qu'actuellement dans le cadre du régime général, en contradiction avec les objectifs de la réforme des retraites. Le ministère de la défense a donc proposé que les anciens militaires concernés bénéficient d'une indemnité nouvelle, valorisant leurs services militaires spécifiques lorsqu'ils quittent le service. La mise en œuvre de cette mesure serait concomitante avec celle de la réforme de l'IRCANTEC, qui doit assurer l'équilibre de ce régime.

- La loi n° 75-1000 du 30 octobre 1975 permet aux officiers de carrière de quitter l'armée avant la limite d'âge. Son article 5 offre la possibilité, pour un officier qui se trouve à plus de quatre ans de la limite d'âge de son grade, sur demande agréée par le ministre de la défense, de bénéficier d'une pension de retraite calculée sur les émoluments du grade supérieur. Certaines associations demandent l'extension du dispositif aux sous-officiers. Le ministère de la défense n'a jamais exprimé le souhait d'une telle extension, pour plusieurs raisons. La mesure a été mise en œuvre pour les officiers compte tenu de la nécessité d'aérer le haut de la pyramide des officiers de carrière, impératif qui n'existe pas pour les sous-officiers. En effet, les carrières de ces derniers doivent être courtes pour maintenir un encadrement de contact jeune, ce qui est satisfait par les spécificités de leur gestion : tous les sous-officiers sont recrutés sur contrat et tous n'accèdent pas au statut de carrière. Par ailleurs, les limites d'âge des sous-officiers de carrière sont globalement inférieures à celles des officiers. Les sous-officiers bénéficient également de dispositifs incitant à leur départ précoce, la retraite à jouissance immédiate après quinze ans de service et l'indemnité de départ du personnel non-officier accessible entre neuf et onze ans de service. Enfin, l'extension aux sous-officiers de la possibilité de quitter le service avec le grade supérieur aurait un coût budgétaire élevé, en particulier en matière de pensions.

- Dans un rapport publié en février 2006, la Cour des Comptes a évoqué les pensions de retraite des militaires. Un courrier a été adressé à son Premier président pour s'élever contre les conclusions de cette étude. La loi du 2 août 2003 réformant le régime des retraites a eu pour conséquence de faire participer les militaires à l'effort national de solidarité par l'allongement de la durée d'activité en augmentant la durée de service nécessaire pour obtenir une pension à taux plein. Cette orientation a été confirmée par la loi du 24 mars 2005 portant statut général des militaires, qui a relevé les limites d'âge et augmenté le service maximum pour l'ensemble des militaires. Le « réexamen attentif des régimes de retraite des militaires » évoqué par la Cour des Comptes ne paraît pas opportun et pourrait s'apparenter à une marque de défiance à l'égard de personnels ne pouvant légalement exercer toutes les libertés syndicales et politiques. Le métier des armes est un engagement qui ne ressemble à aucun autre car il peut aller jusqu'au don de sa vie ; c'est ce qui justifie la différenciation et le respect qu'il convient d'accorder à celles et ceux qui l'ont embrassé.

- Le fonds de prévoyance militaire (FPM) et le fonds de prévoyance aéronautique (FPA), abondés par les cotisations des militaires, constituent une sorte d'assurance-vie non exclusive. Ces fonds versent des allocations aux militaires victimes d'accidents en service ou, en cas de décès, à leurs familles. L'existence de ces fonds, déjà ancienne, est réaffirmée dans l'article 12 du statut général des militaires et ces derniers y sont très attachés. Les cotisations sont fixées par décret interministériel et les prestations versées le sont par arrêté interministériel. Compte tenu du grand nombre de cotisants et du faible nombre d'accidents, ces fonds sont richement dotés et leur volume augmente constamment, suscitant des convoitises. Les allocations versées représentent environ 13 millions d'euros par an ; les cotisations perçues atteignent quelque 29 millions d'euros. Les intérêts, gérés par la Caisse des dépôts et consignations, s'élèvent à 8 millions d'euros par an. L'Etat, qui abonda jadis ces fonds pour environ 30 millions d'euros, a cessé ses versements depuis bien longtemps. Au total, ils s'élèvent à 630 millions d'euros - 424 pour le FPM, 206 pour le FPA - et s'accroissent d'environ 24 millions par an. Le ministère de la défense et la Caisse des dépôts ont calculé qu'un fonds prudentiel de 130 millions d'euros suffirait à parer aux pires éventualités. Le montant actuel paraît beaucoup trop important et chacun reconnaît qu'il est dommage que de telles sommes restent inemployées. Le ministère de la défense propose tout d'abord de stabiliser les fonds en réduisant les cotisations de moitié et en augmentant les allocations versées. Il est également envisagé de ramener les fonds aux 130 millions d'euros jugés nécessaires et d'utiliser les 500 millions d'euros qui dorment dans le cadre de mesures d'aide au logement des militaires : 100 millions d'euros permettraient la construction de 800 logements à loyer modéré qui seraient loués aux militaires dans les régions où le coût du loyer est particulièrement onéreux et 50 millions d'euros permettraient, sur trois années, la construction de 1 500 logements rétrocédés à des militaires accédants à la propriété, avec une décote de 5 à 10 %. Ce projet ne peut toutefois être mis en œuvre, compte tenu de l'opposition du ministère des finances, qui considère que ces fonds sont publics et doivent être reversés au budget général de la nation. Le ministère de la défense estime au contraire qu'il s'agit de fonds privés. L'absence de consensus interministériel interdit la signature des décrets et arrêtés nécessaires.

- La commission a pris bonne note de la création par le Syndicat des anciens médecins des armées (SAMA) de l'observatoire à la reconversion. Les deux parlementaires chargés de la reconversion, MM. Michel Dasseux et Hugues Martin, ont déjà pris contact pour un entretien dans le cadre du rapport d'information qu'ils doivent présenter en juin. La commission est bien consciente des difficultés en matière de reconnaissance des titres des anciens médecins militaires. Selon les services spécialisés du ministère de la défense, il est vrai que les titres de chef de clinique et d'assistant des hôpitaux des armées ne font pas l'objet d'une équivalence systématique, ce qui peut s'avérer pénalisant pour une inscription dans le secteur 2. Mais cela n'empêche nullement un médecin militaire de s'inscrire au conseil de l'ordre des médecins et de se reconvertir dans le secteur civil. Ceux qui se reconvertissent dans le secteur hospitalier public peuvent subir une légère pénalité en matière indiciaire mais les médecins militaires qui choisissent la fonction publique hospitalière sont relativement rares, dans la mesure où cette option leur fait perdre le bénéfice du cumul de leur retraite et de leur revenu d'activité. Lorsque surgissent des difficultés particulières en matière de reconnaissance de titre ou de spécialisation, le conseil de l'ordre est saisi et rend une décision en conscience. Les services du ministère de la défense ont indiqué ne pas avoir eu connaissance de cas d'anciens médecins militaires dont les compétences n'aient pas été reconnues par le conseil de l'ordre.

- La commission ne peut que partager la préoccupation du SAMA devant l'augmentation faramineuse et souvent injustifiée des primes d'assurance. Il apparaît éminemment regrettable que le ministère des finances retarde la constitution d'une assurance qui semble souhaitée par un grand nombre de praticiens et qui pourrait constituer un début de solution. Toutefois, ce problème concernant l'ensemble de la profession et pas seulement les médecins issus du monde militaire, la solution devra être globale.

- Enfin, la commission attache la plus grande l'importance à la réserve militaire. Après le rapport d'information qu'elle a publié en 2004, elle s'est attachée à améliorer la législation en vigueur en modifiant et en adoptant le projet de loi récemment soumis à la représentation nationale par le ministre de la défense. Les débats ont été animés et ont abouti à l'alignement des statuts des officiers, sous-officiers et militaires du rang d'active et de réserve. La commission est bien placée pour connaître l'importance de la réserve militaire - elle compte plusieurs réservistes en son sein - et maintiendra sa vigilance sur ce sujet.

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Information relative à la commission

La commission a nommé MM. Marc Joulaud et Francis Hillmeyer rapporteurs d'information sur les évolutions de la relation transatlantique en matière de défense.

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