COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 28

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 5 décembre 2002
(Séance de 11 heures 30)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire

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La Commission a procédé à l'audition de M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

M. Alain Lambert, Ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, après avoir rappelé que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et lui-même, sont venus, le 20 novembre dernier, présenter à la Commission le projet de loi de finances rectificative pour 2002, a indiqué qu'il avait souhaité être auditionné une seconde fois afin de présenter les amendements du Gouvernement à ce projet de loi, au premier rang desquels celui qui concerne les aspects financiers du plan de redressement de France Télécom.

Le Ministre a rappelé la situation de cette entreprise, très performante, puisqu'elle dégage une marge d'exploitation de 14,7 milliards d'euros par an, mais qui est très endettée avec 70 milliards d'euros de dettes et des fonds propres réduits à zéro par de nombreuses provisions. Cette situation résulte, en premier lieu, de l'échec de certains investissements, comme NTL et Mobilcom, réalisés au plus haut de la « bulle financière » et du retournement des marchés pour les valeurs technologiques et de télécommunications. En second lieu, le refus du précédent Gouvernement de remettre en cause le seuil de détention de 50% du capital par l'Etat a contribué à aggraver la situation de l'entreprise, contrainte de financer par endettement des investissements pour lesquels ses concurrents émettaient des actions.

Comme actionnaire majoritaire, il était indispensable d'agir avec détermination et méthode pour créer les conditions du redressement de France Télécom. M. Thierry Breton a été désigné en qualité de Président-directeur général de l'entreprise. Après deux mois d'examen approfondi de la situation, le conseil d'administration a approuvé hier les orientations d'un plan de redressement sur trois ans. Ce plan repose sur un effort partagé équitablement entre l'entreprise, qui devra contribuer à son désendettement à hauteur de 15 milliards d'euros à partir de ses marges d'exploitation, ses actionnaires, qui seront sollicités pour renforcer les fonds propres à hauteur de 15 milliards d'euros et les marchés bancaires et obligataires, qui seront également sollicités pour le refinancement de l'entreprise pour un montant équivalent.

A terme, c'est-à-dire à la fin de l'année 2005, l'entreprise devrait se désendetter de 30 milliards d'euros et faire face à 45 milliards d'euros de refinancement. Les marges dégagées devraient reposer sur une gestion plus intégrée du groupe, une réduction de ses dépenses de fonctionnement et d'investissement et une meilleure maîtrise de ses besoins de trésorerie. C'est un plan ambitieux, mais réaliste et intégrant d'indispensables marges de sécurité. Le succès de ce redressement et le rétablissement définitif de l'image de France Télécom auprès des investisseurs reposeront sur la mobilisation de l'ensemble des personnels de l'entreprise.

Le plan mettra en place une politique de mobilité des personnels, fondée sur le volontariat, leur proposant de faciliter leur évolution de carrière vers les fonctions publiques. Une mission « Mobilité » sera mise en place par l'Etat en liaison avec l'entreprise, l'objectif étant de rendre plus flexible la gestion des effectifs de France Télécom et de contribuer ainsi à améliorer sa compétitivité.

Le Ministre a considéré, qu'à l'issue de ce plan de redressement, France Télécom aura retrouvé une structure financière assainie et une notation A- ou BBB+ lui permettant d'accéder aux marchés financiers dans de bonnes conditions et de renforcer sa compétitivité et ses performances.

Compte tenu de ce plan, il a estimé que France Télécom mérite le soutien de ses actionnaires, au premier rang desquels l'Etat, car il ne leur sera pas demandé d'éponger son passif mais plutôt de l'aider à retrouver un bilan équilibré dans l'intérêt propre des actionnaires. L'Etat participera au renforcement des fonds propres de 15 milliards d'euros, à hauteur de sa part dans le capital de France Télécom, soit un investissement de 9 milliards d'euros. Cette somme, qui représente un réel effort de la collectivité nationale aux côtés de France Télécom, est à la mesure de la très grande entreprise qu'est France Télécom dont la marge d'exploitation, sur la seule année 2002, représente 1,6 fois le montant de cet investissement. Par ailleurs, il ne s'agit aucunement d'une dépense à fonds perdus, puisque, en souscrivant au renforcement des fonds propres de France Télécom, l'Etat défend son propre intérêt patrimonial. En outre, cet investissement ne pèsera pas sur les déficits publics, car il relève, en comptabilité européenne, de la catégorie des « opérations financières », qui n'ont pas d'impact sur le déficit public au sens du Traité de Maastricht. Il ne modifiera pas, non plus, l'équilibre budgétaire présenté par le Gouvernement pour l'année 2003.

En revanche, il se traduira dans le décompte de la dette publique car l'endettement nécessaire pour souscrire au renforcement des fonds propres sera retracé dans la dette des administrations publiques, ce qui devrait représenter une augmentation de cette dette de l'ordre de 0,6% du PIB en 2003.

Il appartiendra à France Télécom de définir les modalités et le calendrier du renforcement de ses fonds propres, en tenant le plus grand compte de l'intérêt des actionnaires individuels et salariés. Le choix qui consiste à ne pas lancer immédiatement cette opération paraît avisé. Afin qu'elle puisse se dérouler dans les meilleures conditions et au moment le plus opportun, le Gouvernement a pris des dispositions pour que la participation de l'Etat au renforcement des fonds propres puisse être apportée de façon anticipée à l'opérateur, sous la forme d'une avance d'actionnaire, rémunérée aux conditions du marché par un contrat de 9 milliards d'euros. Ainsi, l'entreprise pourra préparer l'opération de renforcement de ses fonds propres, sans que les marchés puissent parier sur ses besoins de liquidités et prendre éventuellement des positions spéculatives.

La Commission européenne a été pleinement informée du plan de redressement de l'entreprise et des modalités selon lesquelles l'Etat jouera son rôle d'actionnaire majoritaire. Le Gouvernement a souligné auprès d'elle le rôle d'actionnaire avisé, soucieux de défendre ses intérêts patrimoniaux, que l'Etat entend jouer comme l'ont fait plusieurs autres Etats membres de l'Union, actionnaires de leur opérateur historique de télécommunications, lorsque ces entreprises ont été confrontées aux mêmes besoins de fonds propres, à l'instar de KPN aux Pays-Bas et de SONERA en Finlande. Les échanges avec la Commission européenne se poursuivront dans les semaines à venir, l'enjeu étant que cette dernière reconnaisse que le plan de redressement ne contient pas d'aide de l'Etat.

La réalisation d'un investissement aussi exceptionnel pour l'Etat nécessitait des dispositions d'organisation particulières que le Gouvernement a prises dans un souci d'efficacité et de transparence. Ainsi, l'Entreprise de recherche et d'activités pétrolières (l'ERAP), établissement public industriel et commercial, a vu ses statuts modifiés par décret, aujourd'hui même, afin de lui permettre de détenir des participations dans le secteur des télécommunications. L'ERAP va devenir prochainement un actionnaire important de France Télécom et se verra apporter l'ensemble des titres de l'entreprise détenus par l'Etat. D'ores et déjà, l'ERAP a mis à disposition de France Télécom une avance d'actionnaire qui sera consolidée au moment du renforcement des fonds propres de l'entreprise. Cette avance n'a pas vocation à être tirée rapidement, mais est nécessaire pour écarter toute crainte des marchés d'une crise de liquidité à court terme de l'entreprise. Si France Télécom est appelée à utiliser effectivement cette avance, celle-ci sera rémunérée à taux de marché. A plus long terme, l'ERAP souscrira à l'opération de renforcement des fonds propres de France Télécom à hauteur de la part détenue par l'Etat dans le capital de l'entreprise, en contractant des emprunts. Il convient de rappeler que l'Etat détient 56% des actions, mais que sa part dans le capital s'établit, en réalité, à environ 60% si l'on tient compte des titres détenus en autocontrôle par l'entreprise.

Ainsi, sans que les relations entre l'Etat et France Télécom s'en trouvent autrement modifiées, l'ERAP portera à la fois la dette nécessaire au renforcement des fonds propres de France Télécom et les titres de l'entreprise, ce qui permettra de suivre, au fil du temps, le produit et le coût de l'investissement de la collectivité nationale dans France Télécom. Le remboursement des emprunts de l'ERAP sera financé à la fois par des produits de cession de titres détenus par l'Etat ou, à plus long terme, après le succès du plan de redressement, par la cession de titres de France Télécom.

Afin de procéder, dans de bonnes conditions, aux emprunts nécessaires, l'ERAP a besoin de la garantie explicite de l'Etat. A très court terme, le Gouvernement a décidé, à titre de précaution, de donner à l'ERAP la possibilité de recourir à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) pour un prêt à court terme qui viendrait à échéance début mars 2003. A cette date, et pour les quelques mois qui suivront, l'ERAP devra rechercher un financement auprès de la trésorerie de l'Etat, qui devrait retrouver plus de flexibilité à cet horizon. A long terme, le financement de l'ERAP sera assuré par des emprunts obligataires, ce qui nécessite plusieurs mois de préparation afin que l'établissement soit noté et que son risque financier soit apprécié par les autorités de régulation.

L'ERAP ne disposant pas, comme d'autres établissements publics faisant appel au marché, d'une activité industrielle visible et reconnue, il est nécessaire, pour que son coût d'emprunt ne soit pas pénalisé, de lui permettre d'emprunter avec la garantie explicite de l'Etat. C'est l'objet de l'amendement gouvernemental au projet de loi de finances rectificative. Le dispositif proposé ne conduit pas, en pratique, à un engagement financier supplémentaire pour l'Etat, mais permet d'afficher clairement aux futurs prêteurs de l'ERAP que la qualité de sa signature est celle de l'Etat. Par cet amendement, le Gouvernement souhaite également solliciter l'approbation du Parlement sur l'engagement de l'Etat dans le renforcement des fonds propres de France Télécom.

Outre cet amendement, le Gouvernement a déposé sept autres amendements, dont trois relativement importants.

Il s'agit, en premier lieu, de proposer la réforme de l'Association nationale pour le développement agricole (ANDA), alimentée par neuf taxes parafiscales, qui finance des actions de recherche et de formation pour la diffusion des bonnes pratiques agricoles.

Dans la perspective de la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, il est proposé de créer un établissement public, dénommé Agence de développement agricole et rural (ADAR) qui reprendrait les missions de l'ANDA et auquel serait affectée une seule taxe assise sur le chiffre d'affaires des exploitations agricoles, y compris les subventions communautaires. Cette taxe, dont le taux de base serait de 0,19%, serait facile à collecter, uniforme pour l'ensemble des filières et permettrait d'assurer un produit annuel d'environ 100 millions d'euros. Il s'agirait ainsi de poser la première pierre d'une démarche globale de réforme de la parafiscalité agricole.

Un deuxième amendement du Gouvernement propose de reconduire, pour une très large part, à partir du 1er janvier 2003, le dispositif des zones franches urbaines (ZFU), mis en place en 1997 et dont le bilan est largement positif. Il apparaît en effet, que le nombre d'entreprises dans ces zones est passé, durant les cinq années d'application du dispositif, de 10.000 à 20.000, tandis que celui des emplois a augmenté de 25.000 avant 1997 à 75.000 en 2002, dont 25.000 en création nette. La clause d'embauche, d'après laquelle 20% des emplois créés devaient revenir à des habitants du quartier a, de plus, été dépassée puisque le taux moyen des résidents embauchés par les entreprises implantées sur ces sites est de 30%.

Enfin, un amendement du Gouvernement propose de traduire l'engagement pris par la France lors de la conférence qui s'est tenue, à l'invitation du Président de la République, à Paris le 23 novembre dernier, sur l'avenir du Liban, dont la dette publique est supérieure à 170% du PIB du pays. Le Premier ministre libanais ayant présenté à cette occasion un programme ambitieux de réduction de la charge de la dette, la majorité des participants à la conférence ont décidé de soutenir ces efforts en apportant des concours financiers d'un montant total de 4,5 milliards d'euros. La France participerait à cet effort à hauteur de 500 millions d'euros sous la forme d'un prêt de l'Agence français de développement (AFD). Ce prêt permettrait au Liban de disposer, dès 2003, d'une ligne de crédit à un taux proche de celui auquel l'Etat français se refinance sur les marchés. Compte tenu des montants en jeu, qui excèdent les activités courantes de l'AFD, il était nécessaire de solliciter l'octroi de la garantie de l'Etat à ce prêt.

D'autres amendements seront présentés par le Gouvernement et, en particulier, celui proposant d'affecter, au Fonds de réserve des retraites, 500 millions d'euros sur les 2,2 milliards d'euros qu'a rapportés la cession de la participation résiduelle de l'Etat dans le Crédit Lyonnais. Le Fonds étant pour partie alimenté par un compte spécial du trésor, il convenait de modifier le texte qui régit ce dernier afin de procéder au versement de cette somme.

Enfin, le Ministre a évoqué la prime de Noël qui sera versée aux titulaires du RMI et aux chômeurs en fin de droits, comme l'a annoncé récemment le Premier ministre. Bien qu'elle soit versée par les caisses d'allocations familiales, le débiteur de cette prime est bien l'Etat et il convient, par souci de transparence et de sincérité budgétaire, d'en inscrire le coût dans les ouvertures du collectif budgétaire. A cet effet, un amendement majorant les ouvertures de crédit de 220 millions d'euros environ sera présenté par le Gouvernement. Le coût de la prime s'élève à 310 millions d'euros, mais le besoin de financement est inférieur compte tenu des disponibilités existantes sur les crédits du Fonds national du chômage, résultant de la situation stabilisée du chômage. Le Ministre a rappelé que c'est la troisième prime de Noël dont le financement est assuré cette année puisque le collectif de l'été dernier a financé les deux primes précédentes, dont l'Etat était débiteur vis-à-vis de la Caisse nationale d'allocations familiales.

Abordant le transfert par l'Etat à l'ERAP de l'intégralité de sa participation dans France Télécom, M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a rappelé qu'aux termes de l'article premier de la loi n° 96-660 relative à l'entreprise nationale France Télécom, l'Etat doit détenir « directement » plus de la moitié du capital social de l'entreprise. Le transfert de titres ne pouvant être réalisé sans un support légal le permettant expressément, le Rapporteur général a demandé lequel il pourrait être.

Le Rapporteur général a observé qu'une fois réalisé tout ou partie de ce transfert d'actions de l'Etat à l'ERAP, ce dernier ne pourra financer l'avance consentie à France Télécom qu'en s'endettant, le cas échéant, sur le marché obligataire. Par suite, l'ERAP remboursera les emprunts correspondants, d'une part, en utilisant la partie de l'avance d'actionnaire qui ne sera pas tirée par France Télécom, et d'autre part, si les conditions de marché le permettent, par la vente des titres du groupe, dès lors que leur valeur aura intégré la réussite du redressement financier de l'entreprise tel que ses dirigeants proposent de le mettre en œuvre. Le Rapporteur général a demandé des précisions sur l'ensemble de ce calendrier et ses modalités d'exécution.

En ce qui concerne la création d'une mission « mobilité » tendant à organiser l'évolution de la carrière des fonctionnaires travaillant pour la société France Télécom vers des emplois existant dans la fonction publique d'Etat ou territoriale, le Rapporteur général a relevé que, chaque année, cette mobilité concerne 300 à 400 de ces fonctionnaires. Il s'est interrogé sur le point de savoir si ce flux pourra être significativement augmenté et sur les mesures envisagées afin que ces affectations soient réalisées dans les meilleures conditions possibles.

S'agissant de l'amendement du Gouvernement relatif à la création au profit de l'Agence de développement agricole et rural, établissement public qui remplacera l'Agence nationale pour le développement agricole (ANDA), d'une taxe affectée en substitution des neuf taxes parafiscales dont elle bénéficie aujourd'hui, le Rapporteur général s'est interrogé sur l'opportunité du choix de l'asseoir sur le chiffre d'affaires, dès lors qu'il apparaît que la valeur ajoutée constitue désormais, en règle générale, une assiette plus pertinente et que, précisément, les taxes assises sur le chiffre d'affaires ont tendance à disparaître.

S'agissant de l'amendement du Gouvernement relatif aux zones franches urbaines (ZFU) et aux zones de redynamisation urbaine (ZRU), il est appréciable que les modalités de sortie du dispositif choisies par la majorité précédente ne soient pas mises en œuvre. Il reste que les coûts de compensation des exonérations de cotisations sociales, qui sont imputées sur le budget de l'Etat et non pas dans les comptes du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), sont très élevés et semblent mal évalués, comme l'ont montré les débats relatifs aux deux collectifs budgétaires pour 2002.

En ce qui concerne l'assiette de la taxe qu'il est prévu d'affecter à la nouvelle Agence de développement agricole et rural, en substitution des neuf taxes parafiscales dont bénéficie aujourd'hui l'ANDA, le Président Pierre Méhaignerie s'est demandé s'il ne serait pas préférable d'asseoir cette taxe sur la valeur ajoutée, dès lors que l'on peut constater que, pour un chiffre d'affaires analogue, l'exploitation agricole dont l'activité consiste dans la production de céréales sur 200 hectares peut dégager 80% de valeur ajoutée alors que l'exploitation agricole d'un éleveur naisseur-engraisseur de porcs sur 17 hectares ne dégagera pas plus de 15% de valeur ajoutée.

Le Ministre a souligné que les prévisions relatives aux coûts des compensations des exonérations de cotisations sociales prévues par le dispositif des ZFU constituaient, comme toutes les autres prévisions de dépenses fiscales, un exercice difficile. L'essentiel était que les dotations budgétaires prévues pour le financement de ces compensations permettent in fine de les couvrir intégralement.

S'agissant de la taxe qu'il est prévu d'affecter à l'établissement public qui va remplacer l'ANDA, ses modalités de mise en œuvre, telles qu'elles figurent dans l'amendement proposé par le Gouvernement, ont fait l'objet d'une concertation étroite avec les représentants de la profession agricole, qui sont, sans nul doute, les meilleurs garants d'une prise en compte équilibrée des intérêts de chacune des filières concernées, puis ont donné lieu à une décision du Premier ministre.

Abordant le soutien accordé à France Télécom, le Ministre a indiqué qu'il sera, en effet, nécessaire de prévoir une disposition législative pour modifier la loi de 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom. Celle-ci n'est pas présentée dès à présent car elle n'appartient pas au domaine d'une loi de finances mais sera soumise au Parlement dans quelques mois.

L'ERAP peut entrer dans le capital de France Télécom en reprenant des actions de l'Etat, pourvu qu'en application de la loi précitée, l'Etat conserve au moins 50% du capital social. L'Etat détenant plus de 55% du capital, tandis que l'entreprise en conserve plus de 8% au titre de l'autocontrôle, il est possible de transférer dès maintenant une participation significative à l'ERAP. En ce qui concerne le financement de l'ERAP, à court terme, il est nécessaire qu'une disposition opérationnelle intervienne dès à présent afin que les marchés financiers n'aient aucun doute sur la solvabilité de l'établissement public et donc, indirectement, de France Télécom. Pour des raisons d'optimisation de la trésorerie du secteur public, le recours au prêt de la Caisse des dépôts et consignations apparaît comme la meilleure solution. A long terme, l'emprunt sera remboursé par la cession d'actifs de l'Etat, par la cession de titres de France Télécom et, si cela s'avère nécessaire, par un soutien financier de l'Etat.

En ce qui concerne les salariés de France Télécom, de nombreux fonctionnaires souhaiteraient être affectés dans la fonction publique d'Etat ou dans la fonction publique territoriale. Le Gouvernement est prêt à agir pour permettre au plus grand nombre possible d'entre eux d'y parvenir, sur la base du volontariat, l'Etat devant s'organiser pour coordonner les efforts qui seront faits par les administrations d'accueil. Une mission spécifique, « Mobilité », sera créée au sein de l'Etat. Les compétences des fonctionnaires ayant l'expérience des pratiques commerciales et industrielles offrent une réelle opportunité pour les administrations d'accueil.

M. Philippe Auberger a indiqué, en tant que Président de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, qu'il convient de ne pas négliger l'équilibre de la trésorerie de la CDC et de ne pas obérer ses conditions d'intervention sur les marchés financiers. L'exposition de la Caisse des dépôts et consignations au titre d'un éventuel emprunt consenti à l'ERAP pour financer l'avance de trésorerie peut s'élever jusqu'à 9 milliards d'euros. Dans le même temps, le plafond de la trésorerie de l'ACOSS a été relevé à 12,5 milliards d'euros. Cette importante exposition, bien que couverte par la garantie de l'Etat, doit faire l'objet d'une attention particulière de la part de la Représentation nationale.

Lors de la mise sur le marché de la participation de l'Etat détenue par l'ERAP, une loi spécifique sera nécessaire et, aucune date pour cette mise sur le marché n'ayant été annoncée, le Gouvernement dispose du temps nécessaire pour l'élaborer.

Par ailleurs, il est indiqué que la Commission européenne a été tenue « informée » des mesures prises par le Gouvernement. Mais les a-t-elle approuvées ? Il faudrait s'assurer que la garantie accordée par l'Etat aux prêts contractés par l'ERAP, ainsi que les modalités de rémunération de cette garantie, sont acceptées par la Commission européenne afin que l'Etat ne soit pas mis en demeure de justifier des avantages jugés indus.

Enfin, en raison de la situation financière de France Télécom, la reprise du paiement des dividendes de France Télécom est reportée. Or, au-delà de 2003, s'il n'est pas envisagé de paiement des dividendes, on peut avoir des craintes sur la tenue du cours de l'action et la protection des intérêts financiers des petits actionnaires. Il est nécessaire de savoir si l'on renonce au versement de tout dividende pendant la durée du plan de redressement présenté par l'entreprise et soutenu par le Gouvernement.

Le Ministre a indiqué que le décret définissant les statuts de l'ERAP avait été modifié pour permettre à l'établissement public de détenir des titres France Télécom, ce qui est indispensable pour que l'Etat puisse lui apporter ses titres. Une loi sera nécessaire, pour que l'ERAP puisse recevoir l'ensemble des participations de l'Etat et, ultérieurement, une loi de privatisation lui permettra, le cas échéant, de descendre en dessous de 50% du capital social par des cessions d'actions.

La rémunération de l'avance d'actionnaire sera effectuée au taux de marché. Au-delà, l'intérêt patrimonial de l'Etat repose sur l'augmentation de la valeur de France Télécom, entreprise qui doit dégager de la trésorerie pour faire face à ses échéances financières. L'amortissement des emprunts contractés par l'ERAP pour financer l'avance convertie en une participation à la future augmentation de capital s'effectuera par la cession d'actifs de l'Etat. Par la suite, l'appréciation des titres France Télécom détenus dans son portefeuille contribuera à l'appréciation de la valeur nette du patrimoine financier de l'Etat. S'agissant de la garantie apportée par l'Etat à l'ERAP, celui-ci est un établissement public national et la garantie n'a donc pas besoin d'être rémunérée.

Le dispositif financier élaboré par le Gouvernement vise à répondre à un souci de sincérité : isoler au sein de l'ERAP le traitement du dossier France Télécom permettra une meilleure transparence. Par ailleurs, l'ensemble des opérations envisagées n'a pas de finalité proprement budgétaire mais a essentiellement une portée financière et patrimoniale.

En matière de dette publique, le plan de soutien à France Télécom se traduit par une augmentation d'environ 0,6 point de PIB du ratio d'endettement public, ce qui amène la France à s'approcher sensiblement du niveau de 60% du PIB. Un autre schéma budgétaire aurait eu les mêmes conséquences au regard de la comptabilité nationale et européenne. Au demeurant, il convient de rappeler qu'une dette dépassant le plafond de 60% n'est pas en soi un motif suffisant pour déclencher une procédure de déficit excessif au sens du Traité de Maastricht.

Comme toute réforme, la réforme de l'ANDA est une tâche difficile. Le Gouvernement compte d'ailleurs sur l'appui de la Commission des finances de l'Assemblée nationale pour le seconder dans la poursuite du processus visant à normaliser les taxes parafiscales d'ici à 2004. Les transferts de charge entre filières devraient être limités. Si le Parlement souhaitait exclure certaines filières du dispositif de financement de l'ADAR, la conséquence inéluctable serait de réduire à due concurrence les dépenses de l'organisation. Il convient enfin de préciser que la réglementation communautaire ne bannit pas la mise en œuvre de taxes sur le chiffre d'affaires.

Vis-à-vis de l'appréciation que pourrait porter la Commission européenne sur le plan de soutien à France Télécom, l'Etat entend se placer résolument dans une logique d'« investisseur avisé ». La Commission européenne a souhaité obtenir des informations sur le montage financier retenu, mais son approbation formelle ne serait requise qu'au cas où l'intervention de l'Etat prendrait la forme d'une aide d'Etat au sens de la réglementation communautaire, ce qui n'est pas le but du Gouvernement.

M. Charles de Courson a estimé que la non-rémunération de la garantie de l'Etat à l'ERAP apporterait des arguments à ceux qui veulent voir dans le plan de soutien une aide directe de l'État à une entreprise du secteur concurrentiel.

Le Ministre a relevé que, dans la logique de l'investisseur avisé, ce qui est important c'est que l'avance d'actionnaire de l'ERAP à France Telecom soit rémunérée à taux de marché.

M. Philippe Auberger a estimé, cependant, qu'une plainte déposée par tout autre opérateur risquait de causer des difficultés au plan de soutien. Il est donc indispensable de rester en relation étroite avec la Commission européenne.

Le Ministre a rappelé que la garantie de l'État porterait exclusivement sur les emprunts souscrits par l'ERAP et non sur la dette de France Télécom. Au contraire, l'avance d'actionnaire sera rémunérée au taux de marché.

M. Augustin Bonrepaux a indiqué que M. Thierry Breton, Président-directeur général de France Télécom, avait présenté le redressement de l'entreprise comme dépendant, d'une part, du plan de soutien organisé par l'État et, d'autre part, d'une diminution des dépenses de fonctionnement et d'investissement. Ce deuxième axe de la politique du Président-directeur général peut poser quelques problèmes pour la bonne marche du service public des télécommunications sur l'ensemble du territoire. On peut, d'ores et déjà, s'interroger sur le développement futur de la téléphonie mobile dans les zones de montagne
- problématique qu'il convient de rapprocher du plan de réduction des « zones d'ombre » en matière de réception télévisée. En second lieu, l'extension de la technologie ADSL pourrait également en pâtir, bien que le Président-directeur général de France Télécom se soit déclaré un ardent partisan de celle-ci. Le redressement de France Télécom ne doit pas se faire au détriment des investissements dirigés vers le développement du territoire.

Le Ministre s'est réjoui de constater que la Commission des finances a été si largement informée des orientations stratégiques définies par le nouveau Président-directeur général de France Télécom. Celui-ci reste attentif à la rentabilité globale de l'entreprise qu'il dirige, ce qui est une bonne chose pour la valeur patrimoniale de l'Etat. S'agissant des dépenses de fonctionnement, on peut sans crainte espérer qu'il existe des marges de manœuvre à France Télécom, comme d'ailleurs au sein même de l'Etat. S'agissant des dépenses d'investissement, il en est certainement dont le rendement financier immédiat apparaît peu favorable et qui peuvent être remises à des temps meilleurs.

En tout état de cause, le plan de redressement de France Télécom ne passe pas par une remise en cause de ses obligations de service public. France Télécom doit et devra continuer de respecter son cahier des charges et s'attachera à participer à la réduction des inégalités entre territoires, processus dont l'Etat est le garant ultime.

Le Président Pierre Méhaignerie a déploré que les services régionaux des préfectures attendent toujours une circulaire ministérielle censée préciser les rôles respectifs des différents partenaires dans le développement de la couverture du territoire en ADSL. Dix-huit mois d'incertitudes portant sur les responsabilités de chacun, sont très préjudiciables à l'équipement de notre pays en haut débit.

M. Charles de Courson s'est interrogé sur les raisons ayant conduit le Gouvernement à retenir un montage tel que celui de l'ERAP, qui le place en porte à faux par rapport aux efforts mis en œuvre ces dernières années pour dissoudre ce type de structures et procéder à la rebudgétisation de leurs crédits. Il a rappelé l'intérêt de cette politique en termes de lisibilité et de transparence des crédits budgétaires.

Faisant valoir que la Caisse des dépôts et consignations allait probablement consentir un prêt de 9 milliards d'euros en faveur de l'ERAP et que cet emprunt impliquera le paiement d'intérêts, M. Charles de Courson a souhaité savoir quelles seraient les possibilités de rémunération de l'avance effectuée par l'ERAP en faveur de France Télécom. Si cette avance devait être gratuite, elle serait assimilée à une aide d'Etat et constituerait un véritable « cadeau » aux autres actionnaires qui bénéficieraient du sauvetage de l'entreprise sans participer à son financement. Si elle devait être rémunérée, comment l'ERAP trouverait-il les liquidités afférentes ? L'Etat devra-t-il apporter son soutien financier et, le cas échéant, sous quelle forme ? A terme, l'ERAP devra céder des actifs : cette vente sera-t-elle utilisée pour payer les intérêts de l'emprunt contracté auprès de la CDC ?

M. Charles de Courson s'est également interrogé sur l'impact du dispositif présenté par le Gouvernement quant au respect des critères de Maastricht. S'agissant du déficit public, une avance de 9 milliards d'euros consentie directement par l'Etat aurait conduit à une aggravation à due concurrence du déficit public. Le recours à un établissement public permet de contourner le critère du déficit. En revanche, s'agissant de la dette publique, les 9 milliards d'euros d'emprunt de l'ERAP, organisme divers d'administration centrale (ODAC) au sens communautaire, vont accroître la dette publique de 0,6 point du PIB. Or, cette dette se monte déjà à près de 60% du PIB : le montage financier du Gouvernement va-t-il déboucher sur une augmentation de la dette publique au-delà du critère de 60% du PIB, donnant ainsi des arguments à la Commission européenne pour accroître ses pressions sur la politique budgétaire française et adresser à la France un avertissement, assorti de pénalités financières ?

S'agissant de l'ANDA, il a souhaité savoir si l'introduction d'une taxe sur le chiffre d'affaires était compatible avec le droit communautaire, car selon lui, aucune nouvelle taxe sur le chiffre d'affaires hormis la TVA elle-même ne doit être mise en place. Il a par ailleurs fait valoir que le dispositif présenté par le Gouvernement allait se traduire par des transferts de charges considérables entre branches. Ainsi, s'agissant de la filière vitivinicole, la CNAOC a d'ores et déjà fait part de son désaccord avec le dispositif présenté par le Gouvernement, faisant valoir qu'elle souhaitait financer par des dotations volontaires l'organisation de la filière vitivinicole. Ne serait-il pas pertinent que le Gouvernement retienne cette option et exclue du dispositif toute filière souhaitant financer le développement de son organisation et la formation professionnelle par le biais de sa propre dotation, comme cela sera le cas pour la sylviculture et la pêche en eau douce que le Gouvernement a d'ores et déjà exclues du dispositif.

A M. Gérard Bapt qui déclarait prendre acte du fait que l'amendement visant à régler la question du traitement fiscal des dons aux entreprises sinistrées suite à l'explosion d'AZF à Toulouse ne résultait pas d'une initiative gouvernementale comme il lui avait été assuré, le Rapporteur général a précisé que cet amendement pourrait être présenté conjointement avec M. Gérard Bapt.

S'agissant du prêt de l'Agence française en faveur du Liban, M. Gérard Bapt a souhaité connaître les conditions de ce nouvel engagement financier de la France. Selon l'exposé sommaire du Gouvernement, cet engagement financier serait conditionné par la mise en œuvre d'un programme de réforme économique : quel est-il ? Il a également souhaité savoir si des conditions ont été exigées traduisant l'attachement de la France au maintien de l'exemplarité politique du Liban.

M. Alain Joyandet s'est tout d'abord félicité de la confiance que l'Etat accorde à France Télécom pour la mise en place de son plan de redressement. Pour autant, il est important de faire le bilan de la stratégie menée par l'Etat dans le passé en tant qu'actionnaire majoritaire. Rappelant avoir interrogé à cet égard le Président-directeur général de France Télécom lors de son audition, M. Alain Joyandet a en particulier voulu savoir la nature exacte du circuit de décision, qui du Président-directeur général, du conseil d'administration ou de l'Etat assumait la gestion et la direction des grandes options stratégiques. De manière plus générale, se pose la question de l'Etat en tant qu'actionnaire majoritaire. Il est essentiel que l'Etat n'handicape pas, par aveuglement idéologique, le développement des entreprises publiques et cela passe parfois par la levée des contraintes statutaires. En revanche, il est au moins aussi important de définir les principes d'une « cogouvernance » permettant à l'Etat de défendre, non seulement les intérêts nationaux, mais aussi ceux des petits actionnaires ou des employés.

En réponse, le Ministre a, en premier lieu, appelé à une meilleure définition du rôle de l'Etat en tant qu'actionnaire. Il est notamment indispensable que, comme tout actionnaire, il soit tenu informé et interrogé sur toute décision affectant l'entreprise. Pour autant, rien ne serait pire que de donner à croire aux marchés financiers que l'Etat serait en soi un handicap dans la gestion d'une entreprise. De même, s'il convient de tirer tous les enseignements sur l'expérience de France Télécom, il convient de veiller à ce que l'image de cette entreprise très performante n'en soit pas affectée.

Au sujet de l'ANDA, le Président Pierre Méhaignerie a estimé que le souci du plein exercice de sa compétence par le législateur imposait de déterminer dans la loi un seuil minimum d'imposition.

Le Ministre a indiqué que le débat en séance publique lui permettra d'apporter tous les éléments d'information nécessaires à cet égard, et qu'il ne manquerait pas de donner à M. Gérard Bapt, par écrit, toutes les réponses qu'il a souhaitées.


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