COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 24

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 4 novembre 2003
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. Jean-Louis Dumont, Doyen d'âge,

de M. Pierre Méhaignerie, Président

Puis de M. Pierre Hériaud, Doyen d'âge

SOMMAIRE

 

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- Suite de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 (n° 1093) :

Vote sur les crédits :

 

· de l'Intérieur : administration générale et territorial (M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial)

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· des Anciens combattants et des articles 73 et 74, rattachés (M. Xavier Bertrand, rapporteur spécial)

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· de la Santé, famille et personnes handicapées et des articles 81 et 82 rattachés (M. Gérard Bapt, rapporteur spécial) des services financiers, du budget annexe des monnaies et médailles (lignes des articles 48 et 49, I et II) (M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial)

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La Commission des Finances a poursuivi l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 (n° 1093). Elle a tout d'abord examiné, sur le rapport de M. Jérôme Chartier, Rapporteur spécial, les crédits de l'administration générale et territoriale du ministère de l'intérieur.

M. Jérôme Chartier, Rapporteur spécial, a indiqué que les crédits de l'administration générale et territoriale du ministère de l'intérieur représentent une masse budgétaire de 4,4 milliards d'euros, dont 2,4 milliards d'euros, correspondant à des charges de pensions, sont transférés vers le budget des charges communes. S'agissant de l'administration générale, la progression des crédits (+ 10,6 %) s'explique principalement par le calendrier électoral. Si aucun scrutin général n'est intervenu en 2003, quatre scrutins seront organisés en 2004. En conséquence, la dotation prévue pour financer les élections passe de 78,4 à 259,5 millions d'euros. Par ailleurs, l'aide aux partis politiques atteint 80 millions d'euros, dotation inchangée par rapport à 2003. La réévaluation des crédits de rémunération vise principalement à réduire les écarts constatés entre les régimes indemnitaires du ministère de l'intérieur et ceux d'autres départements ministériels. Par ailleurs, le budget des cultes, réévalué l'année dernière, est reconduit pour 2004. Les dotations pour dépenses en capital permettront de financer la poursuite du programme de rénovation ou de construction des préfectures. Enfin, le ministère de l'intérieur participe à l'effort de maîtrise des dépenses publiques en supprimant 185 emplois sur les crédits des préfectures et en limitant la progression de ces crédits à 0,2 % par an, soit un taux inférieur au « glissement vieillesse-technicité ».

Le projet de loi de finances étend la globalisation des crédits des préfectures à la quasi-totalité des départements. Cette généralisation devrait s'accompagner d'un redéploiement des emplois et des crédits de fonctionnement entre les préfectures. Héritée d'une situation antérieure à la décentralisation, la répartition des moyens entre les préfectures laisse encore apparaître de fortes disparités. Le ministère a prévu d'étaler le « rebasage » sur plusieurs années. Pour 2004, seuls 60 emplois sont réaffectés.

S'agissant de la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, le ministère de l'intérieur a prévu de regrouper les crédits de l'administration générale et territoriale dans une mission unique, intitulée « politiques territoriales de l'État », composée de trois programmes. Un premier programme, « administration territoriale », regrouperait les crédits des préfectures, auxquels s'ajouteraient les dotations prévues pour l'organisation des élections et le remboursement des dépenses de campagne. Les fonctions transversales, communes à tous les services du ministère (notamment la gestion immobilière et financière ou la gestion des ressources humaines), figureraient dans un deuxième programme, baptisé « direction, pilotage, appui ». Enfin, il est prévu de créer un troisième programme, dénommé « programmes des interventions territoriales de l'État », qui regrouperait des crédits qui ne sont pas actuellement inscrits sur le budget de l'intérieur, mais financent des interventions géographiquement ciblées, lesquelles exigent une coordination accrue sur le terrain, comme par exemple le plan Loire, la politique de l'eau en Bretagne ou le programme d'investissement exceptionnel en Corse. Ces crédits figureraient, dès la loi de finances initiale, sur le budget de l'intérieur et feraient l'objet d'une délégation globalisée au profit des préfets concernés.

Le Rapporteur spécial a attiré l'attention sur la nécessité de faire figurer l'ensemble des crédits relatifs au financement de la vie politique sur le budget de l'intérieur, y compris les moyens de fonctionnement de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, actuellement rattachés, sans véritable justification, aux crédits de la justice.

M. Alain Rodet s'est interrogé sur les modalités de financement du régime de protection sociale des cultes.

M. Jérôme Chartier, Rapporteur spécial, a précisé que ce régime est financé par une caisse particulière.

M. Charles de Courson a ajouté que ce régime concerne les cultes non concordataires, mais n'assure pas la couverture des ministres des cultes d'Alsace-Moselle, lesquels sont des agents de l'État.

La Commission a adopté, sur proposition du Rapporteur spécial, les crédits de l'administration générale et territoriale du ministère de l'intérieur.

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Puis la Commission a examiné les crédits des Anciens combattants.

M. Xavier Bertrand, Rapporteur spécial a indiqué que les crédits du secrétariat d'État chargé des Anciens combattants s'élèveront en 2004 à 3.390 millions d'euros. Ce budget s'inscrit dans la démarche d'ensemble initiée par le secrétaire d'État qui a mis en œuvre un contrat d'action et défini une méthode afin d'apporter des traductions budgétaires aux dossiers intéressant le monde combattant. Les avancées du projet de loi de finances pour 2004 permettent d'améliorer l'action sociale et la solidarité nationale et de renforcer la réparation et la reconnaissance. En outre, 2004 sera une année exceptionnelle pour la politique de mémoire.

Parmi les mesures nouvelles, il convient de souligner le relèvement très significatif des pensions des 130.000 veuves d'anciens combattants. Une provision de 11,84 millions d'euros permettra de mettre en œuvre cette revalorisation au 1er juillet 2004. La carte du combattant sera attribuée aux militaires appelés, engagés, ou de carrière, présents durant au moins 4 mois en Afrique du Nord pendant la guerre d'Algérie et les combats en Tunisie et au Maroc. Cette mesure permet de répondre à l'iniquité instaurée par le précédent Gouvernement qui avait accordé ce droit aux fonctionnaires de police. Cette mesure devant être effective au 1er juillet 2004, une provision de 3 millions d'euros, affectée à la retraite du combattant, a été inscrite. Son coût en année pleine serait donc de 6 millions d'euros.

Les crédits d'action sociale de l'ONAC faisaient l'objet, depuis le projet de loi de finances pour 1999, d'un abondement en cours de discussion par des amendements « d'essence parlementaire ». La dotation concernée, d'un montant de 1,52 million d'euros est désormais intégrée à la construction budgétaire initiale, garantissant ainsi la lisibilité et la pérennité de l'action de l'État.

L'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002 a permis d'engager la décristallisation des pensions des anciens combattants ressortissants des pays antérieurement placés sous souveraineté française. Le décret d'application vient juste de paraître au Journal officiel. Cependant, la loi ayant prévu la rétroactivité de la décristallisation, ce délai n'aura pas de conséquence pour les bénéficiaires.

L'action de l'ONAC est confortée. Son travail de proximité auprès de ses ressortissants est consolidé. Le recrutement de 23 cadres va permettre de développer des actions de mémoire dans les départements.

Le plafond majorable de la rente mutualiste du combattant a été relevé de 7,5 points en 2003. Les soins gratuits dispensés aux ressortissants du secrétariat d'État sont consolidés et l'Institution nationale des Invalides a été accréditée par l'ANAES en novembre 2002.

En ce qui concerne la mémoire et l'information historique, des crédits permettront de financer l'organisation d'événements particuliers en 2004, tels que le 90ème anniversaire de la victoire de la Marne et le 50ème anniversaire de la bataille de Diên Biên Phû. Les collectivités territoriales doivent se mobiliser plus activement pour mettre en œuvre une politique ambitieuse de visite des lieux de mémoire. Seules deux régions ont prévu des actions de mémoire au titre des contrats de plan État-régions. La loi du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations, doit permettre d'encourager l'initiative privée en matière de mémoire, sans, bien sûr, la dénaturer.

La mise en œuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances doit s'accompagner d'une réforme des structures. Aujourd'hui, les crédits relatifs aux anciens combattants figurent dans deux sections ministérielles, dont l'une n'a pas d'effectif budgétaire. En outre, les crédits de mémoire sont difficilement identifiables. Il convient donc d'améliorer la lisibilité de ces dotations, tout en s'assurant de la bonne répartition des compétences entre les services déconcentrés du ministère de la Défense et les services départementaux de l'ONAC.

M. Charles de Courson s'est interrogé sur l'indemnisation des orphelins de déportés non juifs. Le Gouvernement s'est engagé à régler ce problème en septembre dernier, or aucun crédit n'est dégagé dans le présent budget. Quand prendra effet cette indemnisation ?

M. Jean-Louis Dumont a remercié le Rapporteur d'avoir souligné l'intérêt majeur de la politique de mémoire. La région Lorraine mène une politique très active sur ce sujet. Se pose néanmoins le problème de la conservation et de la valorisation des sites historiques. Des sites comme Verdun, par exemple, méritent une attention toute particulière. On n'a pas toujours conscience à Paris de l'importance de ces sites. La professionnalisation de l'armée a engendré une banalisation du lien entre État, Nation et armée. S'agissant de la décristallisation des pensions des anciens combattants étrangers, le retard pris par l'État est tout à fait dommageable. Il serait souhaitable que la question des harkis soit résolue plus rapidement. Il s'est interrogé sur l'évolution de l'Institut national des invalides et notamment sur sa capacité à conserver sa spécialisation sur des pathologies et des maladies particulières. S'agissant de l'ONAC, il a rappelé l'importance de ses missions, mais a regretté une certaine forme de désaffection du secrétariat aux Anciens combattants. Au-delà de la baisse de crédits, quelle sera l'évolution de l'ONAC en 2004 ?

M. Bernard Carayon a souligné les progrès sociaux réels que permet ce budget. Il a interrogé le Rapporteur spécial sur le statut social des militaires qui s'engagent pour la France sur des théâtres extérieurs.

M. Pascal Terrasse a souligné que le budget des Anciens combattants était décevant et en nette régression financière par rapport aux années précédentes. Il a souhaité connaître les projets du Gouvernement concernant l'indemnisation des orphelins de déportés non juifs. Il a regretté que le jour retenu pour commémorer la fin de la guerre en Afrique du Nord n'ait pas donné lieu à un débat au Parlement. Il s'est interrogé sur l'existence d'un lien entre une revalorisation des pensions militaires d'invalidité, moins importante que celle des cinq dernières années, et la réforme des retraites.

M. Denis Merville a souhaité savoir si la question des orphelins déportés non juifs serait résolue au 1er janvier 2004. Les délais d'attribution de la carte du combattant sont parfois très longs. Des moyens devraient être trouvés pour accélérer ce processus. La multiplication des dates de commémoration risque de fragiliser leur force symbolique.

M. Alain Rodet a souhaité connaître les projets du ministère pour commémorer le débarquement en Normandie et la libération des principales villes de France.

Le Président Pierre Méhaignerie a souhaité connaître le nombre de maisons de retraites gérées par l'ONAC, la part de l'État dans leur financement et leurs capacités d'accueil.

M. Jean-Louis Dumont a demandé au Rapporteur de préciser la consommation réelle des crédits du budget des Anciens combattants.

M. Xavier Bertrand, Rapporteur spécial, a apporté les éléments de réponse suivants :

- le décret du 13 juillet 2000 a résolu le problème de l'indemnisation des victimes de persécutions antisémites. Cependant, les orphelins de déportés non juifs n'ont pas été concernés par ce dispositif, ce qui a été vécu comme une profonde injustice. Le Gouvernement a confié une mission à M. Philippe Dechartre, qui a rendu son rapport en septembre dernier. Le 8 septembre 2003, le Gouvernement a annoncé que les orphelins des victimes de la barbarie nazie bénéficieraient d'une indemnisation identique à celle des victimes de persécutions antisémites. Cependant, cette mesure ne s'appliquera pas au 1er janvier 2004, car il faut déterminer, de la façon la plus équitable possible, les personnes concernées. Les travaux de réflexion pour les définir sont actuellement en cours ;

- le secrétariat d'état aux Anciens combattants encourage toujours les politiques de valorisation des sites ;

- le retard pris sur le dossier de la décristallisation, durant de nombreuses années, est tout à fait regrettable. Le Gouvernement a enfin permis sa mise en œuvre l'année dernière. Il faut maintenant définir les références qui doivent être appliquées. Le décret, publié, va permettre de mettre en œuvre la décristallisation, y compris de façon rétroactive ;

- l'Institution Nationale des Invalides a fait l'objet d'une visite de l'ANAES qui a validé la procédure d'accréditation. Elle bénéficiera, avec l'ONAC, en 2004 de 2,9 millions d'euros en autorisations de programmes et de 2,9 millions d'euros en crédits de paiements. Son action se développera autour de trois axes : développer un pôle d'expertise sur les grands handicaps, améliorer la qualité des soins et mettre en œuvre une gestion prévisionnelle du personnel ;

- l'ONAC applique aujourd'hui un contrat d'objectifs 2003-2007 - adopté très largement par son conseil d'administration - et de moyens qui lui permet tout à fait d'assurer ses missions ;

- les personnes qui s'engagent pour la France sur des théâtres extérieurs peuvent obtenir le titre de reconnaissance de la Nation et peuvent bénéficier de l'article L.253 du code de pensions militaires, qui leur donne la possibilité d'accéder à la carte du combattant ;

- certes, le budget est en baisse en valeur absolue, comme c'est le cas depuis de nombreuses années. Cependant, l'effort financier par ancien combattant augmente de 1,58 %. De plus, certaines actions relatives à la conservation de la mémoire, comme le financement du mémorial pour les combattants d'Afrique du Nord, ont fait l'objet de dotations budgétaires en 2003, qui ne sont pas reconduites en 2004. Cela explique la baisse de certaines dotations budgétaires consacrées à la mémoire ;

- la date du 5 décembre, retenue pour commémorer la fin de la guerre en Afrique du Nord, n'a pas fait l'objet d'un débat au Parlement ; cependant, l'essentiel est qu'une date soit retenue pour commémorer l'ensemble des événements qui sont intervenus en Afrique du Nord ;

- les pensions des veuves de guerre font l'objet d'un relèvement de 15 points. 130.000 personnes sont concernées par cette hausse significative. Par ailleurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui vient d'être adopté, prévoit une augmentation de 1,7 % des pensions de retraite, soit une hausse supérieure à l'inflation. Comme le Gouvernement s'y était engagé durant le débat sur les retraites, le pouvoir d'achat des retraités est donc bien garanti ;

- si des retards sont intervenus dans l'attribution de la carte du combattant, le Rapporteur spécial est prêt à intervenir pour remédier à ces dysfonctionnements ;

- plusieurs actions seront conduites cette année pour commémorer à la fois des événements tels que l'épisode des Taxis de la Marne en 1914, le débarquement en Normandie de 1944 ou la bataille de Diên Biên Phû. Une mission interministérielle a été créée le 27 juin 2003 pour coordonner les actions de commémoration du débarquement en Normandie ;

- l'ONAC gère 9 maisons de retraite. Des financements complémentaires peuvent s'ajouter aux dotations de l'État.

M. Charles de Courson a souligné que sur le budget des services généraux du Premier ministre, aucune mesure nouvelle n'est prévue pour les victimes de persécutions antisémites. Il manque donc, dans le budget, 25 à 30 millions d'euros pour indemniser les orphelins des déportés non juifs. Il serait regrettable d'attendre 2005 pour mettre en œuvre cette mesure. Il faudrait poser la question au secrétaire d'État, afin que le décret d'application paraisse le plus vite possible.

M. Xavier Bertrand, Rapporteur spécial, a indiqué qu'il ferait état de cette préoccupation, mais en tout état de cause, cette indemnisation sera financée sur un autre chapitre budgétaire.

La Commission a adopté, sur proposition du Rapporteur spécial, les crédits du budget des Anciens combattants pour 2004.

Article 73 : Majoration des pensions de veuves

Sur proposition du Rapporteur, la Commission a adopté un amendement rédactionnel relatif à cet article.

Elle a ensuite adopté cet article, ainsi modifié.

Article 74 : Extension d'attribution de la carte du combattant

La Commission a adopté cet article, sans modification.

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La Commission a enfin examiné les crédits de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

M. Gérard Bapt, Rapporteur spécial, a indiqué que le désengagement programmé de l'État du champ social et médico-social relève d'un constat objectif. Au-delà du transfert non entièrement financé du RMI aux départements ou encore de la prochaine décentralisation de la formation aux métiers sanitaires et sociaux, les crédits de la santé, de la famille et des personnes handicapées sont porteurs de signes inquiétants, au premier rang desquels l'arrêt presque complet de toute politique d'investissement de l'État, au mépris des engagements conclus dans le cadre des contrats de plan État-régions, et l'amorce du basculement de la couverture maladie universelle (CMU) complémentaire vers l'assurance privée, sans concertation aucune.

À structure 2004, ces crédits seront en légère progression, de 1,73 %, après une hausse de 1,87 % l'an dernier, pour s'établir à 8.593 millions d'euros en crédits de paiement, dont près de 80 % correspondent à des dépenses de transfert. Par ailleurs, les crédits regroupés dans l'agrégat 31-Gestion des politiques de santé et de solidarité, retracés dans le rapport spécial de Mme Marie-Anne Montchamp sur les crédits de la solidarité, s'établiront en 2004 à 1.011 millions d'euros, en hausse de 0,36 % à périmètre constant par rapport à 2003. 145 emplois seront supprimés, soit l'équivalent d'un départ à la retraite sur deux et une baisse des effectifs d'environ 1 %. En termes d'emplois budgétaires, la baisse serait de 0,62 %, représentant 94 emplois.

Les dépenses consacrées à la politique de santé publique, qui sont de réelles dépenses d'intervention, sont certes les plus dynamiques, mais leur poids est faible dans le total des crédits. Il faut par ailleurs souligner qu'une bonne part de leur augmentation est due à la simple remise à niveau des subventions aux établissements sous tutelle, en particulier les agences de sécurité sanitaire, après l'assèchement brutal de leurs fonds de roulement en 2003.

Les autorisations de programme seront presque divisées par deux, après avoir été divisée par 5,5 en 2003, ce qui montre le désengagement complet de l'État en matière d'investissement. Il faut en outre signaler qu'au 15 octobre, aucune délégation de crédits n'était intervenue au titre des subventions d'investissement pour 2003. À ce stade de l'exécution budgétaire, il n'y en aura vraisemblablement aucune pour l'année entière. De même, outre les annulations déjà constatées pour un montant de 46 millions d'euros, les gels de crédits notifiés à ce jour se traduiront sans doute également par des annulations, pour un total de 56 millions d'euros, sauf reports éventuels sur 2004. On objectera que la part des crédits ainsi rendus indisponibles est minime dans le total des crédits ouverts. Ce serait oublier que les gels et annulations portent sur les seules interventions effectives du ministère, qui ne représentent que 20 % de ce total.

Le programme « santé publique-prévention » présenté dans le cadre du budget de 2004 se veut une préfiguration de la loi organique. Il représente 189 millions d'euros de crédits. En incluant les transferts proposés au titre du « plan cancer », à savoir 2 millions d'euros pour la mission interministérielle de lutte contre le cancer, 3 millions pour l'institut de veille sanitaire et 0,5 million d'études, ce total s'établirait à 195 millions d'euros. La seule mesure nouvelle pour la prévention en santé publique concerne le « plan cancer » pour 18 millions d'euros. En parallèle, intervient une mesure d'ajustement négative de 10,65 millions d'euros, qui porte presque entièrement sur les programmes régionaux de prévention et d'accès aux soins, et vise donc les plus démunis.

Sur le plan de la mise en œuvre de la loi organique, une critique évidente s'impose : le programme proposé ne comprendrait pas de crédits de personnel. D'une façon plus générale, un programme commun aux deux missions qui recouvrent l'action sanitaire et sociale des ministères concernés, retraçant l'ensemble des moyens des services déconcentrés, serait directement contraire à l'article 7 de la loi organique.

Les gels et annulations intervenus en 2003, dans le champ de la politique de santé publique ont pesé en particulier sur les actions de prévention et d'éducation à la santé, ainsi que sur la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, dont les moyens ne cessent de diminuer d'année en année. Le Rapporteur spécial a d'ailleurs appelé l'attention du Premier ministre sur la nécessité urgente de dégels de crédits avant la fin de l'année, et 1 million d'euros seulement ont depuis été rendus disponibles, sur un total de gels de 8 millions d'euros. La politique de sécurité sanitaire obtient des moyens « rebasés » après les importantes ponctions opérées sur le fonds de roulement des agences l'an dernier.

En matière d'organisation des soins, l'investissement hospitalier est entièrement basculé vers l'assurance maladie, les crédits d'État sont supprimés, les contrats de plan État-régions sont en voie d'extinction, et le Fonds d'aide à l'adaptation des établissements hospitaliers (FIMHO) n'existe plus depuis l'an dernier. Le transfert des programmes en cours à l'assurance maladie pose des questions de droit, puisqu'ils seraient mis en œuvre successivement par deux personnes morales différentes. En outre, l'État s'exonère ainsi des exigences de performance de la loi organique, en externalisant l'investissement. Enfin, l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) doit encore gagner en efficacité, et l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation a tardé à se mettre en place. Elles ne recevront respectivement que 5,45 millions d'euros et 1,36 millions d'euros sur les crédits de la santé.

La formation aux carrières paramédicales sera prochainement confiée aux régions. Dans ce domaine cependant, les stages extra-hospitaliers des internes en médecine et pharmacie et des résidents en médecine ne sont pas entièrement financés, avec 13 millions d'euros de dettes, et le déficit du financement de l'année-recherche se creuse : les insuffisances atteignent 3 millions d'euros. Le Gouvernement amorce la privatisation de la couverture maladie universelle (CMU) complémentaire, comme le prévoit l'article 82 du projet de loi de finances, rattaché au présent budget.

La politique menée en faveur des personnes handicapées, priorité du Président de la République, marquée en 2003 par l'année européenne qui leur était consacrée, évolue peu, dans l'attente de la réforme de la loi d'orientation du 30 juin 1975. Mais sa consolidation est un point positif dans le contexte budgétaire actuel. Les crédits déconcentrés destinés aux centres régionaux d'aide à l'enfance et à l'adolescence inadaptées augmenteront de près de 14 millions d'euros en 2004. Ils permettront de financer 514 nouveaux forfaits d'auxiliaires de vie et 500 autres forfaits plus spécifiquement destinés à des personnes très lourdement handicapées, et de consolider les sites pour la vie autonome, « guichets uniques » installés dans chaque département. L'allocation aux adultes handicapés (AAH) connaît une évolution toujours croissante. La dotation prévue pour 2004 est de 4.662 millions d'euros, en hausse de 3 % par rapport à 2003. Cette dotation prend également en compte des mesures d'économie de l'ordre de 30 millions d'euros. La perspective de possibles mesures de restriction d'accès à la prestation, pour de purs motifs budgétaires, est inquiétante. 2004 sera-t-elle l'année de la remise en cause de l'AAH ? En revanche, il convient de saluer l'effort accentué de création de places en établissements pour personnes handicapées. Le plan triennal et le plan pluriannuel consacrés à cette politique arrivent à échéance en 2003. Le bilan de leur mise en œuvre montre que, sur 5.960 places supplémentaires prévues en maisons d'accueil spécialisées et en foyers d'accueil médicalisé, 5.517 ont été financées et 2.277 installées. Quant aux places nouvelles en centres d'aide par le travail, sur 10.000 places notifiées, 7.162 ont été installées. Le taux d'équipement est bon, mais sur le terrain, on constate la lenteur des créations. Enfin, l'exécution des contrats de plan État-régions financés sur le chapitre 66-20 est un point particulièrement inquiétant dans ce budget : l'annulation de 6,5 millions d'euros et le gel des reports de crédits à hauteur de 15 millions d'euros ont réduit le volume des crédits de paiement, déjà insuffisant pour honorer les autorisations de programme. Aucune délégation n'est intervenue à ce jour en 2003. C'est pourquoi, au titre de 2004, sont prévus seulement 1 million d'euros en autorisations de programme et 6,18 millions d'euros en crédits de paiement.

S'agissant de la politique familiale, les crédits d'État recouvrent essentiellement les dépenses de transfert que sont le remboursement de l'allocation de parent isolé et les dépenses de tutelle et de curatelle. En 2004, la dotation budgétaire relative à l'allocation baisserait de 4,4 % pour s'établir à 770 millions d'euros, sous l'effet d'une revalorisation de la prestation de 1,5 % et d'une hausse du nombre de bénéficiaires de 0,75 % seulement, par élargissement de la base de ressources prise en compte et du fait d'un renforcement de la lutte contre la fraude. Cette dernière mesure demanderait à être précisée.

En conclusion, il s'agit d'un budget qui marque le désengagement de l'État au détriment de l'assurance maladie, des organismes complémentaires de couverture santé et des collectivités locales.Ce budget est, par ailleurs, difficile à analyser en raison du regroupement des services communs de deux ministères. L'application de la loi organique devra être améliorée sur ce point.

M. Alain Rodet a rappelé que la crise sanitaire de l'été dernier avait révélé le problème du partage des compétences entre les ministères de la santé et le secrétariat d'État aux personnes âgées. En cette année européenne des personnes handicapées, comment la prise en charge des autistes a-t-elle évolué ? Des crédits spécifiques sont-ils prévus ?

M. Pascal Terrasse a souligné les difficultés auxquelles s'est heurté le Rapporteur spécial, cette année, dans l'exercice de sa mission de contrôle. Le président de la Commission a d'ailleurs dû insister auprès du ministère de la santé pour que les documents souhaités soient effectivement transmis. Le budget de la santé est limité, si l'on s'en tient aux crédits d'État. Il faut le rapprocher du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Mais une donnée est constante : la très forte diminution des interventions publiques, qu'il s'agisse de la CMU ou de l'aide médicale de l'État. Dans le secteur médico-social, lors de l'examen du précédent projet de loi de finances, la secrétaire d'État aux personnes handicapées avait indiqué que la politique conduite par son ministère était une priorité du Président de la République dont la traduction concrète interviendrait en 2004, 2003 étant une année de transition. Qu'en est-il aujourd'hui ? On ne voit rien venir, ni dans ce budget, ni dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les crédits consacrés par l'assurance maladie au secteur médico-social augmentent peu. Une communication en Conseil des ministres interviendra, certes, avant la fin de l'année, mais même si une loi était votée au premier semestre 2004, son application ne pourrait intervenir avant l'année suivante. 2.500 places nouvelles ont été annoncées dans ces établissements, mais la vérité semble plus proche de 935 places. Les conseils généraux jouent un rôle très important auprès des établissements médico-sociaux. S'ils devaient s'en voir transférer la gestion en totalité, la charge financière serait très importante.

En réponse à ces interventions, M. Gérard Bapt, Rapporteur spécial, a apporté les précisions suivantes :

- les préfets ont reçu de la part de la ministre la consigne de privilégier autant que possible les projets d'établissement destinés aux autistes ;

- dans l'attente de la réforme de loi de 1975, si 2003 est une année de transition, il est vraisemblable que 2004 le sera également. Le directeur du cabinet de la ministre n'a pas donné davantage d'informations. Cela étant, l'amplification des plans de création de places est un point positif. Le financement des établissements médico-sociaux fait intervenir à la fois, selon le type d'établissement, l'État, l'assurance maladie et les conseils généraux. Il n'est pas exclu que ces derniers soient davantage mis à contribution par le Gouvernement, mais on n'en sait pas davantage sur ce point.

Le Rapporteur spécial s'en remettant à la sagesse de ses collègues, la Commission a ensuite adopté les crédits de la santé, de la famille et des personnes handicapées pour 2004.

À la question de M. Pierre Hériaud, Président, sur un thème d'enquête à soumettre à la Cour des comptes, M. Gérard Bapt, Rapporteur spécial, a suggéré que soit examinée la politique d'investissement sur fonds publics dans le secteur sanitaire et médico-social.

Article 81 : Majoration de taxes et redevances affectées à l'Agence française de sécurité sanitaire de produits de santé.

M. Gérard Bapt, Rapporteur spécial, a indiqué que cet article tendait à conforter le budget de l'Agence en majorant cinq des taxes et redevances qui lui sont affectées. La mesure est justifiée par les besoins constatés. Puis il a présenté un amendement requalifiant en taxe la redevance pour demande de visa de publicité instituée à l'article L.5122-5 du code de la santé publique. La Commission a adopté cet amendement.

Elle a également adopté deux amendements rédactionnels du Rapporteur spécial et l'article 81 ainsi modifié.

Article 82 : mise en place d'un forfait unifié de prise en charge des dépenses de couverture maladie universelle complémentaire relevant d'une caisse d'assurance maladie ou d'un organisme complémentaire.

Le Rapporteur spécial a indiqué que cet article avait déjà été évoqué lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il a présenté un amendement de suppression de l'article, en faisant valoir qu'il changeait fondamentalement la mission des caisses d'assurance maladie en matière de gestion de la CMU complémentaire. De gestionnaires de cette prestation pour le compte de l'État, les caisses deviendraient des concurrentes directes des organismes complémentaires, tels que les mutuelles. Le danger est réel, et il a été signalé au Gouvernement, de voir le droit communautaire de la concurrence interférer avec cette mesure. Enfin, cette réforme est prématurée alors qu'un Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie vient d'être crée.

La Commission a rejeté cet amendement.

M.  Gérard Bapt, Rapporteur spécial, a ensuite présenté un amendement tendant à modifier le montant proposé du forfait de remboursement aux caisses d'assurance maladie et aux organismes complémentaires. En portant ce forfait à 326 euros, on le rapprocherait du coût réel de la prestation, qui est de 333 euros. Le coût de cet amendement est neutre pour l'État, à droit constant.

M.  Pascal Terrasse a estimé que le projet de loi de financement de la sécurité sociale, voté en première lecture le jour même, comportait déjà des charges considérables pour les organismes complémentaires, avec la hausse du forfait hospitalier et plusieurs mesures de déremboursement. La Fédération nationale de la mutualité française a fait savoir que l'ensemble de ces mesures représentera dès 2004 un surcoût de 10 % pour chaque contrat d'assurance maladie complémentaire. Le forfait correspondant à la prise en charge de la CMU complémentaire doit évoluer en parallèle avec le panier de soins. De ce point de vue, l'amendement proposé ne va pas jusqu'à couvrir le coût réel qu'on peut évaluer à 333 euros, mais il est empreint de sagesse. S'il n'était pas adopté, le surcoût d'une couverture complémentaire atteindrait probablement 12 ou 13 %.

Après que le Rapporteur spécial ait invoqué l'application de l'article 40 de la Constitution dans le choix du montant de référence de 326 euros, retenu par l'amendement, proposé pour le panier de soins, la Commission a rejeté cet amendement.

Elle a également rejeté un amendement du Rapporteur spécial prévoyant l'indexation du forfait sur l'évolution des prix, par symétrie avec la revalorisation annuelle du plafond de ressources ouvrant droit à la CMU complémentaire.

La Commission a ensuite adopté l'article 82, sans modification.

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