COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 63

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 11 juin 2003
(Séance de 17 heures 15)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

pages

- Communication de M. Laurent Hénart sur le suivi des propositions de la MEC (archéologie préventive).

2

- Examen, en deuxième lecture, du projet de loi de sécurité financière (M. François Goulard, rapporteur)

8

- Informations relatives à la Commission.

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M. Jean-Louis Dumont a indiqué qu'il lui paraît essentiel que la Commission des finances se saisisse pour avis du projet de loi d'orientation pour la ville soumis pour avis au Conseil économique et social, qui doit être délibéré au Conseil des ministres du 18 juin prochain, et comporte des dispositions en matière fiscale comme en matière de logement social qui entrent dans les compétences de la commission des finances, y compris dans ses aspects de programmation.

Le Président Pierre Méhaignerie a répondu que si la Commission des finances donnait un avis, celui-ci ne pourrait porter que sur une partie du texte, compte tenu des délais d'examen du texte et de l'ordre du jour très chargé de la Commission.

M. Laurent Hénart, Rapporteur de la MEC sur l'archéologie préventive, a présenté une communication sur le suivi des propositions de la MEC, l'objectif de cette communication étant de montrer dans quelle mesure le projet de loi modifiant la loi du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive donne satisfaction aux propositions adoptées par la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) et sur quels points il s'en distingue. Le projet vient d'être examiné par la commission des affaires culturelles du Sénat et y sera discuté en séance publique le 17 juin. Il pourrait être inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée du 30 juin.

Le projet répond aux propositions de la MEC sur plusieurs points importants :

- l'accent est mis sur les missions scientifiques de l'INRAP : le rapport de fouilles élaboré par un opérateur autre que l'INRAP doit être remis à l'État et à l'INRAP et, en cas de cessation d'activité ou de retrait de l'agrément de l'opérateur, le mobilier archéologique et la documentation doivent être remis à l'établissement public, afin qu'il en achève l'étude scientifique ;

- les services territoriaux d'archéologie agréés se voient confier un rôle éminent pour la réalisation des diagnostics et des fouilles ; ils interviendront dans les mêmes conditions que l'INRAP ;

- pour la réalisation des fouilles, la diversification des opérateurs, publics ou privés, est assurée, à la condition qu'ils aient obtenu un agrément délivré par l'État. Le choix appartiendra à l'aménageur, chaque fouille devant être autorisée par l'État ;

- le principe du paiement de la fouille par l'aménageur est rétabli, afin que le système dissuade de l'implantation d'aménagement en zone archéologique riche. La redevance de fouille, dont le calcul était trop complexe et arbitraire, est donc supprimée ;

- est prévue la création d'un fonds de péréquation destiné au financement des subventions accordées pour la réalisation de certaines fouilles, sur décision de l'État après avis d'une commission composée en nombre égal de représentants de l'État, des collectivités territoriales et de personnalités qualifiées.

Certains points du projet de loi méritent en revanche d'être précisés. Le projet rétablit le rôle de l'État en matière d'autorisation, de surveillance et d'arbitrage. S'il est prévu qu'il agrée les opérateurs susceptibles de se porter candidats pour la réalisation des fouilles, le projet n'impose pas de conditions d'agrément pour les opérateurs auxquels l'INRAP ou les collectivités territoriales peuvent recourir pour les opérations de diagnostic. La présence de l'État dans le dialogue entre aménageur et opérateur pourrait aussi être renforcée. La MEC avait préconisé d'inscrire des délais dans la loi, notamment pour les phases administratives et le diagnostic, ce que le projet ne prévoit pas. Enfin, confier la gestion du fonds de péréquation à l'INRAP n'apparaît pas pertinent : l'État semble le mieux placé pour s'en charger.

C'est surtout le financement des opérations proposé par le projet qui devrait être assez largement modifié. La suppression de la redevance de fouilles est une bonne chose et l'élargissement de l'assiette de la redevance de diagnostic est pertinent. En revanche, les dispositions proposées en matière de seuil, de taux et d'exonération risquent de ne pas assurer un produit à la hauteur des besoins de financement. Le Sénat partage ces préoccupations et sa commission des affaires cultuelles a déjà adopté des amendements qui vont dans le bon sens. La taxation à un taux unique de la surface des terrains aménagés peut être retenue pour les grands aménagements, autres que les constructions soumises à permis de construire, mais, pour ces dernières, un calcul de la redevance inspiré de celui de la taxe locale d'équipement serait mieux adapté, car il tiendrait compte de la surface construite et de la valeur forfaitaire des constructions. La taxation portant sur les permis de construire est de loin la plus délicate car elle porte sur 90 % des redevables de la redevance, mais elle n'assurerait qu'environ un quart de son produit.

Par ailleurs, le projet néglige entièrement les propositions de la MEC en faveur de la mise en place d'une archéologie prévisionnelle, laquelle passe par la réalisation en amont des diagnostics éventuellement prescrits pour réduire les délais. La MEC était favorable à la création d'une obligation de saisine des services régionaux d'archéologie dans la phase de préparation d'une zone d'aménagement concerté, d'un lotissement ou de permis groupés, les diagnostics prescrits devant être réalisés immédiatement et conduire à une prescription de fouilles détaillée. Le projet pourrait utilement être complété sur ce point.

M. François Goulard a souligné qu'il était intervenu de manière critique lors du débat relatif à la loi du 17 janvier 2001, et que les faits confirment ces critiques : la mise en place d'un monopole de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) a été regrettable, d'autant plus qu'il n'est pas nécessaire au bon fonctionnement de l'archéologie préventive et que d'autres acteurs peuvent intervenir. Les conclusions du rapport de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) et le projet de loi constituent donc un réel progrès. Légiférer dans ce domaine nécessite de concilier deux impératifs contradictoires : permettre des fouilles archéologiques à chaque fois que cela est nécessaire, ce qui implique une intervention de la puissance publique et ne pas pénaliser les aménageurs ou retarder les travaux.

Le Président Pierre Méhaignerie s'est interrogé sur les modalités de financement des opérations de diagnostic et de fouilles, proposées dans le projet de loi. Il a souhaité que des délais plus stricts soient prévus par la loi.

M. Laurent Hénart a distingué les propositions du rapport de la MEC de celles du projet de loi. S'agissant du diagnostic, le projet de loi prévoit que l'INRAP et les collectivités territoriales pourront recourir à des personnes de droit privé. Actuellement, il existe une pluralité d'acteurs, mais c'est l'INRAP qui décide d'y avoir recours. Si la collectivité territoriale n'exerce pas une compétence générale de diagnostic, elle ne paie pas la redevance et elle la collecte sur les aménagements réalisés sur son territoire. Elle sera payée en tant que prestataire, au cas par cas. La redevance représente 0,32 euro par mètre carré de terrain concerné. Le projet de loi accompagne d'ailleurs ce principe de très nombreuses exonérations. La construction pour soi-même est exonérée, s'agissant des personnes privées.

En revanche, dans son rapport, la MEC a proposé que le diagnostic fasse intervenir une diversité d'opérateurs. Par ailleurs, la redevance de diagnostic pourrait être transformée en une redevance d'étude archéologique qui pourrait être collectée sur le modèle de la taxe locale d'équipement (TLE) et simultanément à son paiement, par un service de l'État. L'objectif des propositions du rapport est d'inciter à effectuer les diagnostics le plus tôt possible, c'est-à-dire en amont du permis de construire. Par exemple, pour les zones d'aménagement concerté (ZAC), les diagnostics devraient obligatoirement être réalisés dès la préparation de l'opération d'aménagement.

S'agissant des fouilles, le projet de loi propose que le prix payé soit celui du service effectué et soit laissé à la charge des aménageurs. Il prévoit aussi la création d'un fonds de péréquation, conformément aux propositions de la MEC. En revanche, deux aspects ne semblent pas satisfaisants. Tout d'abord, les critères d'attribution de subventions n'ont pas été établis par le projet de loi. De plus, le fonds de péréquation serait géré par l'INRAP, alors que le rapport de la MEC proposait que l'État prenne en charge cette gestion.

Le Président Pierre Méhaignerie s'est inquiété des problèmes d'inégalité entre aménagements ruraux et urbains induits par une redevance assise sur la surface des terrains.

M. Laurent Hénart a précisé qu'une taxe additionnelle à la taxe locale d'équipement permettrait de mieux prendre en compte la valeur des aménagements envisagés et de réduire les risques d'iniquité, alors que la redevance proposée ne résout pas cette difficulté.

M. François Goulard a souligné que les barèmes applicables sont aujourd'hui particulièrement complexes.

M. Laurent Hénart a précisé que la redevance de fouilles est transformée par le Gouvernement en une redevance pour étude qui s'élève à 0,32 euro par mètre carré. Une partie de la redevance doit alimenter le fonds de péréquation. La MEC a souhaité que ce dernier intervienne pour aider les opérations sur les terrains non renseignés, les communes riches en patrimoine archéologique et celles qui ont un faible potentiel fiscal, alors qu'elles ne bénéficient actuellement d'aucun soutien financier.

Le Président Pierre Méhaignerie s'est interrogé sur la nécessité pour le maître d'ouvrage de procéder à un appel d'offres.

M. Laurent Hénart a répondu que le projet de loi y conduirait en effet. La mise en concurrence est possible, mais il n'y a pas beaucoup d'entreprises qui sont, de facto, susceptibles d'y participer. L'objectif poursuivi est de permettre la vérité sur les prix et le développement des services territoriaux. Les SARL, qui signent aujourd'hui une convention avec l'INRAP, recevraient un agrément de l'État. Aujourd'hui, l'INRAP a conclu six conventions, dont une avec une société commerciale. Demain, l'État sera compétent pour délivrer les agréments. Par ailleurs, il faut aider les sociétés commerciales, souvent de petite taille, à trouver des partenariats pour développer le volet de l'exploitation scientifique. Le principal apport du projet de loi, comme des propositions de la MEC, est que les élus locaux ne soient plus confrontés au monopole de l'INRAP. D'autres acteurs pourront intervenir sous l'impulsion des collectivités locales, permettant ainsi le développement des services territoriaux. Il n'y a pas d'opposition entre public et privé mais il faut rechercher une complémentarité entre le niveau national et le niveau local.

Le Président Pierre Méhaignerie s'est interrogé sur le montant de la taxe additionnelle à la TLE qu'il faudrait créer pour couvrir les besoins de financement.

M. Laurent Hénart a précisé que la TLE représente 325 millions d'euros. Le taux de la taxe additionnelle serait de 0,3  % à 0,6  %, c'est-à-dire un taux comparable à celui des taxes additionnelles mises en place par les collectivités locales pour couvrir les frais d'urbanisme et d'architecture. En outre, certaines taxes, comme celle sur les espaces verts sont déjà adossées à la TLE.

M. Jean-Louis Dumont a rappelé le problème des montants très variables réclamés aux aménageurs pour les fouilles. L'essentiel est de permettre la vérité sur les prix, alors qu'actuellement tout paraît très aléatoire. Il a souhaité savoir si les diagnostics archéologiques étaient réalisés dans le cas d'une zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP).

M. Laurent Hénart a rappelé que le système de négociation dans le cadre de l'Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN) n'existait plus. Actuellement, le coût varie sensiblement selon que la stratification est simple ou complexe. Le projet préconise de revenir au prix du service s'agissant de la fouille. L'objectif de la MEC est que le diagnostic ne s'achève pas seulement par un rapport scientifique, mais le cas échéant par une prescription de fouilles détaillée. Dans le cas d'une ZPPAUP, le rapport préconise que la commune puisse demander à l'État d'étudier la nécessité d'un diagnostic.

Le Président Pierre Méhaignerie a souligné l'importance de la mise en place de la carte archéologique pour que les prescriptions puissent être pertinentes.

M. Laurent Hénart a indiqué que la carte signale les bassins de vie où il existe une présomption de fouilles. Le rapport de la MEC préconise une prescription de l'État motivée pour chaque cas, alors que le projet de loi ne propose pas d'amélioration sur ce point. Cela constitue une des propositions essentielles de la MEC, car elle permettrait d'agir en amont de la prescription, alors que le projet de loi ne résout pas totalement le problème des délais.

Le Président Pierre Méhaignerie s'est demandé dans quels cas il y avait réellement matière à effectuer un tel diagnostic.

M. Laurent Hénart a indiqué qu'aujourd'hui déjà, le diagnostic n'avait pas lieu partout. 14 % des dossiers de construction donnent lieu à une prescription et 11 % des prescriptions conduisent effectivement à des fouilles. Le projet fait porter la solidarité non pas sur la fouille, dont le coût incombe à l'aménageur, mais sur le diagnostic.

Le Président Pierre Méhaignerie s'est demandé si un maire ne serait pas tenté de ne pas faire de déclaration afin d'éviter tout diagnostic.

M. Laurent Hénart a souligné que c'était précisément la raison pour laquelle il avait préconisé de rendre obligatoire le diagnostic. Ce diagnostic devrait être à la fois plus précoce et plus efficace et être financé sur la solidarité nationale, et non pas sur les ressources des collectivités territoriales.

Le Président Pierre Méhaignerie a fait part de l'expérience, troublante, qu'il a constatée dans sa région, dans laquelle la pratique veut que l'on diagnostique toute opération portant sur une surface supérieure à un hectare. Il est regrettable que les pratiques soient extrêmement variables entre les régions.

M. François Goulard a indiqué qu'une telle pratique était tout à fait irrationnelle.

M. Laurent Hénart a indiqué que c'était au moment du permis de construire que la procédure se mettait en route, ce qui apparaît pour le moins gênant. Il faudrait plutôt revenir aux préconisations de la MEC et intervenir avant la décision de ZAC. Il serait opportun que le projet de loi soit modifié en ce sens.

Le Président Pierre Méhaignerie a insisté sur la difficulté de proposer des réformes qui pourraient être interprétées comme ayant un coût élevé pour les collectivités territoriales.

M. Laurent Hénart a répondu qu'il préconisait que l'État prenne directement en charge le diagnostic.

M. Philippe Auberger s'est demandé si la péréquation sur la prise en charge des fouilles allait être supprimée.

M. Laurent Hénart a indiqué que ce n'était pas le cas puisque le fonds de péréquation pourrait intervenir.

Le Président Pierre Méhaignerie a souhaité savoir quelles étaient les estimations de la MEC en ce qui concerne le financement prévisionnel de ces réformes.

M. Laurent Hénart a indiqué que le besoin de financement public lié à l'archéologie préventive avait été chiffré par la MEC à 100 millions d'euros environ. Cette enveloppe doit couvrir la subvention d'équilibre de l'INRAP (dont deux tiers des dépenses sont consacrés aux fouilles), au fonds de péréquation et aux diagnostics (qui représentent un tiers du budget de l'INRAP, soit 30 millions d'euros). Cette évaluation procède des travaux de la MEC qui ont été menés sur la base d'une expertise approfondie avec l'ensemble des acteurs. Il s'agit de parvenir à un système qui serait stabilisé dans son financement. Le projet de loi propose de doter le fonds de péréquation de 30 millions d'euros environ, mais les estimations financières sur lesquelles il repose ne paraissent pas très assurées.

M. Alain Joyandet s'est demandé si ce projet de loi n'allait pas rendre encore plus complexes les démarches, si le coût pour les collectivités territoriales ne serait pas finalement encore plus lourd et les délais plus longs.

M. Laurent Hénart a indiqué que le projet de loi répond pleinement aux préoccupations exprimées par la MEC en ce qui concerne son architecture générale, notamment la pluralité des intervenants. En revanche, deux aspects paraissent insatisfaisants à ce stade : la question de la maîtrise des dépenses et celle de l'amélioration des délais.

M. Denis Merville a rappelé que l'allongement des délais constitue une question cruciale : aujourd'hui, des lotissements peuvent être stoppés pendant plusieurs mois, ce qui occasionne des retards très importants pour les personnes qui sont sur le point d'accéder à la propriété. En Seine-Maritime, se pose en particulier le problème des marnières et de la multiplication des indices relevés par les directions départementales de l'Équipement, sources d'allongement des délais.

Le Président Pierre Méhaignerie a souhaité savoir, au cas où l'option d'adossement à la TLE serait retenue, quels en seraient les contribuables.

M. Laurent Hénart a indiqué que dans cette option tous les contribuables paieront.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a rappelé, dans un souci de synthèse de ce débat complexe, que la loi du 17 janvier 2001 repose sur un financement dual : le prélèvement de 0,32 euro par mètre carré pour l'ensemble des aménagements ayant fait l'objet d'un diagnostic et la redevance de fouilles, régie par une formule introduite dans la loi et extrêmement complexe. La MEC propose, quant à elle, un financement général, adossé à une taxe existante - la TLE - et reposant sur un système plus simple, car lié à la valeur construite. Si cette taxe représentait un montant raisonnable, et ne comportait aucune exonération, l'assiette serait alors suffisamment large pour en assurer un taux faible. Mais dans ce cas, toutes les constructions doivent être concernées.

Si cette solution n'est pas retenue, le système mis en place sera d'autant plus regrettable qu'il laissera à un établissement public - l'INRAP - la maîtrise d'une taxe « bricolée ». Cette solution serait d'autant plus inacceptable qu'elle relèverait d'une logique tout à fait contradictoire avec les principes de la loi organique relative aux lois de finances. Si le ministère de la Culture est opposé à la solution préconisée par la MEC, c'est parce qu'il cherche à laisser à l'INRAP la maîtrise de la taxe. À l'inverse, la TLE est gérée par le ministère de l'équipement.

Le Président Pierre Méhaignerie a demandé au Rapporteur s'il préférait élaborer un avis sur le projet de loi ou seulement proposer des amendements.

M. Laurent Hénart a souhaité que la Commission se saisisse pour avis du projet de loi. Des amendements paraissent nécessaires en ce qui concerne les problèmes liés au financement. Il n'est pas possible de voter en l'état un texte aussi compliqué, qui aura pour effet de susciter de nouvelles craintes de la part des collectivités territoriales déjà très largement mises à contribution. Il faut faire le choix de l'architecture la plus simple, à partir d'un système de collecte qui préexiste. L'INRAP envisage de recruter plusieurs dizaines de nouveaux agents pour les besoins d'administration de la taxe, ce qui n'est pas raisonnable.

M. Michel Bouvard a estimé qu'un tel recrutement serait totalement inacceptable, voire honteux.

Le Président Pierre Méhaignerie a proposé que la Commission se réunisse le mercredi 25 juin, dans l'après-midi, pour examiner l'avis sur le projet de loi.

*

La Commission a ensuite procédé, sur le rapport de M. François Goulard, Rapporteur, à l'examen, en deuxième lecture, du projet de loi de sécurité financière, adopté par le Sénat (n° 901).

Le Rapporteur a indiqué qu'il restait 42 articles en discussion et que près de 80 articles avaient été adoptés conformes par les deux assemblées. Pour l'essentiel, le Sénat a suivi l'Assemblée nationale sur les dispositions les plus importantes qu'elle avait introduites en première lecture.

Ainsi, s'il a supprimé l'entrée de l'assurance-vie dans les compétences de l'Autorité des marchés financiers (AMF) (article 2), le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement insérant un article additionnel, l'article 59 bis B. Il s'agit de renforcer l'information due aux souscripteurs de contrats d'assurance-vie, afin qu'ils puissent disposer d'une documentation comparable à celle que la Commission des opérations de bourse (COB) garantit aux souscripteurs de parts d'OPCVM. Dès lors, le dispositif gouvernemental répond aux préoccupations exprimées par l'Assemblée.

En ce qui concerne les analystes financiers, le Sénat a adopté un dispositif concernant les analystes indépendants qui produisent et diffusent, comme le souhaitait l'Assemblée nationale (articles 8 et 10). Par ailleurs, l'AMF conserve les pouvoirs que détiennent aujourd'hui la COB ou le CMF pour réglementer, en tant que de besoin, l'activité des analystes des prestataires de services d'investissement ou des sociétés de gestion. La précision adoptée à l'initiative de Philippe Auberger selon laquelle seule l'indépendance d'appréciation des analystes financiers devait être garantie a été maintenue.

Le Sénat a rétabli la reconnaissance de la personnalité morale à la Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance (CCAMIP), qui avait été supprimée à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, malgré l'avis de la Commission (article 26).

Après avoir conservé l'intégration des questions de déontologie dans le rapport annuel que l'AMF devra consacrer aux agences de notation (article 33 bis), le Sénat a, en ce qui concerne le démarchage, maintenu la dispense d'enregistrement des salariés des banques à condition qu'ils ne se livrent à aucun démarchage impliquant un déplacement physique, et il a maintenu l'autorisation du démarchage des sociétés civiles de placement immobilier (SCPI), à condition toutefois qu'elles aient modifié leurs statuts pour garantir que la perte de l'épargnant ne peut dépasser sa mise initiale (article 39).

De manière plus regrettable, le Sénat a supprimé, à l'initiative du Gouvernement et contre l'avis de son Rapporteur, les dispositions introduites par l'Assemblée pour sécuriser les cessions de créances des fonds commun de créances et les nantissements et cessions de créances professionnelles (articles 47 quater et 47 septies).

Il a adopté, sous réserve de deux modifications rédactionnelles, l'article introduit par l'Assemblée sur les conditions d'application dans le temps des garanties d'assurance de responsabilité civile (article 57 A).

En ce qui concerne le contrôle des comptes, le Sénat a approuvé les dispositifs adoptés par l'Assemblée relatifs à la prévention des conflits d'intérêts et le renvoi au code de déontologie pour apprécier les situations dans lesquelles l'indépendance du commissaire aux comptes est affectée par les conseils que son réseau peut fournir à des sociétés du groupe contrôlées par la société dont il certifie les comptes (article 65).

Il a prévu que les associations d'investisseurs transmettent leurs comptes au juge quand elles saisissent celui-ci pour obtenir l'autorisation de solliciter des mandats, grâce à tous moyens de communication (article 82).

En outre, le Sénat a adopté deux amendements du Gouvernement tirant les conséquences de l'arrêt du Conseil d'État en ce qui concerne le contrôle des concentrations dans le secteur des banques et des assurances (articles 21 ter et 21 quater). En effet, la décision du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CECEI) imposant certaines conditions au rapprochement du Crédit Agricole et du Crédit Lyonnais a été annulée. Le Conseil d'État a jugé, en premier lieu, que le ministre ne tient d'aucune disposition de droit interne la compétence pour autoriser, interdire ou soumettre à certaines conditions des opérations de concentration dans le secteur bancaire, et que, en second lieu, le CECEI, s'il est compétent pour donner son agrément à des opérations de rapprochement et prendre, à ce titre, en considération le bon fonctionnement du système bancaire, ne peut, pour autant, accompagner l'autorisation qu'il donne à une fusion bancaire de conditions tenant au respect des règles de concurrence.

La solution proposée par le Gouvernement s'inspire du dispositif existant en ce qui concerne le secteur de l'audiovisuel. S'il est saisi, le Conseil de la concurrence devra recueillir l'avis du CECEI. Par ailleurs, lorsque ce dernier est saisi d'un dossier sur une opération qui viendrait modifier les conditions dans lesquelles l'agrément avait été antérieurement accordé, il pourra, s'il estime que l'opération ne présente pas d'aspects concurrentiels susceptibles d'avoir un impact sur sa propre décision, se prononcer sans attendre la décision des autorités concurrentielles.

Un dispositif comparable est également prévu en matière de concentration dans le secteur de l'assurance, au profit du Comité des entreprises d'assurance (CEA) créé par le présent projet de loi.

M. Philippe Auberger s'est déclaré favorable au dispositif adopté par le Sénat, car il est légitime que le CECEI puisse donner son avis sur une opération de concentration dans le secteur bancaire, car celle-ci ne garantit pas une plus grande solidité financière du nouvel ensemble, notamment au regard de la dispersion des risques.

M. Jean-Pierre Balligand a indiqué ne pas comprendre l'arrêt du Conseil d'État, estimant que la compétence du CECEI n'aurait pas dû faire de doute, même au regard des textes actuels. L'intervention d'une autorité indépendante est une garantie.

M. Philippe Auberger a fait observer que le CECEI n'a pas l'habitude d'étudier les questions de concurrence et que, dans le dossier Crédit agricole-Crédit Lyonnais, il avait dû consulter les autres banques de la place pour connaître leur sentiment sur d'éventuelles atteintes à la concurrence.

M. François Goulard, Rapporteur, a fait observer que le Conseil d'État n'avait pas suggéré telle ou telle solution, mais qu'il avait seulement fait apparaître un vide juridique et, de ce fait, une absence de compétence en la matière du ministre chargé de la concurrence et du CECEI.

Enfin, il a relevé que, à l'article 3, le Sénat avait, d'une manière relativement peu élégante, modifié l'ordre d'énumération des présidents des assemblées, plaçant le président du Sénat devant celui de l'Assemblée nationale. Même si la manière est discourtoise, la question n'est pas fondamentale.

De même, il a jugé, à ce stade de la navette et alors qu'il n'en avait pas été informé au préalable, particulièrement « cavalier », aux deux sens du terme, l'adoption par le Sénat en deuxième lecture d'un article qui n'a aucun lien avec le texte et qui concerne le seul Sénat (article 87 ter). Cet article consiste en une sorte de validation législative d'une procédure disciplinaire devant le Sénat, déférée au juge, et n'a donc rien à voir avec le présent projet.

Le Président Pierre Méhaignerie s'est totalement associé aux remarques du Rapporteur concernant ces deux articles et a jugé discourtois et condamnables ces deux amendements du Sénat.

Le Rapporteur a souligné qu'il n'était, cependant, pas souhaitable, en opportunité, de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire sur ces seuls articles, d'autant plus qu'il existe une tradition conduisant une assemblée à ne pas s'immiscer dans une disposition concernant exclusivement l'autre assemblée.

La Commission a, ensuite, adopté, successivement, sans modification tous les articles restant en discussion, puis l'ensemble du projet de loi, dans le texte du Sénat.

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Informations relatives à la Commission

La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a désigné :

- MM. François Goulard, Philippe Auberger, Eric Woerth, Pierre Hériaud, Jean de Gaulle, Jean-Pierre Balligand et Gérard Bapt, comme candidats titulaires ;

- MM. Jacques Bobe, Laurent Hénart, Xavier Bertrand, Michel Bouvard, Jean-Louis Dumont, Charles de Courson, comme candidats suppléants ;

pour siéger à une éventuelle commission mixte paritaire sur le projet de loi de sécurité financière (n° 901).

- MM. Pierre Méhaignerie, Gilles Carrez, Patrick Ollier, Philippe Auberger, Joël Beaugendre, Alain Rodet et Tony Dreyfus, comme candidats titulaires ;

- MM. Victor Brial, Didier Quentin, Mansour Kamardine, André Thien Ah Koon, Pierre Bourguignon, Nicolas Perruchot, comme candidats suppléants ;

pour siéger à une éventuelle commission mixte paritaire sur le projet de loi de programme pour l'outre-mer (n° 881).

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