COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 38

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 5 mars 2003
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

pages

- Audition de M. Jean-Claude Trichet, Gouverneur de la Banque de France, sur la réforme de la Banque de France

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- Nomination d'un rapporteur sur le projet de loi relatif au mécénat

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La Commission des finances, de l'économie générale et du Plan a procédé à l'audition de M. Jean-Claude Trichet, Gouverneur de la Banque de France, sur la réforme de la Banque de France.

M. Jean-Claude Trichet a remercié le Président de la Commission des finances pour l'invitation qui lui a été adressée et qui va lui permettre de recueillir les messages et de répondre aux questions de ses commissaires, s'agissant du processus de redéfinition du réseau territorial des succursales de la Banque de France. Il a précisé qu'un document relatif aux principaux indicateurs économiques et financiers de la zone euro serait, par ailleurs, distribué à chaque commissaire, ainsi qu'il est procédé régulièrement. Il ne s'agit pas, certes, du sujet qui motive la présente réunion, même s'il y aurait en ce moment nombre de choses à dire à cet égard.

S'agissant du processus de redéfinition du réseau des succursales de la Banque de France, M. Jean-Claude Trichet a tenu à préciser que la transparence avait constitué un principe fondamental d'action. Ainsi, chaque membre de la Commission des finances a été le destinataire, l'automne dernier, d'un courrier signé de sa main explicitant pourquoi il apparaissait aujourd'hui nécessaire de mettre en œuvre ce processus. Trois impératifs justifiaient d'engager cette réflexion :

- prendre en compte les implications d'une utilisation généralisée des nouvelles technologies de l'information et de la communication ;

- tirer certaines conclusions des évolutions de l'environnement économique ;

- améliorer le compte d'exploitation de la Banque de France, qui subit une dégradation significative de ses revenus monétaires, du fait du faible niveau des taux d'intérêt dont bénéficient à l'heure actuelle les économies des Etats-Unis et de la zone euro, sachant que, dans cette zone, les taux d'intérêt pourraient encore baisser dans un proche avenir. Les revenus monétaires de la Banque de France sont, par ailleurs, affectés par une faible progression du volume de la monnaie fiduciaire. Il s'agit, d'ailleurs, d'un phénomène souhaité, à certains égards, par le Parlement lui-même, puisque la substitution de la monnaie scripturale, c'est-à-dire une monnaie qui laisse des traces, à la monnaie fiduciaire, constitue un outil de lutte contre la fraude financière.

Le courrier adressé au cours de l'automne dernier à chaque membre de la Commission des finances rappelait par ailleurs que, dans chaque pays européen, un processus de redéfinition du réseau territorial de la Banque centrale a été mis en œuvre et que le réseau de la Banque de France est aujourd'hui le plus dense comparé à celui de chacun de ces pays. Les copies des lettres de mission adressées au secrétaire général de la Banque de France, qui ont engagé le processus de redéfinition du réseau des succursales, étaient, par ailleurs, jointes à ce courrier.

Depuis l'achèvement des études réalisées par le secrétaire général de la Banque de France, dont chaque membre de la Commission des finances a été immédiatement le destinataire, le processus est entré dans sa phase de consultation au cours de laquelle ont d'ores et déjà été entendues, en particulier l'association des maires de France, la fédération des maires des villes moyennes, l'association des petites villes de France et la fédération nationale des maires ruraux. Dans le contexte de cette phase de consultation, recueillir les messages des membres de la Commission des finances de l'Assemblée nationale constitue, bien sûr, une étape de la plus haute importance.

M Jean-Claude Trichet a précisé, qu'au-delà des inquiétudes bien compréhensibles relevant d'éventuels problèmes locaux, il serait particulièrement attentif aux préoccupations d'ordre général que voudraient bien exprimer les membres de la Commission des finances, afin qu'au terme de la phase de consultation, la meilleure décision possible soit prise par le Conseil général de la Banque de France.

Le Président Pierre Méhaignerie a fait trois observations liminaires :

- s'agissant du réseau des succursales de la Banque de France, nul n'est aujourd'hui favorable au statu quo, y compris les syndicats représentatifs des personnels de la Banque de France, qu'il a rencontrés en préalable à la présente réunion ;

- la question se pose de savoir pourquoi il serait inévitable de procéder à une concentration de ce réseau au seul bénéfice des villes métropoles. Il ne faut pas exclure a priori le choix qui consisterait à rassembler les services de la Banque de France dans des villes moyennes ou des villes industrielles ayant subi le contrecoup de mutations économiques difficiles ;

- il faut par ailleurs se demander comment le processus de redéfinition du réseau sera mis en œuvre, tout en assurant un service public de proximité et de qualité aux usagers.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a relevé au préalable que le souci de la maîtrise de la dépense publique constituait l'un des principes de réflexion et d'action de la Commission des finances. C'est pourquoi, lors de l'examen du premier projet de loi de finances rectificative pour 2002, elle avait adopté un amendement tendant à l'augmentation des recettes du budget de l'Etat issues des versements de la Banque de France, afin que celle-ci opère une redéfinition des missions de son conseil de la politique monétaire, au regard, notamment, du transfert de compétence à la Banque centrale européenne. Cet amendement a permis un dialogue fructueux avec la Banque de France, qui a fait, in fine, des propositions aujourd'hui mises en œuvre. La Commission des finances sera fidèle à l'esprit qui l'a animée au cours de ce dialogue, s'agissant du processus de redéfinition du réseau des succursales de la Banque de France.

Il a noté que les membres de la Commission des finances avaient effectivement été prévenus de l'engagement de ce processus à l'automne dernier, par un courrier précisant que le format du réseau actuel n'était pas compatible avec la dynamique issue de la création de l'euro et auquel étaient jointes les copies des lettres de mission que le Gouverneur de la Banque de France a adressées à son secrétaire général. Si, dans la forme, le processus a certes été engagé sans brutalité et dans la transparence, certaines des conclusions issues des travaux réalisés sont brutales, ce qui n'enlève rien, par ailleurs, à leur lucidité et à leur exhaustivité et montre qu'en tout état de cause, une évolution est nécessaire.

Le Rapporteur général a estimé que les solutions tendant à un resserrement du réseau au niveau des seules vingt-deux métropoles régionales n'étaient sans doute pas compatibles avec la mise en œuvre de la mission de service public relative au surendettement, pour laquelle l'exigence de qualité doit être grande, même s'il est concevable que cette mission eût pu ne pas échoir à la Banque de France. Par ailleurs, ces solutions ne permettront sans doute pas d'exercer de façon adéquate les missions de la Banque de France auprès des entreprises. Enfin, les considérations relatives à l'aménagement du territoire semblent montrer que ces solutions ne sont pas les bonnes. Il a précisé qu'entre ces solutions et la situation actuelle, dont les syndicats représentatifs des personnels de la Banque de France admettent d'ailleurs le caractère inadéquat, il existait sans doute des variantes praticables. L'une d'entre elles, basée sur le maillage départemental, pourrait constituer la solution la meilleure.

Le Rapporteur général a ensuite souhaité recueillir le sentiment du Gouverneur de la Banque de France concernant les implications du processus de redéfinition du réseau des succursales, s'agissant :

- de l'emploi, de la démographie des personnels de la Banque de France et de l'évolution de leurs métiers ;

- du patrimoine immobilier de la Banque de France, situé souvent en centre-ville, dont la valorisation, à l'avenir, pourrait utilement faire l'objet de démarches contractuelles avec les collectivités locales concernées.

En conclusion, le Rapporteur général a estimé que si la brutalité de certaines des solutions envisagées a pu contribuer à en faire des repoussoirs, il convient de veiller à ce que cette brutalité n'aboutisse pas à la paralysie. Si la démarche engagée est animée par cet esprit, la Banque de France peut compter sur le soutien de la Commission des finances.

M. Augustin Bonrepaux a admis pouvoir partager l'esprit des propos du Rapporteur général, mais a précisé qu'il convient avant tout de veiller à ce que le processus de redéfinition du réseau des succursales de la Banque de France n'aboutisse pas au « déménagement des territoires ». Il n'est en effet pas acceptable que le comité interministériel à l'aménagement du territoire tienne un certain langage, alors même que sa lettre et son esprit sont battus en brèche par un tel projet et, d'ailleurs, par beaucoup de projets passés et actuels de redéploiement des services publics. Ces projets ne sont en outre pas compatibles avec l'esprit de la décentralisation.

Il existe aujourd'hui une succursale de la Banque de France à Foix, dans le département de l'Ariège, pour laquelle une station de ski de ce département assume le coût d'acheminement des fonds issus de son exploitation. En conséquence, dès lors que la succursale de Foix aura été supprimée, le coût supplémentaire issu de l'allongement du transport des fonds pèsera sur les acteurs qui sont les plus éloignés, nouvel exemple d'un transfert des coûts et des charges devenu malheureusement récurrent à l'occasion de la mise en œuvre des processus de redéploiement des services publics.

Il est en tout état de cause nécessaire de préserver, en contact avec la population concernée, la mission de service public relative au surendettement et d'assurer une mission de conseil de qualité aux entreprises, alors que celles-ci, comme l'ensemble du pays, sont plongées dans une conjoncture économique difficile.

M. Augustin Bonrepaux a enfin souligné que la politique de libéralisation des services publics menée au Royaume-Uni ne devait pas servir d'exemple à la France.

Après avoir rappelé qu'il est maire de Vannes, ville dans laquelle se trouve une succursale de la Banque de France, ce qui pourrait lui permettre, en théorie, d'évoquer les inconvénients plutôt que les avantages d'une restructuration du réseau de la Banque de France, M. François Goulard a appelé les responsables politiques à plus de cohérence intellectuelle et au sens de la responsabilité : les services publics doivent être plus efficaces et il convient de ne pas s'opposer à une réforme du réseau de la Banque de France, même si les conséquences sur le plan social devront être bien entendu prises en considération.

Il a souligné que les fonctions désormais exercées par la Banque de France, telles que la cotation des entreprises, le refinancement des banques, la circulation fiduciaire étaient en nombre limité et ne nécessitaient pas un réseau de 211 succursales. Il est aisé de s'opposer à la restructuration de ce réseau au nom de l'aménagement du territoire. Mais, dans les faits, l'existence d'une succursale est moins importante pour l'attractivité du territoire que ne le sont les infrastructures de communication.

Toutefois, une des missions exercées par la Banque de France demeure primordiale en termes de service de proximité et il convient de la maintenir : il s'agit du rôle joué dans la gestion des dossiers de surendettement. Une solution devra être apportée à cet égard, qui ne passe pas nécessairement par l'affectation de bâtiments coûteux.

M. François Goulard s'est donc déclaré favorable à une réforme du réseau de la Banque de France, qui aurait dû être mise en œuvre beaucoup plus tôt.

M. Marc Laffineur a également fait valoir que la réforme du réseau de la Banque de France aurait dû être menée depuis de longues années tant elle est indispensable.

Cette réforme devra être mise en œuvre en prenant en compte ses conséquences sur le plan humain et tout en préservant le rôle de la Banque de France en matière de surendettement. Il ne s'agit donc pas de mener une demi-réforme, mais, au contraire, de prendre les mesures nécessaires pour que le réseau de la Banque de France devienne aussi performant que possible, sans qu'apparaisse toutefois de raison convaincante en faveur d'un regroupement de l'ensemble de ses succursales au niveau des métropoles régionales.

Evoquant les études menées par la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de la Commission sur les éventuelles redondances des services d'études économiques français, M. Marc Laffineur s'est interrogé sur l'opportunité d'une réforme du service d'études économiques de la Banque de France, qui comprend environ 700 personnes, ce qui donne à penser qu'il serait envisageable d'améliorer ses performances.

N'apercevant aucun fait qui l'exclurait de la cohérence et de l'honnêteté intellectuelles, M. Jean-Louis Idiart a rappelé que la question du devenir des succursales de la Banque de France se posait avec acuité depuis de nombreuses années : il est donc naturel que ce sujet ressurgisse.

Le rapport présenté par M. Yves Barroux, secrétaire général de la Banque de France, suggère plusieurs modalités d'évolution du réseau des succursales, dont le caractère parfois provocateur s'explique peut-être par un positionnement de début de négociations.

Evoquant le cas de son département, où la préfecture est à la fois une préfecture de région et de département, M. Jean-Louis Idiart a indiqué que les succursales de la Banque de France installées dans les sous-préfectures seraient probablement concernées par la réforme. Cette situation n'est pas sans soulever des difficultés, puisque toutes les réformes des services publics locaux, qu'il s'agisse de celle du réseau de la gendarmerie et de la police, de celle du réseau du Trésor public, de celle des établissements de France Télécom, finissent par toucher les mêmes agglomérations. Elles sont menées indépendamment les unes des autres, sans aucune logique transversale, si bien que progressivement, les territoires se vident de leurs services publics, engendrant des pertes d'emplois qui sont pourtant capitaux pour la vie des villes moyennes.

La réforme du réseau de la Banque de France ayant des conséquences irrémédiables en termes d'aménagement du territoire, M. Jean-Louis Idiart a souhaité connaître l'état d'avancement des négociations menées par le Gouverneur avec le ministère des finances et celui de l'aménagement du territoire. Il a également demandé des précisions sur l'avenir des services de la Banque de France chargés de la gestion des dossiers de surendettement et de ceux travaillant en collaboration avec les entreprises. Actuellement, les services fournis par la Banque de France aux entreprises permettent de mener une analyse au niveau local, le plus proche des entreprises. Regrouper ces services au niveau régional ne permettrait plus de mener cette analyse au niveau le plus pertinent et remettrait donc en cause l'efficacité de l'activité de conseil de la Banque de France aux entreprises.

Il a enfin souligné que la circulation de la monnaie fiduciaire, auparavant assurée en toute sécurité par la Banque de France, tendait à se développer de manière inquiétante : de plus en plus de fourgons circulent sur les routes, au point que l'on pourrait parler « d'un appel au crime ».

La réforme du réseau des succursales de la Banque de France doit être menée, en retenant des critères de proximité. Les services de la Banque de France ne doivent pas être concentrés sur la ville chef-lieu de l'agglomération. Par exemple, Toulouse, ville chef-lieu, qui bénéficie d'ores et déjà des créations d'emplois induites par la présence d'Airbus industrie, est éligible aux primes d'aménagement du territoire à la suite de l'explosion de l'usine AZF, primes nettement supérieures à celles perçues en territoire rural dans ce même département. Cet exemple souligne à lui seul le manque de cohérence de la politique menée par le Gouvernement en matière d'aménagement du territoire.

M. Jean-Claude Sandrier a souhaité que l'on mesure bien l'émotion des salariés et des élus locaux suite à l'annonce des projets de restructuration de la Banque de France. Il serait, à cet égard, nécessaire que la Commission des finances reçoive les syndicats. Au vu des difficultés actuelles en termes de croissance et de l'augmentation du chômage, on peut douter de l'opportunité de supprimer 3.600 emplois sur 18.000, de s'attaquer à des missions de service public, de priver des territoires fragilisés des compétences d'information et d'expertise économiques de la Banque de France, et donc de supprimer les moyens qui contribuent au développement des bassins d'emploi, ainsi que les services de la banque aux particuliers. Par ailleurs, le projet proposé est un projet de centralisation, en contradiction avec la politique affichée par le Gouvernement. En ce qui concerne les salariés, deux remarques s'imposent : il est proposé aux salariés, soit un reclassement avec une perte de statut, c'est-à-dire une régression sociale, soit une préretraite, c'est-à-dire une solution en contradiction avec les intentions proclamées par le Gouvernement d'obtenir que davantage de personnes de plus de cinquante-cinq ans puissent rester en activité.

Pourquoi faudrait-il nécessairement créer une banque au service exclusif des marchés, comme la Banque de Grande-Bretagne, qui compte 2.000 salariés ? Il faut assurer le maintien des services publics et il n'est pas possible d'assurer l'égalité des citoyens sans assumer le fait que certains services publics peuvent ne pas être rentables dans certains territoires. En outre, pour réduire les aléas du compte d'exploitation de la Banque de France, il serait possible de mettre en réserve une partie des sommes qu'elle verse à l'Etat plutôt que de diminuer l'emploi et les services.

M. Daniel Garrigue a estimé nécessaire que la structure et les implantations de la Banque de France évoluent. Pour autant, il est fréquent que les régions n'arrivent pas à organiser la solidarité territoriale. Il faut donc que la démarche de la Banque de France se fasse dans la concertation, et non pas en ordre dispersé, afin de conserver localement un certain nombre de fonctions indispensables.

M. Alain Rodet a considéré que la méthode employée consistant à faire état de perspectives excessivement sombres était soit une maladresse soit un moyen de faire accepter ultérieurement des mesures moins radicales. Il a indiqué que les syndicats étaient prêts à accepter un certain nombre de fermetures. Il a rappelé que lors du vote de la loi du 4 août 1993 relative au statut de la Banque de France et à l'activité et au contrôle des établissements de crédits, beaucoup s'étaient alors voulus très rassurants quant au nombre de succursales. Mais la première question à poser, indépendamment de la restructuration du réseau, n'est-elle pas celle de l'existence même du Conseil de la politique monétaire ?

M. Alain Joyandet a souhaité connaître l'évolution des effectifs de la Banque de France depuis cinq ans, en Ile-de-France, d'une part, et dans le reste de la France, d'autre part. Certaines administrations centrales ont, en effet, vu leurs effectifs augmenter de manière non négligeable sur cette période. En outre, existe-t-il une réelle volonté d'étudier les meilleures possibilités de déconcentrer un certain nombre des missions de la Banque de France, en utilisant notamment les opportunités offertes par les nouvelles technologies de l'information et de la communication ? Il serait souhaitable que le plan de restructuration ne se contente pas de la solution de facilité consistant à concentrer les services en quelques endroits seulement. Dans les départements, dans le cadre des fusions d'hôpitaux, il a été procédé à la répartition des services qui n'avaient pas à être concentrés autour du plateau technique. Une démarche similaire devrait être adoptée pour la réorganisation du réseau de la Banque de France.

M. Jean-Louis Dumont a reconnu que certains services ont perdu de leur substance dans les petites succursales. Mais le service chargé du surendettement doit demeurer un service de proximité et la cohérence entre le tribunal de grande instance et lui doit être maintenue. Certes, la cotation des entreprises pourrait être effectuée par internet, mais dans le milieu rural, où les petites entreprises sont nombreuses, un projet n'est réalisable que si le directeur de la succursale de la Banque de France y donne son aval, car il est considéré comme un expert, tout à la fois indépendant et intégré à la vie locale. La cotation n'épuise pas l'essentiel du service rendu. Enfin, toutes les personnes travaillant dans les succursales ne sont pas des fonctionnaires et ce seront vraisemblablement les salariés de droit privé qui seront touchés en premier lieu par la restructuration. En conclusion, il faut maintenant apporter la démonstration que la culture d'entreprise peut rencontrer une politique de conseil de proximité cohérente et, s'il est nécessaire de moderniser la Banque de France, il faut bien prendre conscience du caractère indispensable de certains de ses services sur le plan local.

Après avoir rappelé que le rapport présenté par M. Yves Barroux avait essentiellement présenté trois scénarios d'évolution du réseau des succursales de la Banque de France, reposant sur une analyse en termes d'équivalent temps plein de la réduction des effectifs, Mme Marie-Anne Montchamp a demandé si l'on disposait d'indications sur la moyenne d'âge des personnels en cause, dans quelle mesure une redistribution des effectifs entre les succursales était envisageable et, dans ce contexte, s'il ne convenait pas de relier cette question à celle des effectifs employés en administration centrale.

M. François d'Aubert a souhaité obtenir des précisions sur la répartition des effectifs de la Banque de France entre l'administration centrale et les succursales. Les prévisions de départ en retraite sont-elles différentes d'un service à l'autre ? Les projets immobiliers de la Banque de France doivent reposer sur la prise en compte spécifique de la très grande qualité des actifs de la Banque à Paris, notamment boulevard Malesherbes et boulevard Raspail. Quel est le nombre de mètres carrés détenus à Paris par la Banque de France ? Compte tenu des cessions à venir, il serait opportun d'envisager la création d'une structure spécialement dédiée à la gestion du patrimoine immobilier de la Banque de France.

Il est surprenant que les perspectives d'évolution du maillage départemental de la Banque de France aient été connues des syndicats avant l'information des élus.

Le Président Pierre Méhaignerie a considéré que les observations des membres de la Commission des finances mettaient en évidence trois idées force : premièrement, le système est à réformer ; deuxièmement, il est indispensable de prendre en compte les impératifs d'aménagement du territoire afin de traiter différemment les succursales situées dans des villes en déclin et celles des métropoles d'équilibre en croissance ; troisièmement, la réforme doit permettre d'assurer la continuité des services de la Banque de France, à proximité des usagers.

M. Jean-Claude Trichet a observé que les messages des membres de la Commission des finances avaient été très clairement exprimés. Avant d'aborder la question de la réforme du réseau, il a répondu à certaines questions posées par les commissaires.

Toute réforme des services d'études doit prendre en compte la nécessité, pour la Banque de France, au sein du Système Européen de Banque centrale et pour une gestion harmonieuse de l'eurosystème, de porter la meilleure analyse possible non seulement sur l'économie française mais également sur les économies des autres Etats européens et même du monde. Le Gouverneur de la Banque de France doit être en mesure d'exprimer un sentiment fondé sur des analyses fiables pour proposer les meilleurs moyens d'obtenir l'optimum économique par la politique monétaire. Il convient d'observer que la Banque de France produit une enquête de conjoncture qui apparaît comme la plus fiable et la plus précoce en France. Il a pu arriver dans le passé que cette enquête démente certaines des analyses de l'INSEE, plus approximatives et corrigées par la suite.

Des progrès de productivité peuvent être réalisés et doivent continuer d'être réalisés, même si, au cours des neuf dernières années, les effectifs de la Banque de France ont progressivement diminué de 2.500 personnes. Paris a, bien entendu, été concerné comme la province, particulièrement Chamalières et Vic-le-Comte où une restructuration a été menée dans les usines de fabrication des billets. La Banque de France demeure toujours le second employeur industriel d'Auvergne après Michelin.

Des progrès sont également à réaliser en matière de circulation fiduciaire. Certains souhaitent qu'il n'y ait aucun changement alors que d'autres préconisent une décentralisation importante de la circulation des billets, qui serait de la responsabilité des banques et des supermarchés. En pratique, cette seconde perspective se heurte rapidement aux contraintes de sécurité qui sont particulièrement fortes en France. On pourrait en effet craindre un déplacement de la criminalité sur les points fixes que constituent les banques et les supermarchés, alors que ces entreprises ne disposent pas des mêmes installations de sécurité que la Banque de France.

Il n'est pas question d'orienter l'activité de la Banque de France dans le sens de celle de la Banque d'Angleterre qui n'a pas de réseau de succursales. Mais la Banque de France ne peut rester immobile. Mais on peut observer qu'en Espagne comme en Allemagne, le nombre de succursales sera très bas (22 succursales en Espagne et 60 en Allemagne). La France devrait conserver un ratio succursales/population plus élevé que dans ces deux pays.

Des projets sont en cours de finalisation afin de procéder à des ventes importantes d'actifs immobiliers, en particulier à Paris. S'agissant du réseau, lorsque la réflexion aura abouti à des projets concrets, les maires concernés seront informés des intentions de la Banque de France et celle-ci se montrera aussi désireuse que possible de faciliter le cas échéant l'acquisition de certains actifs par les municipalités concernées.

M. Jean-Claude Trichet a ensuite précisé que la réforme de la Banque de France ne se ferait pas sur la base du moindre abandon des missions actuellement exercées par la banque. Ces missions sont définies, soit par le traité de Maastricht, soit par le législateur national. Certaines d'entre elles sont originales par rapport aux compétences des autres banques centrales en Europe, notamment les responsabilités très importantes confiées à la Banque de France en matière de surendettement. Toutes ces missions seront assumées, le meilleur service devant être rendu au moindre coût.

De même, il n'est pas question de procéder à des licenciements, ni pour les agents titulaires naturellement, ni parmi le personnel non titulaire, lié à la Banque de France par une relation contractuelle de droit privé. Les autorités de la banque prennent sur ce sujet un engagement très ferme, qui amènera à regarder au cas par cas les opportunités de reclassement ou de reconversion, éventuellement en liaison avec les collectivités locales concernées.

La restructuration du réseau devra naturellement intégrer les contraintes liées à la pyramide des âges et la cohérence globale d'un éventuel plan social devra être assurée le moment venu après décision sur la réforme.

La Commission des finances a exprimé des attentes très fortes en matière d'aménagement du territoire. Son message essentiel renforce ceux issus des premiers échanges conduits avec les représentants du personnel, les élus locaux et nationaux. Le Gouverneur en retire le sentiment qu'une organisation départementale du réseau pourrait être un cadre de référence naturel et nécessaire, sur la base d'une implantation par département. Il va de soi que - sous réserve des décisions à venir - cette indication pourrait être ajustée en fonction de critères locaux. Cependant, seul un très petit nombre de cas pourraient justifier que l'implantation de la Banque de France soit extérieure au chef-lieu de département.

La Commission des finances a aussi exprimé très fortement son attachement aux services rendus par la Banque de France en matière de surendettement des ménages, renforçant les messages des représentants du personnel et des élus locaux. Ce service, qui a un fondement légal, est rendu de façon satisfaisante. De ce fait, la réforme ne devrait pas conduire à une diminution de la qualité et de la capacité d'accueil qui existent aujourd'hui, ce qui suppose, le cas échéant, l'organisation de permanences. Avec le droit au compte et la gestion des grands fichiers, le traitement des dossiers de surendettement fait partie des « services publics rendus aux particuliers » au sens de la loi sur l'aménagement du territoire. S'agissant de ces trois activités, il faudra donc structurer les relations futures de la Banque de France et de l'Etat autour d'un contrat de service public.

Le Président Pierre Méhaignerie a remercié M. Jean-Claude Trichet pour ces explications. Il a souligné que la restructuration annoncée du réseau de la Banque de France ferait perdre des atouts évidents à certaines collectivités. Il conviendrait donc de réfléchir à la façon de compenser la perte de ces acquis, de façon à montrer que la réforme du réseau tient effectivement compte des préoccupations des uns et des autres. Une évaluation mesurée de la valeur du patrimoine immobilier vendu par la Banque aux collectivités locales concernées pourrait peut-être contribuer à satisfaire cet objectif légitime.

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Information relative à la Commission

La commission des Finances a nommé M. Laurent Hénart rapporteur sur le projet de loi relatif au mécénat.

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