COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 10

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 16 octobre 2003
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

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- Suite de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 (n° 1093) :

 

Secrétariat général de la défense nationale et Renseignement

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Agriculture et article 72, rattaché

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La Commission des finances a examiné, sur le rapport de M. Bernard Carayon, Rapporteur spécial, les crédits du Secrétariat général de la Défense nationale et du Renseignement.

M. Bernard Carayon, Rapporteur spécial, a souligné que le débat sur le SGDN et les services de renseignement du ministère de la défense offrait au Parlement, pour la deuxième année consécutive, l'occasion de s'interroger sur les vrais sujets relevant de sa compétence, tels que les conditions de fonctionnement de ces services, les priorités techniques et budgétaires ainsi que les modes de recrutement et les statuts des personnels. Les menaces contemporaines ont surgi de la clandestinité : terrorisme, prolifération nucléaire, guerre économique, autant de nouveaux défis que doit affronter notre pays, comme le soulignait avec pertinence le Président de la République lors de sa visite à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) en juin 2003.

Globalement, les crédits de l'agrégat n° 7 « Renseignement » du budget du Ministère de la défense se stabilisent à 291,1 millions d'euros en 2004, contre 303,8 millions d'euros en 2003. Ces crédits, qui n'incluent pas les rémunérations et charges sociales, se répartissent entre les trois directions que sont la Direction du renseignement militaire (DRM), la Direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD) et la DGSE. Outre les moyens inscrits au budget de la défense, la DGSE bénéficie de fonds spéciaux en provenance du budget des Services généraux du Premier ministre pour un montant de 33,2 millions d'euros, soit un montant identique à celui attribué en 2003 et en 2002.

Le projet de budget du SGDN pour 2004 s'élève à 50,1 millions d'euros contre 48,3 millions d'euros dans la loi de finances initiale pour 2003, soit une progression apparente de 3,8 %. Cette augmentation correspond à une hausse des dépenses ordinaires par des mesures d'ajustement, des transferts d'emplois, ainsi que par la création de deux emplois budgétaires et des mesures nouvelles concernant les systèmes d'information sécurisés.

La sécurité des systèmes d'information est une mission majeure du SGDN et devrait être un souci pour l'ensemble de l'État. Au sein de la Direction centrale de la sécurité des systèmes d'information, une cellule, composée de 6 personnes recrutées parmi les meilleurs spécialistes informatiques, est notamment chargée des missions d'audit de la sécurité des réseaux de l'État. Ce chiffre est dérisoire au regard de la tâche qui incombe à cette cellule, compétente pour l'ensemble des systèmes d'information de l'État. Les délais d'attente sont longs : il faut attendre six mois pour qu'une demande soit prise en compte. Certains ministères attendent depuis près de deux ans les résultats de leur audit. En outre, cette cellule ne peut intervenir qu'à la demande des services concernés. Il est impératif que les systèmes d'information de tous les ministères de souveraineté soient testés. Il convient de mettre en place une mission interministérielle d'expertise technique et industrielle des systèmes d'information des administrations publiques, dont le SGDN assurerait l'exécution.

De plus, le SGDN s'est vu confier la tâche d'élaborer un plan interministériel de renforcement de la sécurité des systèmes d'information de l'État. Le développement des réseaux sécurisés devrait s'appuyer sur la mise en place d'un réseau d'industriels de confiance à même de répondre aux besoins de l'État. Pour appuyer cette démarche, il faut créer un fonds à capitaux mixtes, appuyé sur la Caisse des dépôts et Consignations. Ce fonds, sélectif et suffisamment attractif, serait prioritairement dédié aux entreprises de croissance. Il aurait vocation à devenir l'embryon d'un fonds européen appuyant les programmes communautaires.

En outre, s'agissant de la sécurité des systèmes d'information, les services de l'État utilisent, y compris pour des fonctions sensibles, des solutions informatiques étrangères ne présentant pas toutes les garanties de sécurité. Les ministères opèrent leurs choix sans contrôle, sans coordination, ni doctrine ou assistance. L'analyse technique devrait, à l'avenir, se doubler d'une expertise industrielle tenant aux marchés et à ses acteurs. La DCSSI devrait, de plus, être consultée systématiquement lors des achats majeurs effectués par les administrations publiques.

De manière générale, si le réseau des hauts fonctionnaires de défense, en poste dans les ministères, est animé par le SGDN, ils n'occupent cependant pas, depuis l'origine, une place déterminante dans les équipes de direction des ministères. Cet état de fait traduit le défaut de sensibilité de l'État aux questions de sécurité.

Le SGDN est aussi compétent pour la prévention des crises et la protection des populations. Il coordonne l'action de l'État en matière de lutte contre le risque nucléaire, radiologique, biologique et chimique.

En ce qui concerne les investissements étrangers, l'article L. 151-3 du code monétaire et financier permet au ministre chargé de l'économie de s'y opposer, s'il constate qu'ils sont de nature à mettre en cause notamment l'ordre public ou la sécurité publique. Cet article a été modifié récemment par l'article 78 de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 sur la sécurité financière qui a ajouté le motif de la « défense nationale » à la liste des critères autorisant le ministre de l'économie à soumettre un investissement étranger à autorisation préalable. En outre, le SGDN a été chargé par le Premier ministre, le 16 juillet 2003, de conduire une réflexion interministérielle sur les prises de contrôles par des capitaux étrangers d'entreprises françaises liées à la défense ou à la sécurité nationales, susceptibles de menacer notre autonomie technologique dans certains secteurs stratégiques.

Le Comité interministériel du renseignement est chargé d'assurer la coordination du renseignement. Pourtant, il est nécessaire que cette coordination fasse l'objet d'une impulsion politique. C'est pourquoi il convient d'instituer un Conseil national du renseignement, placé, à l'image du Conseil de sécurité intérieure, sous l'autorité du Président de la République.

L'IHEDN doit s'internationaliser en renforçant ses liens avec les instituts étrangers. De plus, l'institut doit développer les sessions internationales, accroître le nombre de ses intervenants étrangers et accueillir plus d'auditeurs d'autres nationalités. Bien évidemment, une ouverture internationale croissante de l'Institut représente un surcoût. Une fondation pourrait être mise en place afin de drainer des financements permettant d'assurer ce développement nécessaire.

La DGSE verra son budget, en 2004, diminuer de 5 % en crédits de paiement, alors qu'Allemands et Britanniques dotent leurs services de moyens en progression de 30 % à 40 %. Son effectif total sera de 4.745 personnes. Cette augmentation de 47 postes est sans comparaison avec l'évolution des missions. Sur la période de la loi de programmation militaire 2003-2008, il devrait manquer 50 à 100 postes par an.

Les dépenses en capital chutent de 16 % entre 2002 et 2003, alors que les besoins nouveaux en équipements, pour la durée de la loi de programmation militaire 2003-2008, sont estimés à 130 millions d'euros. En 2004, c'est un total cumulé de 50 millions d'euros de crédits de paiement qui manqueront à la DGSE. Pourtant, les progrès technologiques constants appellent un effort budgétaire sans relâche, au risque de voir la France durablement distancée dans la maîtrise du renseignement technique.

La DRM disposera d'un effectif budgétaire de 1.730 postes, soit moitié moins que celui de la Defence Intelligence Staff au Royaume-Uni. Les crédits de paiements permettant l'achat de matériels progressent de 20 %.

La DPSD disposera d'un effectif budgétaire de 1.471 postes et d'un budget stable.

Par ailleurs, il convient de mieux organiser les investissements en matière de renseignement. Les États-Unis se sont lancés depuis une dizaine d'années dans une course à la puissance et à la performance de leur appareil de renseignement, basée sur les nouvelles technologies et sur l'échange d'informations. Pour le traitement automatique d'immenses volumes d'information, en provenance du monde entier, les nouvelles technologies d'analyse de l'information font l'objet, depuis l'attentat de New-York d'un effort d'investissement qui dépasse le milliard de dollars par an. Les budgets de la CIA et de la NSA ont progressé de 40 %. Certes, il faut souligner que le tissu scientifique et industriel français est d'une richesse exceptionnelle. Mais l'investissement se disperse et, trop souvent, nos chercheurs s'expatrient. Notre pays doit donc concentrer son effort. Il est donc nécessaire qu'un grand industriel du secteur de la défense devienne le partenaire de l'État, afin de fournir un service global d'analyse et d'intégration rapide des meilleures technologies du renseignement. Il aurait pour mission de mettre à la disposition des différents services des outils de traitement d'information de deuxième génération, ainsi que des moyens d'échange sécurisés et de les faire évoluer au rythme de la technologie. Cette mutualisation des investissements aurait pour effet de fédérer et de valoriser la recherche nationale. Cette formule s'inspire des méthodes anglo-saxonnes de Lead System Integrator. Architecte global plutôt que simple fournisseur, le « LSI » fait fonction d'intermédiaire de confiance entre les autorités et le reste du monde industriel et scientifique. L'État conserve, bien entendu, la maîtrise absolue de toutes les décisions stratégiques.

Après s'être réjoui de l'attention portée par la commission des finances aux services de renseignement, M. Marc Le Fur s'est interrogé sur la place que devait occuper le renseignement d'origine technique par rapport au renseignement humain, compte tenu de l'échec subi par les États-Unis avec les attentats du 11 septembre. Par ailleurs, il est toujours très difficile d'attirer les élites vers le renseignement. Quelles actions pourraient être conduites afin de permettre de fidéliser les meilleurs éléments ?

M. Pierre Hériaud, après s'être félicité de l'existence d'un rapport spécial SGDN, étendu au renseignement, s'est interrogé sur les besoins en recrutement des services chargés de la sécurité informatique, sur leur efficacité et sur le système Rimbaud. S'agissant du Comité interministériel du renseignement, il a indiqué que le Premier ministre était chargé d'assurer la coordination du renseignement et qu'on pouvait estimer ce fonctionnement correct. Le budget du SGDN consacré à la lutte contre le risque nucléaire, radiologique, biologique et chimique ne représente qu'une part minime de l'effort en la matière. L'IHEDN contribue largement à la vitalité du lien armée-Nation, notamment grâce aux trinômes académiques présents dans toutes les régions.

En réponse aux différents intervenants, M. Bernard Carayon, Rapporteur spécial, a apporté les précisions suivantes :

- le traitement automatisé de l'information ne doit pas réduire les efforts en matière de renseignement humain, dont l'excellence française est reconnue. Les attentats du 11 septembre ont mis en lumière, aux États-Unis, des problèmes de coordination récurrents entre les dix-sept agences chargées du renseignement. Ce pays est donc confronté aux deux problèmes essentiels que sont la coordination du renseignement et la défaillance du renseignement humain. Ils effectuent un effort considérable en augmentant de 40 % le nombre d'agents à l'étranger tout en majorant de 40 % le budget de la NSA ;

- l'image des services de renseignement n'est effectivement pas très positive. La DGSE ne dispose pas d'un site internet propre, contrairement à la CIA. Elle doit développer ses campagnes d'information auprès des étudiants : elle n'a pas, aujourd'hui, de porte-parole ;

- la direction centrale de la sécurité des systèmes d'information dispose aujourd'hui de 78 postes, complétés par 29 mises à disposition. 2 emplois d'ingénieurs des télécommunications seront créés en 2004 ;

- le débat sur la nature de la coordination du renseignement est ancien. Elle peut s'effectuer dans un cadre administratif ou bien dans un cadre politique. Le Conseil de sécurité intérieure étant placé auprès du Président de la République, il serait souhaitable que la coordination politique du renseignement relève de la même autorité ;

- le SGDN coordonne et impulse la politique interministérielle de lutte contre le risque nucléaire, radiologique, biologique et chimique, qui est largement financée par chacun des ministères concernés. Au total, cet effort représente 50 millions d'euros pour la période 2001-2003 alors que le Royaume-Uni consacre 76 millions d'euros à ses seuls services de secours ;

- les manifestations organisées dans le cadre des trinômes ont rassemblé 5.225 personnes de l'Éducation nationale pour l'année scolaire 2001-2002 (soit 1.100 personnes de plus que l'année précédente), 312 conférences ont été données et 78 visites ont été organisées.

M. Pierre Hériaud a ajouté que 20.000 journées de formation étaient dispensées. Cet effort participe tout autant que la journée d'appel et de préparation à la défense au raffermissement du lien armée-Nation.

La commission a alors adopté, suivant l'avis favorable du Rapporteur spécial, les crédits du Secrétariat général de la défense nationale.

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La Commission a ensuite abordé, sur le rapport de M. Alain Marleix, Rapporteur spécial, les crédits de l'Agriculture et l'article 72, rattaché.

M. Alain Marleix, Rapporteur spécial, a indiqué que le budget de l'Agriculture pour 2004 s'élève à 4.975,4 millions d'euros alors que le budget voté pour l'année 2003 était de 5.180,1 millions d'euros. Il enregistre donc une baisse optique de 3,95 %, due à des changements de périmètre : débudgétisation de l'équarrissage et suppression de la dotation transitoire à l'ADAR. À périmètre constant, il est reconduit.

Ce budget permettra d'accélérer la réalisation du plan national de développement rural, cofinancé à 50 % par l'Union européenne, qui a pris du retard en 2001 et 2002. La montagne sera favorisée à double titre : l'augmentation de 12,7 % des crédits affectés à l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (230 millions d'euros) permettra une nouvelle revalorisation de 5 % des indemnités versées sur les 25 premiers hectares, première étape de la hausse de 50 % sur la législature, annoncée par le ministre. Le Rapporteur spécial a constaté que cette hausse était bienvenue, mais encore timide par rapport à l'objectif. Par ailleurs, les aides à la modernisation des exploitations en zone de montagne bénéficieront, en même temps que le programme de maîtrise des pollutions d'origine animale, d'un doublement des autorisations de programme et du report des crédits de paiement du fonds national de développement des adductions d'eau. La dotation destinée aux mesures agri-environnementales sera stable à 133 millions d'euros, qui financeront notamment la prime herbagère agri-environnementale. Le nombre de bénéficiaires potentiels de cette prime est le même que celui des bénéficiaires de l'ancienne « prime à l'herbe » ; si moins de demandes ont été formulées à ce jour, c'est essentiellement parce qu'une partie des bénéficiaires de la « prime à l'herbe » a souscrit un contrat territorial d'exploitation. Lorsque ce système sera arrivé à son terme, ils pourront intégrer le dispositif de la prime. La poursuite du financement des contrats et celui des premiers contrats d'agriculture durable sera assuré grâce à une dotation de près de 255 millions d'euros, en hausse de 27 %. Les derniers résultats montrent que la taille des exploitations concernées par un contrat est très supérieure à la taille moyenne des exploitations. Les signatures de contrats devraient éviter cet écueil et respecter un cadre budgétaire strict.

Des efforts sont faits en faveur de la relance des installations, dont les crédits augmentent de 7 %. Le fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture, créé en 2003, sera à nouveau doté de 10 millions d'euros, qui alimenteront les programmes locaux en faveur de l'installation, et la dotation jeune agriculteur (DJA) sera versée en une seule fois, pour un coût supplémentaire de 6,67 millions d'euros, ce qui constituait une demande légitime de la profession. Ces mesures ne seront peut-être pas décisives pour accélérer le rythme des installations mais elles sont cependant très utiles. Si le nombre d'installations est très variable selon les départements, il est globalement meilleur en France que dans le reste de l'Europe.

Les autres priorités du budget sont l'enseignement agricole et la recherche, dont les dotations progressent de 2,5 %. La hausse concerne en particulier l'aide sociale aux élèves et l'enseignement technique afin de mettre en place les assistants d'éducation (700 postes, en deux tranches, soit 351 en 2004) et de poursuivre l'application du protocole d'accord de revalorisation des rémunérations dans l'enseignement privé.

La politique de la forêt verra ses crédits afficher une baisse de 13,4 % (343 millions d'euros) à cause de la réduction des charges de bonification, le dispositif mis en place après la tempête de l'automne 1999, arrivant à son terme. L'Office national des forêts bénéficiera cette année encore de 25 millions d'euros de subventions exceptionnelles et les centres nationaux et régionaux de la propriété forestière pourront créer 39 emplois. La filière cheval bénéficiera de 51 millions d'euros, la plupart des aides transitant par l'établissement public des Haras Nationaux.

La sécurité alimentaire demeure un souci permanent : ses dotations budgétaires croissent de 0,5 %, hors équarrissage. L'accent est mis sur la protection des végétaux, la maîtrise sanitaire des animaux et leur identification. Les crédits du service public de l'équarrissage et ceux destinés à l'élimination des co-produits animaux peuvent être fortement réduits (à 82 millions d'euros) grâce à la débudgétisation proposée d'une grande partie des coûts qui devraient être pris en charge par la filière, dans le respect des lignes directrices communautaires.

Les politiques « traditionnelles » de soutien à l'agriculture sont poursuivies : 192 millions d'euros pour les prêts bonifiés à l'agriculture, 165 millions d'euros destinés au financement de la part nationale de la prime à la vache allaitante, 386 millions d'euros au profit des offices agricoles, qui vont être réorganisés, dans des délais qu'on doit souhaiter brefs.

Les crédits de solidarité sont ajustés aux besoins, compte tenu des niveaux de consommation enregistrés : stables pour l'indemnité viagère de départ, en baisse pour les préretraites, en repli pour le Fonds d'allégement des charges et les actions en faveur des agriculteurs en difficulté, essentiellement pour des raisons communautaires.

Les moyens de fonctionnement du ministère seront rationalisés et 298 emplois nets supprimés pour 2004.

M. Marc Le Fur a souligné que les défenseurs des zones de montagne sont sans doute remarquablement organisés, puisque celles-ci vont bénéficier, une fois encore, de crédits supplémentaires. Or, d'autres régions ne bénéficient pas de la même sollicitude et sont, de plus, situées sur des filières ne bénéficiant pas de financements communautaires.

Dans le cadre de la réforme du financement de l'équarrissage, comment les abattoirs seront-ils en mesure de répercuter la nouvelle taxe sur l'aval de la filière ? Par ailleurs, alors qu'aujourd'hui les viandes importées contribuent au financement de l'équarrissage par le biais de la taxe sur les achats de viande, la réforme va les exempter de toutes taxes : elles bénéficieront ainsi d'un avantage injustifié, ce qui pose un véritable problème d'équité.

Le projet de budget pour 2004 prévoit une diminution sensible des crédits destinés aux offices, alors qu'ils doivent actuellement faire face à plusieurs crises simultanées. Il ne lève pas, non plus, toutes les interrogations des maisons familiales, qui se sentent quelque peu oubliées et n'ont pas bénéficié, dans le passé, des mesures prises au bénéfice de l'enseignement agricole privé classique.

Dans le contexte actuel de crise, les agriculteurs ne peuvent faire face aux investissements nécessaires à la mise en œuvre des nouvelles normes environnementales. Il serait dès lors envisageable de prévoir un moratoire, afin de reporter les principales obligations jusqu'à la fin de la crise actuelle.

M. Pierre Hériaud a fait part de sa vive inquiétude face à la diminution du nombre d'installations de jeunes agriculteurs, passé en quelques années de 15.000 à 6.000 aujourd'hui. La baisse du nombre d'exploitants est de l'ordre de 3,5 % par an. On a l'impression que les pouvoirs publics sont résignés devant une telle situation qui, s'il n'y était mis un terme, aboutirait à réduire le nombre d'exploitations agricoles à environ 40 % de leur nombre actuel au cours des prochaines années. Une telle évolution ne manquerait naturellement pas d'avoir des conséquences dommageables en matière de peuplement de l'espace rural ou d'aménagement du territoire.

Il faut se féliciter de la décision du Gouvernement de prévoir, par décret, l'indexation des dotations budgétaires destinées à l'enseignement supérieur agricole privé.

Dans le cadre de la budgétisation du FNDAE, il a souhaité avoir l'assurance que les reports existants viendraient bien abonder les crédits inscrits au titre VI pour 2004.

Le Président Pierre Méhaignerie a estimé que la crise actuelle de l'élevage explique en partie la diminution du nombre d'installations de jeunes agriculteurs et, simultanément, l'augmentation des départs d'agriculteurs âgés d'une quarantaine d'années.

Dans le contexte actuel d'évolution des prix à la production, la mise en œuvre du PMPOA reviendrait à obliger les agriculteurs à s'engager dans des investissements lourds qu'il leur serait impossible de rentabiliser, ce qui n'apparaît pas acceptable.

Il a également souhaité savoir s'il est exact que la réforme du financement de l'équarrissage, grâce à la création de la taxe sur les abattoirs et à l'augmentation de la TACA, n'aboutit pas à un niveau de recettes dépassant de 150 millions d'euros environ le coût réel du service. Comment, en outre, s'assurer qu'il n'y aura pas de répercussion, sur les éleveurs, du poids de la taxe mise à la charge des abattoirs ?

En réponse aux différents intervenants, le Rapporteur spécial a apporté les précisions suivantes :

- il ne faut pas récuser l'idée d'un moratoire s'agissant de la mise en œuvre du PMPOA, d'autant plus que ce programme n'est pas respecté et que ses premiers résultats sont dérisoires ; la réflexion devra être reprise puisqu'il est clair que ce programme est source de difficultés financières, non seulement pour les éleveurs mais pour l'État lui-même ; cette nouvelle réflexion est d'autant plus nécessaire que des travaux scientifiques récents semblent indiquer que les normes actuelles sont trop rigoureuses et non scientifiquement fondées ;

- il est exact que les zones de montagne bénéficient de quelques mesures nouvelles, mais certaines d'entre elles, notamment les indemnités compensatoires de handicaps naturels, ne leur sont pas réservées et sont applicables à d'autres zones ; par ailleurs, le renforcement de l'aide à la modernisation des bâtiments d'élevage ne fait que contribuer au rattrapage d'un retard incontestable ; en outre, il est nécessaire de prévoir un financement public de la part de l'État pour que la France ait droit aux aides communautaires, ces actions étant éligibles au « deuxième pilier » de la politique agricole commune ;

- la diminution des crédits destinés aux offices porte essentiellement sur les dépenses de fonctionnement ; il s'agit, dans l'attente du rapport sur le fonctionnement des offices demandé l'année dernière par le Parlement, lequel devrait être publié prochainement, de remédier à certains dévoiements soulignés par l'Inspection des finances ou la Cour des comptes ;

- la diminution des crédits consacrés aux maisons familiales s'explique par la diminution du nombre des élèves qu'elles accueillent ; en revanche, le projet de budget prévoit les crédits nécessaires à l'extension en année pleine des revalorisations indiciaires prises en 2003 ;

- l'évolution du nombre d'installations de jeunes agriculteurs est en effet inquiétante ; à cet égard, la faute majeure qu'a constitué la suppression de la pré-retraite agricole explique sans doute la situation actuelle ; des discussions sont en cours sur une éventuelle réintroduction d'un dispositif de ce genre ; par ailleurs, le projet de budget pour 2004 répond à une très ancienne revendication en prévoyant le versement de la DJA en une seule tranche ;

- les crédits du FNDAE, sur lesquels M. Augustin Bonrepaux a plusieurs fois attiré l'attention, faisaient l'objet d'une faible consommation au cours des dernières années : les reports, estimés à 100 millions d'euros, viendront effectivement abonder les dotations budgétaires inscrites pour 2004 ;

- la taxe sur les achats de viande est supprimée car elle contrevenait aux règles communautaires ; les mesures prises pour réformer le financement de l'équarrissage aboutiront, en effet, à une recette supérieure au coût du service ; la répercussion « en pied de facture » n'est actuellement pas prévue par le nouveau dispositif.

La Commission a adopté sur proposition du Rapporteur spécial les crédits de l'Agriculture.

Article 72 : Fixation pour 2004 du plafond d'augmentation du produit de la taxe pour frais de chambre d'agriculture.

La commission des Finances a adopté cet article sans modification.

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