COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 27

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 5 novembre 2003
(Séance de 17 heures 30)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

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- Suite de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 (n° 1093) :

Vote sur les crédits :

 

· de la Coopération et développement (M. Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial suppléant)

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· de la Poste et des télécommunications (M. Alain Joyandet, rapporteur spécial) des services financiers, du budget annexe des monnaies et médailles (lignes des articles 48 et 49, I et II) (M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial)

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La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a tout d'abord examiné les crédits de la Coopération et du développement.

M. Augustin Bonrepaux, suppléant M. Henri Emmanuelli, Rapporteur spécial des crédits de la coopération et du développement, a d'abord souligné que la mise en œuvre de la loi organique s'apparente à une occasion manquée pour l'aide publique au développement. Il est en effet aujourd'hui très difficile d'avoir une vision claire de l'effort de la Nation en faveur des pays en voie de développement. Le dispositif de l'aide publique au développement en France est unique, de par sa complexité, ce qui nuit donc à la transparence et à la cohérence de la contribution de la France au développement. Malheureusement, la refonte d'ampleur du « jaune », qui aurait permis plus de clarté, n'a toujours pas eu lieu, après deux projets de loi de finances.

S'agissant de transparence, la mise en œuvre de la loi organique est une occasion unique. Elle pourrait se prêter à la constitution d'une mission interministérielle, cadre idéal pour l'APD. Malheureusement, en l'état de l'architecture proposée par le ministère des affaires étrangères, cela est impossible. Du strict point de vue de l'APD, cette nomenclature est très mauvaise et rend quasi impossible la constitution d'une mission interministérielle. Les crédits de l'APD sont en effet répartis entres les trois programmes prévus par le MAE. Le Fonds européen de développement se trouve ainsi au sein du premier programme « rayonnement et influence de la France » tandis que le deuxième programme « coopération et action culturelle » rassemble l'essentiel des crédits APD : six des neuf actions intégrées à ce programme sont composées à 100% de crédits APD, mais les trois autres actions ne contiennent aucun crédit APD. Il s'agit pour deux d'entre elles d'actions identiques à celles concourant à l'APD mais destinées aux pays de l'OCDE. Il suffirait donc d'exclure ces trois actions de ce programme pour en faire un programme exclusivement APD auquel il serait ensuite possible de rajouter les crédits APD des autres programmes, dans la mesure où ils peuvent être identifiés.

Ce qui est particulièrement étonnant est que le ministère des affaires étrangères avait précisément envisagé une telle nomenclature dans son plan d'action stratégique « Affaires étrangères 2007 ». Trois programmes étaient alors envisagés :

- action de la France en Europe et dans le monde ;

- solidarité à l'égard des pays en développement ;

- un réseau au service de l'État et des citoyens.

Cette architecture semble beaucoup plus rationnelle et surtout permet une identification claire des crédits consacrés à l'APD au sein du ministère. Il est très regrettable qu'elle ait été abandonnée.

M. Augustin Bonrepaux, rapporteur spécial suppléant, a proposé en conséquence à la Commission l'adoption d'une observation constatant le caractère insuffisant de la nouvelle architecture budgétaire du ministère des affaires étrangères, telle qu'elle est prévue aujourd'hui et souhaitant que soit mis en place un programme d'aide publique au développement.

M. Éric Woerth, s'est déclaré favorable, dans son principe, à cette observation. Pour autant, cela ne doit pas aboutir à la constitution d'une mission interministérielle « aide publique au développement », projet défendu par Bercy. Ceci rendrait impossible le projet, plus ambitieux, du ministère des affaires étrangères de constituer une mission interministérielle « Action extérieure de l'État » qui serait très utile pour assurer la cohérence de l'action extérieure de la France, que celle-ci soit diplomatique, militaire ou encore économique.

M.  Augustin Bonrepaux, Rapporteur spécial suppléant, s'est rallié à cette option, l'essentiel étant d'obtenir une plus grande clarté dans la présentation des crédits. La Commission a adopté, à l'unanimité, l'observation proposée.

M. Augustin Bonrepaux a ensuite précisé qu'il avait décidé d'élargir le champ de son analyse à l'ensemble des crédits concourant à l'aide publique au développement, extension d'autant plus utile que le Gouvernement, suivant en cela les vœux du Président de la République, avait fait de l'augmentation de l'aide publique au développement une de ses priorités, l'objectif étant d'atteindre les 0,5 % du PIB, ce qui semble tout à fait possible.

Il faut pourtant aller au-delà des apparences et disséquer plus finement cette hausse de l'APD. On constate alors que cette hausse s'explique pour l'essentiel par une hausse de l'APD bilatérale, ce qui est une bonne chose. Néanmoins, cette hausse de l'APD bilatérale est due à une très rapide augmentation du processus d'annulation de dettes des Pays pauvres très endettés (initiative PPTE) : l'essentiel de la progression de l'APD en 2003, et en 2004 aussi d'ailleurs, sera due aux annulations et consolidations de dettes qui devraient atteindre 1,9 milliard d'euros en 2003 contre 1,14 milliard d'euros en 2002. En 2004, les annulations et consolidations de dettes devraient encore progresser et atteindre 2,05 milliards d'euros, soit près de 30 % du volume prévisionnel total de l'APD.

Or, ces annulations ne vont pas perdurer et, dès 2005 quand la plupart des pays auront franchi toutes les étapes du processus PPTE, leur montant va rapidement diminuer, entraînant dans leur chute le montant global de l'APD, si les autres supports ne progressent pas rapidement pour prendre le relais.

S'agissant des crédits gérés par le ministère des affaires étrangères, l'exécution 2003 est désastreuse : le projet de loi de finances pour 2003 affichait de grandes ambitions en ce domaine mais seules les autorisations de programme étaient en hausse, sans que les crédits de paiement ne suivent et ce décalage s'est révélé fatal en exécution, d'autant que, contrairement à ce que laissait entendre le statut « prioritaire » des crédits APD, ceux-ci ont fait l'objet d'une régulation budgétaire importante : les gels ont concerné aussi bien les crédits de la loi de finances initiale que les crédits de reports sur lesquels comptaient les administrations.

Ces gels ou annulations ont imposé à la DGCID de revoir l'ensemble de la programmation de l'administration centrale et des postes. De même, le Fonds de solidarité prioritaire (FSP), l'Agence française de développement (AFD) et le Fonds européen de développement (FED) ont été insuffisamment dotés en crédits de paiement en loi de finances initiale. Pour ces trois supports, une ouverture de crédits de paiement supplémentaires en loi de finances rectificative pour 2003 est indispensable.

L'affichage fait dans le projet de loi de finances pour 2004 laisse donc sceptique : d'une part les crédits d'intervention stagnent ; d'autre part, si les crédits d'investissement sont en hausse, le risque est grand qu'ils ne servent qu'à couvrir les reports de charges de 2003 sur 2004.

S'agissant des crédits d'intervention, le chapitre 42-15, qui finance la coopération culturelle, scientifique et technique du ministère des affaires étrangères baisse de 2,92 %. Les articles les plus affectés par cette baisse sont ceux relevant (en totalité ou en majeure partie) de l'APD.

Par contre, la dotation inscrite à l'article 20 « Bourses, échange et formation » augmente. Elle passe de 114 à 120 millions d'euros, soit une augmentation de 5 %.

Les crédits de la coopération décentralisée inscrits au chapitre 42-13, articles 30 et 40, baissent de 9 %.

S'agissant du soutien aux organisations de solidarité internationale (OSI), le relevé de conclusions du dernier CICID, en date du 11 décembre 2002, proclamait la nécessité d'« une participation plus large des acteurs de la coopération que sont la société civile et les collectivités locales ». Or, la réalité budgétaire est tout autre. Après une année 2003 très difficile, le projet de loi de finances pour 2004 ne prévoit qu'une ridicule augmentation de 3.500 euros sur l'article 10 du chapitre 42-15. Avec les reports de charge prévisibles de 2003 sur 2004 et les gels encore plus prévisibles, les axes de cofinancement en faveur des OSI devraient être significativement réduits en 2004.

S'agissant des subventions d'investissement, elles sont en hausse. Les autorisations de programme sont moins élevées qu'en 2003, mais les crédits de paiement sont en hausse de 118 millions d'euros : 28 millions pour le FSP, 21 millions pour l'AFD et 69 millions pour le FED.

Pour 2004, la dotation du chapitre 68-02 « participation de la France au Fonds européen de développement » progresse de presque 14 % et atteint 565 millions d'euros. Il n'est pas certain que cela soit suffisant.

Dans le projet de loi de finances pour 2004, les crédits de paiement inscrits au chapitre 68-93 « Dons destinés à financer des projets mis en œuvre par l'Agence française de développement » sont en hausse de 15 %, atteignant 158 millions d'euros. Les autorisations de programme sont par contre en baisse de 11 %.

Enfin, le projet de loi de finances pour 2004 prévoit une augmentation significative des crédits de paiement du FSP. Ceux-ci passent de 112 à 140 millions d'euros, soit une progression de 25 %. C'est la progression la plus forte enregistrée depuis très longtemps et on ne peut que se féliciter de ce retournement de tendance. On est malheureusement encore loin des niveaux de 1995.

Le Président Pierre Méhaignerie a souhaité connaître les effectifs des jeunes qui se destinent à la coopération depuis la suppression du service national. Il est à craindre que le nombre de jeunes s'expatriant pour se mettre au service de la coopération, notamment au sein d'organisations non gouvernementales, soit insuffisant. Or, il s'agit d'expériences qui constituent autant un investissement pour les pays concernés, par exemple en Afrique , que pour la France. En effet, ces expériences sont un atout pour les jeunes et ne peuvent qu'accroître leur esprit d'ouverture.

M.  Jean-Louis Dumont a observé que les annulations de dettes en faveur des pays d'Afrique noire les plus sinistrés s'effectuaient souvent par à-coups, à l'occasion de déplacements officiels, notamment du Chef de l'État. Cela est regrettable et traduit un manque d'ambition par rapport à l'objectif de l'annulation de la dette.

Le rapport qui a été fait est particulièrement sévère sur les conditions de financement de l'Agence française du développement (AFD). En effet, l'AFD se trouve dans une situation de trésorerie tout à fait préoccupante : les engagements effectués en 2003 ont été singulièrement inférieurs aux lignes budgétaires votées. Là encore, les annulations de crédits sont venues remettre en cause les budget votés.

D'une façon générale, il faut constater que si l'aide publique au développement a progressé ces dernières années par rapport au PIB, le taux était tombé très bas en 2000.

M. Pierre Hériaud a évoqué l'évolution du soutien aux organisations de solidarité internationale. La part du soutien de l'État à ces organisations en pourcentage de l'aide publique au développement est sans doute faible par rapport à l'étranger, mais il est plus pertinent de procéder à des comparaisons internationales plus globales et relatives au taux de l'aide publique au développement par rapport au PIB, et de ne pas se contenter de ce qui transite par les ONG.

M. Augustin Bonrepaux, suppléant M. Henri Emmanuelli, Rapporteur spécial, a indiqué que, bien évidemment, le rapport écrit présenterait des comparaisons internationales relatives à l'aide publique au développement, dans sa globalité. S'agissant du nombre de jeunes s'engageant au service de la coopération, des données quantitatives pourront être fournies. Du point de vue budgétaire, il est possible de souligner, d'ores et déjà, que les dotations via l'Association française des volontaires du progrès et le FONJEP, sont stables pour 2004, s'il n'y a pas de régulation. Pour éviter de voir l'écart entre les crédits de paiement et les autorisations de programme se creuser, il est souhaitable qu'une ouverture intervienne au collectif budgétaire.

La Commission a adopté, les crédits de la Coopération et du développement, M. Augustin Bonrepaux, au nom du Rapporteur spécial, s'en étant remis à sa sagesse.

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Puis la Commission a examiné les crédits de la Poste et des télécommunications.

M. Alain Joyandet, Rapporteur spécial, a indiqué que le secteur de la Poste et des télécommunications présente la particularité de rassembler deux entreprises importantes : La Poste et France Télécom, sur lesquelles repose la charge de continuer à assumer les missions de service public (aménagement du territoire, qualité, accès de tous aux communications). Il s'agit de la réduction de la fracture numérique, et donc de la fracture sociale, dans un environnement qui s'ouvre progressivement à la concurrence.

Elles font face toutes les deux à des alertes sérieuses, des problèmes financiers et de l'endettement, suite à des décision hasardeuses prises dans un climat économique international difficile, pour France Télécom, et à un vieillissement de l'outil de travail, et un déclin du courrier pour La Poste. Le Gouvernement a hérité l'an dernier de deux entreprises en difficulté où l'État, actionnaire et tutelle, avait différé les décisions que la situation imposait. Dès son entrée en fonction, il a, avec beaucoup de détermination, entrepris les voies et moyens permettant le sauvetage de France Télécom, puis la modernisation de La Poste.

L'importance du secteur des postes et télécommunication ne se mesure plus au montant de ses crédits affectés, au demeurant modestes, s'agissant maintenant de deux entreprises largement soumises à la concurrence. Les crédits du budget des postes et télécommunications (hors crédits de recherche et développement) se maintiennent, avec en 2004 quelques 440,4 millions d'euros (+ 0,8 % par rapport à l'an dernier). Il faut ajouter la subvention à la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications pour un montant de 241.000 euros, inchangée.

Si l'ensemble de ces crédits est globalement reconduit, ceux de l'ART augmentent de 6 % (17,75 millions d'euros), afin de pouvoir mettre en œuvre l'extension de ses compétences relatives à La Poste. Le budget de fonctionnement l'ANFr est en reconduction par rapport à 2003 (28,4 millions d'euros en 2004), hormis le transfert avec les collectivités d'outre-mer, qui se fait de façon neutre pour les finances publiques. En ce qui concerne les crédits d'investissement, l'Agence prévoit une poursuite du développement du réseau de contrôle du spectre, avec une augmentation de 53,85 % de ses crédits de paiement (4 millions d'euros en 2004). Le Groupement des Écoles de Télécommunication voit sa contribution budgétaire majorée de 1,1 million d'euros (57,6 millions d'euros en budget ordinaire et 37,4 millions d'euros en budget de recherche), qui suit l'augmentation, de même ampleur, qui avait déjà eu lieu l'an dernier.

Pour 2004, le Gouvernement propose de maintenir la contribution de l'État au service obligatoire du transport postal de presse au niveau de 289,7 millions d'euros. Même si on doit souligner les contraintes extrêmes qui pèsent cette année sur le budget de l'État, La Poste estime que la compensation de 289 millions octroyée par l'État, ajoutée aux 400 millions d'euros payés par les éditeurs de presse, laisse un solde conséquent de 500 millions d'euros à la charge de La Poste, puisque le service rendu initial coûte chaque année environ 1,2 milliards d'euros. La Poste se voit imposer de multiples contraintes dans un environnement de plus en plus concurrentiel, avec la perspective de la libéralisation totale du courrier en 2009. Elle a pris des retards importants dans sa modernisation.

Le projet de loi relatif à la régulation des activités postales a été déposé sur le bureau du Sénat le 16 juillet 2003, et devrait être inscrit à l'ordre du jour de cette assemblée le 12 février prochain. Ce projet de loi propose la réduction du domaine réservé de La Poste en matière de courrier (moins de 100 grammes) et l'extension des compétences de l'ART, à moyens pratiquement inchangés, pour devenir l'ARTP : « Autorité de régulation des télécommunications et des postes ».

Le récent rapport du sénateur Gérard Larcher estime à 1,55 milliard d'euros par an le déficit de compensation, réparti en 482 millions pour les tarifs préférentiels à la presse, 509 millions pour le maintien de la présence postale en milieu rural, 313 millions pour la poursuite de la mise en œuvre des 35 heures, 194 millions pour l'exclusion du dispositif d'allègement des charges sociales et 55 millions pour l'équilibre économique de la gestion du livret A.

La Poste n'est pas maîtresse des tarifs de deux de ses principaux produits, à savoir le prix du timbre et les taux administrés des livrets d'épargne et des comptes épargne logement. Le contrat de plan 1998-2001, dont les dispositions ont été prorogées en 2002, a mis en place un dispositif de stabilisation en euros constants de la charge des retraites des postiers fonctionnaires revenant à La Poste, à savoir environ 2 milliards d'euros en 2002. La loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 exclut expressément La Poste du bénéfice du dispositif d'allègement de charges sociales qu'elle institue et la mise en œuvre des 35 heures n'a pas été compensée.

S'agissant de la qualité du service, les objectifs du précédent contrat de plan (84 % de lettres J+1) n'ont pas été atteints : 73 % en 2002 et 62 % jusqu'en juin 2003, à cause des grèves de mai-juin. Certains reconnaissent enfin à La Poste une mission d'intérêt général représentée par le rôle social qu'elle joue en fournissant des services bancaires aux personnes à faibles moyens, participant ainsi à la lutte contre l'exclusion bancaire et, donc, la fracture sociale.

La Cour des comptes vient de rendre public un rapport sur les comptes et la gestion de La Poste (1991-2002). La Cour a pointé le retard de La Poste par rapport à ses principaux concurrents européens, notamment allemand et néerlandais, en matière de modernisation des centres de tri de courrier, s'agissant de la qualité du service, ainsi que pour l'activité de colis. Elle demande une plus grande clarification des relations avec l'État, notamment dans la définition et le financement des contraintes et missions de service public qui lui sont confiées.

Le contrat de plan 2003-2007 qui vient d'être présenté par La Poste et l'État doit permettre à celle-ci de se mettre en situation de rivaliser en termes de productivité avec ses concurrents européens, avant la fin de la décennie. Ce contrat est une première étape dans la réforme et la modernisation de La Poste. Sur la présence postale, l'objectif du contrat de plan est le maintien ou même l'amélioration de l'accessibilité du service (quelques 17 000 points de contact » actuels) tout en maîtrisant les coûts. Il y a, en l'espèce, des disparités dans les situations locales. La solution retenue par le contrat de plan va vers la diversification des modes de présence postale, en étroite collaboration avec les élus.

Les questions liées à l'acheminement de la presse devront trouver une solution en 2004, au vu des résultats attendus courant novembre 2003 de la mission confiée à M. Henri Paul. La question des retraites des postiers devra trouver une solution à la fin de l'année 2005, après le résultat des travaux d'un groupe de travail ad hoc. Entre-temps, le contrat de plan stabilise en euros constants pour La Poste, jusqu'en 2006, la charge des retraites à son niveau actuel, soit environ 2 milliards d'euros. Il est prévu que La Poste puisse bénéficier de l'exonération des charges sociales sur les bas salaires en 2006. Les tarifs postaux français sont parmi les plus bas d'Europe. Le contrat de plan prévoit un rattrapage tarifaire en faveur de La Poste, avec un suivi de l'évolution des prix et autorise la création d'un établissement de crédit et l'extension des services financiers de La Poste au crédit immobilier, sans épargne préalable. Sur toutes ces avancées vers la modernisation nécessaire de La Poste, il conviendra toutefois de rester attentif.

France Télécom était en grande difficulté avec une très importante dette de 68 milliards d'euros au 31 décembre 2002, générant un paiement d'intérêts de l'ordre de 4 milliards d'euros par an, résultat d'un financement d'opérations industrielles par emprunt et de fortes provisions pour dépréciation. Face à la situation inquiétante de l'endettement et des frais financiers de France Télécom en 2002, l'État est intervenu et a pris des décisions comme un actionnaire privé avisé et dans le strict respect des règles communautaires. Suivant en cela l'avis de la Commission, le plan de décembre 2002, mis en place par le nouveau président de La Poste, a permis de mobiliser un total de 45 milliards d'euros de financement répartis entre l'entreprise, les actionnaires et les marchés.

Ce plan a réussi au-delà de ses espérances, tous les acteurs ayant concouru au financement demandé grâce à l'action déterminante du Gouvernement, et l'endettement financier brut est passé de 70,883 milliards d'euros au 31 décembre 2002 à 58,897 milliards d'euros au 30 juin 2003.

Tout comme La Poste, France Télécom doit supporter des contraintes et assurer des missions de service public : retraites des fonctionnaires, cabines publiques, annuaire universel, etc... Ces missions sont financées par un fonds de service universel dont les modalités sont en cours de modification.

Au-delà de France Télécom, le secteur des télécommunications recouvre des enjeux importants comme l'équipement du territoire et la réduction de la fracture numérique. Grâce au rétablissement de sa santé, France Télécom pourra faire face à ses missions de service public, en liaison avec ses concurrents. L'entreprise retrouve des capacités d'investissement et reste la colonne vertébrale du secteur, notamment pour les efforts en cours d'équipement en téléphonie mobile et haut débit.

Une convention nationale a été signée le 15 juillet 2003 par les opérateurs, les ministres chargés de l'industrie, de l'aménagement du territoire et des libertés locales, l'ART, l'Association des départements de France et l'Association des Maires de France, pour prévoir l'équipement progressif du territoire en téléphonie mobile.

Bien que le taux d'équipement en Internet ait progressé de 9 points entre juin 2001 et juin 2002 la France demeure en 12ème position dans l'Union européenne. Il convient toutefois de souligner que la France est le pays où le nombre de ménages abonnés à l'ADSL a progressé le plus rapidement en Europe sur les 12 derniers mois et que, donc, elle rattrape son retard. Le lancement commercial des réseaux mobiles de troisième génération (UMTS), initialement prévu pour 2002 dans l'Union européenne, accuse un retard d'environ deux ans.

La libéralisation des télécommunications entreprise au niveau communautaire se poursuit, avec un paquet de cinq textes du Parlement européen et du Conseil, adoptés le 7 mars 2002, qui auraient dû être transposés et appliqués au plus tard le 25 juillet dernier. Les opérateurs alternatifs à France Télécom appellent de leurs vœux une transposition rapide afin d'établir des règles claires de concurrence. La transposition de ce « paquet télécoms » s'effectue, en France, dans quatre supports législatifs : le projet de loi sur la protection des données personnelles, le projet de loi sur la confiance dans l'économie numérique, qui reviendra en seconde lecture à l'Assemblée le 11 décembre prochain, le « paquet législatif » concernant France Télécom, relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, déposé le 31 juillet dernier sur le Bureau de l'Assemblée nationale, et le projet de loi sur le service public des télécommunications et France Télécom, déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 23 octobre 2003, après une première lecture au Sénat.

M. François Goulard a reconnu le succès du rétablissement de France Télécom. Il a regretté que le Gouvernement présente dans quatre projets de loi différents ses réformes en la matière, entraînant un manque de clarté certain. Il faudrait une cohérence et une synthèse en la matière. Il faut être optimiste sur la couverture du territoire en ADSL car France Télécom se déploie plus vite que prévu en suivant une demande qui reste forte et du fait de l'apparition à des prix intéressants de nouvelles technologies, comme le satellite. La Poste a un problème de performance et de compétitivité et n'a pas fait évoluer ses effectifs comme il aurait fallu. Il a qualifié « d'ahurissants » les éventuels projets du ministère de tutelle d'augmenter le prix du timbre pour financer le plan sur les personnes âgées. Il a regretté que les choix n'aient pas été faits sur l'extension des services financiers.

M. Pierre Heriaud a salué le succès du plan de sauvetage de France Télécom mais a qualifié la situation de La Poste de plus délicate. Il a émis de fortes interrogations sur le contrat de plan qui pêche par insuffisante de préparation du personnel à la concurrence, insuffisance de résultats et insuffisance de fonds propres. L'extension des services financiers, limitée au crédit immobilier sans épargne préalable, pourrait entraîner des problèmes de ratio de solvabilité avec les risques de défaillance. La rémunération des comptes d'épargne se rapproche dangereusement du coût du crédit et fait baisser les recettes. La Poste est donc en situation délicate et il y a lieu de s'interroger sur ses chances de redressement.

M. Jean-Louis Dumont a indiqué que l'on pouvait avoir un regard différent sur la couverture du territoire selon que l'on est « dans les villes ou dans les champs ». La concurrence ne jouera que dans les grandes villes et les zones rurales devront bénéficier d'un maillage complet financé par une péréquation appropriée. La Poste assume bien la mission de « banque du pauvre », avec un service financier minimum pour nombre de ruraux et de personnes âgées. Il ne faudrait pas que ce rôle diminue, alors que le crédit mutuel ou les caisses d'épargne tendent à se retirer. L'optimisme exprimé sur France Télécom est partagé, sauf pour l'ADSL, où l'équipement en satellite des zones rurales doit se faire au même prix pour les usagers que pour les équipements par ligne téléphonique ou câble. Il y va de la survie de nombre de PME. Les conseils généraux luttent contre les « zones blanches » en téléphonie mobile, par des investissements appropriés. Il faut rester vigilant, et faire preuve de solidarité par des mécanismes de péréquation, faute de quoi des zones d'activité et des populations risquent de quitter certaines parties du territoire. Il s'agit d'une obligation morale, autant que d'un devoir régalien.

M. Augustin Bonrepaux a craint que les territoires ruraux ne paient deux fois le téléphone mobile, comme ils l'ont déjà fait pour la télévision. Après les démentis de la ministre déléguée à l'Industrie, il a demandé combien de bureaux de poste allaient réellement être supprimés. Les 35 heures ont créé des emplois pour justement assurer le service. Il ne faut pas que les services publics, comme La Poste ou la Banque de France, quittent tous les zones rurales. Comme à EDF, le Gouvernement a annoncé une catastrophe à France Télécom uniquement pour faire passer son message. Or EDF a annoncé une capacité d'investissement malgré les déclarations en sens contraire de M. Francis Mer devant la Commission. On peut, au final, craindre des transferts de charges vers les collectivités locales.

Le Président Pierre Méhaignerie a soutenu la couverture du territoire en services postaux par des « points poste » dans les bureaux de tabac ou chez les commerçants, qui bénéficiera à tout le monde. Il a dénoncé la schizophrénie de certains fonctionnaires qui demandent le maintien des bureaux de poste et ne veulent pas y être affectés. Distinguant trois types de zones rurales - les périphéries des villes, les zones rurales profondes et les zones rurales où l'on vit bien -, il a appelé de ses vœux un examen constructif et positif de leur équipement : les situations ne sont pas identiques.

M. Alain Joyandet, Rapporteur spécial, a fait part de son attachement au rôle de la Poste en matière d'aménagement du territoire, et de son souci d'aboutir à davantage de cohérence dans le secteur des télécommunications. Le rattachement de ce secteur à trois ministres différents conduit à une situation peu claire. Quatre projets de loi différents traitent de ce sujet. Depuis vingt ans, faute de vision globale, aucune politique cohérente, susceptible de faire entrer la France dans la société de l'information, n'a été définie. Il faut renforcer la coordination en confiant la politique des télécommunications à un ministre unique, chargé de préparer l'ensemble des textes législatifs. La fracture numérique existe toujours, et, malgré les dispositifs de péréquation, les populations en difficulté sont encore laissées de côté. Néanmoins, d'importants progrès ont été réalisés. L'Assemblée nationale a adopté, l'année dernière, un amendement présenté par M. Patrice Martin-Lalande diminuant la redevance sur les satellites. Cette disposition a permis de diminuer le coût des équipements satellitaires, désormais accessibles aux zones reculées. Le 15 juillet dernier, à l'initiative du Premier ministre, a été conclu un partenariat tripartite (État, collectivités territoriales et entreprises du secteur) qui améliore la rentabilité des investissements dans les télécommunications. Si les statistiques mettent toujours en évidence le retard français, l'amélioration du taux d'équipement des ménages montre que la situation s'améliore.

Le projet de création d'une sorte de surtaxe sur le prix du timbre ne visait pas à financer un fonds social, mais plutôt à aligner le prix français sur la moyenne européenne. En tout état de cause, cette mesure aurait peu d'incidences sur le budget des ménages et apporterait plus de latitude à la Poste. En s'adressant aux ménages modestes, les activités bancaires de la Poste jouent un rôle social. Celle-ci distribue d'ores et déjà des prêts immobiliers. À la différence des prêts à la consommation dont la distribution n'est pas ouverte à la Poste, les prêts immobiliers ne sont pas soumis à de véritables risques d'insolvabilité. La Poste a des contraintes spécifiques. Il est donc justifié de lui donner les moyens de son développement. La possibilité qui lui est offerte de distribuer des produits nouveaux va dans ce sens. Elle aidera à maintenir la présence postale dans les territoires ruraux. La mise en œuvre des 35 heures se traduit par un déséquilibre financier durable qui aura des conséquences sur plusieurs années. Le contrat de plan prévoit le maintien de 17.000 points de contact. Il faut partir des besoins des citoyens en matière de service public, de manière horizontale et non plus verticale, en procédant à des rapprochements entre les services existants. La Poste ne peut pas se figer dans son organisation actuelle. France Télécom a été un succès, il doit en aller de même pour La Poste.

La Commission a adopté, sur la proposition du Rapporteur spécial, les crédits de la Poste et des télécommunications.

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