COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 47

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 14 avril 2004
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président,

puis de M. Michel Bouvard, Vice-Président

SOMMAIRE

 

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- Examen pour avis du projet de loi organique (n° 1155) pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales (M. Gilles Carrez, Rapporteur général)

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En préalable, M. Augustin Bonrepaux a réitéré la demande du groupe socialiste de voir créée une mission d'information sur les contrats de plan Etat-régions. Le temps passe et il est de plus en plus difficile d'y voir clair. L'inquiétude grandit pour les investissements dans les grandes infrastructures et pour les moyens du développement local. En effet, les crédits européens diminuent et il n'existe plus de crédits d'investissement de l'Etat. La création de cette mission d'information est donc urgente.

Le Président Pierre Méhaignerie a rappelé qu'il avait demandé à M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur spécial pour les crédits de l'aménagement du territoire, un rapport sur cette question. Il n'existe aucun problème de transparence dans ce domaine. Suite aux conclusions de ce rapport, une mission d'information pourrait, le cas échéant, être créée.

M. Augustin Bonrepaux a souhaité un aboutissement rapide de ce préalable. La plupart des projets, tant dans les départements que dans les régions, sont totalement bloqués, par exemple, en matière de construction de logements. Comment s'étonner que finissent par se faire jour une interrogation sur l'existence d'une volonté de paralyser le pays, en particulier les zones rurales, et le sentiment grandissant qu'existe une même volonté de cacher les faits ? En outre, la date d'examen en séance publique du projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales n'est pas connue. La loi sur l'emploi devra traiter de la réforme de la taxe professionnelle. Or la réforme de la taxe professionnelle doit respecter la Constitution dont la loi organique doit clarifier l'application. A quelle date sera examiné le projet de loi organique ?

M. Philippe Auberger a souligné :

- que le Gouvernement s'est engagé à mettre en place 4 milliards d'euros de prêts pour financer les grandes infrastructures, dont 500 millions d'euros pour les transports publics urbains et 3,5 milliards d'euros au titre des grands projets. Les financements sont en place et plusieurs communautés urbaines ont déjà présenté leur candidature. Il reste que les participations demandées aux régions ne peuvent être financées par emprunt. Des discussions sont en cours sur ce sujet ;

- la prochaine mise en place de l'établissement public devant utiliser le produit des dividendes des sociétés d'autoroute pour financer un certain nombre d'opérations. La Caisse des dépôts et des consignations doit en assurer le secrétariat général. Cet établissement public devrait reprendre les activités de la Caisse nationale des autoroutes et des Autoroutes de France pour laisser place à un seul établissement au lieu de trois.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a rappelé que le projet de loi sur l'emploi ne concernera pas la réforme de la taxe professionnelle, le groupe de travail présidé par M. Olivier Fouquet devant rendre ses premières conclusions à la fin du mois de juin. Il est envisagé d'inscrire la réforme de la taxe professionnelle dans le projet de loi de finances pour 2005. En revanche, l'exonération des investissements intervenus en 2004 et au premier trimestre 2005 sera, elle, traitée dans la loi sur l'emploi. Les exonérations prendront la forme de dégrèvements, protecteurs des collectivités locales aussi bien au regard de l'évolution de l'assiette que de celle des taux.

M. Didier Migaud a souhaité savoir quand la Commission serait informée du dispositif de régulation budgétaire actuellement préparé par le Gouvernement et s'il a été fait part au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ainsi qu'au secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire du souhait de la Commission de les auditionner sur leurs grandes orientations de politique budgétaire et fiscale.

Le Président Pierre Méhaignerie a indiqué qu'un compte-rendu sur les gels des crédits budgétaires serait disponible dans les prochains jours. Par ailleurs, il a fait part aux ministres du souhait de la Commission de procéder à leur audition au début du mois de mai.

Interrogé par M. Alain Rodet sur la question de la réalisation du stock d'or de la France, le Rapporteur général a renvoyé aux précisions apportées par le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie : il ne s'agit pas d'une vente de stock d'or pour apporter son produit au budget de l'Etat mais du remplacement d'une partie de l'or par des actifs qui vont continuer à gager la circulation monétaire mais vont, contrairement à l'or, produire des revenus.

M. Charles de Courson a estimé qu'il convient d'être prudent sur cette question et sur les estimations rendues publiques. Il s'agit d'une question complexe au regard du point de savoir à qui appartient l'or de la Banque de France, du traitement au titre de l'impôt sur les sociétés d'une plus-value de cession, et des effets des cessions elles-mêmes sur le prix de marché à retenir pour calculer cette plus-value.

Le Rapporteur général a ensuite indiqué que, dans le cadre du travail sur la loi organique relative aux lois de finances, des inquiétudes sont apparues sur le projet ACCORD 2. Il serait nécessaire de demander l'expertise de la Cour des comptes sur cette question. Le Président Pierre Méhaignerie a fait part de son accord.

M. Augustin Bonrepaux a souligné n'avoir toujours pas obtenu de réponse sur la date de discussion en séance publique du projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales.

Le Rapporteur général a répondu que cette date devrait être annoncée lors de la prochaine conférence des Présidents.

*

* *

La Commission des finances, de l'économie générale et du plan, saisie pour avis, a examiné, sur le rapport de M. Gilles Carrez, Rapporteur général, le projet de loi organique pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales (n° 1155).

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a souligné que la question des modalités de l'autonomie financière des collectivités territoriales ne s'était en réalité posée que depuis les lois Defferre constituant l'acte I de la décentralisation. En effet, jusqu'à la loi n° 80-10 du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale, les collectivités locales n'avaient compétence que pour voter un produit qui était ensuite réparti sur des bases imposables. Jusqu'à cette date, les débats sur l'équivalence entre les dépenses et les ressources au titre des compétences transférées étaient quasiment inexistants. Il faut souligner que le principe de cette équivalence a été consacré par les lois Defferre et a d'ailleurs conduit à la création de la Commission d'évaluation des charges. Par contre, il est rétrospectivement curieux de constater qu'au cours des débats relatifs à ces lois, deux questions qui paraissent aujourd'hui essentielles n'ont pas été posées par les différents acteurs de l'époque : la question de la nature de la ressource - doit-il s'agir d'impôts ou de dotations de l'Etat ? - et la question de l'adéquation entre l'évolution des recettes et celle des dépenses.

Dès ce moment et au cours des années qui ont suivi, nombreux furent ceux qui réclamèrent la transformation et la rénovation de la fiscalité locale jugée à la fois archaïque, injuste ou encore anti-économique. D'ailleurs, la première loi de finances rectificative pour 1982 (n° 82-540 du 28 juin 1982) a prévu des allégements de taxe professionnelle, compensés pour les collectivités territoriales par des dotations dont les montants étaient fixés une fois pour toutes en francs courants.

Ce sont cependant les réformes intervenues à compter de l'année 1998 qui ont marqué une accélération de ce mouvement. A compter de cette date et en quelques années, ont été supprimées une partie des droits de mutation à titre onéreux, la part salariale de la taxe professionnelle, la part régionale de la taxe d'habitation et une partie de la vignette. Ce sont au total quinze milliards d'euros de recettes fiscales qui ont été ainsi retirés aux collectivités locales. Celles-ci ont reçu des compensations basées sur le montant du produit fiscal supprimé, faisant ensuite l'objet d'une indexation annuelle, et conduisant donc à créer une dotation d'Etat. L'inquiétude des élus locaux est allée croissant. Des représentants de l'actuelle majorité, alors dans l'opposition, ont d'ailleurs quitté les travaux de la Commission Mauroy en septembre 2000, jugeant que cette dernière devait, en tout état de cause, poser le principe selon lequel la véritable compensation d'un allégement fiscal ne peut uniquement résulter de dotations d'Etat.

Le 26 octobre 2000, le Sénat, à l'initiative du Président Christian Poncelet, a adopté une proposition de loi constitutionnelle relative, notamment, à la libre administration des collectivités territoriales, proposition qui ne fut pas inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

La majorité parlementaire issue des élections législatives de 2002 prit, elle, l'engagement d'un véritable « nouveau cours » protecteur des finances des collectivités territoriales. Ce fut l'objet de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République. Cette réforme a permis, entre autres, de consacrer trois grands principes :

- chaque compétence transférée aux collectivités territoriales donne lieu à l'attribution d'une ressource équivalente aux dépenses exposées par l'Etat, s'agissant de l'exercice de cette compétence. Le principe issu des lois Defferre a désormais valeur constitutionnelle ;

- les ressources propres des collectivités locales doivent constituer une part déterminante dans l'ensemble de leurs ressources. Il s'agit du principe d'autonomie financière de ces collectivités territoriales ;

- il revient à la loi de prévoir les modalités de la péréquation qui doit favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales.

Le Rapporteur général a souligné que le projet de loi organique dont la Commission s'est saisie pour avis, a un objet circonscrit : préciser les modalités suivant lesquelles se mesure l'autonomie financière des collectivités territoriales. En conséquence, le présent projet de loi organique ne concerne pas la péréquation, qui fera l'objet de dispositions législatives ultérieures, à la suite, en particulier, des recommandations du groupe de travail présidé par M. Jean-Pierre Fourcade.

Il faut noter que dans sa décision n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003, le Conseil constitutionnel a indiqué quels doivent être les éléments prévus par le troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution précisés dans la loi organique. En conséquence, le présent projet de loi organique propose de définir :

- les ressources propres des collectivités territoriales, objet de l'article 2 du présent projet de loi organique ;

- « l'ensemble de leurs ressources », objet de son article 3 ;

- le plancher au-dessus duquel doit être maintenu le rapport entre ces ressources propres et l'ensemble de ces ressources, défini lui aussi à cet article 3 ;

- les catégories de collectivités territoriales pour lesquelles la règle de l'autonomie financière doit être constatée, objet de son article 4.

M. Augustin Bonrepaux, après s'être réjouit que la notion d'autonomie financière des collectivités territoriales ait désormais valeur constitutionnelle, a exprimé ses craintes quant aux modalités concrètes d'application de cette réforme. De nombreuses associations d'élus locaux représentant aussi bien les grandes villes, les villes moyennes ou petites que les autres collectivités territoriales, considèrent comme une ressource propre la seule ressource dont l'assemblée délibérante de la collectivité peut faire varier l'assiette et/ou le taux. Les modalités de transfert du RMI aux départements et, notamment, les modalités de la compensation financière, posent problème à cet égard. Les collectivités territoriales ne peuvent se contenter de recevoir le produit d'impôts de l'Etat dont elles ne maîtrisent rien. Une telle compensation doit être assimilée à une pure et simple dotation de l'Etat, puisque les montants concernés n'ont pas vocation à évoluer en fonction des besoins et au fil du temps. Par ailleurs, une dotation telle que la dotation globale de fonctionnement (DGF) est bien préférable, pour un élu local, au transfert de la TIPP, dont le montant n'évolue même pas en fonction de modalités précisées par la loi. Il convient de pousser à son terme la logique de garantie de l'autonomie financière des collectivités territoriales, ce que le Gouvernement actuel ne semble pas vouloir faire.

M. Michel Bouvard a estimé qu'un département préfèrerait disposer du produit des droits de mutation à titre onéreux, même si, de fait, le conseil général n'en fixe pas le taux, plutôt que du produit de la DGF.

Article premier : Définition de la notion de catégorie de collectivités territoriales :

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Augustin Bonrepaux, visant à constituer les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en catégorie de collectivités territoriales à part entière, pour laquelle serait garantie l'autonomie financière des collectivités territoriales au sens du troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution. Le projet de loi organique propose en effet que les ressources perçues par les EPCI soient intégrées dans le calcul de l'autonomie financière des communes, sans donc en faire une catégorie de collectivités territoriales. L'amendement a précisément pour objet de ne pas prendre en compte ces recettes, au titre des ressources propres des communes. Le projet de loi organique ne peut en effet ignorer la catégorie des EPCI qui connaît un développement sans précédent et qui représente aujourd'hui un niveau essentiel de l'action territoriale et du maillage administratif de la France.

Le Rapporteur général a exprimé un avis défavorable. En premier lieu, l'amendement est inconstitutionnel dans la mesure où l'article 72 de la Constitution ne prévoit pas que les EPCI soient des collectivités territoriales de la République. En deuxième lieu, les EPCI ne sont que le prolongement des communes. Par conséquent, l'essentiel est d'adopter une approche consolidée qui permet d'appréhender à la fois les communes et leur prolongement que sont les EPCI. Les modalités techniques correspondantes sont prévues aux articles 2 et 3 du présent projet de loi organique.

M. Charles de Courson, tout en approuvant l'argumentation du Rapporteur général, s'est interrogé sur le traitement, par le projet de loi organique, des ressources perçues par les syndicats mixtes composés de collectivités territoriales relevant de catégories différentes au sens de ce projet de loi organique.

Le Rapporteur général a indiqué que, par souci de clarté et de simplicité, il est prévu d'exclure les ressources de ces établissements du dispositif proposé par le projet de loi organique. L'amendement sera néanmoins l'occasion, pour le Gouvernement, de préciser ce point lors des débats en séance publique.

Suivant l'avis défavorable du Rapporteur général, la Commission a rejeté l'amendement et a émis un avis favorable à l'adoption de l'article premier sans modification.

Article 2 : Définition de la notion de « ressources propres » :

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Augustin Bonrepaux, tendant à ne considérer comme des ressources propres des collectivités territoriales, que le produit des impositions de toutes natures dont ces collectivités territoriales, à tout le moins, votent le taux ou déterminent l'assiette.

La compensation financière du transfert des compétences prévu par la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité, compensation mise en œuvre par l'article 59 de la loi de finances pour 2004 (n° 2003-1311 du 30 décembre 2003), a conduit, en contradiction avec les intentions affichées par le Gouvernement lors du vote de la réforme constitutionnelle, non pas à transférer une imposition dont les collectivités pourraient voter le taux ou déterminer le tarif, mais à attribuer une part du produit d'une imposition d'Etat. Privées de la possibilité de voter le taux de ces recettes, les collectivités ne bénéficient en réalité d'aucune marge de responsabilités nouvelle. A contrario, elles risquent de souffrir de l'attribution d'une part fixe d'une imposition dont l'évolution ne sera pas garantie (comme c'est le cas de la plupart des dotations) mais fonction, par exemple, d'un cycle économique, ce qui est manifestement contraire à leur autonomie financière.

Le Rapporteur général a vu dans cet amendement le cœur du désaccord avec les choix essentiels faits dans le projet de loi organique. Il a tout d'abord souligné que cet amendement soulève des problèmes de compatibilité avec certaines dispositions constitutionnelles. L'article 34 de la Constitution dispose, consacrant l'un des fondements de la démocratie, que la loi votée par le Parlement, détermine les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures. Son article 72-2 prévoit que les collectivités territoriales peuvent recevoir tout ou partie des impositions de toutes natures et que la loi « peut » autoriser ces mêmes collectivités locales à en déterminer les taux et l'assiette, dans les limites fixées par la loi. Cette dernière possibilité n'est donc en aucun cas une obligation. En conséquence, la Constitution n'interdit pas que les collectivités territoriales perçoivent le produit d'impositions de toutes natures dont elles ne fixent cependant ni le taux, ni l'assiette. Compte tenu du fait que les recettes fiscales constituent, de par la Constitution même, une catégorie de ressources propres des collectivités territoriales et que coïncident la notion de recettes fiscales et la notion de produit des impositions de toutes natures, il faut en déduire que le législateur organique est invité, à tout le moins, à considérer comme une ressource propre le produit d'une imposition de toutes natures, même si la collectivité territoriale qui en bénéficie n'a décidé ni de son taux, ni de son assiette.

Par ailleurs, s'agissant des modalités de compensation du transfert du RMI aux départements, le Conseil constitutionnel a précisé que les « ressources » perçues par les départements devront s'établir à un niveau supérieur ou égal au montant des « ressources » qui leur ont été attribuées en 2004. Le Conseil constitutionnel, évoquant à cette occasion les « recettes départementales » provenant de la TIPP, expression pour laquelle on perçoit d'ailleurs nettement l'identification aux recettes fiscales évoquées au troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, s'est nécessairement situé dans une logique fiscale liée aux hypothèses d'évolution de l'assiette de cette imposition de toutes natures. Il n'aurait pu, en conséquence, aboutir à une règle analogue s'agissant d'une dotation.

Enfin, il ne faut pas perdre de vue le saut qualitatif que constitue le transfert d'un impôt d'Etat aux collectivités territoriales et ce, même sans la faculté pour celles-ci d'en déterminer le taux et l'assiette. Cela crée un lien objectif et perceptible entre le contribuable qui acquitte l'impôt concerné et la collectivité qui en bénéficie. De cette perception naît une exigence supérieure de contrôle, à même de renforcer l'intérêt du citoyen pour les enjeux locaux. A cet égard, une imposition de toute nature, quelles qu'en soient les modalités de fixation du taux et de l'assiette pour les collectivités territoriales bénéficiaires, constitue une de leur ressource propre.

M. Charles de Courson a rappelé qu'en droit français la notion de fiscalité locale n'existe pas. Seul le Parlement peut déléguer le pouvoir qui lui est exclusif de constater la nécessité des contributions publiques et de les définir, cette délégation devant être explicite, annuelle, et bornée par des limites claires. Dans le silence des textes, le Conseil constitutionnel a cependant développé une jurisprudence complexe, imposant notamment, à partir du concept constitutionnel de « libre administration » des collectivités locales, que les ressources fiscales des collectivités ne puissent descendre en deçà d'un seuil par ailleurs non défini. Ainsi, le problème essentiel du législateur est de donner un contenu réel à ce principe empirique qu'était jusqu'alors l'autonomie financière des collectivités locales, de même que de définir le niveau de la part « déterminante » que leurs « ressources propres » doivent atteindre en application de la révision constitutionnelle de 2003. Le troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution énumère les « recettes fiscales » et les « autres ressources propres », suggérant, s'agissant de l'autonomie financière des collectivités territoriales, une différence de nature entre les produits d'impositions selon que ces collectivités n'en fixent ni le taux, ni l'assiette ou bien possèdent un pouvoir de fixation de ce taux ou de cette assiette.

Le Rapporteur général a estimé qu'au-delà du glissement sémantique existant entre le deuxième et le troisième alinéas de l'article 72-2 de la Constitution conduisant des impositions de toutes natures aux recettes fiscales, il n'en demeure pas moins que ces deux éléments coïncident.

M. Charles de Courson a indiqué qu'un unique concept est aujourd'hui constitutionnellement défini, celui des impositions de toutes natures. Il est patent que ce concept ne figure pas au troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution. En conséquence, il revient au législateur organique de définir le concept qui figure à cet alinéa, c'est-à-dire les recettes fiscales. Ce travail de définition consiste à déterminer à quelles conditions le produit d'une imposition de toutes natures constitue une recette fiscale des collectivités territoriales au sens de cet alinéa.

A cet égard, il convient de s'accorder sur une définition simple. L'autonomie financière des collectivités territoriales signifie qu'il existe une recette fiscale dès lors que les organes délibérants des collectivités territoriales ont le pouvoir d'en fixer soit le taux, soit l'assiette. Il faut préciser que le Conseil constitutionnel a indiqué que ce pouvoir doit être encadré par le législateur. En tout état de cause, la Commission ne doit pas laisser passer l'occasion de définir les recettes fiscales auxquelles, par ailleurs, appartiennent les vrais dégrèvements et dont sont exclues les compensations.

M. Augustin Bonrepaux a ajouté qu'il s'agit de garantir réellement l'autonomie financière des collectivités territoriales. Celle-ci n'est effectivement pas garantie par les dotations d'Etat et par le transfert de produits d'impositions dont les collectivités territoriales bénéficiaires ne fixent ni le taux, ni l'assiette. Toutes les associations d'élus locaux rendent publics des avis aux termes desquels elles expliquent qu'elles ne souhaitent en aucune façon un tel transfert. En l'espèce, la majorité a fait des promesses mais elle ne garantit finalement aucunement l'autonomie des collectivités territoriales.

M. Charles de Courson a estimé que si la thèse du Rapporteur général était exacte, alors il était possible d'imaginer garantir l'autonomie financière des collectivités territoriales au sens du troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, uniquement par l'attribution à ces collectivités territoriales de produits fiscaux dont les montants relèveraient de décisions totalement étrangères auxdites collectivités territoriales. Cette thèse n'est pas défendable.

Le Rapporteur général a précisé que lorsqu'il était dans l'opposition, il s'était battu contre la substitution à des produits d'impositions de toutes natures, de dotations d'Etat indexées. Il est heureux de constater que les représentants de la majorité de l'époque considèrent désormais que ces dotations ne contribuent pas à garantir l'autonomie financière des collectivités territoriales. Par ailleurs, malgré toutes les explications avancées par M. Charles de Courson, il est patent que les notions de produit des impositions de toutes natures et de recettes fiscales coïncident. S'agissant de la question des dégrèvements et des compensations, il est nécessaire d'apporter les précisions suivantes :

- la technique des dégrèvements d'impôts, qui sera mise en œuvre s'agissant de la compensation versée aux collectivités territoriales au titre de l'exonération de taxe professionnelle applicable aux investissements réalisés en 2004 et au cours du premier semestre de 2005, ne modifie en rien le produit perçu par les collectivités territoriales concernées au titre de l'impôt en cause. En conséquence, le produit d'une imposition de toutes natures pour lequel l'allégement de la charge du contribuable se fait par la technique du dégrèvement constitue une ressource propre des collectivités territoriales bénéficiaires ;

- la technique qui consiste à compenser un allégement fiscal par le versement d'une dotation indexée sur des éléments étrangers à l'évolution des éléments constitutifs de cet impôt ne garantit pas aux collectivités locales l'intégralité de ce qu'aurait été le produit fiscal si l'allégement n'avait pas été mis en œuvre. En conséquence, ce versement ne constitue pas le produit d'une imposition de toutes natures et n'est donc pas une ressource propre des collectivités territoriales ;

- il existe, il est vrai, des dégrèvements plafonnés, parmi lesquels on peut notamment citer le dispositif de compensation du plafonnement de la taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée. Mais dès lors que la différence entre le dégrèvement s'il était intégral et le dégrèvement plafonné est « à la charge » du contribuable, la collectivité territoriale bénéficiaire de l'imposition correspondante dispose bien de l'intégralité du produit fiscal. Dans ce cas, on demeure donc dans le champ des ressources propres des collectivités territoriales.

M. Charles de Courson, s'appuyant sur le rapport de M. Joël Bourdin sur les finances des collectivités locales en 2003 au titre de l'Observatoire des finances locales, a relevé que la classification de certains dispositifs dans les catégories respectives des dégrèvements et des compensations ou dotations, constitue un facteur d'incertitudes quant au fait de considérer si les versements correspondant à ces dispositifs relèvent ou non des ressources propres des collectivités territoriales au sens du troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution. Les dispositifs d'exonération attachés aux zones de revitalisation rurale (ZRR), zones de revitalisation urbaines (ZRU) et zones franches urbaines (ZFU) constituent de vrais dégrèvements mais sont appelés compensations. Des difficultés analogues apparaissent s'agissant de certains allégements fiscaux spécifiques à la Corse, de l'ancienne réduction pour embauche et investissement, ou encore du dispositif de compensation de l'abattement de 16% de la base imposable de la taxe professionnelle.

Le Rapporteur général a précisé qu'au-delà des subtilités sémantiques et des appellations attribuées à tel ou tel dispositif, le fait de savoir si un dispositif constitue une ressource propre des collectivités territoriales est uniquement déterminé par les modalités propres à ce dispositif.

Il a précisé par ailleurs que le volet financier de l'acte II de la décentralisation sera au moins en partie à l'avenir mis en œuvre par le partage d'impôts d'Etat, plus modernes que les actuels impôts locaux, qu'il est par ailleurs nécessaire de réformer. Ce point n'a peut-être pas fait l'objet d'un débat assez approfondi lors de l'examen du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République. Mais, chez nos voisins européens, la fiscalité locale a repris souffle grâce à de telles réformes. En outre, le partage d'un impôt d'Etat ne signifie pas nécessairement que les collectivités locales n'en fixent ni le taux, ni l'assiette.

M. Charles de Courson a estimé que la loi organique s'applique uniquement au troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution et qu'il appartient aux députés de définir cette notion de recettes fiscales. En ce qui concerne le partage des impôts d'Etat, en Allemagne, c'est une conférence dans laquelle sont représentés les Länders et l'Etat fédéral qui prévoit le partage des impôts. Telle n'est pas notre organisation constitutionnelle. Il est évident que les services du ministère de l'économie et des finances souhaitent, par le présent projet de loi organique, supprimer l'autonomie financière des collectivités territoriales. Il est particulièrement décevant de constater que la propagande émanant de ces services soit parvenue à contaminer la réflexion du Rapporteur général, qui fut pourtant un vrai décentralisateur.

Il a ensuite considéré que l'adoption du projet de loi organique allait en réalité achever le mouvement de destruction de l'autonomie financière des collectivités territoriales. En tout état de cause, l'opposition qui n'a eu de cesse de réduire les marges de manœuvre financières des collectivités locales a aujourd'hui beau jeu de critiquer ce texte.

M. Jean-Yves Chamard a considéré que la rédaction du troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution mériterait d'être améliorée. Il suffirait de faire référence à la seule notion de « ressources propres » des collectivités territoriales et non pas d'évoquer les recettes fiscales comme l'un des « sous-ensembles » de ces ressources propres. Si une telle rédaction était adoptée, serait ainsi levée la difficulté sémantique qui permet de contester le fait que la perception par les collectivités territoriales d'une partie d'un impôt d'Etat, pour lequel elles ne fixent ni le taux ni l'assiette, peut être considérée comme une ressource propre de ces collectivités territoriales.

S'agissant de la part de TIPP dont bénéficient désormais les départements, pourrait être creusée l'idée que l'ensemble des départements puisse fixer collectivement le taux applicable à cette part de la TIPP, comme chaque région aura en principe le droit de le faire prochainement. Il apparaît en effet opportun que l'ensemble des départements ait une maîtrise même partielle en la matière.

M. Augustin Bonrepaux a considéré que la réforme constitutionnelle adoptée en 2003 implique de fait un amoindrissement de l'autonomie financière des collectivités territoriales. Aucun élu local ne peut se satisfaire d'une compensation sous forme d'impôts à propos desquels il ne peut ni faire varier le taux ni modifier l'assiette. Dans près de la moitié des départements, il apparaît plus favorable aux collectivités territoriales de disposer de recettes telles que la compensation versée par l'Etat au titre de la suppression de la vignette, qui évolue comme la DGF. En tout état de cause, il semble que les députés du groupe UMP n'ont pas réellement compris les enjeux de la réforme constitutionnelle déjà votée. Ce projet de loi organique vient consolider cette réforme qui aura, contrairement aux discours convenus de la majorité, un effet désastreux en matière d'autonomie financière.

M. Charles de Courson a estimé que la réduction de l'autonomie financière des collectivités territoriales a déjà commencé du temps où l'actuelle opposition était au pouvoir. En quatre ans, le taux d'autonomie s'est ainsi dégradé de 12,60 points. Il est curieux que l'opposition semble aujourd'hui se préoccuper de cette autonomie.

Le Rapporteur général a considéré que l'intéressante suggestion faite par M. Jean-Yves Chamard d'une fixation partielle d'un taux de TIPP par l'ensemble des départements, s'agissant de la part qui leur revient au titre du transfert du RMI, devrait être explorée plus avant. Il a par ailleurs rappelé que la réforme constitutionnelle adoptée l'année passée ne signifie nullement que la ressource propre de nature fiscale d'une collectivité territoriale doit s'entendre comme une ressource dont il est possible de faire varier l'assiette ou le taux.

M. Augustin Bonrepaux a estimé opportun que les départements puissent faire varier les taux de la TIPP chaque année en fonction de l'évolution des coûts de gestion du RMI. Cette adaptation de la recette à la dépense se ferait certes avec une année de retard mais elle permettrait qu'une véritable compensation financière soit garantie aux collectivités territoriales. Dans le système actuel, la façon dont la compensation du transfert de compétences en matière de RMI a été mise en œuvre n'assure pas l'autonomie souhaitée.

Le Président Pierre Méhaignerie a jugé le mécanisme proposé par M. Augustin Bonrepaux lourd et bureaucratique. En réalité, l'évolution des dépenses a été maîtrisée par les départements dans le passé jusqu'à ce que soient mises en place des mesures telles que l'allocation prestation autonomie (APA) ou l'aménagement et la réduction du temps de travail dans la fonction publique. Ces deux dispositifs sont à eux seuls assez largement la cause des hausses récentes de la fiscalité locale.

De nombreux membres de l'opposition, et notamment ceux qui ont récemment été élus à la tête des conseils régionaux, annoncent depuis quelques jours la mise en place prochaine de politiques, comme la gratuité des livres scolaires dans les lycées ou encore la mise à disposition d'ordinateurs portables pour chaque lycéen, dont chacun sait qu'elles feront exploser les dépenses de fonctionnement des régions. Les élus concernés auront ensuite beau jeu d'imputer les hausses d'impôts locaux à l'Etat et au Gouvernement qui n'auraient pas compensé de façon sincère et suffisante le coût des compétences transférées. En réalité, s'agissant des hausses d'impôts locaux constatées hier ou qui seront constatées demain, ce qui sera à incriminer, c'est bien la mise en œuvre de mesures extrêmement coûteuses et inconsidérées, par les responsables de l'actuelle opposition, hier au niveau national et demain au niveau régional.

Suivant l'avis défavorable du Rapporteur général, la Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a examiné un amendement de précision rédactionnelle présenté par le Rapporteur général, précisant que les impositions de toutes natures visées à l'article 2 du projet de loi organique comme constituant des ressources propres des collectivités territoriales, sont celles reçues en application du deuxième alinéa l'article 72-2 de la Constitution.

Après avoir rejeté un sous-amendement présenté par M. Charles de Courson, limitant la qualité de ressources propres des collectivités territoriales aux seules impositions de toutes natures pour lesquelles la loi autorise la détermination de l'assiette et/ou du taux par ces collectivités territoriales, la Commission a adopté l'amendement.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Augustin Bonrepaux, précisant que les dégrèvements d'impôt et les dotations d'Etat ne constituent pas des ressources propres des collectivités territoriales au sens du troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution.

Le Rapporteur général a observé que cet amendement est en contradiction avec la distinction dépourvue d'ambiguïté du traitement des dotations et des dégrèvements, résultant nécessairement des dispositions du projet de loi organique. Ainsi qu'il a déjà été précisé, les dotations d'Etat, quelles que soient les modalités d'évolution de leur montant, ne sont en aucune manière des ressources propres au sens du troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution. Le projet de loi organique est sans ambiguïté à ce sujet, son article 2 ne faisant aucunement figurer ces dotations d'Etat dans l'énumération des catégories de ressources propres.

Pour leur part, les dégrèvements sont, par nature, des ressources propres, puisque la technique fiscale du dégrèvement consiste précisément, vue des collectivités territoriales, à substituer euro pour euro l'Etat au contribuable pour le paiement d'une imposition ou d'une partie d'imposition donnée. Dès lors, le produit perçu par la collectivité territoriale bénéficiaire de cette imposition n'est pas modifié par l'application d'un dégrèvement.

Après que M. Augustin Bonrepaux eut regretté que la clarté apparente du raisonnement du Rapporteur général soit en totale contradiction avec l'expérience quotidienne des élus locaux, comme, d'ailleurs, avec les propos des ministres qui, à cet égard, semblent souvent se contredire entre eux, M. Michel Bouvard a rappelé que la différence de nature existant entre dotation et dégrèvement a fait l'objet de débats passionnés à l'occasion des travaux relatifs à l'application de la loi organique relative aux lois de finances à l'issue desquels la spécificité des dégrèvements, qui substituent l'Etat au contribuable sans modifier la dynamique propre de l'impôt, a été nettement reconnue.

La Commission a ensuite rejeté l'amendement.

La Commission a examiné deux amendements présentés par M. Charles de Courson, tendant à ce que seules les impositions de toutes natures dont les collectivités votent le taux ou déterminent le tarif constituent des ressources propres au sens du troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution.

Le Rapporteur général a exprimé un avis défavorable, rappelant que cette question, certes essentielle, vient de faire l'objet d'un examen minutieux de la Commission.

Répondant à une question de M. Jean-Yves Chamard sur le contenu concret des ressources autres que les ressources propres, le Rapporteur général a indiqué qu'il s'agit de toutes celles qui ne sont pas énumérées au premier alinéa de l'article 2 du projet de loi organique, c'est-à-dire, notamment, les dotations d'Etat, ou encore les subventions entre collectivités locales, etc.

M. Charles de Courson s'est étonné de l'absence de mention des produits des récupérations sur succession dans la liste des ressources propres dressée par le projet de loi organique, le Rapporteur général l'invitant à interroger le Gouvernement sur ce point lors des débats en séance publique.

La Commission a rejeté successivement les deux amendements après que M. Augustin Bonrepaux se fut déclaré favorable à leur adoption.

La Commission a examiné deux amendements présentés par M. Charles de Courson, visant respectivement à préciser :

- les conditions suivant lesquelles un dégrèvement constitue une ressource propre des collectivités territoriales au sens du troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution ;

- les conditions d'où il ressort qu'une compensation d'exonération d'impôt ne constitue pas une ressource propre.

Le Rapporteur général a indiqué que les débats précédents ont largement éclairé les questions posées par ces deux amendements. Une compensation versée par l'Etat, quelle que soit sa dénomination, qui ne garantit pas l'intégrité du produit fiscal dont doit bénéficier une collectivité territoriale aux termes de la législation fiscale, ne saurait constituer une ressource propre de cette collectivité territoriale.

M. Charles de Courson a retiré ses deux amendements.

La Commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption de l'article 2 ainsi modifié.

Après l'article 2 :

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Jean-Claude Sandrier, visant à prévoir que seules les impositions de toutes natures « dont les collectivités votent le taux ou déterminent le tarif » constituent des ressources propres au sens du troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution.

Article 3 : Définition des notions d'« ensemble des ressources » et de « part déterminante » :

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Augustin Bonrepaux, visant à exclure les transferts réalisés au titre de la péréquation du dénominateur du ratio mesurant l'autonomie financière d'une catégorie de collectivités territoriales.

Le Rapporteur général a indiqué être défavorable à cet amendement pour les raisons précédemment évoquées. Ce texte ne traite pas de la péréquation.

M. Augustin Bonrepaux a répondu que l'amendement ne traite pas de la péréquation, mais des ressources de la péréquation.

Le Rapporteur général a estimé très protectrice la rédaction du projet de loi organique, les ressources tirées de la péréquation verticale venant, à l'instar des autres dotations, s'ajouter au dénominateur de la catégorie de collectivités territoriales considérée. Par ailleurs, les ressources tirées de la péréquation horizontale entrent dans le champ de l'exclusion, au dénominateur, des transferts financiers entre collectivités d'une même catégorie. A titre d'exemple, les transferts financiers mis en œuvre en application du fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France constituent un prélèvement sur une ressource propre qui arrive sous forme de dotation dans les communes pauvres.

M. Charles de Courson a ajouté que la lecture a contrario du premier alinéa indique que la péréquation verticale entre bien dans le dénominateur. Ainsi, quand les départements font de la péréquation, cela diminue l'autonomie financière, ce qui est curieux.

Le Rapporteur général a fait part à la Commission des évaluations au titre des années 1997 à 2003 des niveaux d'autonomie financière par catégorie de collectivités territoriales.

M. Charles de Courson s'est ensuite interrogé sur la compatibilité entre le principe constitutionnel d'égalité et la proposition du présent projet de loi organique qui tend à fixer la part déterminante des ressources propres des collectivités territoriales à des niveaux différents selon la catégorie considérée.

Le Rapporteur général a rappelé que le considérant n° 21 de la décision précédemment évoquée du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2003 précise que la loi organique visée au troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution devra déterminer « pour chaque catégorie de collectivités territoriales la part minimale que doivent représenter les recettes fiscales et les autres ressources propres dans l'ensemble des ressources ». Ainsi, le Conseil constitutionnel lui-même admet clairement que la part déterminante peut-être différente selon la catégorie de collectivités territoriales considérée. Cette appréciation prend d'ailleurs en compte, entre collectivités territoriales relevant de catégories différentes, des différences structurelles existantes s'agissant de l'équilibre entre catégories de dépenses. Plus concrètement, le Conseil constitutionnel a pris en compte le fait que certaines collectivités locales sont davantage tournées vers l'investissement que d'autres.

La Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a ensuite rejeté un amendement présenté par M. Augustin Bonrepaux, visant à exclure du dénominateur mesurant l'autonomie financière des collectivités territoriales, les transferts réalisés au titre de la péréquation entre collectivités d'une même catégorie ou entre l'Etat et les collectivités territoriales.

La Commission a examiné deux amendements identiques respectivement présentés par M. Augustin Bonrepaux et M. Charles de Courson, visant à prévoir que la part des ressources propres de chaque catégorie de collectivités territoriales ne saurait être à l'avenir inférieure à la part constatée au titre de l'année 2002 et non à la part constatée au titre de l'année 2003.

M. Charles de Courson a estimé politiquement plus habile de prendre l'année 2002 comme référence, ce qui permettrait, en outre, de disposer de comptes administratifs votés.

M. Augustin Bonrepaux a ajouté qu'il n'est pas possible de prendre pour référence une année postérieure à celle de la réforme de la Constitution.

Le Rapporteur général a précisé que le Conseil constitutionnel, régulièrement saisi dans le passé sur la question de savoir si la substitution à un impôt local d'une dotation d'Etat entravait la libre administration des collectivités territoriales, a estimé que tel n'était pas le cas, y compris s'agissant de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle dont la réalisation progressive s'est achevée en 2003. L'année 2003 est donc considérée par le Conseil constitutionnel comme préservant la libre administration des collectivités locales. En conséquence, il est logique de faire de cette année le seuil en deçà duquel il convient de ne pas descendre. En outre, s'agissant de la mise en œuvre d'une disposition constitutionnelle nouvelle issue de la réforme de la Constitution du 28 mars 2003, seule cette même année ou une année postérieure peut constituer une référence.

La Commission a rejeté ces deux amendements.

La Commission a examiné deux amendements présentés par M. Charles de Courson, visant à prévoir :

- le premier, que la part des ressources propres de chaque catégorie de collectivités territoriales ne saurait être à l'avenir inférieure à la part constatée au titre de l'année 2002 et de l'année précédant celle au titre de laquelle le constat est réalisé ;

- le second, que la part des ressources propres de chaque catégorie de collectivités territoriales ne saurait être à l'avenir inférieure à la part constatée au titre de l'année 2002 et de l'année précédant celle au titre de laquelle le constat est réalisé, cette part ne pouvant, en tout état de cause, être inférieure à 50% de l'ensemble des ressources de la catégorie de collectivités territoriales considérée.

Le Rapporteur général a estimé qu'une part déterminante ne saurait être continuellement croissante et, par ailleurs, que le débat sur le caractère prépondérant ou déterminant de la part des ressources propres a été tranché par la réforme constitutionnelle évoquée du 28 mars 2003.

M. Charles de Courson a ajouté que la lecture de l'article 4 indique que si le plancher d'autonomie n'est plus respecté, trois années de délai sont laissées pour entreprendre un redressement.

Le Rapporteur général a précisé qu'au-delà de la procédure spécifique prévue à l'article 4 du projet de loi organique et qui a vocation à s'appliquer à des évolutions tendancielles aboutissant effectivement à ce que le plancher d'autonomie ne soit plus respecté, le Conseil constitutionnel demeurerait en tout état de cause en capacité de juger qu'une disposition législative qui lui serait soumise, ne respecte manifestement pas les dispositions de l'article 3 du présent projet de loi organique.

M. Charles de Courson a douté que le Conseil constitutionnel puisse ainsi censurer une disposition sur la seule base de l'article 3, tant il est patent qu'il ne disposera pas d'une évaluation suffisamment précise pour être certain que la disposition qui lui serait soumise tendrait manifestement à l'irrespect des planchers définis par cet article 3. Le Conseil constitutionnel sera donc tributaire des données visées à l'article 4, c'est-à-dire d'une procédure extrêmement lente de redressement.

Après que le premier amendement eut été retiré, la Commission a rejeté le second amendement.

La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 3 sans modification.

Après l'article 3 :

La Commission a rejeté cinq amendements présentés par M. Jean-Claude Sandrier, tendant à prévoir :

- que la compensation de transferts de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales tient compte de l'évolution spontanée dans la durée, des dépenses afférentes à ce transfert ;

- que toute compensation d'allégements d'impôts locaux doit être nécessairement mise en œuvre par la technique fiscale du dégrèvement ;

- pour les deux amendements suivants, les principes de mise en œuvre de la politique de péréquation ;

- que l'évaluation des valeurs locatives constitutives des bases imposables des quatre grandes taxes directes locales, doit être révisée tous les dix ans.

Après que le Rapporteur général eut exprimé un avis défavorable et que M. Michel Bouvard, Président, eut observé que ces amendements n'étaient pas recevables en application du 3 de l'article 127 du Règlement, aux termes duquel, s'agissant de la procédure de discussion des lois organiques, « il ne peut être présenté aucun amendement ou article additionnel tendant à introduire dans le projet ou la proposition des dispositions ne revêtant pas le caractère organique », la Commission a rejeté successivement les cinq amendements.

Article 4 : Mécanisme de mise en œuvre de la garantie :

Suivant l'avis défavorable du Rapporteur général, la Commission a rejeté un amendement de M. Jean-Claude Sandrier, prévoyant l'organisation d'un débat dans chaque assemblée avant l'échéance de la session ordinaire s'agissant sur le rapport transmis au Parlement par le Gouvernement, après que M. Michel Bouvard, Président, a relevé que cet amendement méconnaissait la décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 du Conseil constitutionnel.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Augustin Bonrepaux, prévoyant que le rapport transmis devra faire apparaître au sein de chaque catégorie de collectivités, les écarts à la moyenne du niveau de ressources propres existants ainsi que les mesures envisagées pour permettre le resserrement de ces écarts.

Le Rapporteur général a considéré que ces précisions ne pouvaient pas figurer dans la loi organique mais il a relevé que les pouvoirs publics auront en effet besoin de disposer de statistiques précises en la matière.

M. Charles de Courson a demandé si ces statistiques seraient établies par l'INSEE qui réalise déjà des études très complètes et d'une fiabilité totale au titre des comptes consolidés des collectivités territoriales.

Le Rapporteur général a noté que des outils statistiques devront en effet être mobilisés en ce domaine, certains travaux pouvant être réalisés sous l'égide du comité des finances locales. Cette meilleure connaissance devra porter sur trois éléments : le numérateur, le dénominateur et le rapport entre les deux notions.

La Commission a ensuite rejeté cet amendement puis a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Après l'article 4 :

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Augustin Bonrepaux, prévoyant que la péréquation entre les collectivités territoriales devra permettre la correction des différences de ressources et de charges pour assurer un niveau comparable de service public entre collectivités appartenant à une même catégorie au sens de l'article 1er, après que le Rapporteur général a donné un avis défavorable.

La Commission a ensuite examiné un amendement présenté par M. Augustin Bonrepaux, indiquant que toute création, extension ou tout transfert de compétences au profit des collectivités territoriales doit s'accompagner de la mise en place de mécanismes de péréquation permettant d'assurer l'exercice dans des conditions égales de ces compétences sur l'ensemble du territoire.

M. Augustin Bonrepaux a indiqué que la péréquation doit être conçue de manière extensive et être impérativement mise en œuvre à l'occasion de la création ou d'un transfert de compétences. S'agissant de l'APA et du RMI, il conviendrait de calculer de manière très précise, département par département, le taux d'allocataires de ces deux aides, afin de mettre en place les mécanismes de péréquation les plus justes possibles.

Le Rapporteur général, après avoir souligné l'importance de la question soulevée par M. Augustin Bonrepaux, a noté que cette précision ne relevait néanmoins pas du champ du présent projet de loi organique. Il a également rappelé que lors des débats sur le projet de loi de finances pour 2004, il avait fait voter un amendement prévoyant la remise d'un rapport à l'horizon 2006 concernant le transfert du RMI aux départements. Il convient en effet de suivre de façon très précise l'évolution des dépenses de RMI, département par département, afin d'adapter le cas échéant les modalités de répartition prévues initialement.

La Commission a rejeté cet amendement.

Puis, suivant l'avis défavorable du Rapporteur général, elle a rejeté deux autres amendements présentés par M. Augustin Bonrepaux, prévoyant, l'un, que la création, la diminution ou la création des recettes d'origine fiscale d'une catégorie de collectivités ne peut intervenir qu'après concertation avec les collectivités concernées, et, l'autre, qu'à compter de 2005, les collectivités territoriales dotées d'une fiscalité propre peuvent augmenter librement leur taux de taxe professionnelle, sans qu'aucun lien n'existe plus, dès lors, entre ce taux et le taux des impôts locaux supportés par les ménages.

M. Charles de Courson a ensuite souhaité expliquer le sens du vote négatif du groupe UDF. Ce dernier considère en effet que le projet de loi organique, tel qu'il ressort des travaux de la Commission signifierait la destruction de la notion d'autonomie financière des collectivités territoriales. Le texte anéantit à terme la faculté pour les collectivités territoriales de fixer librement le taux des impositions de toutes natures dont elles bénéficient. Pour cette raison, les véritables partisans de la décentralisation ne sauraient s'associer à cette démarche.

M. Augustin Bonrepaux a considéré que l'acte de contrition de M. Charles de Courson devrait être pris en considération par les membres de la majorité. En réalité, lors du vote de la réforme constitutionnelle de l'année passée, les députés du groupe UMP ont été bernés. Cette réforme, ainsi que le présent projet de loi organique, vont en réalité gravement entraver l'autonomie financière des collectivités territoriales. Le Gouvernement devrait être alerté par les parlementaires qu'il fait fausse route sur ce sujet.

La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'ensemble du présent projet de loi compte tenu de ces modifications.


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