COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 14

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 25 septembre 2002
(Séance de 11 heures 30)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président,

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et de M. Alain Lambert, ministre délégué au Budget et à la réforme budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2003 (n° 230)



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Le président Pierre Méhaignerie a tout d'abord souhaité attirer l'attention des membres de la commission sur le fait que le président de la commission de la Production avait récemment déposé une proposition de résolution pour modifier l'appellation de celle-ci qui deviendrait « commission des Affaires économiques, de l'Environnement et du Territoire ». Ce titre apparaît effectivement moins obsolète que le précédent. Sur le fond, le champ des compétences de cette commission n'est cependant modifié que par l'ajout de l'environnement. A l'occasion du débat de cette résolution, la commission des Finances pourrait également souhaiter modifier son propre intitulé. Pourrait notamment être envisagé l'ajout de la notion d'évaluation des politiques budgétaires, dans le fil de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Cette suggestion ne constitue naturellement qu'une proposition parmi d'autres, les souhaits ou les idées alternatives des membres de la commission étant les bienvenus.

Puis, la commission a procédé à l'audition de M. Francis Mer, ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, et de M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, sur le projet de loi de finances pour 2003 (n° 230).

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a rappelé que la présentation du projet de loi de finances devant la représentation nationale est traditionnellement une étape clef dans la vie d'un gouvernement. Ceci est d'autant plus vrai lorsqu'il s'agit de son premier budget, car celui-ci traduit la mise en _uvre de ses engagements. En l'occurrence, le Gouvernement a voulu que le projet de loi de finances pour 2003 soit placé sous le signe de la confiance retrouvée entre l'État et les Français.

Ce projet est un budget de confiance, car les engagements du Gouvernement y sont tenus. En premier lieu, la baisse des impôts et des charges est poursuivie : ainsi, les ménages bénéficieront d'un allégement d'impôts de plus d'un milliard d'euros et les entreprises d'un allégement de près de 3 milliards d'euros. Ces mesures ont pour objectif de redonner toute sa valeur au travail et de favoriser la croissance et l'emploi en libérant les énergies des Français.

Par ailleurs, des moyens substantiels sont consacrés aux quatre priorités du Gouvernement que sont la sécurité, la justice, la défense et l'aide publique au développement. Au total, ces secteurs recevront deux milliards d'euros supplémentaires. Le projet donne, en outre, un coup d'arrêt à la dégradation du déficit public et à l'accroissement de la dette, en mettant en _uvre les réformes nécessaires pour que l'État soit plus performant et plus efficace, de façon à retrouver des marges de man_uvre pour l'avenir. Ce projet constitue enfin un budget de confiance, car les comptes y sont sincères, faisant ainsi application des exigences inscrites dans la loi organique relative aux lois de finances. L'hypothèse de croissance du PIB de 2,5 % pour 2003, sur laquelle a été bâti ce projet, est réaliste.

Le contexte économique dans lequel s'inscrit le projet de loi de finances repose sur une reprise qui doit être confortée, alors que le contexte budgétaire est, pour sa part, celui d'une situation dégradée des comptes publics. Après une mauvaise année 2001, la croissance dans le monde devrait se raffermir progressivement en 2002 et en 2003. Dans la zone euro, la croissance atteindrait ainsi 2,1 % en 2003. En France, comme les années précédentes, la croissance devrait être un peu plus soutenue en 2003 que dans le reste de la zone euro. Elle atteindrait 2,5 % en moyenne annuelle, après 1,2 % en 2002. Le socle de la croissance reste, comme les années précédentes, la consommation des ménages. Celle-ci va être soutenue par la progression du pouvoir d'achat vers le haut (+ 2,3 %) grâce, en particulier, à la désinflation, à la convergence des SMIC vers le haut et aux baisses d'impôts. En ce qui concerne l'investissement, le Gouvernement attend une reprise progressive d'environ 3 % pour 2003, après une stabilisation en 2002.

Inversement, la situation des finances publiques est dégradée : la prévision actuelle de déficit pour 2002 se situe au niveau bas de la fourchette prévue par le rapport d'audit de juillet dernier, soit 2,6 % du PIB. Cette forte dégradation du déficit des administrations publiques par rapport à la loi de finances initiale s'explique, entre autres, par une progression des dépenses plus rapide qu'affichée, ce qui a conduit à une forte remontée du poids de la dette, mesuré en pourcentage du PIB.

En matière d'orientations de politique économique, le projet de loi de finances pour 2003 a l'ambition d'accroître le potentiel de croissance de l'économie française. Celui-ci a, en effet, été affaibli par la réduction de la durée du travail et sera menacé par le vieillissement de la population. Il convient donc de redonner du « tonus » à notre économie, selon trois axes : redynamiser le marché du travail, encourager l'initiative individuelle, enfin préparer l'avenir en maîtrisant la dette et en réformant les retraites, de façon à enclencher un cercle vertueux de création de richesses et d'emplois.

En premier lieu, pour favoriser l'emploi, le Gouvernement a décidé d'agir de deux manières complémentaires : par une baisse des charges sur les emplois peu qualifiés pour faire reculer le chômage, et par des mesures ciblées. Celles-ci bénéficieront aux jeunes, grâce aux contrats jeunes en entreprise, ainsi qu'aux bas salaires et aux travailleurs à temps partiel, pour lesquels l'aménagement de la prime pour l'emploi permettra une meilleure insertion économique. Cet aménagement contribuera aussi à une augmentation de leur pouvoir d'achat.

En deuxième lieu, pour encourager l'initiative, sont prévues des mesures en faveur des ménages, notamment la poursuite de la baisse de l'impôt sur le revenu, qui permet aux salariés d'accroître leur rémunération sans en faire supporter la charge par l'entreprise. Cette baisse de l'impôt contribue aussi à améliorer l'attractivité du territoire, de même que les mesures qui seront annoncées prochainement en faveur de la création d'entreprise et de l'innovation.

Enfin, pour préparer l'avenir, trois grands chantiers doivent être ouverts :

- la réforme des retraites, dont dépend notre cohésion sociale, l'avenir de nos enfants ainsi que nos finances publiques ;

- la maîtrise de la dette, qui constitue un gage de gestion responsable, mais aussi un effort de solidarité avec les générations futures;

- la réforme de l'État et la décentralisation, qui représente une volonté forte du Premier ministre, objectif partagé par l'ensemble du Gouvernement.

La politique de finances publiques pour 2003 est cohérente avec les grandes orientations de politique économique qui viennent d'être présentées. Elle s'articule autour de quatre axes : des baisses d'impôts et de charges ciblées sur l'emploi et l'initiative ; des dépenses publiques maîtrisées au service des priorités gouvernementales ; un coup d'arrêt à la dégradation des comptes publics en 2003 ; enfin, une stratégie pluriannuelle de retour à l'équilibre des finances publiques et de réduction ultérieure de la dette.

Les baisses d'impôts et de charges sont ciblées en faveur de l'emploi et du dynamisme des entreprises. Les ménages bénéficieront de plus d'un milliard d'euros de baisse d'impôts et les entreprises, quant à elles, de près de 3 milliards d'euros, soit un total de plus de 4 milliards d'euros, permettant de soutenir l'emploi.

En regard de ces baisses d'impôts, les dépenses publiques sont maîtrisées. L'ensemble des dépenses de l'État n'augmentera que de 0,2 % en volume par rapport à la loi de finances initiale pour 2002 rebasée. Par ailleurs, les dépenses d'assurance-maladie (ONDAM) ne progresseront, selon les prévisions du projet de loi de financement de la sécurité sociale, que de 5,3 % après les 7 % de cette année. Cet objectif est réaliste, parce qu'il est lié aux mesures d'économies qui seront présentées dans ce projet. Au total, l'ensemble des dépenses publiques ne croîtra que de 1,5 % en volume, ce qui permettra à leur poids, rapporté au PIB, de s'alléger de 0,5 point.

Le troisième axe est celui de l'arrêt de la dégradation des comptes publics. Celle-ci doit être analysée au regard de la période 1997-2002. Les baisses d'impôts réalisées par le Gouvernement précédent ont en effet été financées grâce à des plus-values fiscales conjoncturelles et à des ponctions supplémentaires de près de 50 % sur les entreprises et les organismes publics. Les baisses d'impôts n'ont donc pas été couvertes par des réductions de dépenses équivalentes. Le projet de budget pour 2003 permettra, inversement, par la réduction des dépenses, non seulement de financer les baisses d'impôt et de charges, mais aussi d'améliorer le déficit de manière structurelle de 0,3 %. Le déficit apparent sera, pour sa part, stabilisé à hauteur de 2,6 % du PIB.

A un horizon pluriannuel, une progression des dépenses publiques inférieure à celle du PIB est nécessaire : 1,4 % en moyenne pour une croissance du PIB de 2,5 %, qui autorisera une baisse de 2 points du PIB du poids des dépenses publiques d'ici 2006 et ainsi la réduction du déficit, tout en continuant à baisser les impôts. Les finances publiques seront, de la sorte, replacées sur une voie de retour à l'équilibre, le rythme de l'ajustement étant simplement différé par la détérioration de l'année 2002.

Dans le cadre du scénario de croissance de 2,5 % retenu par le projet, le déficit reviendrait à 1 % en 2006. Cette trajectoire pluriannuelle ira dans le sens de la maîtrise de la dette, nécessaire pour préparer l'avenir. La dette publique doit se stabiliser en proportion du PIB, avant de diminuer et, en tout état de cause, son montant ne devrait pas dépasser le niveau symbolique de 1.000 milliards d'euros dans quatre ans.

En conclusion, l'effort de redressement est assis sur une perspective de croissance réaliste, avec des comptes sincères, et un budget qui traduit bien les priorités du Gouvernement.

M. Alain Lambert, ministre délégué au Budget et à la réforme budgétaire a souligné que le projet de loi de finances pour 2003 traduit, en dépenses, du fait d'un effort de redéploiement, un renforcement des moyens consacrés à la sécurité, à la justice et à l'aide au développement, et la remise à niveau de l'investissement civil et militaire. Les dépenses augmenteront globalement de 0,2 % en volume par rapport à la loi de finances initiale pour 2002 rebasée. Les 4,6 milliards d'euros de dépenses supplémentaires, pour 2 milliards d'euros seront consacrés aux priorités du Gouvernement. 3,3 milliards d'euros seront affectés aux intérêts de la dette, aux charges de pension et à la masse salariale, les autres dépenses diminuant de 0,7 milliard d'euros. Les crédits d'équipement de l'État (+ 1,9 %) augmenteront en 2003 plus qu'ils n'ont décru sur la durée de la précédente législature, afin de donner la priorité aux équipements de la défense et de rattraper les arriérés de paiement liés aux engagements du passé. Les 2 milliards d'euros consacrés aux priorités constituent la traduction des lois d'orientation et de programmation prises dans le domaine de la sécurité, de la justice et du projet de loi de programmation pour la défense. Ainsi, après une baisse de 9 % entre 1997 et 2002, les crédits d'équipement militaire progresseront en 2003 de 12,3 %, à structure constante, tandis que les moyens de la police, de la justice et de l'aide publique au développement progresseront respectivement de + 5,7 %, + 7,4 % et + 24 %. En diminuant de 1.089 emplois, les effectifs budgétaires civils sont maîtrisés et redéployés en faveur de la police et de la justice qui bénéficieront de 3.788 emplois nouveaux. S'agissant des recettes, le Gouvernement s'est attaché à une évaluation prudente des recettes fiscales qui, du fait du ralentissement de l'activité économique constaté en 2002, progresseront moins vite que la croissance. Le projet de loi de finances répond à la nécessité de mettre un terme à l'augmentation des recettes non fiscales : après avoir doublé entre 1999 et 2002, les prélèvements exceptionnels sur les fonds d'épargne, la COFACE et les organismes collecteurs du 1 % logement diminueront en 2003. Enfin, en maintenant le déficit à 44,6 % du PIB, le projet de budget donne un coup d'arrêt à la dérive des comptes de l'État.

Les mesures fiscales du projet traduisent la priorité donnée à l'emploi et à l'initiative économique. 3,86 milliards d'euros d'allégements fiscaux nets sont prévus, dont plus d'un milliard en faveur des ménages et 2,7 milliards nets en faveur des entreprises. Afin d'alléger l'impôt des ménages, soutenir l'emploi, l'initiative et les familles, l'allégement de 5 % de l'impôt sur le revenu voté en juillet 2002 est pérennisé et amplifié par une baisse supplémentaire de 1 %. Par ailleurs, le maintien à leur niveau actuel du plafond de la décote et du quotient familial amplifiera l'effet de cet allégement pour les familles et les contribuables à revenus modestes. Pour la première fois depuis 1959, le taux marginal supérieur de l'impôt sur le revenu sera inférieur à 50 %, passant de 52,75 % en 2002 à 49,58 % en 2003. 3,2 millions de salariés à temps partiel bénéficieront d'une augmentation de la prime pour l'emploi, le montant de la prime versée à un salarié à mi-temps rémunéré au SMIC passant de 215 à 322 euros. L'action en faveur des familles et la réduction des charges sur les bas salaires passent également par le relèvement à 10.000 euros du plafond des dépenses pour l'emploi d'un salarié à domicile. Le Gouvernement souhaite par ailleurs favoriser la transmission anticipée du patrimoine par le doublement de l'abattement prévu pour les donations entre grands-parents et petits-enfants. De même, le taux réduit de TVA à 5,5 % appliqué depuis 1999 aux services d'aide à la personne et aux travaux dans les logements sera prorogé jusqu'au 31 décembre 2003. S'agissant des entreprises, l'action du Gouvernement est centrée sur la restauration de la compétitivité, afin de favoriser l'emploi. L'année 2003 sera marquée par la suppression définitive de la part « salaires » de l'assiette de la taxe professionnelle. Cette suppression sera, dès 2003, progressivement étendue aux professions libérales et travailleurs indépendants employant moins de cinq salariés. Pour encourager l'innovation, les investissements affectés à la recherche ne seront plus pris en compte à partir de 2003 dans l'assiette de la taxe professionnelle. Par ailleurs, la contribution des institutions financières sera progressivement supprimée, en trois ans. Afin de préserver l'environnement et de garantir le développement durable, et dans un souci de stabilité et de lisibilité de la règle fiscale, le Gouvernement a décidé de proroger sur trois ans les crédits d'impôt en faveur de l'équipement du domicile principal, des économies d'énergie et de l'acquisition ou de la location de véhicules propres.

D'autre part, le Gouvernement a pour objectif de simplifier autant que faire se peut la vie de nos concitoyens. En simplifiant les modalités de déclaration et de paiement de l'impôt pour plus d'un million de petites entreprises et en supprimant des taxes obsolètes comme le droit de licence sur les débits de boissons, le projet de loi de finances tient compte de ce souci. Le Gouvernement va lancer, au cours de l'année à venir, une réflexion sur la simplification du régime fiscal de distribution des dividendes, afin de moderniser le dispositif d'élimination de la double imposition et de supprimer le précompte. Enfin, s'agissant de la fiscalité locale, le projet de loi de finances prévoit d'assouplir les règles de lien entre les taux des impôts locaux. C'est un signal fort adressé aux collectivités locales, destiné à renforcer leur liberté de décision et à encourager l'essor de l'intercommunalité. Dans le même esprit, le Gouvernement propose de prolonger d'un an le délai fixé aux collectivités locales et à leurs groupements pour se mettre en conformité avec les modalités de financement des services d'enlèvement des ordures ménagères, prévues par la loi du 12 juillet 1999.

Au-delà des mesures contenues dans le projet de loi de finances, les priorités du Gouvernement sont claires : poursuivre l'allégement des impôts pesant sur les ménages, rendre la fiscalité des entreprises compétitive, encourager l'investissement, l'initiative et l'esprit d'entreprise par l'aménagement de la fiscalité du patrimoine et simplifier l'impôt, notamment en supprimant les prélèvements obsolètes. Pour atteindre ces objectifs, le Gouvernement va, dans un souci de dialogue, définir un calendrier de poursuite de la baisse de l'impôt sur le revenu, engager une réflexion sur la réforme de la fiscalité du patrimoine et lancer une concertation sur les simplifications fiscales. La réforme de l'État passe par des actes. C'est dans ce souci de transparence que, pour la première fois, le projet de loi de finances est accompagné d'une programmation pluri-annuelle et d'un rapport sur les prélèvements obligatoires. L'amélioration de l'efficacité des procédures budgétaires passera par l'avancement du calendrier d'élaboration du budget 2004 et la mise en place, afin de préparer la mise en _uvre de la loi organique, d'une structure unifiée de pilotage au sein du ministère des finances. De même, le Gouvernement s'est fixé un nouveau rendez-vous budgétaire en saisissant le Parlement, à la fin du premier semestre, d'un état commenté de l'exécution des comptes publics et d'une prévision d'exécution. Enfin, il souhaite moderniser et rendre plus transparentes les procédures de régulation.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a d'abord souligné que malgré les difficultés économiques et le lourd héritage de la gestion passée, le cap des politiques annoncées et des engagements pris pendant les campagnes électorales a pu être tenu. Les prélèvements obligatoires vont être réduits pour tous les ménages, sous la forme d'une baisse de l'impôt sur le revenu, de l'augmentation de la prime pour l'emploi, ou de la hausse de la réduction fiscale pour emploi à domicile, ce qui entraînera une augmentation de pouvoir d'achat. Les personnes aux revenus les plus modestes bénéficieront aussi d'une amélioration de leur pouvoir d'achat grâce à l'harmonisation par le haut du SMIC. Ces mesures stimuleront la consommation, qui demeure un moteur essentiel de notre économie. Parallèlement, l'achèvement de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle et la poursuite de la baisse des charges devraient permettre de favoriser l'emploi.

Si les dépenses de l'État sont maîtrisées, les secteurs prioritaires dont la justice, la sécurité et la défense, bénéficieront des moyens de redéploiement. La suppression de 1.100 emplois de fonctionnaires ne nuira pas à l'efficacité et à la qualité du service public et le travail des fonctionnaires sera mieux reconnu. Le Gouvernement veut rompre avec une logique quantitative pour passer à une logique qualitative. En 2003, l'investissement public sera préservé alors qu'il s'était nettement dégradé pendant les cinq dernières années. L'État respectera ses engagements vis-à-vis des collectivités locales.

Le déficit prévu en 2003 sera stable, en valeur absolue, par rapport au déficit pour 2002 évalué dans l'audit des finances publiques. Tout en jouant son rôle de stabilisateur automatique, il enregistrera une baisse de 0, 2 % en terme de part du PIB. Ce budget apparaît donc bon pour le pouvoir d'achat et pour l'emploi, favorable à la relance économique, et sa présentation est sincère, ce qui faisait défaut aux budgets précédents.

Le Rapporteur général a ensuite posé une série de questions :

- quelles hypothèses de parité entre l'euro et le dollar ont été retenues ?

- quel est l'avis des ministres sur la position de la Banque centrale européenne, qui présente toujours la lutte contre l'inflation comme sa priorité ?

- la prochaine relance de l'investissement des entreprises passera-t-elle par la reconstitution de leurs stocks ?

- quels seront les redéploiements d'effectifs ?

- quelles sont les prévisions en matière de prélèvements sur recettes, au titre de la Communauté européenne et des collectivités locales ?

- l'article 52 de la loi organique relative aux lois de finances prévoit la remise d'un rapport d'ensemble sur l'évolution des prélèvements obligatoires pour la période 2001-2003. Peut-on déjà avoir une idée de cette évolution ?

- en matière de TVA, à quelle date le Conseil européen doit-il se prononcer sur la proposition de directive permettant la reconduction du taux de 5,5 % pour les travaux effectués dans les logements ?

- les recettes non fiscales ont été très sollicitées ces dernières années. Elles devraient atteindre 31 milliards d'euros en 2003. Un montant de cet ordre sera-t-il reconduit dans les budgets à venir ?

En réponse à ces questions, Monsieur Francis Mer, ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, a apporté les précisions suivantes :

- le projet de budget a été élaboré sur la base de 0,98 euro pour un dollar. Le raffermissement de l'euro est une bonne chose pour l'Europe, tant qu'il demeure raisonnable. Il permet d'importer de la désinflation notamment à travers des achats d'énergie à moindre coût. L'évolution des parités dépendra des prochains événements militaires et de la confiance ou de la défiance vis-à-vis du système américain qu'ils entraîneront. Il semble que la tendance soit plutôt à la poursuite de la baisse du dollar ;

- au début de l'année 2002, l'Europe a connu une hausse de l'inflation due au secteur des services et au passage à l'euro. L'inflation est actuellement maîtrisée, même si un ressaut n'est pas à exclure pour les mois à venir : le budget a prévu une inflation en baisse de 0,2 % par rapport à 2002. La stabilisation de l'inflation devrait rassurer la Banque centrale et rendre possible une baisse des taux d'intérêt pour relancer la consommation, qui est soutenue en France mais peu dynamique en Allemagne ;

- les stocks sont actuellement à un niveau très bas y compris dans la distribution, ce qui est la résultante d'un mouvement continu de baisse depuis le début de l'année 2002. Leur niveau est tel qu'il est certain que l'année 2003 verra une relance des investissements, même si celle-ci risque de ne se produire qu'à partir du deuxième trimestre. Le projet de loi de finances a retenu une hypothèse basse de 3 % de hausse des investissements en 2003, résultat pondéré traduisant cette stagnation puis une reprise plus nette. En effet, toute reprise de la consommation impliquera une reprise forte de la production, compte tenu du faible niveau actuel des stocks.

En réponse, M. Alain Lambert a indiqué que le solde d'emplois résulte de non-remplacements des départs, ceci dans tous les ministères, sauf dans ceux de l'Intérieur et de la Justice qui sont jugés comme prioritaires. Si l'on veut créer des emplois là où les besoins se font sentir, il faut donc être capables de redéployer les emplois des autres ministères. Ainsi, 1.360 départs en retraite ne donneront pas lieu à remplacement au ministère de l'Économie, 3.400 à celui de la jeunesse et de l'Éducation nationale, et 747 à celui de l'Équipement ;

- le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne représente 15,8 milliards d'euros, soit moins que dans la loi de finances pour 2002, mais plus que dans l'estimation révisée pour 2002 ;

- la proposition de nouvelle directive sur la TVA à 5.5% est en cours d'examen par la Commission ;

- il ne serait pas sincère de faire des recettes non fiscales la variable d'ajustement, en 2003, du déficit budgétaire. Ces recettes seront en baisse en 2004. Le « socle » des recettes non fiscales est de 28 milliards d'euros, mais, au-delà, dépend des résultats des entreprises ;

- le rapport sur les prélèvements obligatoires sera déposé en même temps que le rapport économique et financier ;

En préalable à sa question, M. Augustin Bonrepaux souligne qu'il apprécie peu la présentation caricaturale qui a été faite de la loi de finances. Sur la question de la sincérité, il faudra juger sur pièce : lors du collectif budgétaire, les crédits étaient, selon le Ministre, insuffisants, nécessitant 3,8 milliards d'euros de dépenses supplémentaires, alors que 3.7 milliards d'euros ont été supprimés deux semaines plus tard. Quelle crédibilité peut-on accorder à une telle pratique ?

La croissance économique de la France, constatée depuis 1997, est supérieure à la moyenne européenne, selon les indications données par le ministre lui-même. Cette bonne tenue de l'économie française est encore avérée au premier semestre, mais la suite dépend de l'action de l'actuel gouvernement. L'hypothèse de croissance du collectif budgétaire est de 3 %, tandis que celle du projet de loi de finances s'établit à 2,5 %. Comment expliquer cette différence ?

La baisse d'impôt de 5 % est présentée comme susceptible de créer une augmentation de pouvoir d'achat, mais encore convient-il de savoir à quels contribuables elle profitera. Le précédent gouvernement s'est attaché à augmenter le prime pour l'emploi afin d'augmenter la consommation. M. Gilles Carrez, Rapporteur général, juge que ces baisses d'impôts toucheront tous les contribuables. La réalité est bien différente. Le Gouvernement entend poursuivre les baisses d'impôts en dépit des mises en garde durant l'été, du président de la Commission des finances lui-même. La baisse de l'impôt sur le revenu est, en réalité, un cadeau fiscal pour 0,25 % des familles. L'effet d'aubaine est de 10.000 francs pour chacune d'elles soit 1000 francs par mois. Rien n'est prévu pour les autres catégories : la prime pour l'emploi s'élève à 280 millions d'euros, soit une baisse de 74 millions d'euros, qui touche près de 3 millions de familles, le SMIC n'a pas été revalorisé, et l'augmentation du prix du tabac est conséquente. Le Gouvernement projette une remise en cause de la réduction du temps de travail, des emplois-jeunes, et une réduction des contrats emploi-solidarité, ce qui ne peut favoriser l'emploi. Peut-on parler d'avenir, sans parler de jeunesse et d'éducation, à l'heure où l'on augmente les crédits militaires tout en supprimant des emplois à l'Éducation Nationale ?

La situation des collectivités locales mérite enfin d'être mentionnée. Selon les propos tenus par M. Patrick Devedjian, la baisse de la DCTP devrait être la même pour tous, au nom de l'égalité. Or, la péréquation avait pour effet de rééquilibrer les dotations. La DSU n'augmente pas cette année, alors que DSU et DSR étaient en augmentation l'année dernière. Le retour au droit commun, s'agissant de l'impôt acquitté par France Telecom, induit une baisse de 18 % du fonds national de péréquation. La liberté des collectivités locales s'en trouve, ici encore, amoindrie. En outre, il faudrait savoir si la réduction du nombre des emplois-jeunes dans l'Éducation nationale se traduira par une prise en charge de ces activités par les collectivités locales ? Est-il possible de maintenir les services publics avec de tels moyens, par exemple pour la viabilité hivernale, qui ne peut pas être assurée avec 700 agents de moins au ministère de l'Équipement.

Après avoir souligné que M. Augustin Bonrepaux avait fait une présentation très caricaturale du budget, M. Marc Laffineur a rappelé que le projet avait été réalisé dans des circonstances difficiles, du fait des dettes laissées par le précédent gouvernement. Le déficit budgétaire pour 2002 a augmenté de 50 % tandis que celui de la Sécurité sociale a, à nouveau, atteint son niveau d'il y a cinq ans. De même, la situation des entreprises risque de peser sur la dépense publique. Malgré cela, ce budget va aider prioritairement les Français les plus défavorisés, notamment grâce à la baisse des charges, la montée en puissance de la prime pour l'emploi et l'unification du SMIC. Les mesures d'allègement de la taxe professionnelle, qui seront, de plus, étendues aux professions libérales sont très positives. La meilleure mesure en faveur de l'emploi est, sans conteste, la reprise de l'investissement public, dont il convient de se féliciter. Il s'est ensuite interrogé sur le prix moyen du pétrole retenu pour l'élaboration du budget ainsi que sur l'état des négociations avec la Commission européenne pour l'abaissement de la TVA en matière de restauration.

Après s'être réjoui que les engagements concernant les allègements fiscaux soient tenus, M. Michel Bouvard s'est félicité de l'inversion de tendance qui s'amorce en matière d'emplois publics. Dans le cadre de la mise en _uvre de la loi organique relative aux lois de finances, la commission des Finances doit avoir une meilleure appréciation du nombre de ces emplois. En effet, comme l'a souligné la Cour des comptes, un ministère comme celui de l'Éducation nationale ne connaît même pas le nombre de ses agents à 125.000 près. Dès lors, il n'est pas possible d'envisager un contrôle réel du Parlement sur la ventilation de ces emplois. L'augmentation des investissements militaires et civils est particulièrement nécessaire, afin notamment d'entretenir le patrimoine de l'État, comme l'avait souligné la Cour des comptes. La dégradation des comptes publics est interrompue. Le Gouvernement propose donc de bonnes mesures comme l'indexation des seuils de la prime pour l'emploi, le maintien d'un haut niveau de contrats emploi-solidarité ou la mise en _uvre des contrats-jeunes en entreprise. Quant à la baisse du taux marginal de l'impôt sur le revenu, elle a été défendue sur plusieurs bancs de l'Assemblée nationale, comme en témoigne le rapport de M. Michel Charzat. Quel est le nombre de contribuables expatriés qui pourraient revenir en France du fait de cette mesure ; quel est celui des contribuables qui ont quitté le pays au cours de la dernière année ? Bruxelles étant sur le point de prolonger les mesures d'aménagement de la TVA, quelles sont les intentions du Gouvernement quant à l'ouverture des négociations pour l'abaissement de la TVA en matière de restauration ? Les ajustements du précédent gouvernement sur la TVA applicable en matière de restauration collective d'entreprise posent un problème contentieux, en termes de discrimination. C'est à juste titre que le Gouvernement a retenu une hypothèse prudente de niveau de recettes non fiscales, qui doit tenir compte des besoins de recapitalisation des entreprises publiques. Celles-ci doivent pouvoir bénéficier d'abondements leur permettant d'accomplir leurs missions et d'investir, notamment en matière ferroviaire.

Après s'être réjoui de la volonté du Gouvernement de mettre en _uvre pleinement la loi organique relative aux lois de finances, il s'est interrogé sur la réalisation d'un inventaire patrimonial de l'État, pourtant prévue depuis six ans ; ces données sont indispensables à la commission des Finances.

Le Président Pierre Méhaignerie s'est félicité de ce que le Gouvernement, à qui on avait prédit une tâche impossible, ait réussi à bâtir un budget permettant de gagner des parts de croissance et comportant des mesures équilibrées et justes. S'agissant de l'avenir, tout le monde partage le même diagnostic sur l'affaiblissement du site industriel « France ». Cette situation exige, tout en préservant la justice, de faire preuve de courage et de regarder les réalités en face. Ainsi, il est clair que l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est, dans ses modalités actuelles, à l'origine de la délocalisation de certains contribuables ou d'activités. Il est également évident que l'on ne peut laisser les comptes de l'assurance-maladie dériver, sans quoi le rétablissement de l'ensemble des comptes publics sera impossible.

Enfin, il convient de s'interroger sur la façon dont pourraient travailler Gouvernement et Commission des finances, pour mettre en place les indicateurs de performance de la dépenses publique prévus par la loi organique, afin de renforcer l'indispensable évaluation des politiques menées.

M. Charles de Courson a rappelé que le Gouvernement avait hérité d'une situation budgétaire désastreuse. Le déficit en 2002 sera égal au déficit de 1997, le poids de la dépense publique dans le PIB n'a pas réellement baissé passant de 53,9 % à 53,8 % et la part des prélèvements obligatoires a même légèrement augmenté (44,8 % en 2002, au lieu de 44,6 % en 1997). Ainsi, aucune des promesses faites par M. Laurent Fabius en matière de finances publiques n'a été tenue.

Il faut se féliciter de ce que le Gouvernement ait entendu les remarques du groupe UDF, d'une part sur l'équilibre des baisses d'impôts entre les couches populaires (1,3 milliard d'euros d'allégements) et les couches moyennes et supérieures (900 millions d'euros d'allégements) et, d'autre part, sur la reprise de l'investissement public.

L'absence d'économies sur l'investissement public est très positive. Le coût de la suppression de la part salariale dans la taxe professionnelle est chiffré à 1,83 milliard d'euros. Mais, il s'agit d'un coût brut pour l'État, car cette mesure devrait avoir des conséquences sur le plafonnement de la taxe par rapport à la valeur ajoutée, sur le montant de la cotisation minimale et sur l'impôt sur les sociétés ou sur le revenu, qui devraient en réduire le coût de moitié pour le budget de l'État. Cette estimation est-elle exacte ? Le Gouvernement n'a pas fait l'erreur de son prédécesseur, lequel s'était arc-bouté sur une hypothèse de croissance irréaliste de 2,5 % cette année, sans jamais démentir ce chiffre, alors qu'elle ne devrait être que de 1,2 %. L'hypothèse de 2,5 % pour 2003 témoigne cependant d'un certain optimiste. Mais, à la différence de la majorité précédente, qui n'a jamais mis en cause les estimations du Gouvernement, la majorité actuelle accepte un débat sur ce point. Quelles mesures le Gouvernement a-t-il envisagé pour faire face à un éventuel ralentissement de la croissance l'année prochaine ?

Les finances sociales continuent de déraper, comme en témoignent l'augmentation de l'objectif des dépenses d'assurance-maladie (+ 7,2 %) ou celle des retraites (+ 3,6 %). Or, les seules mesures annoncées par le Gouvernement concernent l'augmentation de 15 % des taxes sur les tabacs, qui ne pose pas de problème en elle-même, mais qui risque d'engendrer de la contrebande, et l'augmentation de 0,4 point de la cotisation patronale à la CNRACL. Le Gouvernement envisage-t-il d'autres augmentations de cotisations ou de taxes affectées ? Se limiter à l'augmentation des cotisations patronales, qui sont financées par les impôts des Français, ne prépare pas nos compatriotes aux mesures courageuses qu'appelle le dossier des retraites dans notre pays.

La majorité précédente a laissé d'importantes bombes à retardement concernant les entreprises publiques. Comment financer l'augmentation nécessaire du capital de France Telecom, de 9 milliards d'euros ? Réseaux ferrés de France (RFF) perd aujourd'hui 2 milliards d'euros par an et sa dette atteint 24 milliards d'euros. L'EPFR doit faire face à une dette de 8,2 milliards d'euros, alors qu'il ne dispose plus d'aucun actif à vendre et qu'il encourt un risque judiciaire important aux États-unis dans le dossier Executive Life. Enfin, l'application des normes comptables internationales en matière de provisionnement des charges de retraites d'EDF aboutirait à afficher des fonds propres négatifs d'environ 28 milliards d'euros.

M. Michel Vaxès a estimé que la présentation que le ministre avait faite de son budget était davantage destinée à une opinion publique sceptique et inquiète qu'aux membres de la commission des Finances. Le groupe communiste ne fait pas la même lecture des orientations gouvernementales et ce budget ne répond pas à l'attente de la grande majorité des Français et inspire des craintes quant à l'évolution de leur niveau de vie.

Le projet de budget confirme les craintes exprimées à l'occasion du collectif de juillet, et les choix fiscaux du Gouvernement continuent de favoriser les catégories les plus riches de la population. L'augmentation de la réduction d'impôt pour l'emploi à domicile est présentée comme une mesure d'aide au profit des familles, alors qu'une augmentation des allocations familiales aurait bénéficié à l'ensemble d'entre elles.

Le Gouvernement met en avant l'augmentation de l'investissement public, mais on assiste plutôt à un début de rationnement de la dépense socialement utile, au travers notamment des réductions d'emplois dans l'Éducation nationale, à l'Équipement ou à la Culture. Ces mesures hypothèquent l'avenir et cassent le socle de la croissance économique de notre pays. Une récente étude de l'OCDE a d'ailleurs montré qu'une baisse des dépenses publiques entraînait une baisse de la croissance. De plus, l'expérience montre que les allègements de charges n'ont pas d'effet positif sur la croissance globale.

Le choix de diminuer les prélèvements sur les contribuables les plus aisés, outre qu'il creuse les inégalités, compromet les recettes futures. Le projet de budget pour 2003 est donc un budget d'injustice fiscale et sociale et d'inefficacité économique.

Enfin, la presse s'est faite l'écho des intentions de quelques députés de la majorité de réformer l'ISF, afin d'éviter l'évasion fiscale et la délocalisation des fortunes. Or, cet argument ne tient pas puisqu'une étude menée en 1998 estimait que les redevables de l'ISF qui s'étaient expatriés ne représentaient que 0,2 % de l'ensemble des redevables et que la perte de recettes ne représentait que 1,3 % du rendement global de cet impôt. Quel accueil le Gouvernement fera-t-il à ce type d'amendements, si ceux-ci venaient à être déposés ?

M. Philippe Auberger a posé le problème de la reprise de l'investissement en 2003. Dans quelle mesure le taux d'utilisation des capacités de production permet-il de faire des prévisions relatives à l'investissement : ne faut-il pas tenir compte d'autres facteurs ? Par ailleurs, ne serait-il pas préférable d'envisager un allègement de la surtaxe pesant sur l'impôt sur les sociétés, qui serait particulièrement favorable aux PME, plutôt que la poursuite de la suppression de la part salariale dans l'assiette de la taxe professionnelle ? Il serait également nécessaire de procéder à un examen d'ensemble de la situation du secteur public en France. A cette fin, il serait souhaitable que l'Assemblée nationale puisse disposer de documents précis sur ce sujet détaillant la situation réelle de chacune des entreprises. Quelles seront les imputations budgétaires concernant les entreprises publiques en 2002-2003 ? Enfin, comment sera approvisionné le compte d'affectation spéciale ?

M. Hervé Mariton a souligné le fait que le Gouvernement aurait pu être plus vertueux encore en ce qui concerne la gestion des effectifs budgétaires, par une moindre résorption des vacances d'emploi. Une baisse totale de 1089 emplois semble faible. Par ailleurs, certains départements ministériels sont plus touchés que d'autres. Ainsi, le ministère de l'Equipement, qui enregistre une diminution des emplois budgétaires de 750 sur un total de 1089 suppressions, supporte les trois quarts de l'effort total demandé.

M. Jean-Pierre Brard a constaté que le ministre avait indiqué que le budget était « sincère autant que possible », et a souhaité savoir si le Gouvernement envisageait de « mettre au clou certains bijoux de famille, » c'est-à-dire de pratiquer d'éventuelles ouvertures de capital, en particulier d'Air France et d'EDF. Jusqu'à quelle hauteur les recettes générées par ces ouvertures de capital permettraient-elles d'abonder le budget ?

M. Pierre Méhaignerie, Président, a rappelé que si, en application de l'article 52 de la loi organique, le Gouvernement doit déposer un rapport sur les prélèvements obligatoires, ce rapport « peut donner lieu à débat à l'Assemblée nationale et au Sénat ». Cette année, la première de mise en _uvre de ce dispositif, et la première de la législature, il n'a pas été décidé d'organiser un tel débat à l'Assemblée nationale, dont l'ordre du jour est suffisamment rempli. Le droit de priorité de l'Assemblée en matière budgétaire, comme la lettre de l'article 52, paraissent faire obstacle à ce qu'un tel débat puisse avoir lieu seulement au Sénat. Il a souhaité savoir si le Gouvernement, maître de l'ordre du jour prioritaire, partage ce point de vue.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a rappelé que la loi organique emploie bien le mot « et ».

En réponse, M. Francis Mer a apporté les précisions suivantes :

- s'agissant de la croissance, certes, il y a des incertitudes, mais l'hypothèse de 2,5 % est la plus crédible, la majeure partie des économistes va dans ce sens. C'est un scénario partagé, le chiffre pouvant d'ailleurs s'avérer inférieur à la réalité s'il y a un reprise de confiance. Naturellement, comme pour toute activité humaine, il existe une marge d'incertitude. En toute hypothèse, la politique budgétaire ne se fait pas en un jour, mais elle est quotidienne et nécessite une réaction permanente. Si des évolutions importantes devaient intervenir, les ministres viendraient les présenter à l'Assemblée nationale ;

- les acteurs économiques doivent être les premiers bénéficiaires des mesures prévues dans le projet de loi de finances, car la richesse du pays est entre leurs mains. L'État ne peut forcer, il peut seulement encourager. Aussi, il convient avant tout de favoriser la création de richesses. Par conséquent, il faut aider les entreprises à réduire les coûts qui pèsent sur elles, notamment par la poursuite de la suppression de la part salariale dans l'assiette de la taxe professionnelle. Au demeurant, en l'espèce, l'opération s'inscrit dans un processus déjà engagé ;

- la situation des entreprises publiques recouvre une multiplicité de cas particuliers. La situation d'Air France n'est pas la même que celle d'EDF ou de France Télécom. Il convient par conséquent de ne pas procéder à des généralisations hâtives. Le Gouvernement traitera les difficultés posées par des structures comme l'Etablissement public de financement et de reconstruction (EPFR) ou Réseau ferré de France (RFF). Il faut par ailleurs être conscients du fait que la présentation des comptes de l'Etat serait refusée par n'importe quel commissaire aux comptes d'une entreprise et que l'endettement implicite de l'Etat est certainement beaucoup plus important que celui qui résulte du projet ;

- le Gouvernement a l'ambition de poser les questions des retraites et de la santé qui sont autant de charges susceptibles de générer de la dette. De même, la situation actuelle de France Télécom nécessitera vraisemblablement une augmentation de ses fonds propres. In fine, par un biais ou par un autre, de telles charges sont toujours supportées par la collectivité. EDF est dans une situation différente de celle de France Télécom ;

- la question du taux de TVA dans le domaine de la restauration sera mis à l'ordre du jour du conseil ECOFIN au premier semestre 2003. Ce sera aussi l'occasion d'évoquer le sujet de la TVA s'agissant des travaux à domicile ;

- le progrès technique, tout particulièrement dans le domaine du numérique, devrait permettre à l'État de garantir la continuité et l'efficacité du service rendu avec moins de fonctionnaires. Le nombre important de départs à la retraite constitue une réelle opportunité de baisser le nombre de fonctionnaires, sans tensions sociales vives. L'utilisation plus rationnelle des facteurs de production doit naturellement concerner aussi l'État ;

- il a été estimé que le prix moyen du pétrole resterait de 25 dollars le baril, car il est évidemment impossible de prévoir les conséquences d'une éventuelle guerre en Irak sur le cours du pétrole. Toutes les hypothèses sont envisageables ;

- en ce qui concerne l'hypothèse de croissance, le chiffre retenu est raisonnable. Si celle-ci s'avérait finalement plus faible que prévue, les conséquences s'en feraient sentir sur les recettes fiscales, plutôt en 2004 qu'en 2003. En revanche, les conséquences sur la masse salariale des entreprises, et donc sur le financement des dépenses de santé seraient plus rapides ;

- le budget 2003 favorise avant tout l'activité économique qui, seule, peut créer des emplois durables. Si la conjoncture difficile a eu pour conséquence de limiter les efforts faits dans le domaine de la recherche, la suppression de la taxe professionnelle sur l'investissement de recherche permet cependant de stimuler l'ensemble de cette activité ;

- la politique du Gouvernement vise à créer des emplois marchands, seul moyen de dégager de la richesse, et c'est la raison pour laquelle les mesures destinées aux jeunes sont dirigées vers l'activité en entreprise, ce qui correspond à une réalité économique profonde.

M. Alain Lambert a apporté les réponses suivantes :

-  le gel opéré sur les dépenses cet été résulte en grande partie du gel « républicain » décidé par le précédent Gouvernement. Il intervient afin que le déficit ne dérape pas. Concernant les collectivités locales, le Gouvernement marque sa volonté de poursuivre son effort financier puisque les 23 millions d'euros de compensation de la suppression de la taxe sur les débits de boisson sont affectés à la péréquation ;

- la DSU augmente.

M. Augustin Bonrepaux a souhaité savoir à combien s'élevait cette augmentation.

M. Alain Lambert a poursuivi en répondant que :

- dans le cadre de la loi organique du 1er août 2001 un plafond global d'emploi par ministère sera fixé ;

- le principe de fongibilité asymétrique des crédits permettra d'affecter les gains faits sur les dépenses de personnel aux dépenses d'investissement ;

- des efforts particuliers seront faits pour obtenir des indicateurs de performance de la fonction publique pertinents. La France pourrait s'inspirer à cet égard des bonnes pratiques des pays voisins ;

- la suppression totale de la part salariale de la taxe professionnelle coûtera 1,8 milliard d'euros en 2003 ;

- la mesure relative aux emplois à domicile concerne plus de deux millions de contribuables et 800.000 emplois ;

- si le budget intègre des créations d'emplois, en particulier dans le domaine de la justice et de la sécurité, il convient aussi de prendre en compte la direction et la volonté qui conduisent l'action du Gouvernement en matière de redéploiements, qui se traduisent par une diminution nette du nombre des emplois publics.

Enfin, pour répondre au Président Pierre Méhaignerie, le Ministre a indiqué que les termes de la loi organique méritaient un examen attentif, et que si la disposition en cause ne prévoyait, en toute hypothèse, qu'un débat facultatif, il incombait aux Conférences des présidents, comme à chacune des commissions des finances des Assemblées, de se rapprocher afin d'apprécier l'opportunité d'organiser un tel débat.

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