COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 31

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 13 novembre 2003
(Séance de 11 heures)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président
puis de M.  Michel Bouvard, Vice-Président.

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Francis Mer, ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, sur la stratégie de réforme du ministère

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- Examen de la proposition de résolution (n° 1168) de M. Didier Migaud, sur la recommandation de la Commission pour une décision du Conseil mettant la France en demeure, conformément à l'article 104, paragraphe 9, de prendre des mesures visant à la réduction du déficit jugée nécessaire pour remédier à la situation de déficit excessif (E-2416) (M.  Gilles Carrez, Rapporteur général)

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- Information relative à la Commission

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La Commission a procédé à l'audition de M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur la stratégie de réforme du ministère.

M. Francis Mer a constaté que le ministère des Finances occupe une place centrale dans l'appareil d'État, qu'il emploie plus de 180 000 agents, qu'il se soit montré rétif à la réforme comme en témoigne l'échec de 2001, tout cela concourt à donner un caractère exemplaire à sa réforme.

La stratégie ministérielle de réforme « Bercy en mouvement » poursuit deux objectifs : accroître de façon quantifiable sa productivité ; améliorer de façon visible le service rendu à l'usager. Elle utilise trois leviers : réexaminer les missions, resserrer les structures et installer une culture de résultats, tout cela pour renforcer la productivité ; placer l'usager au cœur de l'organisation et améliorer concrètement sa vie ; motiver les agents en reconnaissant leur qualification et leur mérite personnel.

Depuis l'échec de la réforme en 2001, l'administration était tétanisée. Il fallait donc remettre ce ministère en marche en présentant aux responsables administratifs et syndicaux un plan complet de réformes, ce qui a été fait en octobre 2002. Réformer l'État ne signifie pas bouleverser de manière anarchique les structures, nier les vertus du service public et de la qualité professionnelle des agents, ou, au contraire, se complaire dans une logique de toujours plus d'État et de refus du changement. La réforme de l'État consiste à agir sur le périmètre de ses missions et la pertinence de son organisation afin de renforcer sa performance. Cette productivité doit être utilisée pour réduire sa masse salariale en abaissant le nombre de ses agents et pour améliorer le service rendu à l'usager, qui se considère de plus en plus comme un client. Pour cela, il faut aller dans le détail, s'intéresser au résultat qui est un facteur de dynamisme plutôt qu'à la procédure, qui est un gage d'inertie, y associer les agents, en les responsabilisant et en les motivant. Cela mobilise beaucoup du temps et de l'énergie de l'équipe ministérielle de Bercy et nécessite un investissement « managérial » de la part du ministre. C'est la mission prioritaire du Secrétaire Général, qui pilote la réforme et en rend compte régulièrement dans le détail.

Le premier chantier de réforme consiste à renforcer l'efficacité en resserrant les structures et en réduisant les effectifs. Quatre leviers sont utilisés à cette fin : analyser les missions pour externaliser celles qui ne font pas partie du cœur de métier ; rationaliser l'administration centrale en éliminant les doublons et professionnalisant les fonctions support ; resserrer les réseaux locaux tout en maintenant la qualité du service à l'usager ; traquer la lourdeur et rechercher la simplification, grâce au réexamen des tâches de traitement.

Pour la première fois, chaque direction s'est interrogée sur le périmètre de ses missions dans le cadre d'un exercice systématique auquel les organisations syndicales ont été associées, ce qui a conduit à supprimer ou à externaliser un certain nombre de missions ne présentant pas un caractère prioritaire.

Ainsi la distribution de produits d'assurance-vie par des fonctionnaires du Trésor public est abandonnée. Le contrôle technique des véhicules lourds, va être transféré au secteur concurrentiel en 2005 dans 163 centres répartis sur l'ensemble du territoire :700 agents des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement sont concernés.

La garantie et le poinçonnage des métaux précieux actuellement assurés par la douane, seront transférés aux professionnels pour 20 des 24 sites existants. Dans ce cas, comme dans le précédent, la logique consiste à faire faire et contrôler plutôt que faire soi-même. Cet examen critique des compétences s'est également inscrit dans les travaux relatifs à la décentralisation. Les transferts projetés par le MINEFI portent sur les dispositifs d'aide individuelle aux entreprises mis en œuvre aujourd'hui par trois des services déconcentrés : directions régionales du commerce extérieur, DRIRE et délégués régionaux au commerce et à l'artisanat.

La réforme, capitale, de la refonte de la fonction d'actionnaire de l'État s'est faite à travers la création d'une Agence des participations de l'État.

L'achat est une fonction difficile, enserrée dans des contraintes juridiques fortes qui amènent les acheteurs à se concentrer plus sur le respect formel des règles que sur l'efficacité économique de l'achat. Grâce à un audit, mené avec l'appui d'un consultant privé, les procédures et l'organisation seront mises à plat. En gérant de façon professionnelle avec des spécialistes, on fait ainsi des économies et on valorise son patrimoine. Un service à compétence nationale spécialisé dans l'immobilier assurera au MINEFI la maîtrise d'ouvrage des opérations de travaux les plus importantes, la prestation de services en matière d'exploitation et de maintenance des locaux et la stratégie immobilière en vue d'une optimisation du parc. Ce projet évoluera naturellement en fonction des décisions interministérielles.

S'agissant du recentrage et du resserrement de la fonction communication, la direction de la communication (DIRCOM), transformée en service autonome d'administration centrale, a été recentrée sur son cœur de métier. Ses effectifs seront réduits d'environ un tiers. Les deux directions générales en contact avec les entreprises chargées respectivement de l'industrie, des technologies de l'information et des postes d'une part, de l'action régionale et de la petite et moyenne industrie d'autre part, seront réunies au début de l'année prochaine. Le resserrement des réseaux locaux est nécessaire en termes d'efficacité.Plus de 90 % des 180.000 agents du Ministère travaillent dans les postes territoriaux. Il serait illusoire d'envisager faire des économies sans toucher à ce maillage territorial. 1.200 structures locales, sur un total de 8.000, seront concernées d'ici 2005.

Concernant le Trésor Public, 31 des 55 postes comptables centralisateurs d'arrondissement seront fermés d'ici 2005. La qualité du service rendu au public n'est pas affectée, puisque ces postes ne sont pas au contact des particuliers. Plus largement, toute restructuration locale du réseau du Trésor donne lieu à une information et à une consultation préalables des élus et des Préfets concernés. La démarche est donc toujours pragmatique, progressive et concertée.

Concernant la douane, les récentes évolutions du cadre réglementaire des contributions indirectes permettent un allègement notable des tâches de gestion. On peut donc en tirer les conséquences en regroupant les plus petits postes avec la suppression d'environ 250 entités, d'ici 2005.

Concernant le réseau local de la DGI (Direction générale des impôts), l'objectif est d'ajuster l'organisation locale en fonction du principe d'unicité de l'interlocuteur selon les publics concernés. Dans ce cadre, sur 300 sites aujourd'hui, et sur 850 d'ici 2005, des opérations de rapprochement des centres départementaux d'assiette et des recettes comptables des impôts, qui concernent les PME, auront lieu.

Il faut introduire une culture et une pratique de résultats. Pour cela, trois réformes sont prévues.

La première réforme est une démarche d'ingéniérie. Il ne s'agit, pas de modifier l'organisation de l'administration, mais d'alléger ses chaînes de traitement et de vérifier leur adéquation à l'objet qu'elles poursuivent. C'est une démarche positive pour chacun : l'usager bénéficiera d'une procédure simplifiée, les agents auront un travail plus intéressant, l'État sera plus efficace. La seconde réforme consiste à ce que chaque direction à réseau dispose en janvier 2004 d'indicateurs de résultats nationaux pour ses principales missions. Ces indicateurs seront démultipliés dans les services locaux de façon comparative. Enfin, les deux directions les plus peuplées du Ministère (DGI et DGCP, impôts et comptabilité publique) ont signé avec le Secrétaire général un contrat triennal de performance fixant des objectifs précis ainsi que les moyens humains et matériels qui y sont associés.

Ce premier chantier, la productivité par le resserrement et le recentrage des structures est essentiel parce que c'est de lui, associé à une informatisation des tâches les plus répétitives, que dépend la réduction des effectifs. Il est absurde de vouloir réduire les effectifs a priori. Le nombre des fonctionnaires est le résultat de la réorganisation de leurs missions et des structures qui en découlent. Après avoir supprimé 1.350 emplois au PLF 2003, l'objectif de ne pas remplacer un départ en retraite sur deux est fixé pour 2004 : il y a ainsi 2.000 suppressions d'emplois au projet de loi de finances pour 2004, et au moins autant dans les années suivantes.

Le service public est avant tout le service du public. C'est trop souvent un slogan mais ce doit être une réalité. Le MINEFI a trois grandes catégories d'usagers : les collectivités locales, les entreprises et les contribuables personnes physiques. Chacun d'entre eux doit, actuellement, s'adresser à différents interlocuteurs selon sa demande. Au terme des évolutions engagées, un interlocuteur unique sera mis en place pour chacune de ces catégories. S'agissant des collectivités locales, la DGI va transférer en 2004 au Trésor public la plus grande partie de ses attributions dans le domaine du conseil fiscal. Pour les entreprises, les administrations fiscales s'organisent désormais par type d'usagers et non plus par procédure. Grandes et petites entreprises vont ainsi bénéficier d'un interlocuteur fiscal unique pour leurs impôts, qu'il s'agisse de leur calcul ou de leur recouvrement. Plus d'un million d'entreprises sont concernées. Les PME bénéficieront également d'une amélioration du remboursement des crédits de TVA : 80 % des dossiers seront traités en moins d'un mois en 2005, contre un délai moyen de 52 jours actuellement. Le gain de trésorerie pour les entreprises atteindra 200 millions d'euros par an. Enfin, le ministère a mis en place un portail Internet regroupant l'ensemble des informations et services du ministère « MINEFI au service des entreprises ». Le déploiement des versions régionales du portail est achevé depuis le 10 septembre. Pour le contribuable individuel, dès 2004, le ministère mettra en œuvre un programme intitulé « Pour vous faciliter l'impôt » destiné à simplifier concrètement sa vie. Neuf engagements de service amélioreront concrètement la qualité du service rendu à l'usager qui pourra obtenir une réponse immédiate à chaque appel téléphonique, ou à défaut, un rappel dans les 48 heures et une réponse aux courriers, impérativement en moins de 30 jours.

Le paiement automatique des impôts sera favorisé en le rendant plus attractif et plus souple. Le prélèvement automatique doit devenir la généralité pour le paiement de l'impôt sur le revenu, de la taxe d'habitation et de la taxe foncière. Dès la fin de l'année 2003, une rafale de simplifications aura été mise en place : prélèvement mensuel repoussé au 15 du mois, choix possible jusqu'à la date limite du tiers, création d'un centre expérimental à Lyon pour traiter en temps réel toutes les demandes du contribuable, remboursement des trop perçus sous 8 jours.

Des délais de paiement seront de droit quand les revenus baissent fortement. Tous les contribuables dont les revenus diminuent d'au moins 30 % d'une année sur l'autre auront droit, dès 2004 à des délais de paiement de six mois au minimum pour l'impôt sur le revenu, selon des modalités identiques sur tout le territoire.

La déclaration de revenus sera facilitée grâce à une déclaration pré-remplie pour les salaires et pensions en 2005, si les tests s'avèrent concluants.

S'agissant de la motivation des agents, des rencontres avec l'encadrement et les syndicats, et des informations des personnels ont été organisées. Il faut aujourd'hui aller plus loin pour que chacun se sente acteur du changement. La responsabilisation des agents passe par la reconnaissance des qualifications et du mérite individuel. Concernant les qualifications, il va falloir, dans les années qui viennent, tenir compte, dans la situation des agents, de l'enrichissement du travail qui leur est demandé. Il en découle une gestion prévisionnelle non seulement des effectifs, mais aussi des emplois fonctionnels pour qualifier l'évolution des métiers et les conséquences à en tirer sur le recrutement, la formation, le travail des personnels, le pyramidage des emplois et les perspectives de promotion. S'agissant de la prise en compte du mérite individuel, on ne peut espérer augmenter la productivité globale de l'administration si on ne reconnaît pas la participation individuelle à cette amélioration. Pour cela, il faut sortir de l'égalitarisme qui prévaut trop souvent actuellement. Il faut donc différencier les agents en fonction de leur volontarisme professionnel individuel. Cette différenciation doit être explicite et se traduire concrètement dans le déroulement de carrière et sur la feuille de paye. Les agents qui s'impliquent beaucoup dans leur activité professionnelle doivent être mieux distingués qu'actuellement. Cette différenciation prendra deux formes : pour les cadres de direction, le vecteur sera, dès l'année prochaine, une modulation individuelle des primes ; pour l'immense majorité des personnels, pour lesquels les primes ne représentent qu'une minorité de la rémunération, le vecteur sera l'accélération de l'avancement, qui se traduit par une augmentation plus rapide de la rémunération totale. Il s'agit de substituer à une pratique qui fait prédominer l'ancienneté une logique d'avancement reposant sur le mérite individuel. Cet avancement différencié s'appuiera sur une notation rénovée. Il permettra de faire bénéficier systématiquement les agents les plus impliqués d'un déroulement de carrière nettement plus rapide, avec les gains indiciaires et indemnitaires qui s'y attachent. Cette réforme commencera, en 2004, pour les 180.000 agents du ministère avec son plein effet en 2005. Elle reposera sur quatre principes. En premier lieu, l'avancement accéléré se concentrera sur les agents les plus dynamiques et l'avancement automatique et égalitaire à l'ancienneté pour tous sera abandonné. En outre, sera recherchée une meilleure objectivité grâce à un barème clair, assis sur des critères précis d'appréciation de l'implication des agents , permettant un dialogue responsable entre l'évaluateur et l'évalué. La transparence sera également privilégiée : l'évaluation, réalisée sur le fondement d'un entretien individuel, pourra être contestée, le moment venu, devant les instances paritaires compétentes. Enfin, l'effectivité sera renforcée : le jugement porté sur un agent par les managers locaux - et les conséquences qui en seront tirées - sera immédiatement porté à sa connaissance.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a rendu hommage au travail réalisé par le ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie. Le ministère de l'Économie est sorti traumatisé de la réforme avortée de 2001 et il fallait le remettre en mouvement. Par une approche pragmatique et professionnelle, les procédures ont été mises à plat pour examiner toutes les possibilités d'amélioration de la productivité. On voit aujourd'hui que des modifications sont en cours, pour toutes les activités du ministère. Cette réforme se traduira par des économies, et notamment par des réductions de personnel qui s'inscrivent dans la norme générale de non remplacement de la moitié des départs à la retraite. En dehors des deux cas cités par le ministre, n'y a-t-il pas d'autres possibilités d'externalisation ? Comment l'agence des participations de l'État s'articulera-t-elle avec les services de la direction du Trésor ? La réforme de la gestion immobilière semble aujourd'hui s'enliser. Au-delà de la création d'un service à compétence nationale, il faudrait assigner à la fonction immobilière des objectifs plus ambitieux, mesurés par des indicateurs de coûts. Plutôt que de créer une nouvelle administration, il aurait été intéressant d'étudier la possibilité de solliciter la Caisse des dépôts et consignations. En outre, il faut que les ministères soient intéressés à l'amélioration de leur gestion immobilière. De ce point de vue, l'objectif de recettes attendues par le ministère de la Défense de 40 millions d'euros, n'est pas suffisamment ambitieux. La réforme des services extérieurs semble se dérouler de manière aléatoire, en fonction des circonstances locales, sans véritable stratégie d'ensemble et vision à long terme. Enfin, bien qu'elle constitue un instrument décisif de la réforme de l'État, la loi organique relative aux lois de finances n'est jamais évoquée dans la stratégie de réforme du ministère. Pourquoi a-t-on choisi de déconnecter ces deux chantiers ?

M. Thierry Carcenac, Rapporteur spécial des crédits des services financiers et des monnaies et médailles, a fait observer que le fonctionnement du ministère met en cause des principes constitutionnels comme celui du consentement à l'impôt, et que les usagers cités par le ministre sont avant tout des hommes et des femmes. Le ministère ne part pas de rien : en 2001, le gouvernement précédent a élaboré un projet de réforme, plusieurs contrats d'objectifs et de moyens ont été signés et exécutés, et 13.000 emplois ont disparu depuis 1998. Élaborés direction par direction, les projets d'externalisation ne prennent pas suffisamment en compte les situations particulières et posent des problèmes d'aménagement du territoire. S'agissant notamment de la Poste, est-il prévu de supprimer les mille recettes en zone rurale ? Au-delà du développement des services aux usagers, il faudrait renforcer le contrôle fiscal qui représente une source d'économies non négligeables : 11,5 milliards d'euros de redressements fiscaux sont notifiés annuellement. La promotion du mérite individuel doit prendre en compte la dimension collective du travail en favorisant les avancements de carrière. La progression des dépenses de communication, 41 millions d'euros, (+ 11,7 % entre 2000 et 2002) pose un véritable problème, le ministère ayant choisi de concentrer les suppressions de postes dans les services extérieurs et non pas en administration centrale. Par ailleurs, le développement en cours des applications informatiques du ministère (projets Copernic, Hélios et Accord) doit être réétudié de manière à privilégier le service rendu.

M. Michel Diefenbacher, Rapporteur spécial des crédits du Trésor et des entreprises publiques, a rappelé que la commission d'enquête sur les entreprises publiques a proposé que la création de l'Agence des participations de l'État s'accompagne non seulement de la suppression du service des participations de l'État dépendant de la direction du Trésor, mais aussi de la disparition de plusieurs organismes qui lui sont rattachés. Quelles sont les intentions du Gouvernement quant à l'avenir de ces organismes ?

M. François Goulard a estimé que le mouvement de suppression ou de spécialisation de certains postes comptables se traduit par une meilleure qualification et une meilleure disponibilité des agents. Nonobstant le traditionnel discours sur l'aménagement du territoire, il faut poursuivre la spécialisation des postes comptables, qui constitue une réelle source d'économies. Si tous les pays européens ont une direction des impôts, l'existence d'une direction de la comptabilité publique est une spécificité française, qui demande à être réformée. On constate notamment d'importants gaspillages dans l'exercice des missions assurées par la comptabilité publique pour les collectivités locales. Afin de supprimer des allers-retours inutiles, on pourrait confier aux collectivités locales la perception de certaines recettes, et notamment celles des régies des eaux. Par ailleurs, ne faudrait-il pas supprimer des avantages particuliers, hérités de situations surannées, comme les modalités de rémunération des conservateurs des hypothèques ?

M. Augustin Bonrepaux a interrogé le ministre sur les garanties qui seront demandées aux personnes chargées d'exercer des services publics externalisés ; seront-elles inclues dans une convention entre la personne et l'État ? Quels départements seront touchés par la réorganisation du service des douanes ? Quelle forme cette dernière prendra-t-elle et combien d'emplois seront supprimés ? Il est paradoxal de réduire ces personnels alors que la hausse de la taxation du tabac va induire le développement de la contrebande.

Alléger le Trésor public de certaines tâches peut être positif. Mais il serait malhonnête d'envisager de supprimer les 1.000 postes du Trésor public composés de trois agents ou moins sur le seul argument de leur petite taille, alors que bien souvent des effectifs plus nombreux seraient justifiés. Par exemple, un percepteur et deux agents ne sont pas suffisants pour remplir l'ensemble des missions de contrôle relatives notamment aux régies municipales. Si l'on veut que les communes puissent payer rapidement les entreprises auxquelles elles ont recours, il faut soit supprimer les contrôles de ce type, soit prévoir des personnels suffisants pour les réaliser dans de bonnes conditions.

Le ministre a mentionné un effort exceptionnel en matière de qualification des personnels réalisé en 2003 : de quoi s'agit-il ? Le mérite individuel ne peut être pris en compte pour l'avancement que sur des bases objectives. Comment ces dernières pourront-elles être assurées ? La prise en compte du mérite se fera-t-elle à coût constant ? En d'autres termes, se traduira-t-elle par des hausses, mais aussi par des baisses de rémunération ? De même, les possibilités d'avancement seront-elles plus nombreuses ou l'avancement plus rapide de certains réduira-t-il la progression des autres ?

Revenant sur le découplage entre la stratégie ministérielle de réforme et la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, M. Michel Bouvard a fait part de son scepticisme quant au projet de découpage des missions du ministère en programmes. Il semble que le champ possible de programmes soit systématiquement transformé en simples actions, ce qui entraînerait des difficultés en matière de contrôle parlementaire et de droit d'amendement.

Si le niveau des effectifs doit être la conséquence de la réforme du ministère et non un objectif a priori, une évaluation du nombre de postes économisés et du nombre d'emplois externalisés a-t-elle néanmoins été réalisée ? La réorganisation des structures locales, en particulier celles du Trésor public, prend-elle en compte des objectifs d'aménagement du territoire ? Certaines plateformes sans contact direct avec le public pourraient très bien être installées dans des régions connaissant des difficultés économiques. Quelles sont les perspectives de réorganisation des services, entre les DRIRE et l'ANVAR, et en ce qui concerne le service de la redevance audiovisuelle, qui emploie plus de 1.400 agents ? Le transfert de certaines fonctions à des agences extérieures doit entraîner la disparition de l'ensemble des emplois concernés dans le ministère : en a-t-il été ainsi par exemple à l'occasion de la création de l'agence française pour les investissements internationaux (AFII) ? Les incompatibilités entres systèmes informatiques sont souvent un moyen pour les services de maintenir le cloisonnement des administrations : des efforts sont-ils faits pour améliorer la compatibilité de ces systèmes, afin d'accroître la circulation des informations ?

La dynamisation de la politique immobilière est urgente. Il est incohérent de demander à des communes de réaliser des travaux sur des locaux administratifs qui seront prochainement abandonnés par l'État. De même, certaines administrations possèdent des bureaux vides qui pourraient être mis à la disposition d'autres services qui économiseraient ainsi des frais de logement. Une meilleure gestion patrimoniale de l'État doit absolument être obtenue. Où en est l'inventaire patrimonial de l'État, lancé depuis plusieurs années ?

Enfin, le ministre connaît-il le nombre exact d'emplois budgétaires ou non budgétaires, à temps plein ou à temps partiel, relevant de l'ensemble des structures qui dépendent de son ministère ?

M. Bernard Carayon a demandé où en étaient les perspectives de rapprochement entre les structures du ministère présentes à l'étranger, si une évaluation de l'efficacité des postes d'expansion économique était en cours et si une collaboration renforcée avec d'autres départements ministériels est envisagée. Une liste des cabinets d'audit et des agences de communication sollicitées par le ministère des finances pourrait-elle être adressée à la commission des Finances ? Dans le cadre de l'élaboration du programme ACCORD II, la sécurité des données est-elle réellement assurée ? Comment le ministère peut-il soutenir les entreprises alors que le gel budgétaire a été particulièrement rigoureux sur les aides qui leur sont destinées ? Le rapport « Blanchard » sur les primes sera-t-il rendu public ?

M. Hervé Mariton a estimé que l'évaluation de l'efficacité des services du ministère ne pouvait se limiter à la qualité du service rendu à l'usager et que son efficacité interne devait être mesurée. La réduction du coût du prélèvement de l'impôt doit constituer un objectif du ministère. La restructuration des réseaux locaux a été l'une des causes de l'échec de la réforme de 2001. Il est important de concilier efficacité économique et présence de services sur l'ensemble du territoire. Dans cette perspective, l'ensemble des possibilités ouvertes par les nouvelles technologies de l'information et de la communication a-t-il fait l'objet d'une réflexion approfondie ? En plus de l'absence de certains moyens techniques et des coûts, les réformes échouent souvent à cause de blocages syndicaux, les représentants des agents refusant souvent que ceux-ci travaillent sur plusieurs sites ou voient leur territoire de compétence élargi. Des discussions sont-elles entreprises dans ce domaine, alors que les problèmes réglementaires liés à la responsabilité du chef de poste devraient pouvoir se régler sans grande difficulté ?

M. Pierre Hériaud a approuvé l'objectif de la réforme qui vise à améliorer la productivité et le service rendu à l'usager. Le ministère a-t-il élaboré un plan stratégique avec des objectifs de résultats sur plusieurs années ? L'économie globale attendue a-t-elle été chiffrée ?

M. François Scellier a déclaré partager les objectifs de la stratégie ministérielle de réforme. Ils devraient inspirer l'ensemble des gestionnaires publics, y compris au sein des collectivités territoriales. D'ailleurs, le conseil général du Val-d'Oise mène une politique assez proche. S'agissant du rapprochement des structures administratives, il est permis de s'interroger sur l'opportunité de conserver la séparation traditionnelle entre les ordonnateurs et les comptables. On doit pouvoir obtenir les mêmes garanties, sans cette séparation, probablement dépassée.

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a répondu aux différents intervenants, en apportant les précisions suivantes :

- l'administration du ministère est essentiellement une administration de services. Elle comprend des directions centrales et des directions déconcentrées, ainsi que plusieurs branches de métiers. L'ensemble suit en permanence un mouvement de réforme. Il n'y a donc pas de plan tri-annuel ou quinquennal, car il n'est pas concevable d'en prévoir et de figer les choses ensuite. La révision des processus doit être permanente. Il faut apprendre à l'ensemble des personnels à moderniser leurs pratiques, à se fixer de nouveaux objectifs et à déterminer les moyens pour y parvenir. Bref, la stratégie ministérielle de réforme tend à généraliser un certain état d'esprit. Les aménagements portés aux systèmes de rémunération et de notation ne sont qu'un élément de la mobilisation des personnels, mobilisation qui ne doit pas concerner que quelques personnes au sein des directions centrales ;

- il n'y a pas de plan prédéterminé relatif à l'implantation territoriale des services, l'essentiel est que les administrations déconcentrées prennent conscience des enjeux et qu'ils soient adaptés aux demandes des citoyens. Il est essentiel de maintenir la crédibilité de l'offre des services ;

- la loi organique relative aux lois de finances est assurément un outil de réforme très puissant. Sa mise en œuvre s'accompagnera de l'allègement de nombreuses contraintes. Néanmoins, il est clair que tout ne doit pas être attendu du seul texte organique. Les propositions du ministère en matière de la LOLF sont cohérentes avec les réformes entreprises ;

- il n'y a pas de norme générale en matière de réduction d'effectifs. S'il a été indiqué que la moitié des départs à la retraite allait être compensée par des embauches, c'est uniquement pour résumer, dans une formule simple, le résultat des différentes politiques de gestion des emplois publics menées au sein du ministère. Les progrès en la matière sont, en effet, très variables selon les secteurs. Une administration chargée d'opérations répétitives comme la direction générale des impôts, dans laquelle l'informatique peut conduire à d'importantes économies d'emplois publics, ne peut être évidemment comparée à une administration comme la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ;

- en matière d'externalisation des tâches vers d'autres administrations ou vers le secteur privé, il n'y a pas de « plan caché ». Il faut être prêt à accepter les idées novatrices ;

- il faut convenir que l'administration a du mal à gérer son parc immobilier. Pour sa part, le ministère procède à un recensement des immeubles avec méthode. Cette démarche sera rapprochée de la politique interministérielle en cours de définition ;

- on ne peut évacuer tout élément subjectif dans les relations entre un supérieur hiérarchique et un subordonné. Le « vivre ensemble » implique inévitablement un jugement sur les personnes. Cela étant, il faut assurément minimiser cette part de subjectivité dans le jugement porté par un supérieur hiérarchique sur son subordonné. À cette fin, un guide d'évaluation, des formations et le droit de contester les notations sont essentiels. On ne peut, de toute façon, en rester au système de l'avancement automatique. La nouvelle philosophie n'implique pas la pénalisation de ceux qui effectuent correctement leur travail, mais consiste à promouvoir ceux qui font preuve d'initiative ;

- l'activité du contrôle fiscal s'effectue de façon convenable. Il est peu probable que son intensification permettrait d'obtenir des recettes supplémentaires importantes ;

- la direction des douanes s'adapte tout à fait à ses nouvelles missions en procédant aux redéploiements nécessaires ;

- la comptabilisation des agents des ministères est sans doute nécessaire, mais il faut rappeler que les changements de périmètre sont constants. La connaissance exacte du nombre d'agents n'est pas, à l'évidence, la source principale de progrès en matière de gestion des effectifs ;

- les indicateurs de performance ne doivent pas être fixes. Ils doivent évoluer et ce sont les métiers qui doivent les générer ;

- l'évolution des services de conservation des hypothèques n'a pas fait l'objet, jusqu'à présent, d'un examen approfondi. Il faut aller à l'essentiel et l'objectif est bien de mettre 180.000 personnes « en mouvement » ;

- en matière de gestion des carrières, il faut souligner l'importance des promotions décidées en 2003. Les promotions de la catégorie B vers la catégorie A ont augmenté de 25 % et celles de la catégorie C vers la catégorie B de 30 % ;

- l'évolution des régies municipales devra faire l'objet d'une attention particulière, notamment dans le secteur de la gestion des eaux ;

- les critiques à l'encontre de la redevance audiovisuelle sont aujourd'hui bien connues, mais les 2,2 milliards d'euros de produits qu'elle génère sont indispensables. Des efforts de productivité du service de la redevance sont toutefois possibles et l'accolement de la redevance à la taxe d'habitation demeure souhaitable, même si le ministère n'a pas obtenu gain de cause jusqu'à présent sur ce point ;

- le développement des investissements internationaux est essentiel. Non seulement les entreprises françaises doivent s'implanter dans les pays émergents, comme la Chine, mais il faut aussi favoriser les investissements étrangers en France, notamment dans une perspective d'aménagement du territoire. L'Agence française pour les investissements internationaux (AFII), créée en 2001, a permis de rationaliser les structures d'accueil des implantations étrangères en France. Elle a intégré des personnels du ministère, les postes restant étant en voie de suppression ;

- la comptabilité publique est susceptible de s'inscrire, à l'avenir, dans une relation plus étroite avec les collectivités locales. Des contrats expérimentaux allant dans ce sens sont actuellement mis en œuvre. Lorsque le réseau informatique le permettra, il sera possible de modifier certaines règles jusqu'à présent sacro-saintes.

M. Michel Bouvard, Président, a souligné que le découpage, retenu par le ministère dans le cadre de la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, qui consiste notamment à regrouper dans un seul programme l'industrie, la politique énergétique, le commerce et l'artisanat et les PME-PMI, pose problème.

M. Didier Migaud a indiqué que la France était « mise en examen » par Bruxelles pour situation dégradée de ses finances publiques. Le ministre s'est engagé à apporter à ses collègues européens des éléments nouveaux les 24 et 25 novembre prochains en matière de réduction du déficit dès 2003. Serait-il possible d'obtenir des précisions sur ce sujet autrement que par voie de presse ? Quelles sont les « mesures douloureuses », selon l'expression du ministre, qui seront prises en 2004 ? Quelles sont celles envisagées pour « rentrer dans les clous », selon les propres termes du ministre, du pacte de stabilité, d'ici 2005 ? Par ailleurs, où en sont les négociations menées au niveau européen sur les questions de TVA sur la restauration et sur les travaux dans le secteur du bâtiment ? La suppression du jour férié s'inscrit-elle dans la stratégie de maîtrise de la dépense publique et de réduction du déficit ?

M. Francis Mer, ministre de l'Économie et des finances, a apporté les éléments de réponse suivants :

- la suppression d'un jour férié permet, d'une part, d'augmenter l'offre de travail en France et de maximiser ainsi la croissance potentielle de notre pays et, d'autre part, de financer de manière durable les dépenses supplémentaires consacrées aux personnes âgées et aux personnes handicapées. Cette mesure n'a donc pas pour objet, en tant que telle, de réduire le déficit public ;

- la TVA réduite dans le secteur du bâtiment ne devrait pas être remise en cause. Elle est en effet très utile : son rendement macro-économique et fiscal est important. S'agissant de la TVA relative à la restauration, le risque est grand qu'aucune décision ne soit prise d'ici la fin de l'année au niveau européen ;

- au sujet du déficit public français, la Commission européenne a montré sa bonne volonté en proposant de revenir à un déficit public inférieur à 3  % du PIB en 2005, au lieu de l'échéance initialement fixée à 2004. Les différents pays européens participent actuellement à l'élaboration d'une certaine jurisprudence en la matière. Celle-ci est fondée sur la confiance réciproque entre les acteurs. La France doit apporter des éléments d'information supplémentaires pour renforcer la confiance de ses partenaires. L'Allemagne se trouve d'ailleurs dans une situation similaire. Les travaux des parlementaires ne seront pas remis en cause par les engagements qui seront prochainement annoncés par la France à ses partenaires. Si la suppression d'un jour férié peut avoir des conséquences positives sur l'amélioration du déficit public de la France en 2004, cette décision n'a pas été prise dans ce but. On ne peut pas réussir, au plan national, si l'Europe ne réussit pas. Cette réussite passe, fatalement, par un consensus européen.

M. Didier Migaud a constaté que, contrairement à des annonces, le taux de TVA relatif à la restauration ne sera pas réduit d'ici la fin de l'année. Si le ministre avait habitué les parlementaires à un langage direct, il vient de pratiquer, s'agissant des négociations communautaires, la langue de bois.

M. Francis Mer, ministre de l'Économie et des finances, s'est défendu d'une telle accusation.

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La Commission a enfin procédé sur le rapport de M. Gilles Carrez, Rapporteur général, à l'examen de la proposition de résolution (n° 1168) de M. Didier Migaud sur la recommandation de la Commission pour une décision du Conseil mettant la France en demeure de prendre des mesures visant à la réduction du déficit jugée nécessaire pour remédier à la situation de déficit excessif (E 2416).

Après avoir présenté la proposition de résolution, M. Didier Migaud a estimé anormal que l'Assemblée nationale ne soit pas informée de manière satisfaisante des positions adoptées par le Gouvernement dans les négociations européennes. En effet, les commissaires ne savent pas aujourd'hui quels seront les arguments avancés par le Gouvernement le 25 novembre lorsque sera examinée la proposition de recommandation de la Commission mettant la France en demeure de prendre des mesures pour mettre fin à ses déficits publics excessifs. La Commission des finances du Sénat est, à cet égard, plus audacieuse et plus présente que la Commission des finances de l'Assemblée nationale dans les grands débats stratégiques en matière de finances publiques. Cette dernière prend une posture trop souvent discrète sur ces enjeux, qui s'apparente à bien des égards à une démission, voire une soumission, sur des sujets d'importance pourtant primordiale. A titre d'exemple, le débat sur les prélèvements obligatoires n'a pu avoir lieu à l'Assemblée nationale, et il est regrettable que celle-ci soit ainsi tenue à l'écart d'enjeux pourtant déterminants.

M. Michel Bouvard, Président, a observé que la Commission des finances de l'Assemblée nationale est très présente dans les grands débats qui déterminent l'avenir de notre pays. Il suffit de se référer aux débats sur les stratégies ministérielles de réforme et sur la loi organique relative aux lois de finances pour mesurer la richesse de ses débats et l'étendue et la portée de ses initiatives.

S'agissant de la résolution proposée, il faut remarquer que la jurisprudence de la Commission et celle du Conseil des ministres européens en matière d'application du pacte de stabilité se construisent progressivement. Il apparaît donc normal, dans cette situation évolutive, que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie délivre les informations dont il dispose au jour le jour, présentant l'état d'avancement des débats et des négociations engagées avec nos partenaires.

Concernant le débat sur les prélèvements obligatoires, qui n'est pas obligatoire, le Président Pierre Méhaignerie et le Président Jean-Marc Ayrault se sont entendus pour que ce débat soit fusionné avec celui relatif à l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2004, un temps supplémentaire étant de ce fait consacré à la discussion générale de la première partie.

Le Rapporteur général a souligné la clarté des propos tenus par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie lorsqu'il a notamment rappelé qu'il n'y aura pas lieu de modifier le budget pour 2004. Par ailleurs, il faut se féliciter du travail accompli par notre Gouvernement au cours des dernières semaines à Bruxelles pour défendre la cohérence et la responsabilité de notre stratégie visant à rétablir les déficits publics en-dessous de la limite des 3% du PIB déterminé par le Traité en 2005. D'ores et déjà, il semble qu'une minorité qualifiée de nos partenaires européens soit consciente des contraintes auxquelles la France est confrontée, et disposée à lui accorder un délai pour constater tous les effets de l'assainissement structurel de ses finances publiques. Des précisions complémentaires sur notre stratégie, en particulier en termes de réformes structurelles, devront bien entendu leur être fournies. A cet effet, le Conseil, qui devait statuer sur la proposition de recommandation de la Commission européenne le 4 novembre, a reporté son examen au 25 novembre. Ce délai supplémentaire a déjà permis de constater que le ralentissement économique pèse aussi sur l'équilibre des finances publiques de beaucoup de nos partenaires, l'Allemagne accusant un déficit supérieur à 3% du PIB tant en 2003 que, probablement, en 2004 et la Commission émettant des réserves sur le respect du critère des 3% en 2004 par le Portugal et par l'Italie.

La France n'est, dès lors, pas la seule à rechercher une stratégie équilibrée en matière de politique budgétaire, trouvant, dans le projet de loi de finances pour 2004, le point d'équilibre entre le nécessaire soutien à la consommation et à l'initiative, via des baisses de prélèvements, et l'engagement d'un effort structurel d'assainissement des finances publiques, via la maîtrise résolue de la dépense.

Il convient d'ajouter que l'initiative de cette proposition de résolution est malvenue. Elle affaiblirait nos positions dans la discussion européenne, pour des motifs partisans de politique intérieure. Elle ignore les prérogatives constitutionnelles du Parlement qui s'apprête à adopter le budget de la France, et est en contradiction avec l'esprit comme la lettre de la Constitution de la Vème République en interpellant le Gouvernement pour le sommer de renoncer à mener la politique économique et sociale qui découle pourtant du mandat que la majorité a reçu des Français au printemps 2002.

Enfin, l'aggravation du déficit budgétaire résulte directement de la politique menée par le précédent Gouvernement. Le rapport d'avril 2003 de la Commission soulignait ainsi que le dépassement du seuil de 3% est étroitement lié « au coup d'arrêt donné au processus d'assainissement budgétaire en 1999, ce qui a laissé les finances publiques françaises dans une position très vulnérable ». Entre 1997 et 2002, le déficit public français a augmenté de 0,1 point de PIB tandis qu'il se réduisait de 0,4 point de PIB dans la zone euro et de 0,6 point de PIB dans l'Union européenne des Quinze. Plus grave, la bonne tenue de la conjoncture économique a masqué une dérive de 1,2 point de PIB du solde structurel, contre une stabilité dans la zone euro. La France est passée sur la période de la troisième place européenne en matière de dette publique en 1996 (57,1% du PIB) à la dixième en 2002 (59,1% du PIB). Notre pays n'a clairement pas su tirer profit des fruits de la croissance.

Ce constat doit être mis en regard de l'ampleur de l'effort structurel d'assainissement des finances publiques entrepris par la nouvelle majorité. En 2003, le solde structurel des administrations publiques s'est amélioré de 0,1 point de PIB et il progressera de 0,7 point en 2004, soit un progrès sans précédent depuis 1996.

En conclusion, le Rapporteur général a proposé le rejet de la proposition de résolution.

M. Daniel Garrigue a approuvé l'argumentation du Rapporteur général. Le Gouvernement français est engagé dans une discussion difficile avec la Commission européenne et les États membres, qu'il serait malvenu de troubler par une intervention intempestive du Parlement. De plus, la Commission européenne prend désormais en compte deux éléments qui échappent à la logique purement comptable des critères numériques associés au pacte de stabilité et de croissance :

- l'attention doit se porter de préférence sur l'évolution du déficit structurel : celui-ci s'est creusé entre 1997 et 2002 mais le Gouvernement actuel a engagé un effort de réduction très sensible ;

- le respect du pacte de stabilité et de croissance ne peut faire abstraction du contexte économique : l'expérience du Portugal, qui s'est enfoncé dans la récession pour avoir voulu trop vite réduire son déficit en deçà du plafond de 3% du PIB, montre qu'un effort excessif peut avoir des conséquences néfastes.

La Délégation pour l'Union européenne a adopté, ce matin même, des conclusions venant en réponse à la proposition de recommandation pour une décision du Conseil, présentée le 21 octobre dernier par la Commission européenne. Il importe d'en donner lecture : « La Délégation pour l'Union européenne :

« 1° Considère que l'encadrement européen des politiques budgétaires nationales est nécessaire, dans la mesure où il s'agit d'éviter qu'une politique nationale fasse courir un risque à la stabilité financière de l'ensemble de la zone euro.

« 2° Estime que les règles de discipline budgétaire ne doivent pas, pour autant, constituer un frein à la croissance en Europe, alors que les indicateurs économiques en provenance des Etats-Unis sont encourageants.

« 3° Affirme que, sans remettre en cause l'Union économique et monétaire, plus que jamais indispensable, ni la nécessité d'une discipline commune, l'Union européenne doit redéfinir la discipline budgétaire, en clarifiant les règles et en les adaptant aux problèmes économiques auxquels doivent pouvoir répondre les politiques budgétaires en Europe.

« 4° Propose que la refondation de la coordination budgétaire en Europe prenne en compte la notion de cycle économique, favorise la surveillance des soldes structurels plutôt que des soldes nominaux, et diversifie les éléments d'appréciation des politiques budgétaires nationales.

« 5° Soutient les importantes réformes structurelles mises en œuvre et engagées par le gouvernement français et son effort de programmation pluriannuelle de réduction des déficits.

« 6° Souhaite que le dialogue se poursuive entre la France et la Commission européenne afin de trouver les solutions les plus appropriées compte tenu de l'évolution de la conjoncture économique. »

M. Michel Bouvard, Président, a estimé que la Commission des finances devrait se réjouir de la profondeur du dialogue qui s'est établi entre la France, la Commission européenne et le Conseil Ecofin. Elle a d'ailleurs souvent regretté la rigidité des objectifs fixés, dans les traités, à la Banque centrale européenne, qui a pour seule mission la lutte contre l'inflation et non le soutien à la croissance. Alors que le Parlement a manifesté le souhait, à plusieurs reprises, de voir la Banque centrale européenne montrer une attitude plus souple, il serait paradoxal de prôner aujourd'hui une rigueur budgétaire extrême et inadaptée aux contraintes économiques du moment.

M. Didier Migaud a affirmé que chacun peut avoir sa propre opinion sur les critères de Maastricht, mais que la France, qui a approuvé et signé le traité et les actes constituant le pacte de stabilité, ne peut s'en écarter. La Banque centrale européenne est désormais présidée par une personnalité nommée sur proposition de la France, dont on connaît la rigidité sur un certain nombre de sujets, notamment la discipline budgétaire. De ce fait, le Gouvernement français ne pourra peut-être pas convaincre la Banque centrale européenne de la réalité de son engagement à réduire les déficits, alors même qu'il semble avoir convaincu une minorité d'Etats membres. Il en résultera peut-être des paradoxes, voire des incohérences dans la coordination européenne des politiques économiques.

La démarche consistant à soumettre au vote de la Commission des finances la présente proposition de résolution a été qualifiée par le Rapporteur général de « partisane ». Sa réponse a été inspirée par un esprit bien plus « partisan » et la lecture qu'il a faite du rapport établi par la Commission européenne en avril 2003 a été pour le moins sélective. Celle-ci, par exemple, y délivre un jugement sévère sur la politique économique conduite depuis l'arrivée au pouvoir de l'actuelle majorité.

M. Michel Bouvard, Président, a souligné que chacun peut lire l'intégralité du rapport de la Commission européenne afin de se forger sa propre opinion.

M. Didier Migaud a relevé l'intérêt de la démarche adoptée par la Délégation pour l'Union européenne, qui joue son rôle en réagissant aux initiatives de la Commission européenne et en adaptant des conclusions motivées. La Commission des finances ne le fait pas. Cela est fort regrettable. Elle refuse le débat et se réfugie dans la démission et la soumission. Son inaction démontre que la majorité actuelle a peur du débat.

La Commission a rejeté la proposition de résolution.

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Information relative à la Commission

La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a nommé M.  Gilles Carrez rapporteur sur la proposition de résolution (n° 1168) de M.  Didier Migaud, sur la recommandation de la Commission pour une décision du Conseil mettant la France en demeure, conformément à l'article 104, paragraphe 9, de prendre des mesures visant à la réduction du déficit jugée nécessaire pour remédier à la situation de déficit excessif (E-2416).

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