COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 13

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 21 octobre 2003
(Séance de 18 heures)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

pages

- Suite de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 (n° 1093) ::

2

- Information relative à la Commission

18

La Commission a tout d'abord procédé, sur le rapport de M. Patrice Martin-Lalande, Rapporteur spécial, à l'examen des crédits de la Communication.

Le Président Pierre Méhaignerie a en premier lieu indiqué que le projet de loi de finances ne comprenait pas cette année, le traditionnel article de répartition de la redevance, supprimé par le Gouvernement pour des raisons purement juridiques. Cette suppression porte tort aux droits du Parlement. Une tentative en ce sens a déjà eu lieu par le passé : le Parlement avait en 1998 rétabli l'article de répartition, ce qu'il conviendra sans doute de faire de nouveau cette année.

M. Patrice Martin-Lalande, Rapporteur spécial, a tout d'abord indiqué que le projet de budget prévoit que la ressource publique affectée aux entreprises du secteur audiovisuel connaîtra en 2004 une progression de 3 %, sans hausse du barème de la redevance. Cette croissance est rendue possible par des recouvrements meilleurs que cela n'avait été initialement prévu et par la mise en place de nouvelles mesures de lutte contre l'évasion fiscale, sur laquelle l'Assemblée nationale, à la demande de la commission des finances, a cependant souhaité partiellement revenir, dans l'attente d'une réforme beaucoup plus globale du recouvrement pour l'année 2005. Cette réforme consisterait à collecter la redevance de manière conjointe avec la taxe d'habitation de façon à réduire significativement les frais de gestion (100 millions d'euros), ce qui permettrait également d'accroître le produit recouvré d'un montant susceptible d'atteindre jusqu'à 170 millions d'euros. Ce supplément de produit pourrait être réparti entre une diminution du taux de la redevance, une amélioration des ressources publiques affectées à l'audiovisuel, une diminution du déficit budgétaire, une réduction de la durée des écrans publicitaires, ou encore une aide temporaire à l'acquisition du décodeur nécessaire pour recevoir la TNT.

Les crédits publics prévus par le Gouvernement augmenteraient en 2004 de 75 millions d'euros hors taxes, réduits de 16,7 millions d'euros par les décisions prises par l'Assemblée en ce qui concerne les connexions de fichiers avec les opérateurs de télévision payante, les résidences secondaires et le taux noir et blanc.

Par ailleurs, les ressources propres du secteur augmenteront de 5,6 %, représentant toujours un peu moins d'un quart de leurs chiffres d'affaires.

Le Rapporteur spécial a souhaité insister sur le fait que le taux de croissance de 3 % des ressources publiques correspond aux engagements de l'État, et n'est pas excessif au regard d'un univers concurrentiel dans lequel les coûts de grille des concurrents croissent beaucoup plus vite. En conséquence, il est souhaitable que le Gouvernement trouve les moyens, par exemple par un complément de subvention budgétaire, de compenser la diminution, au demeurant limitée, du produit attendu. Cette compensation pourrait notamment être trouvée au sein des 250 millions d'euros d'économies réalisées par la Commission en matière fiscale. Par ailleurs, compte tenu du caractère évaluatif des prévisions de recettes de redevance, la moins-value pourrait être moindre que la somme prévue par le Gouvernement.

France Télévisions bénéficie d'une dotation en progression de 3 % par rapport à 2003, soit un produit supplémentaire de 45 millions d'euros. Les moyens que le contrat d'objectifs et de moyens initial signé par le précédent Gouvernement prévoyait d'affecter à la création de nouvelles chaînes sur la TNT (télévision numérique terrestre) sont donc préservés, mais réorientés vers France 2, France 3 et France 5. La renégociation du contrat d'objectifs et de moyens, en cours d'élaboration, devrait permettre de renforcer la dimension culturelle et éducative des programmes, leur dimension de proximité en élargissant les horaires de diffusion consacrés aux programmes régionaux de France 3, et l'accessibilité des programmes du service public pour les sourds et malentendants ;

 - la dotation publique d'Arte-France augmentera de 3 %. La différence de progression avec les engagements contractuels, qui prévoyaient une augmentation un peu supérieure en 2004, tient au décalage intervenu dans le calendrier de lancement de la TNT. La priorité pour Arte-France en 2004 sera le financement d'une nouvelle grille de programmes, plus lisible, plus accessible à tous ;

- afin de renforcer les atouts dont doit disposer RFO (Réseau France-outremer) pour son développement, son intégration au sein du groupe France Télévisions est actuellement examinée dans le cadre de la concertation engagée cet été sur la stratégie de la société, dans le respect des spécificités et de l'identité propre de l'entreprise ;

- en 2004, la Maison de la Radio doit faire l'objet d'importants travaux d'aménagement et de sécurité, entrepris à la demande de la Préfecture de police de Paris. L'État assumera, aux côtés de l'entreprise, le financement de ce chantier exceptionnel. Ainsi, 7,1 millions d'euros sont consacrés à la mise en sécurité du bâtiment. Par ailleurs, la société poursuivra son développement autour des grands axes stratégiques arrêtés depuis trois ans, notamment le déploiement des radios locales dans le cadre du « Plan Bleu» et la poursuite du plan de numérisation des stations du groupe. Radio France verra ses ressources publiques progresser de 9,1 millions d'euros en plus de la dotation exceptionnelle pour mise en sécurité ;

- la dotation de redevance pour RFI (Radio France international) progresse de 2 % par rapport à 2003 et la subvention du ministère des Affaires étrangères est, quant à elle, en hausse de 1,5 % ;

- l'INA (Institut national de l'audiovisuel), après une période de stagnation de ses ressources conformément à son contrat d'objectifs et de moyens, bénéficiera d'une croissance de 1,5 % de sa dotation pour la poursuite du plan de sauvegarde et de numérisation des archives audiovisuelles.

Au-delà, les enjeux de l'année 2004 pour l'audiovisuel public apparaissent multiples :

- lancement de la réforme de la collecte de la redevance, dans le sens du rapprochement de sa collecte avec celle de la taxe d'habitation préconisé par le rapport d'information de la commission des Finances de juillet 2003 et accepté par le Gouvernement à la demande de la commission ;

- réflexion sur les moyens à retenir pour rendre compatibles la démarche contractuelle des contrats d'objectifs et de moyens signés avec les entreprises par le Gouvernement seul, et la fixation par le Parlement, à compter de 2004, de l'ensemble des paramètres qui déterminent l'évolution des ressources ;

- évolution nécessaire de la gouvernance des organismes audiovisuels publics ;

- poursuite des efforts d'économie et de productivité au sein de chacun des bénéficiaires de la redevance, notamment de France-Télévisions, en se fondant notamment sur les synergies au sein du groupe. Une contribution de la Commission des finances y sera apportée prochainement, sous la forme d'un rapport d'information préparé par le Rapporteur spécial sur la question des charges et de la gestion des personnels de l'audiovisuel public, permanents ou intermittents ;

- lancement d'une chaîne française d'information internationale, d'un coût actuellement estimé à 70 millions d'euros en première année d'émission ;

- lancement de la TNT (Télévision numérique terrestre) à l'horizon de décembre 2004. Dans cette perspective, le Gouvernement devra indiquer clairement, à court terme, l'utilisation qu'il prévoit de faire des trois canaux réservés au service public. Deux d'entre eux pourraient être consacrés à la diffusion d'Histoire et de Festival. La question de l'utilisation du 3ème canal doit être réglée assez rapidement pour que le CSA puisse éventuellement le réattribuer à une chaîne privée gratuite, dont on sait l'importance pour le succès de la TNT ;

- mise en place, conformément à la demande formulée en 2002 par le Rapporteur spécial d'un contrôle externe indépendant du GEIE-Arte à compter de 2004 ;

- intégration des personnels techniques de TDF au sein du CSA, de façon à garantir l'indépendance totale vis-à-vis d'un opérateur qui ne sera plus en situation de monopole.

Plus largement, des questions importantes appellent une réponse rapide :

- pour soutenir la production audiovisuelle, le crédit d'impôt actuellement à l'étude doit être mis en œuvre rapidement ;

- l'ouverture progressive des secteurs interdits va engendrer un supplément de demande d'espaces, avec un risque de poursuite des tensions sur les prix, qui impose une réflexion globale sur la question de la 2ème coupure des fictions sur les chaînes privées, - maintenant souhaitée également par les producteurs -,  et sur la durée et la répartition de la publicité sur les chaînes publiques, notamment au sein des programmes pour les jeunes ;

- la réallocation des fréquences radio en 2006 et 2007 doit être préparée avec soin, de façon à rechercher un meilleur équilibre entre les réseaux nationaux, les radios indépendantes, les radios associatives et le service public.

S'agissant des aides à la presse, elles sont maintenues pour leur part essentielle :

- pour les aides à la diffusion et à la distribution de la presse, toutes les lignes sont relevées ou maintenues, et les crédits consolidés sauf pour le remboursement de l'aide à la SNCF pour le transport de certains journaux, dans l'attente des résultats d'un audit en cours, et pour l'aide à l'expansion de la presse à l'étranger, légèrement réduite, dans la perspective d'une réflexion plus globale sur son optimisation ;

- les aides au maintien du pluralisme sont globalement relevées de près de 2 millions d'euros, de façon à prévoir, dès le début de l'année, le financement de l'aide à France-Soir, qui est venu s'ajouter à La Croix et à L'Humanité ;

S'agissant des aides indirectes, l'aide au transport postal de la presse est également consolidée : après le relèvement de 3,7 % des tarifs en juillet 2003, et dans l'attente des conclusions de la mission confiée à M. Henri Paul, l'aide de l'État au transport postal de la presse a été maintenue en 2004 à hauteur de 290 millions d'euros.

En ce qui concerne le fonds d'aide à la modernisation de la presse, les reports de crédits sont considérables : 81 millions d'euros de 2002 à 2003, notamment parce que les calendriers initiaux de réalisation des projets ne sont pas suivis de près, et n'engagent pas suffisamment dans la durée les bénéficiaires des aides. La gestion du fonds devrait être resserrée, et l'information sur l'utilisation et les effets des fonds améliorée.

Pour l'Agence France-presse (AFP), l'approbation du projet de contrat d'objectifs et de moyens par le conseil d'administration, le 10 octobre 2003, devrait permettre de passer le cap de trésorerie de novembre 2003. Pour 2004, le projet de budget entérine les engagements pris par l'État dans ce contrat, sous la forme d'une sur-indexation, au-delà de l'inflation, de 1,5 %, soit une évolution globale de 3 %. Le financement du plan suppose par ailleurs la mise en place d'un crédit-bail portant sur le siège de l'agence, pour un montant de 31 millions d'euros. La réussite des engagements du contrat suppose une croissance du chiffre d'affaires soutenue, et une réelle maîtrise de la masse salariale. La perspective du lancement d'une activité vidéo en tant que fournisseur de la chaîne française d'information internationale devrait constituer un puissant facteur de mobilisation pour l'entreprise. Il faut insister sur le caractère exceptionnel de l'outil qu'est l'agence au plan international, comme on a encore pu le voir pendant la guerre d'Irak.

Le Premier ministre a indiqué, au printemps, qu'il fallait envisager un plan d'ensemble en faveur de la presse, qui souffre d'une baisse progressive du lectorat, y compris pour la presse quotidienne régionale, jusqu'alors plutôt épargnée. Cette révision d'ensemble des aides publiques à la presse est aujourd'hui absolument nécessaire,  et doit passer par une évaluation globale de l'optimisation des aides au regard de leur efficacité. Le dispositif, qui résulte plutôt d'une empilement de mesures successives, est, certes, intéressant, mais n'est plus totalement satisfaisant, dans la mesure où il n'évite pas la crise actuelle, qu'il ne fait qu'accompagner.

M. Jean-Louis Dumont, après avoir rappelé le long débat de la nuit sur la réforme de la redevance, dans le prolongement des travaux de la MEC de 2000, a souhaité disposer d'informations sur la couverture radio dans les zones du Pacifique. Pour l'AFP, quelles remarques le problème de la gouvernance appelle-t-il selon le Rapporteur spécial? En ce qui concerne le fonds d'aide à la modernisation de la presse, l'importance des soldes reportés pourrait poser la question de l'utilité réelle du fonds. Enfin, y-a-t-il un risque quant au devenir des radios locales indépendantes issues de l'ouverture de la bande FM au début des années 1980 ?

M. Michel Bouvard a souhaité savoir quel était le degré d'avancement de la numérisation des stations de Radio-France. Par ailleurs, le taux de 3 % de croissance  des crédits pour l'audiovisuel public est-il aussi indispensable que le disent les organismes bénéficiaires ? En particulier, de quelles informations dispose-t-on sur le taux d'absentéisme à France-Télévisions, sujet sur lequel des critiques avaient pu être faites par le passé ? Enfin, connaît-on les prévisions d'investissement pour l'ensemble de l'audiovisuel public pour les cinq années à venir ?

M. Pierre Hériaud s'est interrogé sur les conditions de contrôle du fonds d'aide à la modernisation de la presse.

Le Président Pierre Méhaignerie a souligné que l'axe qui devait guider la commission des Finances serait, cette année, celui de la recherche d'économies, et que l'audiovisuel public ne pouvait y échapper. Il a souhaité connaître le stade actuel de l'enquête demandée l'an passé à la Cour des comptes sur les conventions collectives applicables à l'audiovisuel public. Ne conviendrait-il pas, par ailleurs, que le Rapporteur spécial se rende sur place, auprès du service de la redevance ? De même, des audits extérieurs pourraient peut-être permettre de mieux identifier les réserves de productivité des chaînes publiques, sur lesquels les rumeurs sont nombreuses, et émanent de tous bords confondus. Une comparaison avec les organismes de l'audiovisuel à l'étranger pourrait également servir utilement de référence. Enfin, en ce qui concerne la publicité sous forme papier, n'assiste-on pas à un transfert progressif de la publicité gratuite vers les encarts dans les journaux, et quelles en sont les conséquences éventuelles sur la collecte et le traitement des vieux papiers ?

Le Rapporteur spécial a apporté les éléments de réponse suivants :

- pour l'AFP, le problème principal est celui de la gestion de la masse salariale. Les difficultés de trésorerie sont également importantes, mais devraient pouvoir être prochainement résolues. Le statut de l'agence constitue une forme de particularité juridique, puisqu'il s'agit d'une sorte de coopérative entre l'État et la presse, sans équivalent. Les critiques qui peuvent être portées à l'encontre du mode de gestion de l'entreprise tiennent surtout à la multiplication des tutelles et aux responsabilités trop diffuses, avec notamment le paradoxe que les administrateurs sont aussi des clients. Mais cela constitue également l'une des originalités de l'agence. Le changement de statut est parfois évoqué, mais, en l'état actuel des choses, il serait sans doute préférable de chercher à mieux l'utiliser, plutôt qu'à chercher à affronter des difficultés potentiellement majeures, dans un contexte de concurrence mondiale déjà difficile. Il serait, en revanche, judicieux d'allonger la durée du mandat du président de l'AFP, aujourd'hui trop courte avec trois ans, en l'alignant sur celle des présidents des organismes audiovisuels, de cinq ans ;

- pour les radios, la réallocation d'une grande partie des fréquences en 2006-2007 doit constituer l'occasion de rechercher un meilleur équilibre et une rationalisation dans la gestion du bien public rare que sont les fréquences. En particulier, le traitement des radios indépendantes devra faire l'objet d'un suivi attentif ;

- en ce qui concerne l'avancement du programme de numérisation de Radio-France, des éléments de réponse sont fournis dans le rapport écrit ;

- en ce qui concerne le taux de croissance de 3 % des ressources publiques, il s'agit d'un minimum, face à la progression du coût de grille des concurrents privés, qui est bien supérieure. Aussi est-il nécessaire que le Gouvernement complète le produit de la redevance tel qu'il résulte des amendements adoptés par l'Assemblée nationale, en première partie du projet de loi de finances.

Le Président Pierre Méhaignerie a souligné, à cet égard, que la position de la Commission n'était manifestement pas unanime sur ce point, et que, dans ces conditions, le Rapporteur spécial exprimait un point de vue qui lui était personnel.

Le Rapporteur spécial a ajouté que :

- les contrats d'objectifs et de moyens comprennent, en contrepartie d'engagements de ressources pris par le Gouvernement, des engagements précis et significatifs en termes de gains de productivité ;

- les résultats de l'enquête de la Cour des comptes sur les conventions collectives du travail applicables à l'audiovisuel public ont été transmis à l'Assemblée nationale, et feront l'objet d'une utilisation dans le cadre d'un rapport d'information couvrant non seulement le champ des personnels permanents, mais aussi celui des intermittents utilisés dans l'audiovisuel public,  - car les deux aspects sont liés -, dans une vision si possible constructive ;

- les reports importants de crédits sur le fonds de modernisation de la presse résultent d'engagements insuffisamment précis de la part des entreprises de presse dans la réalisation de leurs projets. La commission de contrôle prévue par les textes n'a pas les moyens de faire face à sa mission, qu'elle devrait au demeurant étendre à l'évaluation de l'efficacité économique des aides versées. À titre d'illustration, il est difficile de savoir quel serait l'impact de l'aide à la distribution demandée par la presse quotidienne régionale, pour un montant de 8 millions d'euros, subventionnée à 100 %, même si l'on ne peut naturellement qu'être favorable à son principe, y compris avec des taux de participation un peu plus élevés que pour les opérations plus classiques. Mais les instruments d'évaluation demeurent insuffisants. Par ailleurs, le rapport établi annuellement par le comité d'orientation du fonds est remis trop tard, et n'est disponible qu'après la discussion parlementaire, ce qui n'est pas satisfaisant et devrait être corrigé ;

- le plan en faveur de la presse évoqué par le Premier ministre doit s'inspirer des principes qui ont conduit à l'élaboration du fonds de modernisation ;

- s'agissant de la suggestion du Président d'une visite au service de la redevance, idée à laquelle le Rapporteur spécial avait également songé, il faut signaler que toutes les organisations syndicales représentatives des personnels du service ont été reçues et longuement entendues dans le cadre des travaux préparatoires au rapport d'information sur la redevance de juillet 2003. À ce titre, il importe de souligner que ces personnels ont su faire des gains de productivité substantiels durant les années passées, mais que leur bonne volonté se heurte maintenant à des obstacles structurels, notamment le faible montant unitaire à recouvrer, ou le caractère inadapté de l'impôt ;

- s'agissant d'éventuels audits extérieurs, la Cour des comptes achève actuellement des travaux importants sur France-Télévisions, qui devraient permettre d'enrichir le contrôle parlementaire sur le groupe ;

- une visite dans des pays voisins, disposant d'une organisation audiovisuelle différente, mériterait en effet d'être envisagée, dans la limite de dépenses raisonnables ;

- l'ouverture progressive de l'accès à la publicité télévisée, pour certains secteurs qui en étaient jusqu'à présent exclus, devrait permettre de créer les conditions économiques de développement des télévisions locales, mais aussi peut-être donner lieu à des transferts, encore difficilement prévisibles, entre les radios et la presse régionale, d'une part, et la télévision, d'autre part. Néanmoins, on peut également estimer avec une certaine vraisemblance que l'ensemble des dépenses publicitaires pourrait globalement croître ;

- enfin, s'agissant du problème de l'encombrement des boîtes à lettres par la publicité non adressée, le Rapporteur spécial a indiqué que, dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif à l'économie numérique, il avait défendu l'idée que la publicité sur l'internet ne devait pas être inutilement dissuadée, dans la mesure où elle ne donnait lieu à aucune pollution, du moins tant qu'elle n'était pas excessive.

La Commission a ensuite adopté, sur proposition du Rapporteur spécial, les crédits de la Communication.

La Commission a ensuite examiné un amendement du Rapporteur spécial portant article additionnel après l'article 59, rattaché à ce budget, indiquant la répartition entre les organismes du secteur public de la communication audiovisuelle des ressources publiques affectées au compte d'affectation spéciale n°902-15, et tenant compte des décisions de l'Assemblée nationale sur l'article 20 du projet de loi de finances, concernant les croisements de fichiers avec les opérateurs de télévision payante et les résidences secondaires. De même y est intégrée la suppression du taux de redevance applicable aux téléviseurs noir et blanc, adoptée à l'initiative de M. Laurent Hénart. Pour autant, naturellement, cet amendement n'exclut pas que la baisse du montant total à répartir soit complétée par le Gouvernement à hauteur des besoins constatés, dès maintenant ou en fin d'année, lorsque sera mieux connu le produit réel de la collecte de la redevance

La Commission a adopté cet amendement.

La Commission a ensuite examiné un amendement (n°II-51) déposé par M Pierre-Christophe Baguet, Rapporteur pour avis, tendant à demander au Gouvernement le dépôt d'un rapport sur le coût d'une extension de l'utilisation des ressources du fonds de modernisation de la presse pour le soutien à la distribution de la presse quotidienne régionale.

La Commission a repoussé cet amendement, au profit d'un amendement lui donnant satisfaction mais avec un objet plus large, présenté par le Rapporteur spécial. Cet amendement, portant article additionnel après l'article 74, et rattaché au budget de la Communication, prévoit d'avancer la date de dépôt du rapport du comité d'orientation du fonds d'aide à la modernisation de la presse, ainsi que de l'étendre, au printemps prochain, à l'évaluation de l'effet possible de l'ouverture du bénéfice du fonds à la distribution de la presse quotidienne régionale.

La Commission a adopté cet amendement.

*

* *

La Commission a ensuite examiné les crédits de l'Équipement et des transports terrestres et l'article 77, rattaché à ces crédits, sur le rapport de M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial.

En préambule, M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial, a d'abord tenu à souligner que les réponses à son questionnaire budgétaire lui étaient parvenues assez tard et il a regretté la mauvaise qualité de certaines d'entre elles, dans la mesure où elles n'apportaient que des données très lacunaires sur le projet de loi de finances pour 2004 lui-même.

Il a ensuite indiqué que le budget de l'Équipement et des transports terrestres s'élève à 13,5 milliards d'euros en 2004, répartis entre la section « Services communs » et la section « Transports et sécurité routière ». Le budget pour 2004 est marqué par une grande continuité, dans l'attente des décisions majeures qui seront prises à la suite du débat sur les infrastructures de transport qui s'est tenu au printemps dernier à l'Assemblée nationale, ainsi que dans les perspectives ouvertes par la décentralisation du réseau routier national. Si le ministère de l'Équipement apparaît relativement avancé en ce domaine, il n'en va pas de même s'agissant de la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances. En effet, l'esquisse actuelle des missions et des programmes n'est pas satisfaisante et aboutirait, si elle n'était modifiée, à réduire les moyens de contrôle du Parlement.

S'agissant des services communs, le Rapporteur spécial s'est félicité de ce que le projet de budget pour 2004 prévoie une diminution réelle de 990 emplois budgétaires. En effet, la suppression de 750 emplois prévus en 2003 n'a été que virtuelle, puisqu'elle portait sur des emplois vacants. Il a rappelé qu'il a effectué, avant l'été, un contrôle sur pièces et sur place relatif aux retenues pour faits de grève au sein du ministère de l'Équipement. Il avait alors fait observer que l'attitude de ce ministère lui était apparue moins rigoureuse que celle de la SNCF ou de la RATP. Or, cette appréciation s'est révélée stimulante, puisque les documents complémentaires qui viennent de lui parvenir montrent que le ministère y a remédié dans une large mesure.

Le budget des transports collectifs marque le désengagement financier de l'État, qui souhaite transférer la responsabilité financière de la conduite des projets d'infrastructures sur les collectivités gestionnaires. Il n'est pas illogique que les collectivités territoriales assument elles-mêmes la responsabilité des opérations qu'elles décident. D'ailleurs, au fil des ans, l'ampleur et le nombre des projets a induit une diminution du taux de subvention de l'État, qui est devenu fort modeste. L'État a donc estimé possible de supprimer purement et simplement un soutien financier qui avait perdu une grande partie de son importance. La multiplication des projets d'infrastructures mérite débat, car l'on peut légitimement s'interroger sur l'existence éventuelle de quelques « éléphants blancs » parmi eux. A la suite du débat provoqué par la disparition des subventions étatiques aux transports collectifs en site propre, le Gouvernement a, semble-t-il, décidé de lisser son désengagement, grâce à l'inscription de 65 millions d'euros de crédits dans le prochain collectif budgétaire. L'inscription de ces crédits supplémentaires ne manquera pas de poser la question du calibrage du montant des crédits de paiement inscrits pour 2004.

M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial, s'est félicité de ce que 2004 marque le début de l'effort de clarification du financement de Réseau Ferré de France (RFF) et de la SNCF. Le projet prévoit, en effet, une contribution de 800 millions d'euros au désendettement de RFF, symétrique de la contribution de 677,2 millions d'euros destinée au désendettement de la SNCF. Cette contribution remplace la dotation en capital qui lui avait été versée en 2003, et dont la qualification juridique avait été contestée par Eurostat. En tout état de cause, la pérennité de cette contribution devra être confirmée à l'avenir. A ce sujet, soulignant que la Cour des comptes achève un contrôle sur la SNCF, le Rapporteur spécial a suggéré que la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) puisse étudier précisément les relations financières entre l'État, RFF et la SNCF.

Le dernier budget consacré au réseau routier national, avant la décentralisation, ne marque aucun désengagement de la part de l'État. Il faut s'en féliciter. Au contraire, on observe même un léger rattrapage en ce qui concerne les contrats de plan, même si l'effort reste insuffisant pour combler le retard accumulé.

Les résultats de la politique en matière de sécurité routière ont été très favorables en 2003, ce qui posera d'ailleurs des difficultés d'interprétation des résultats des premiers mois de 2004, qui risquent d'être moins satisfaisants. La question de la destination du produit des amendes reste ouverte et 2004 devra être l'année de la clarification en ce domaine. En effet, l'article 9 de la loi du 12 juin 2003 relative à la lutte contre la violence routière a prévu que le produit des amendes généré par les systèmes de contrôle automatisés reviendrait au budget général. Or, si la mise en place de ces systèmes représente un investissement de 100 millions d'euros en 2004 et d'un même montant en 2005, le produit attendu des amendes est largement supérieur, puisqu'il est estimé à 300 millions par an à partir de 2005.

La sensible augmentation du budget destiné aux voies navigables profite essentiellement aux crédits d'études. On a l'impression que celles-ci se multiplient, alors même que les travaux n'ont guère de chance d'être effectivement entrepris. Une sélection s'avère nécessaire et il conviendrait de ne mener que les études portant sur les projets qui pourraient effectivement être mis en œuvre.

En conclusion, M. Hervé Mariton a rappelé que 2004 serait une année de transition, puisque devront être mises en œuvre les décisions du Premier ministre et du prochain Comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire (CIADT), en ce qui concerne les projets d'infrastructures retenus et leur mode de financement. C'est dans ce cadre qu'il faudra sans doute apprécier l'article 77 du présent projet de loi de finances relatif au relèvement des plafonds du versement de transport.

M. Michel Bouvard a souligné qu'en matière de transport en site propre de province, l'achèvement de la contribution de l'État soulevait le problème de la capacité des collectivités territoriales à accroître le versement de transport. La Caisse des dépôts et consignations ayant semble-t-il la capacité de financer des prêts ad hoc, peut-on espérer que ces conditions de prêt privilégiées couvrent la baisse de la subvention d'investissement de l'État ? S'agissant du transport ferroviaire, le principe selon lequel un euro de financement d'une ligne nouvelle doit être accompagné du versement d'un euro pour la régénération des infrastructures est-il respecté ? A l'heure de la publication du « paquet Van Miert » connaît-on le taux de participation de l'Union européenne aux grands projets d'infrastructure ? Dans le domaine de la sécurité routière, il n'est pas acceptable que dans des zones de montagne les amendes infligées aux poids lourds empruntant des cols en toute illégalité soient inférieures au coût de passage dans les tunnels. La clôture du Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables (FITTVN) est-elle effective ? Les crédits de RFF prévoient-ils le financement de la liaison ferroviaire Lyon-Turin ? Les propositions du ministère de l'Équipement pour la mise en œuvre de la loi organique, qui comportent notamment des missions mono-programme, ne sont pas du tout satisfaisantes.

M. Yves Deniaud, constatant que la dotation de l'État à RFF était portée à 1,183 milliard d'euros tandis que la disparition du compte d'affectation spéciale représentait 1,15 milliard d'euros, a souhaité savoir comment ce gain de 33 millions d'euros était ventilé entre le désendettement et les travaux de modernisation ou d'entretien du réseau ferroviaire. La légère augmentation des crédits destinés au réseau routier est louable, après des années de baisse. La régulation budgétaire touche souvent ces crédits, ce qui constitue pour l'État un gain financier très modeste et produit un résultat économique désastreux. Où en est l'exécution des contrats de plan État-régions en matière de transports ?

M. Laurent Hénart a interrogé le Rapporteur spécial sur l'adéquation aux besoins des crédits destinés à Voies navigables de France, notamment pour l'entretien des réseaux. Par ailleurs, peut-on connaître la doctrine du Gouvernement français au sujet du « paquet Van Miert », qui comprend de nombreux projets d'infrastructures nouvelles, à l'heure où le financement des projets existants est déjà difficile ?

A la question de M. Pierre Hériaud s'enquérant de la parution du « jaune » retraçant les crédits de la sécurité routière, M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial, a répondu qu'il était arrivé le matin même.

M. Jean-Louis Dumont a rappelé son intervention lors de la discussion générale sur le risque de détournement par l'administration de l'esprit de la loi organique. Sur les questions de sécurité routière, c'est le « tout répressif » qui l'emporte. Nous avons aussi besoin d'une politique de prévention et de formation. Le montant du produit des amendes de la police de la circulation est indispensable pour assurer le financement de cette politique. Comment l'endettement de RFF évolue-t-il ? Les collectivités territoriales participent largement au financement du TGV-Est. Quel est l'état d'avancement des discussions européennes sur ce dossier ?

A ces interventions, M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial, a apporté les éléments de réponse suivants :

- la préfiguration de la loi organique pour les crédits du ministère comporte trois missions mono-programme dont deux pour les transports aériens et une pour les régimes sociaux et de retraite. On peut souhaiter l'inclusion de ce dernier programme dans la mission « Stratégie et politique financière ». La discussion mérite d'être poursuivie sur ce point ;

- les prêts de la Caisse de dépôts et consignations s'échelonneraient sur trente ans à un taux de 4 %. Il est intéressant de rapprocher ces éléments du taux de subvention de l'État pour ces actions, qui est inférieur à 10 % ;

- le principe de l'équivalence entre crédits d'investissement et crédits de régénération n'est pas respecté. Cependant, l'effort budgétaire en faveur de la régénération s'élève à 900 millions d'euros en autorisations de programme et à 675 millions d'euros en crédits de paiement. La SNCF met ce point en exergue pour prévenir les demandes excessives d'opérations nouvelles ;

- sur le « paquet Van Miert », les chiffres évoqués par le ministère sont de 20 % de financement communautaire, même si le chiffre de 30 % a pu circuler ;

- pour le recouvrement des amendes, la création d'un compte d'affectation spéciale serait la meilleure solution mais elle n'est pas du ressort de l'initiative parlementaire. Contrairement à ce que prétend le ministre lui-même, le produit des amendes n'est pas entièrement affecté au déploiement de radars. L'article 9 de la loi du 12 juin 2003 ne prévoit d'ailleurs aucune affectation totale. Le déploiement des radars coûtera 100 millions d'euros en 2004 et 2005, alors que le produit des contrôles qu'ils permettront sera de 300 millions d'euros par an. Le produit global des amendes, soit 1,2 à 1,3 milliard d'euros n'a pas à abonder en totalité les budgets locaux ; mais au moins la répartition de ce produit doit-elle être transparente. Le Président Pierre Méhaignerie a fait valoir qu'en accord avec le Rapporteur général, il souhaitait soulever le problème des villes qui ne disposent que d'une police municipale pour recouvrer ces amendes. Elles supportent un coût de gestion sans recevoir aucune compensation. M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial, a reconnu l'iniquité de cette situation. M. Yves Deniaud, s'agissant de l'emplacement des radars, s'est élevé contre une conception purement budgétaire de la sécurité routière. Les radars fixes doivent avoir pour seule finalité de faire baisser le nombre de tués sur la route. Leur implantation aux endroits dangereux est plus importante que le produit attendu des amendes. M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial, a indiqué que :

- de nombreux départements ont répondu au souci manifesté par M. Yves Deniaud en publiant des cartes d'implantation des radars ;

- la modestie de la dotation à RFF a été aggravée par la diminution de la contribution aux charges d'infrastructure. Il n'est pas certain que l'évolution du prix des péages corrélée à celle de la dotation globale de décentralisation (DGD) permette de compenser ces baisses de crédits ;

- au vu du retard pris dans l'exécution des contrats de plan État-régions, leur échéance a toutes chances d'être repoussée de 2006 à 2010 ;

- au 30 juin 2003, les crédits de la section « Transports et sécurité routière » sont gelés à hauteur de 110 millions d'euros en autorisations de programme et 358 millions d'euros en crédits de paiement ;

- voies navigables de France est satisfait des conditions de rattrapage de sa dotation. Des crédits pour l'entretien des réseaux sont bien prévus ;

- le FITTVN est effectivement clos. L'an dernier, un article additionnel voté à l'instigation du Rapporteur spécial à la loi de finances pour 2003 demandait un rapport sur les établissements publics intermodaux pour le 30 juin ; ce rapport n'a jamais été rédigé ;

- il est faux de qualifier la politique de sécurité routière « d'exclusivement répressive » ;

A la question du Président Pierre Méhaignerie portant sur les thèmes d'enquête susceptibles d'être soumis à la Cour des comptes, le Rapporteur spécial a répondu qu'il attendait le résultat des travaux en cours sur la SNCF, qui pourraient déboucher sur la création d'une MEC. L'analyse du circuit actuel du recouvrement des amendes routières serait un thème d'enquête approprié. En particulier, le problème des amendes majorées dont l'État conserve le produit sans base légale n'est pas résolu.

Sur les crédits du titre III, la Commission a ensuite examiné quatre amendements présentés par M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial, tendant à réduire les crédits de personnel pour supprimer les moyens du Conseil supérieur du service public ferroviaire, du Conseil national des transports, des secrétariats des comités régionaux et départementaux des transports, ainsi que du Conseil national de l'information géographique. Certains de ces amendements ont été rejetés en séance publique l'an dernier, mais la position du ministère a pu évoluer depuis lors. La compétence des personnels visés n'est pas en cause, mais il n'apparaît pas indispensable d'affecter à ces structures des moyens quelque peu redondants avec ceux du Conseil général des Ponts et chaussées. Le Président Pierre Méhaignerie a souhaité que ces amendements soient négociés avec le Gouvernement, comme avec le Rapporteur pour avis.

Le Rapporteur spécial a indiqué que le ministère n'avait pas fait connaître sa position définitive sur ces amendements, dont il est informé.

La Commission a ensuite adopté ces quatre amendements.

Elle a ensuite examiné un amendement de M. Hervé Novelli proposant au titre IV de réduire de 100 millions d'euros les crédits du chapitre 47-41 consacrés au financement du régime spécial de retraite de la SNCF. En effet, quelques mois après le vote de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, on peut s'interroger sur la progression des charges de retraite supportées par l'État à ce titre : 2,223 milliards d'euros en 2001, 2,259 milliards en 2002, 2,359 milliards en 2003 et 2,431 milliards en 2004. Le déséquilibre de ce régime spécial s'explique, certes, par le déséquilibre existant entre les 179.000 cotisants et les 313.000 retraités, ainsi que par des raisons historiques. Mais alors que la loi « Fillon » a réglé le problème du régime de retraite de la fonction publique, la réforme des régimes spéciaux qui était censée s'effectuer dans chaque entreprise de façon négociée ne semble pas avoir été engagée. Tout se passe donc comme si les salariés et les fonctionnaires qui ont supporté la réforme de leur propre régime devaient continuer à supporter le coût du régime spécial de la SNCF. Par souci d'équité et de transparence, il convient de prévenir tout engagement automatique de crédits sur ce poste, qui ne serait pas précédé d'une réflexion sur l'avenir des régimes spéciaux.

M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial, a donné un avis défavorable à l'amendement, malgré l'intérêt de la question qu'il pose, et a fait valoir que le poids des retraites des agents de la SNCF était appelé à diminuer dans les années à venir, ce que M. Hervé Novelli a contesté.

Le Président Pierre Méhaignerie a suggéré d'examiner les modalités de la participation de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) à la surcompensation du régime spécial de la SNCF, ainsi que des autres régimes prévoyant un départ à la retraite à 50 ans.

M. Laurent Hénart a fait observer que cet amendement a l'intérêt d'obliger le Gouvernement à se positionner sur l'avenir d'un régime spécial sur lequel les Français eux-mêmes ont besoin d'informations.

M. Michel Bouvard a estimé que ce n'est pas le rôle de la commission des Finances de supprimer des crédits destinés à financer les engagements de l'État vis-à-vis d'un régime spécial. Il faut prendre en compte les déséquilibres entre l'ensemble des régimes spéciaux, et attendre notamment les résultats de la réforme en cours du régime d'EDF.

M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial, a jugé qu'il n'est utile d'allumer un signal négatif. En revanche, l'avenir du régime spécial de la SNCF pourrait faire partie des thèmes d'investigation de la MEC. De même, la structuration des crédits des transports en missions et programmes pose la question de l'imputation des sommes en cause.

M. Hervé Novelli a exprimé ses doutes sur le coût du régime spécial de la SNCF, puis a retiré son amendement.

La Commission a ensuite adopté les crédits de l'Équipement et des transports terrestres.

Article 77 : (Majoration des taux plafonds du versement de transport)

M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial, a précisé que l'augmentation du taux du versement de transport ne remet pas en cause la responsabilité des collectivités territoriales qui restent libres de choisir les taux qu'elles appliquent. La concomitance entre le relèvement de ces taux et la baisse des aides de l'État aux transports collectifs en site propre est néanmoins troublante.

La Commission a examiné quatre amendements de suppression de cet article, présentés par MM. Laurent Hénart, Denis Merville, Louis Giscard d'Estaing et Thierry Mariani. M.  Laurent Hénart a souligné que le versement de transport constitue bien, selon la qualification donnée par le Conseil constitutionnel, un impôt payé par les entreprises de plus de 9 salariés domiciliées dans les communes plus de 10.000 habitants. L'augmentation proposée par le Gouvernement est en contradiction avec les trois principes qui fondent le projet de budget pour 2004. Elle est, en premier lieu, contraire au soutien à l'activité et à l'emploi, le versement étant assis sur la masse salariale. Elle va également à contresens de la baisse de la fiscalité et remet en cause l'engagement de ne pas reporter des charges de l'État vers la fiscalité locale. Enfin, en intervenant avant la discussion du projet de loi relatif à la décentralisation, elle est difficilement compréhensible par nos concitoyens. Il faut donc demander au Gouvernement de traiter cette question en même temps que l'ensemble des mesures de décentralisation. Cette solution permettra de donner un signal clair aux PME, d'éviter de contredire les orientations du projet de budget pour 2004 et de faire du projet de loi relatif à la décentralisation un grand débat national.

M. Hervé Mariton, Rapporteur spécial, a fait observer que le versement de transport est considéré par certains comme un « impôt intelligent ». L'augmentation proposée par le Gouvernement ne vient pas en contrepartie d'un transfert de compétences, les collectivités territoriales étant d'ores et déjà maîtres d'œuvre des transports collectifs en site propre.

Monsieur Laurent Hénart a précisé que son amendement ne supprime pas le versement de transport, dont l'intelligence n'est donc pas remise en cause. Toutefois, les arguments avancés en faveur de la hausse de cet impôt montrent que l'excès de juridisme peut tuer l'efficacité d'une mesure. S'il ne s'agit pas à proprement parler d'un transfert de compétences, personne n'est dupe face à la suppression concomitante des aides de l'État aux transports collectifs en site propre.

M. Yves Deniaud a souligné que les collectivités locales peuvent être tentées de faire des investissements disproportionnés à leur population. Les critères communautaires de taille requis pour les transports collectifs ne sont pas respectés en France. Aujourd'hui, toutes les collectivités répondant à ces critères sont équipées. D'autres collectivités s'équipent à l'identique. Elles devraient mieux utiliser les moyens existants. Il y a en effet d'autres possibilités de financer les transports collectifs, sans qu'il soit besoin de faire supporter ce financement par les entreprises.

M. Philippe Rouault a attiré l'attention sur la nécessité d'offrir aux collectivités territoriales les moyens de financer des modes de transport nouveaux, et fait observer que la mesure proposée par le Gouvernement va dans ce sens.

Le Président Pierre Méhaignerie a considéré que ce n'est pas le moment de donner des signes négatifs aux entreprises, déjà fortement mises à contribution par la progression de la taxe sur les déchets. Alors que les autres pays européens soumettent les transports collectifs à des critères tenant à la taille des agglomérations concernées, on observe en France un engouement pour ce type d'équipement qui relève, dans une certaine mesure, d'un effet de mode. Il n'est pas sain que certains projets de collectivités territoriales puissent être financés par un taux de subvention qui atteint 40 à 80 % du coût de l'opération. En renvoyant la question au débat sur la décentralisation, les amendements déposés ont le mérite de ne pas interdire toute évolution du versement de transport.

La Commission a adopté ces amendements. L'article 77 a donc été supprimé.

*

* *

La Commission a ensuite abordé, sur le rapport de M. Jean-Yves Chamard, Rapporteur spécial, les crédits de la Jeunesse et de l'enseignement scolaire et l'article 78, rattaché à ces crédits.

M. Jean-Yves Chamard, Rapporteur spécial, a rappelé que le budget de l'enseignement scolaire dépasse le produit de l'impôt sur le revenu. Il augmentera de 2,8 % en 2004 pour s'établir à 54,5 milliards d'euros. Les comparaisons internationales sont particulièrement éclairantes sur l'importance des moyens que la France consacre à son enseignement, notamment dans le second degré. Pour s'en tenir à celui-ci, si la France dépensait autant que la moyenne des pays de l'OCDE, elle réaliserait une économie de 8,5 milliards d'euros, soit 0,6 point de PIB. Si elle s'alignait sur l'Espagne, le Royaume-Uni ou l'Allemagne, l'économie serait respectivement de 12,5, 8 et 4 milliards d'euros. S'agissant de l'efficacité de la dépense, l'enquête internationale « PISA » montre que l'importance des sommes investies n'empêche pas que les performances des écoliers français se situent dans la moyenne des pays de l'OCDE.

Il est donc clair que l'enseignement scolaire ne manque pas de moyens et que la question de leur bonne gestion est désormais posée. A ce sujet, la Cour des comptes vient de publier un rapport aux conclusions sévères sur la gestion de notre système éducatif. Parmi les nombreux points relevés, il convient de citer les conséquences de la multiplicité des options dans l'enseignement général et professionnel. La Cour indique qu'une dizaine de disciplines est enseignée devant un effectif moyen de moins de 12 élèves. Elle met également en évidence le fait que ces options sont devenues un outil de sélection des élèves. D'autre part, le rapport de la Cour des comptes confirme qu'aucune étude ne vient démontrer les effets favorables de la diminution de la taille des classes sur les résultats des élèves. D'ailleurs, les premières évaluations de l'expérience en cours de dédoublement des cours préparatoires semblent montrer que les effets en sont très minimes.

D'une manière générale, il ressort des travaux de la Cour que l'Éducation nationale est incapable d'évaluer les effets des réformes pédagogiques qu'elle met en œuvre. Cette situation explique l'accroissement continu des budgets, l'attribution de moyens supplémentaires étant la condition de l'acceptation des réformes par les personnels. Ainsi, l'importante revalorisation de la rémunération des enseignants, initiée par Lionel Jospin en 1989, s'est faite sans contrepartie d'aucune sorte quant aux obligations de ceux-ci ou à la façon dont ils devraient remplir leur mission.

Présentant les grandes lignes du budget pour 2004, le Rapporteur spécial a indiqué qu'il prévoyait la création de 1.500 emplois de professeurs des écoles compensés, pour la première fois, par la suppression d'un nombre équivalent d'emplois d'enseignants du second degré. En outre, 2.400 emplois de stagiaires seront également supprimés, afin d'anticiper la diminution des recrutements au cours des prochaines années. De plus, 1.100 emplois de personnels administratifs seront supprimés du fait d'une limitation des remplacements à la moitié des départs en retraite. Le projet de budget prévoit également de nombreuses mesures en faveur des personnels, dont la plupart constitue la poursuite de différents plans de revalorisation et d'amélioration de carrières de certains corps. Il en est ainsi de la poursuite de l'intégration des instituteurs dans le corps des professeurs d'école.

Les crédits consacrés aux moyens de fonctionnement des services diminueront en 2004, grâce notamment à la diminution des crédits informatiques. Par ailleurs, le budget de l'enseignement scolaire intègre les subventions de fonctionnement versées à six établissements publics nationaux. Il serait peut-être opportun de s'interroger sur les missions qui leur sont assignées et sur d'éventuels chevauchements de compétences. La formation professionnelle et les actions de promotion bénéficieront d'une mesure nouvelle destinée à accompagner la montée en puissance du dispositif de validation des acquis de l'expérience. De même, les crédits relatifs à la formation des personnels seront majorés de 10 millions d'euros au profit de la formation des enseignants et des auxiliaires de vie scolaire, dans le cadre du plan d'adaptation et d'intégration scolaires des élèves handicapés. A cet égard, il conviendrait de s'assurer de ce que l'augmentation de la scolarisation des élèves handicapés en milieu ordinaire s'accompagne, au sein du budget des Affaires sociales, d'une diminution corrélative des crédits destinés aux instituts médico-éducatifs.

Le projet de budget pour 2004 regroupe sur un même chapitre l'ensemble des crédits relatifs aux personnels d'encadrement et de surveillance (assistants d'éducation, maîtres d'internat et surveillants d'externat, aides éducateurs). Le projet de budget consolide les 20.000 postes d'assistants d'éducation créés dès la rentrée 2003 et permet la création de 13.000 emplois supplémentaires à la rentrée 2004. Parallèlement, il accompagne la diminution progressive des emplois d'aides éducateurs et de maîtres d'internat et surveillants d'externat.

Les efforts tendant à augmenter le nombre d'élèves handicapés scolarisés en milieu ordinaire seront poursuivis et amplifiés en 2004, dans le cadre d'un plan pluriannuel prévoyant la création de 200 nouvelles unités pédagogiques d'intégration dans l'enseignement secondaire.

Comme les dispositifs relais, l'opération « École ouverte » bénéficiera d'une mesure nouvelle visant à doubler le dispositif dans les deux prochaines années. Par ailleurs, l'expérimentation de classes de cours préparatoires à effectif réduit, menée dans le cadre du plan de lutte contre l'illettrisme, devra faire l'objet d'une véritable évaluation, afin de confirmer ou d'infirmer les premiers résultats, qui apparaissent a priori décevants.

Les crédits d'intervention portent essentiellement sur l'enseignement privé sous contrat. Dans le cadre de la parité avec le service public, le projet prévoit la suppression de contrats d'enseignants du second degré, alors même que l'on observe cette année une forte augmentation des demandes d'inscription dans les établissements privés. Dès lors, ne conviendrait-il pas de surmonter ce paradoxe et de mieux adapter, à l'avenir, l'offre à la demande ?

Le budget consacré à la politique en faveur de la jeunesse est reconduit dans ses grandes lignes. Il prévoit notamment les moyens nécessaires à la création de 40 postes supplémentaires dans le cadre du Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (FONJEP).

Le Président Pierre Méhaignerie a tenu à remercier M. Jean-Yves Chamard pour la clarté de ses explications, et a estimé que les données concernant la multiplication des options et les coûts en résultant mériteraient d'être largement diffusées. Il s'est interrogé sur la nature des freins au développement de la bivalence. Contre l'opinion trop souvent répandue au sein de la population, souvent avec la complicité des médias, selon laquelle il est nécessaire de dépenser toujours plus, il faut défendre l'impératif d'une gestion saine et économe des deniers publics. Concernant la relation entre les effectifs des classes et le niveau des résultats, il semble que cela ne donne des résultats probants que pour les élèves en grande difficulté, ceux qui se situent dans la moyenne ne voient pas leurs résultats significativement améliorés par la réduction du nombre d'élèves par classe. Par ailleurs, on constate dans de nombreuses régions une surcapacité des établissements scolaires.

M. Philippe Rouault a souligné l'importance d'adapter, dans l'enseignement privé, le nombre d'enseignants à la demande des parents, afin de préserver une réelle liberté de choix.

M. Yves Deniaud a réaffirmé la nécessité de multiplier les comparaisons internationales, afin que les Français se rendent compte que la France est le pays au monde où on dépense le plus pour l'enseignement secondaire, sans que le niveau soit plus élevé qu'ailleurs.

Concernant le nécessaire encouragement à la bivalence des enseignants, M. Jean-Yves Chamard, Rapporteur spécial, a expliqué qu'il existait effectivement des freins syndicaux mais aussi des obstacles liés à la volonté de chaque matière de défendre son pré carré. Il importe de surmonter ces obstacles, car cette question n'est pas un clivage qui oppose la gauche à la droite, comme l'illustrent les positions prises par son prédécesseur, M Jacques Guyard. La polyvalence est indispensable pour rendre la gestion des personnels plus souple et éviter une situation dans laquelle il n'est pas rare que des enseignants ne puissent remplir toutes leurs obligations de service.

En ce qui concerne l'état de l'opinion ou du personnel de l'Éducation nationale, il a fait observer le paradoxe qui voit l'enseignement secondaire, pourtant privilégié dans notre pays, être fréquemment en ébullition.

Après avoir interrogé le Rapporteur spécial, et en conformité avec son souhait, le Président Pierre Méhaignerie a ensuite estimé qu'il serait utile que la Cour des comptes puisse se pencher sur la question des détachements au sein de l'Éducation nationale.

La Commission a ensuite adopté, sur proposition du Rapporteur spécial, les crédits de la Jeunesse et de l'enseignement scolaire.

Article 78 (Intégration dans l'enseignement public de personnels non enseignants de l'École des métiers Jean Drouant, devenue établissement public local d'enseignement).

M. Jean-Yves Chamard, Rapporteur spécial, a expliqué que le présent article avait pour objet de régler la situation des personnels administratifs, ouvriers et de services en fonction à l'école des métiers Jean Drouant, intégrée dans l'enseignement public. Le nombre de personnes concernées est très faible.

La Commission a adopté cet article, sur proposition du Rapporteur spécial.

*

* *

Information relative à la Commission

Un projet de décret d'annulation a été distribué.

-____--


© Assemblée nationale