COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 26

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 5 novembre 2003
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

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Audition de M. Hervé Gaymard, ministre de l'Agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, sur les stratégies de réforme du ministère.

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La Commission a procédé à l'audition de M. Hervé Gaymard, ministre de l'Agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, sur la stratégie de réforme de son ministère.

M. Pierre Méhaignerie, Président, a rappelé l'existence de marges de productivité dans le fonctionnement de l'État et le souci de la commission des Finances de voir les différents ministères engager sans tarder des réformes visant à les réduire.

M. Hervé  Gaymard, ministre de l'Agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, a indiqué que les missions dévolues à son ministère répondent à la fois aux évolutions de l'agriculture et aux nouvelles attentes des Français, et s'insèrent dans un cadre communautaire réglementaire et budgétaire. Le ministère gère 5 milliards d'euros de dotations budgétaires, mais aussi 10 milliards de fonds communautaires. Son champ d'intervention concerne aussi la qualité des aliments, la forêt, l'environnement ou l'avenir du monde rural. La réforme du ministère est déjà engagée depuis 18 mois : 100 emplois ont été supprimés en 2003, il est prévu d'en supprimer 300 de plus en 2004 ; 2 directions centrales ont été fusionnées en une direction générale et le chantier des simplifications administratives est déjà bien avancé. Les agents du ministère et leurs organisations syndicales ont été étroitement associés à l'élaboration de la réforme, qui ne pourra réussir que si les efforts consentis par les personnels se traduisent en avancées catégorielles ou salariales.

Le ministère couvre quatre champs principaux : l'agriculture avec 600.000 agriculteurs et 6.200 agents dans les services déconcentrés et les offices ; la forêt qui occupe 900 agents du ministère et 12.000 personnes à l'office national des forêts (ONF) et à l'Inventaire Forestier National (IFN) ; l'enseignement et la recherche qui représentent 220.000 élèves, 16.300 agents de l'État et 5.000 enseignants des établissements privés sous contrat ; la pêche qui concerne 27.000 pêcheurs et 500 agents dans les services déconcentrés. Les nouvelles attentes de la société portent sur la sécurité et la qualité des aliments, la préservation de l'environnement, le développement équilibré des territoires ruraux et le renforcement de la place de notre agriculture et de nos industries agro-alimentaires au niveau mondial.

Les effectifs du ministère et de ses établissements publics sont répartis comme suit : 12 % pour l'agriculture, 26 % pour la forêt, 11 % pour l'alimentation, 1 % pour la pêche, 35 % pour l'enseignement, 12 % pour les territoires ruraux et 3 % pour l'environnement. Seuls 7 % des personnels du ministère travaillent en administration centrale et 50 % sont affectés dans les établissements d'enseignement. Le ministère se trouve au cœur de problématiques interministérielles, ce qui l'amène à travailler notamment avec les ministères des affaires sociales, des affaires étrangères, de l'éducation nationale, ou de l'outre-mer.

La préparation de la stratégie de réforme a reposé sur le réexamen des missions du ministère et sur l'adaptation des structures à ces missions. Quatre axes de modernisation ont été dégagés : le développement de la capacité de prospective et d'évaluation, alors que le ministère travaille trop souvent « le nez dans le guidon » ; la simplification des procédures et l'accessibilité des services aux usagers qui se sont déjà traduites par la mise en œuvre de 50 mesures élaborées par la commission présidée par M. Jean-François Carrez et qui vont être poursuivies dans le cadre du comité de simplification, auquel sera désormais soumis tout projet de législation ou de réglementation ; l'adaptation du cadre communautaire, qui passe par la réforme des offices ; le renforcement des partenariats, sur le modèle de la contractualisation déjà réalisée avec l'ONF et avec les Haras Nationaux.

Lancé à la suite de l'adoption par le Parlement d'un amendement en loi de finances pour 2003, le chantier de la réforme des offices s'est déjà traduit par l'élaboration de trois scénarii. Le ministère envisage la création de trois pôles sectoriels (« animal », « végétal » et « production spécialisée »), l'unification des fonctions de paiement des aides communautaires ainsi que le regroupement, à Montreuil, de l'ensemble des offices, ce qui devrait permettre de réaliser des économies d'échelle non négligeables. Les systèmes de gestion des aides communautaires seront intégrés, alors qu'ils sont actuellement répartis entre différents services. Les agriculteurs disposeront ainsi d'une porte d'entrée unique.

La décentralisation devrait se traduire par le passage de 2.850 emplois dans la fonction publique territoriale. Il s'agit essentiellement des personnels techniques, ouvriers et de service de l'enseignement agricole et des personnels chargés de l'aménagement foncier, des aides aux entreprises agro-alimentaires et du patrimoine des sociétés d'aménagement foncier régional. La gestion d'une partie des crédits communautaires de développement rural sera confiée, à titre expérimental, à certaines régions.

La gestion des ressources humaines sera renouvelée grâce à l'intervention de l'Observatoire des missions et des métiers, chargé d'anticiper les besoins, et à l'élaboration d'un plan pluriannuel de recrutement ; les parcours professionnels devront être adaptés par l'amélioration de la mobilité et la requalification. Enfin, une gestion personnalisée des agents et des carrières sera mise en œuvre. Dans le cadre de la préparation de la nouvelle présentation budgétaire induite par la loi organique relative aux lois de finances, cinq programmes regroupant l'ensemble des interventions du ministère ont été élaborés ; l'enseignement, la recherche et la formation seront, en 2004, l'objet d'une expérimentation destinée à renforcer l'autonomie de gestion des établissements.

En conclusion, le Ministre a regretté de n'avoir pas obtenu, pour le moment, du ministère du Budget la mise en œuvre d'un processus pluriannuel de contractualisation, qui aurait limité les effets de la régulation budgétaire pour le ministère, alors que celle-ci induit des problèmes de gestion et détruit la confiance établie entre le ministère et les agriculteurs. Il a souhaité que la loi organique relative aux lois de finances permette des engagements pluriannuels et une meilleure responsabilisation des gestionnaires. Alors que le budget du ministère est de l'ordre de 5 milliards d'euros, son patrimoine immobilier, et en particulier celui occupé par les établissements d'enseignement supérieur, est très vétuste, faute d'un entretien prévisionnel satisfaisant, la régulation budgétaire étant trop souvent répercutée sur ces postes de dépenses à cause du poids des rémunérations de personnels. La nouvelle procédure devrait permettre de mettre un terme à de tels archaïsmes.

Le Président Pierre Méhaignerie a fait remarquer que le plan de répartition des emplois était l'occasion de démythifier certaines critiques quant à la concordance regrettable entre une baisse du nombre des agriculteurs et une augmentation de celui des fonctionnaires. Le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux introduit de nombreuses mesures nouvelles et un certain nombre de niches fiscales : des marges d'allègement ne peuvent-elles être trouvées ?

M Alain Marleix, Rapporteur spécial des crédits de l'agriculture, a tenu à remercier le cabinet du Ministre et les services de leur collaboration. Le Gouvernement vient de transmettre au Parlement le rapport de la mission constituée à la suite de l'adoption de l'amendement de M. Hervé Mariton au projet de loi de finances pour 2003. Quels sont les avantages et les inconvénients des trois scénarii envisagés dans ce rapport ? Quand seront prises les décisions ? Par quelles voies et dans quels délais pourront être mises en œuvre les mesures ponctuelles d'amélioration et de clarification des missions des offices proposées dans le rapport ? La simplification des procédures implique un développement des technologies de l'information et de la communication : quel en est le coût prévisionnel ? Les moyens affectés sont-ils suffisants ? Des économies de personnel sont-elles possibles dans un proche avenir ? Enfin, quelle peut être l'incidence de la prochaine loi de décentralisation sur les moyens de fonctionnement et les personnels ?

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a félicité le ministre de la qualité du document relatif à la stratégie ministérielle de réforme. En ce qui concerne les services extérieurs, quelles économies peut-on attendre, notamment en termes de moyens humains, du regroupement des directions régionales et des directions départementales ? Qu'en est-il du coût global du fonctionnement de ces directions et qu'en sera-t-il le jour où la réforme sera généralisée ? Une meilleure articulation avec les directions départementales de l'Équipement (DDE) semble possible. S'agissant de la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, les responsables administratifs de chacun des cinq programmes, actuellement à l'étude, sont-ils clairement identifiés ? Il est essentiel que cette réforme permette de responsabiliser les acteurs. Le programme « Gestion durable de l'agriculture, des territoires ruraux et de la pêche », qui est extrêmement vaste, pourrait utilement être éclaté en trois programmes distincts, comme le propose le Rapporteur spécial. Quel est l'avenir de l'expérimentation inscrite sur un chapitre du budget du ministère de l'Agriculture ? Qu'en est-il des objectifs et des indicateurs qui seront associés aux programmes du ministère ? A l'heure actuelle, la mise en œuvre de la loi organique reste encore au niveau du maniement des concepts généraux et doit passer par une phase plus concrète. Enfin, les moyens budgétaires affectés apparaissent paradoxaux en regard de l'état désolant du patrimoine. N'est-il pas temps d'introduire une démarche pluriannuelle avec le ministère de l'Économie et des Finances ? Les efforts d'économies accomplis au niveau des titres III et IV pourraient permettre des redéploiements sur les titres V et VI.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'Agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales a apporté les éléments de réponse suivants :

- le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux a été déposé. On peut se demander si un tel texte aurait dû constituer une déclaration d'intention, à l'image par exemple de la loi sur l'eau, ou permettre des réalisations concrètes. On peut également se demander si cette loi doit être coûteuse ou pas. Qu'en est-il des dépenses induites par une telle réforme et de leur impact sur l'équilibre des finances publiques ? C'est la première fois qu'un projet de loi couvre un domaine aussi transversal, conduisant probablement à une nouvelle forme de débat parlementaire. Le fait que ce projet de loi comporte finalement assez peu de dispositions concernant l'agriculture, au sens strict, répond à une démarche délibérée ;

- la mise en œuvre du rapport sur les offices ne peut, en tout état de cause, avoir lieu avant que la concertation qui vient d'être engagée arrive à son terme. Si les choix ne sont pas arrêtés aujourd'hui et s'il n'est pas d'ores et déjà possible de chiffrer les économies induites par la réforme, lesquelles dépendent de nombreux paramètres, la commission des Finances sera tenue informée de l'évolution de ce dossier, tout au long du processus. Les décisions devraient être prises avant la fin du premier semestre 2004, dans le but d'alléger les procédures et les coûts de structures ;

- la réforme des offices s'inscrit dans le contexte de la réforme de la politique agricole commune (PAC). Les formules retenues pour la gestion des aides dans le cadre de la PAC conditionnent les mécanismes qui seront mis en place. Les choix devraient être arrêtés au début de l'année 2004 ;

- en ce qui concerne les services extérieurs, les évolutions envisagées dépendent du processus d'approfondissement de la décentralisation. Au niveau régional, il est important que le regroupement des directions départementales-chefs lieu et des directions régionales se fasse avant la fin de l'année 2005 et, en tout état de cause, le plus rapidement possible. Il est nécessaire de disposer, dans le chef lieu, d'un pôle territorial regroupant les compétences en matière d'agriculture, de forêt ou d'environnement. Une fois que le transfert des compétences routières au département aura été réalisé, les directions départementales de l'agriculture (DDA) deviendront des interlocuteurs d'importance. Une synergie plus grande devra voir le jour avec les services du ministère de l'Équipement, synergie qui existe déjà au profit du ministère de l'Industrie. Après que le Président Pierre Méhaignerie a rappelé le malaise de certains élus locaux face aux DDE et aux DDA et s'est interrogé sur la possibilité d'un regroupement total de ces structures, le Ministre a indiqué qu'il se contentait de faire le constat de l'absence d'impact du projet de loi de décentralisation sur les DDA, à l'inverse des autres grandes directions techniques de l'État. À titre personnel, et en se fondant sur son expérience d'ancien président de conseil général, le ministre a considéré comme naturel que l'ingénierie publique du préfet soit mieux coordonnée qu'aujourd'hui. Le ministère de l'Agriculture mène des discussions avec le ministère de l'Équipement sur cette importante question ;

- s'agissant de la loi organique du 1er août 2001, chacun des cinq domaines identifiés disposera d'un chef de file. La nouvelle direction générale de la forêt et des affaires rurales (DGFAR) pilotera le programme sur la gestion durable, la direction générale de l'alimentation celui relatif à la sécurité sanitaire, la direction générale de l'enseignement et de la recherche celui relatif à la formation, la DGFAR, le programme consacré à la protection sociale agricole. Enfin, la fonction support sera assumée par la direction générale de l'administration. Cette réforme s'accompagnera de la mise en place d'un contrôle de gestion supervisé par la direction des affaires financières et la direction générale de l'administration ;

- le premier domaine est effectivement vaste. Cependant, une discussion est en cours avec le secrétariat d'État au budget afin d'essayer de délimiter un agrégat moins important ;

- l'expérimentation qui sera lancée en 2004 concerne la direction générale de l'enseignement et de la recherche, car elle emploie la moitié des fonctionnaires du ministère et représente un budget de 1,2 milliard d'euros. Cette expérimentation doit permettre de responsabiliser davantage les chefs d'établissement.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a souligné que cette expérience, si elle pouvait être conduite rapidement, pourrait constituer un précédent particulièrement intéressant en vue de la globalisation des crédits et de la responsabilisation des chefs d'établissement dans l'Éducation nationale.

M. Hervé Gaymard, Ministre de l'agriculture, a indiqué qu'il était très favorable à ce que la Commission des finances désigne un ou plusieurs parlementaires pour participer à cette mise en œuvre. Il a ensuite poursuivi ses réponses :

- s'agissant de la gestion pluriannuelle, il serait souhaitable que le ministère s'engage dans une relation contractuelle avec le ministère des finances, dans une logique de « gagnant-gagnant ». En effet, les économies réalisées par le ministère doivent, en partie, lui profiter, notamment en matière d'intéressement et de requalification du personnel et de requalification, et en matière de gestion immobilière. Il convient en effet de se demander si la fonction « gestion durable des bâtiments » est correctement assurée par les grands ministères régaliens. Dans certains établissements d'enseignement, l'équivalent d'arrêtés de périls a dû être pris et la situation est telle que même l'installation de détecteurs d'incendie dans les locaux du ministère peut poser problème. Il faut donc mettre en œuvre une gestion active du patrimoine immobilier.

M. Marc Le Fur a insisté sur les lourdeurs de certaines procédures que subissent les agriculteurs. Certes, des efforts sont déjà réalisés, puisque la dotation jeune agriculteur (DJA) sera versée en une fois au lieu de deux fois, et que les GAEC ont été libéralisés. Pourtant, s'agissant des études préalables aux investissements visant à réduire les pollutions, les demandes se multiplient au risque de contribuer au gaspillage de l'argent public. Les agriculteurs employeurs doivent remplir des formulaires d'une complexité extrême sur les risques que courent leurs salariés. Enfin, la constitution des groupements d'intérêt économique est soumise à une procédure d'une lourdeur incroyable : les éleveurs doivent même préciser l'heure de traite de leur cheptel ou les modalités de séparation du troupeau ! Il convient donc de revoir et d'alléger toutes ces procédures.

M. Philippe Auberger s'est inquiété d'une limite de la loi organique du 1er août 2001, puisque l'affectation de personnels dans les établissements publics pourra permettre de dépasser l'effectif budgétaire autorisé. En ce qui concerne les services déconcentrés, une réflexion doit être menée sur le niveau des effectifs des directions départementales de l'agriculture, notamment ce qui concerne la surveillance des coopératives. Il convient aussi de réorganiser la réalisation des statistiques, aujourd'hui assurée notamment par l'Office national interprofessionnel des céréales (ONIC) et les directions départementales de l'agriculture. Un effort de productivité doit être accompli par l'ONF. Certains de ses services devraient être externalisés. Le nombre d'élèves de l'enseignement agricole a tendance à progresser, alors que les débouchés semblent se réduire. En conséquence, les élèves s'orientent vers le secteur para-agricole.

En ce qui concerne la décentralisation, M. Jean-Pierre Balligand a déclaré craindre un marché de dupes. En effet, dans les lycées agricoles, les personnels TOS ne sont plus renouvelés. Cette charge devra être assurée par les collectivités locales. Les débouchés dans le secteur para-agricole sont positifs. L'organisation pédagogique et scolaire des lycées agricoles pourrait inspirer une réforme des conseils d'établissement des collèges. S'agissant des TOS, il convient d'être vigilant sur leur redéploiement en fonction de la croissance des effectifs dans chaque établissement, au risque de voir le climat social se détériorer. L'Institut du végétal a fait l'objet d'une régulation budgétaire, lors de la réforme de l'Association nationale pour le développement agricole (ANDA) qui a constitué un prélèvement important. Cet institut a été largement financé par les agriculteurs eux-mêmes, qui ont besoin de connaître les perspectives de leur activité. Il ne doit donc pas être sacrifié.

M. Michel Diefenbacher s'est demandé si des comparaisons internationales en matière d'effectifs, de budget ou de procédures avaient été menées. Il convient notamment de s'intéresser à la manière dont les autres ministères gèrent les aides européennes. Le coût de fonctionnement des services doit faire l'objet d'indicateurs de qualité. En outre, une péréquation doit être envisagée entre les établissements publics agricoles et les maisons familiales et rurales.

M. Jean-Louis Dumont a rappelé que l'application des textes ne doit pas s'éloigner des discours, notamment en matière d'environnement et de sécurité. S'agissant de « l'éco-conditionnalité » dans les zones Natura 2000, les contrats pluriannuels avec les producteurs n'ont pas été tenus. Il faut que l'administration ait des missions claires (y compris en matière de gestion des carrières) mais il faut surtout qu'elle retrouve la confiance des usagers.

L'ONF effectue un travail remarquable, tant sur la forêt émiettée que sur la forêt communale, voire domaniale. Il emploie beaucoup de personnels privés, dont le rôle est essentiel. La forêt doit faire l'objet d'une gestion à long terme. La tempête de 1999 a montré la capacité de réaction de l'Office. En ce qui concerne l'Institut du végétal, il convient de veiller à ne pas remettre en cause la recherche. Une ferme ICTF permet des progrès en termes de productivité et de recherche.

S'agissant de la gestion des aides européennes, il faut faire en sorte qu'au-delà de la mise en place d'un guichet unique, un effort de conseil soit entrepris pour accompagner les agriculteurs éligibles aux aides européennes, qui, souvent, ne parviennent pas à concrétiser ces droits.

M. Augustin Bonrepaux a souligné que la réforme du Ministère s'accompagnait de 300 suppressions d'emploi. Les directions départementales étant déjà squelettiques, où ces réductions d'emploi vont-elles être réalisées ? Pour l'ensemble des Pyrénées, une seule personne est en charge des catastrophes naturelles. Si les effectifs de l'ONF baissent, comment l'État sera-t-il en mesure de gérer, à long terme, son patrimoine ?

La réforme qui sera proposée dans le projet de loi relatif aux espaces ruraux ne devrait pas engendrer de surcoût pour l'État et comporte des mesures très éparses, de peu d'impact. Ce sont les acteurs locaux qui vont en assumer la charge financière. Dans ces conditions, est-il nécessaire de faire une loi ? La réalité du projet de loi semble bien éloignée de la présentation qu'en fait le Gouvernement.

En réponse aux différentes questions, le Ministre a apporté les précisions suivantes :

- le jugement qui vient d'être porté par M. Augustin Bonrepaux apparaît quelque peu lapidaire, et le Ministre se tient à la disposition de la Commission des finances pour lui apporter toute l'information nécessaire ;

- de manière générale, trois observations liminaires peuvent être faites. D'une part, en matière agricole, la tradition s'est installée depuis plus de soixante-dix ans, y compris sous le régime de Vichy, d'un système d'économie administrée. La seule alternative qui doit être récusée serait un dispositif ultra-libéral. D'autre part, il est vrai que le traitement de dossiers peut générer un besoin d'agents publics, comme des expériences récentes ont pu le mettre en évidence. La tendance aujourd'hui recherchée est à la simplification, comme en atteste le cas de la « prime à l'herbe », relancée en 2003, selon un dispositif aussi léger que possible ;

- s'agissant de la complexité évoquée dans le cas de certains G.I.E., il serait souhaitable de transmettre une information plus complète, de façon à permettre de traiter cette difficulté, apparue à l'expérience du terrain ;

- un effort de rationalisation ne serait pas inutile pour simplifier l'accès aux guichets des aides, entre les DDAF (directions départementales de l'agriculture et de la forêt) et les services déconcentrés des offices agricoles ;

- le regroupement des services statistiques doit être recherché. Dans cette perspective, un rapport a été demandé à l'Inspection. Ce rapport sera prochainement rendu, et transmis à la commission des Finances. Il devrait être possible, à cette occasion, de réduire les « doublons » entre les niveaux régionaux et départementaux, et de mettre en place un pilotage unique ;

- le contrat d'objectifs et de moyens élaboré par la précédente majorité avec l'ONF, qui emploie 12.000 salariés dont 4.500 ouvriers, avait arrêté des orientations intéressantes en matière de gestion des personnels, qu'il a paru utile de conserver. Après une période de climat social assez agité, ce contrat donnera à l'établissement les moyens de se placer dans une perspective durable, d'ailleurs inhérente à la gestion des forêts. Pour ce qui concerne la question des relations, notamment financières, existant entre l'ONF et les communes forestières, il apparaît illusoire de demander un effort supplémentaire à ces communes, compte tenu des charges causées par les tempêtes des années récentes. Le réabondement de 20 millions d'euros, nécessaire, devrait raisonnablement pouvoir être obtenu lors de la discussion budgétaire en cours ;

- l'enseignement agricole, et plus généralement rural, connaît des caractéristiques propres imposant un cadre spécifique, notamment du fait de l'importance de l'internat. La loi de 1984, dite « Rocard » a assaini le climat général. Il existe également des dispositifs novateurs tels que les maisons familiales et rurales, s'agissant de la formation en alternance. L'enseignement rural présente aussi l'avantage d'offrir des débouchés immédiats : le taux de chômage à l'issue de la scolarité est très faible. Même si sa spécificité agricole s'estompe, puisqu'aujourd'hui seulement un élève sur quatre a des parents agriculteurs, le maintien de cette mission dans l'orbite du ministère chargé de l'Agriculture s'impose. Pour autant, le fait que cette activité soit incluse dans le cadrage budgétaire global du ministère conduit à devoir rendre des arbitrages entre des éléments très différents, comme le financement d'aides ou de primes, d'une part, et des dépenses de fonctionnement pour l'enseignement, d'autre part. Il serait souhaitable que se mette en place un budget global de l'enseignement, sur le modèle du budget civil de la recherche et développement (BCRD). Un tel choix permettrait une meilleure allocation de moyens et une définition des priorités plus cohérente ;

- aucun désengagement de l'État n'est prévu s'agissant des TOS, les transferts de compétences résulteront de la loi ;

- l'extinction des taxes parafiscales pose la question de l'affectation des boni de liquidation. Si l'on peut envisager de les mobiliser pour réduire le déficit, on peut également affecter ces crédits à des actions de financement de la recherche ;

- la comparaison internationale, s'agissant des répartitions de compétences en matière agricole, fait apparaître des situations très variées. En Italie, les compétences de gestion ont été transférées aux régions. En Angleterre, l'administration chargée de l'agriculture dépend du ministère de l'environnement. En Allemagne, elle dépend du ministère de la consommation. La France est dans une situation originale ;

- la comparaison entre enseignement public et privé est difficile à établir, les modalités de financement étant par trop différentes. La mise en œuvre de la loi organique devrait cependant constituer une opportunité de rationalisation du financement de l'enseignement agricole public ;

- les engagements contractuels entre les professionnels et les collectivités territoriales doivent être analysés avec prudence ;

- la simplification de la gestion des dispositifs d'aides européennes est une constante, grâce aux expériences de télé-déclarations, de guichets uniques, opérationnels dans dix départements, de déclarations graphiques pour les grandes structures, effectives dans la moitié des départements et qui sera généralisé d'ici la fin de l'année 2005. Les gains de productivité qui résultent de ces opérations de simplification sont plus importants dans l'administration centrale que dans les services déconcentrés.

Le Président Pierre Méhaignerie a formulé trois suggestions consistant à accompagner le projet de loi de développement rural d'une liste de dispositions à abroger, à externaliser les études de prospective, par exemple vers le Commissariat général du Plan ou la DATAR, et à envisager de détacher auprès de la Cour des comptes une partie des membres des corps d'inspection, qui se sentent parfois sous-employés.

M.  Hervé Gaymard, ministre de l'Agriculture, a répondu favorablement à la première suggestion et a indiqué son souhait d'une collaboration plus étroite avec les services de prospective. Une cellule d'étude stratégique sera prochainement créée au sein du ministère. Le service d'inspection a été récemment mis à contribution de manière intensive, ce qui n'exclut pas d'autres formes de mobilisation de ses membres.

A titre d'illustration, on peut enfin souligner que, depuis 1990, l'évolution des effectifs a été la suivante :

- une augmentation de 17,8 % dans l'enseignement agricole public où le nombre de postes est passé de 13.079 à 15.404 ;

- une diminution de 4 % des autres effectifs, qui s'établissent à 15.798 en 2002, malgré des créations dans les services vétérinaires ;

- une diminution des personnels des établissements publics ;

- une augmentation des personnels des chambres d'agriculture, de 7.130 à 7.800, des ADASEA, de 755 à 1.190, ou des centres de gestion, qui atteignent 11.320 en 2002.

Cette évolution contrastée montre que l'administration classique a suivi une évolution plus favorable que les organismes périphériques, sans doute due aux procédures d'aides successivement mises en place.

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