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COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 37

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 30 mai 2006
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Guy Teissier, Président

SOMMAIRE

 

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- Examen du rapport pour avis sur la proposition de résolution (n° 2801) tendant à modifier les articles 36 et 39 du Règlement afin de répartir plus équitablement les compétences des commissions permanentes (M. Guy Teissier, rapporteur pour avis)



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Après avoir désigné M. Guy Teissier, rapporteur pour avis sur la proposition de résolution (n° 2801) de M. Jean-Louis Debré tendant à modifier les articles 36 et 39 du Règlement afin de répartir plus équitablement les compétences des commissions permanentes, la commission a procédé à l'examen de cette proposition.

Le président Guy Teissier a observé que la proposition de résolution n° 2801 concernait directement la commission de la défense puisque son objet essentiel, malgré son titre, est de scinder la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, et, par voie de conséquence, de regrouper les commissions des affaires étrangères et de la défense.

Rappelant son attachement, ainsi que celui que de tous les commissaires, à l'existence de la commission de la défense, il a observé que son activité soutenait la comparaison avec d'autres commissions, précisant que du 1er octobre 2004 au 30 juin 2005, elle avait tenu 41 réunions pour une durée globale de 52 heures, les chiffres étant pour la commission des lois de 43 réunions pour une durée globale de 55 heures. Les questions de défense sont essentielles pour l'avenir du pays. Or la fusion avec la commission des affaires étrangères ferait que leur traitement se bornerait sans doute à l'audition annuelle du chef d'état-major des armées.

S'il est indéniable que la commission des affaires sociales connaît une surcharge de travail, dont la commission de la défense pourrait d'ailleurs prendre une part en traitant notamment des pensions militaires, la nécessité de sa scission demeure sans rapport avec l'existence de la commission de la défense.

D'aucuns ont d'ailleurs plaidé pour une modification de l'article 43 de la Constitution par la voie du Congrès qui permettrait d'augmenter le nombre des commissions. L'argument qui voudrait que cette procédure soit trop lourde paraît bien spécieux tant les réunions ont été nombreuses à Versailles ces dernières années.

Considérer, comme l'affirme l'exposé des motifs de la proposition de résolution, que l'activité législative de la commission de la défense diminuant, celle-ci n'aurait plus de raison d'exister par elle-même, est inacceptable. L'utilité d'une commission ne saurait se mesurer au seul volume des textes législatifs examinés, lorsque tout le monde insiste aujourd'hui sur la nécessité de réduire le nombre de lois et a contrario sur l'intérêt à développer le contrôle du Parlement. Or en ce domaine, la commission de la défense s'est pleinement investie, c'est même là le cœur de son activité. Ses travaux ont notamment permis de mettre en relief certaines difficultés rencontrées par les forces armées ou les industries de défense et de proposer des solutions.

A cet égard, le rapporteur a évoqué, parmi d'autres, le rapport de MM. Bernard Deflesselles et Jean Michel sur les investissements étrangers dans les industries de défense européennes. Il a également remarqué que les activités de la commission s'inscrivent dans la durée en mentionnant la mission d'information sur le suivi du plan social de GIAT industrie. Bien plus, la commission de la défense a su anticiper les exigences de la LOLF en créant, dès février 2003, une mission d'information sur le contrôle de l'exécution des crédits de la défense. Il a enfin fait valoir que les débats au sein de la commission de la défense étaient sereins : de nombreux travaux ont été conduits en associant des rapporteurs de la majorité et de l'opposition.

La commission de la défense constitue un lien unique entre les élus de la Nation et le monde des armées. La suspension du service national et la trop faible place accordée aux questions de défense dans le débat public plaident justement pour sa pérennité. Le contact permanent que la commission entretient avec l'exécutif et les états-majors, le contrôle de l'exécution de la LPM, comme ses nombreuses visites aux unités concourent à maintenir l'espoir et la fierté de nos armées. La commission effectue un travail considérable auprès des 350 000 hommes et femmes qui constituent nos forces, en les écoutant et en relayant leurs préoccupations légitimes. On ne peut oublier en effet que, du fait de leur statut, les militaires n'ont pas les mêmes moyens d'expression que les autres citoyens.

Fusionner en cette période les deux commissions serait à coup sûr interprété par le milieu de la défense comme un manque de considération, voire un discrédit. Par ailleurs, le risque est réel d'une dissolution des questions de défense dans les questions internationales. L'exemple du regroupement du suivi des dossiers relatifs à la défense et aux affaires étrangères en une seule commission au Sénat montre que les questions de défense en sont le parent pauvre. Ainsi, pour les seuls aspects défense, on a compté, en 2004-2005, six rapports d'information pour la commission de la défense à l'Assemblée pour un seul au Sénat.

Le rapporteur a rappelé en conclusion sa volonté de voir les compétences de la commission revues afin de lui permettre de mieux s'impliquer dans les questions relatives à la défense globale, et plus particulièrement à la sécurité. Une réflexion sur cet élargissement semble d'autant plus justifiée que les frontières entre la défense et la sécurité sont aujourd'hui de plus en plus ténues. Il a indiqué avoir suggéré au Président de la commission des lois de travailler ensemble sur des questions qui sont devenues communes aux deux commissions. De fait, qui pourrait nier que le contexte international est dominé par la menace terroriste et que le renseignement constitue un instrument privilégié de lutte et de prévention ? Là encore, la commission de la défense doit jouer pleinement son rôle et concourir au renforcement de cet outil, à son perfectionnement ainsi qu'à son contrôle par le Parlement.

M. Michel Voisin a rappelé qu'il avait assisté tant à la conférence des présidents, qu'à la réunion du bureau et à celle du groupe UMP ce jour et qu'il avait été surpris par l'obstination de certains à s'orienter dans la voie de la fusion des commissions de la défense et des affaires étrangères. L'obsolescence de la dénomination de la commission peut en partie expliquer la volonté de la faire disparaître. Les termes de « défense nationale et des forces armées » ne sont sans doute plus adaptés. Les missions de la défense ont en effet considérablement évolué et concernent aussi désormais les questions de sécurité, qu'il serait souhaitable d'ajouter aux attributions de la commission, de même que les pensions des militaires et les questions relatives aux anciens combattants. Le travail réalisé par la commission de la défense soutient la comparaison avec celui des autres commissions, surtout au regard de ce que représente le monde de la défense, avec 350 000 militaires et cinq millions de personnes si l'on inclut les retraités et leurs familles. Le rôle de la commission de la défense est d'autant plus nécessaire que les militaires d'active se voient appliquer des limites à leur liberté d'expression.

Faisant part de son expérience de membre de la commission des affaires étrangères lors d'un précédent mandat, M. Gilbert Le Bris a estimé que la commission de la défense disposait d'une marge de manœuvre supérieure à cette dernière au regard de l'exécutif. Si le regroupement opéré au Sénat peut paraître légitime, il n'en est pas de même à l'Assemblée nationale, qui représente directement les citoyens, y compris ceux appartenant à la communauté de la défense. Il est particulièrement nécessaire de témoigner de l'intérêt accordé aux militaires alors que ceux-ci sont prêts à donner leur vie pour le pays. La suspension du service national a déjà eu pour effet d'éloigner la Nation de ses armées et le regroupement des commissions de la défense et des affaires étrangères aggraverait cette situation. Le lien constant assuré par la commission de la défense disparaîtrait, alors même que le caractère très particulier des activités liées à la défense nationale nécessite un travail spécifique.

Le rapporteur a observé qu'il serait difficile d'expliquer à la communauté militaire que la commission chargée de la représenter doit disparaître en raison de la surcharge de travail d'une autre commission.

M. Bernard Deflesselles a fait part de son opposition au projet de fusion des commissions des affaires étrangères et de la défense, jugeant que celle-ci serait incomprise et mal perçue des militaires et des civils du monde de la défense. Le titre même de la proposition de résolution paraît inapproprié : faire disparaître une commission ne peut être considéré comme une mesure équitable. Si les rédacteurs de la Constitution de 1958 ont limité à six le nombre des commissions permanentes, c'était avant tout afin de prévenir la multiplication des commissions et des sous-commissions constatée sous la IIIe et la IVe Républiques. Presque cinquante ans après, la situation a évolué et on ne peut écarter d'autorité la perspective d'une révision constitutionnelle tendant à augmenter le nombre des commissions permanentes. L'exemple du Sénat montre que la fusion des commissions tend à réduire considérablement la part accordée aux travaux concernant les questions de défense.

M. Charles Cova a considéré à son tour qu'aucune raison ne justifiait une fusion de la commission de la défense avec celle des affaires étrangères. Ses membres ont acquis une expertise spécifique et reconnue sur les différents sujets intéressant la défense nationale, notamment les questions de personnel et d'équipement des forces. De surcroît, le droit d'expression des militaires demeure limité, nonobstant les améliorations apportées par le nouveau statut général. Il est naturel que la commission de la défense relaie, de manière appropriée, les préoccupations des personnels militaires. La communauté militaire est manifestement hostile à la perspective d'une disparition de la commission de la défense et il convient donc de la maintenir dans son intégrité.

M. Jean Lemière a rappelé que le budget de la défense est le premier budget d'investissement de l'Etat, ce qui justifie pleinement, qu'à l'Assemblée nationale, une commission permanente se consacre exclusivement aux questions militaires. Il apparaît souhaitable, comme d'autres orateurs l'ont suggéré, d'étendre les compétences de la commission de la défense à un certain nombre de matières actuellement suivies par d'autres commissions, comme les pensions militaires.

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La commission est ensuite passée à la discussion des articles. Elle a émis un avis défavorable à l'adoption des articles 1er à 4 de la proposition de résolution puis, suivant les conclusions du rapporteur, elle a émis un avis défavorable à l'adoption de la proposition.

Le rapporteur a indiqué qu'il se rendrait à la commission des lois pour exprimer le point de vue de la commission de la défense. Rappelant que son opposition au texte n'était pas motivée par son intérêt personnel - son mandat arrivant à expiration à la fin de la législature - il a estimé indispensable que soient relayés les intérêts de la communauté militaire qui peut au quotidien être amenée à se sacrifier pour la Nation. La commission de la défense constitue un trait d'union indispensable entre l'armée et le pays et son existence est donc pleinement justifiée.

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