COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 52

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 5 mai 2004
(Séance de 12 heures 15)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

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- Communication de M. le Président sur le rôle des Rapporteurs spéciaux

- Information relative à la Commission

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La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a entendu une communication du Président Pierre Méhaignerie sur le rôle des Rapporteurs spéciaux.

M. Augustin Bonrepaux a regretté de ne pas avoir pu poser au ministre d'État, ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, lors de son audition de la veille par la Commission, la question du financement des contrats de plan État-régions. Des inquiétudes majeures sur la pérennité des engagements de l'État nécessitent que la Commission s'occupe rapidement de ce problème. Quand le Rapporteur spécial concerné fera-t-il une communication sur le sujet ? Quand est-ce qu'une mission d'information, réclamée par l'opposition depuis déjà huit mois, sera enfin constituée ?

M. Louis Giscard d'Estaing a indiqué qu'il sera amené à présenter à la Commission, en tant que Rapporteur spécial des crédits de l'aménagement du territoire, une communication, le 26 mai prochain, sur le suivi des contrats de plan État-régions. Par ailleurs, des éléments se trouvent déjà dans les rapports spéciaux 2003 et 2004, concernant notamment le FNADT.

Le Président Pierre Méhaignerie a estimé que les contrats de plan n'ont jamais été exécutés en totalité depuis 25 ans. Pour autant, il faut faire preuve de transparence sur cette question essentielle. A ce titre, le Président de la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire, M. Émile Blessig, a demandé à être associé aux travaux de la Commission. Celle-ci sera amenée à décider de la suite à donner à cette étude lorsqu'elle lui sera présentée.

M. Augustin Bonrepaux a trouvé tardive la présentation de la communication du Rapporteur spécial à la Commission, compte tenu des informations remontant du terrain qui laissent à penser que de nombreux travaux prévus dans le cadre de ces contrats ont dû être ralentis. Il est important de garantir leur exécution, car il en va de l'équipement en infrastructures du pays.

M. Michel Bouvard a précisé que M. Nicolas Sarkozy a répondu hier à la Commission quant à un gel « intelligent » de crédits. Cela signifie que le gel de crédits d'État ne doit pas avoir pour conséquence d'obliger les collectivités locales à augmenter leur participation pour respecter la programmation des travaux.

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Le Président Pierre Méhaignerie a précisé, à titre liminaire, que compte tenu de demandes très récentes relatives à l'attribution des rapports spéciaux, les nominations sont reportées à la séance du 11 mai.

S'agissant du découpage des rapports spéciaux, il est évident qu'en fonction de la maquette des missions et programmes, il sera indispensable de procéder à une nouvelle structuration des rapports spéciaux en 2005. Il est en effet cohérent de se caler sur les missions, qui constituent les unités de vote du budget, et peut-être sur certains programmes très importants. Ce découpage ne pourra être fait qu'une fois la maquette définitivement connue. Pour l'année courante, il vaut mieux ne pas faire de bouleversements importants. Il serait seulement possible de supprimer le rapport spécial Pêche, qui a été attribué au groupe socialiste, et de le remplacer, à titre expérimental, par un rapport Forêt. En effet, les crédits de la pêche ne sont pas très importants ; ils sont englobés dans ceux de l'agriculture et l'essentiel du débat porte en réalité sur la question des quotas, qui relèvent du droit communautaire, et qui pourrait plutôt trouver sa place dans le rapport sur les affaires européennes, lequel est également confié à l'opposition. En revanche, la forêt devrait faire l'objet d'un programme au sein de la mission Agriculture et il est intéressant de voir comment ce programme se mettra en place. Cette proposition ne sera mise en œuvre que si elle agrée à toute la commission, et notamment à l'opposition, puisque ce sont des Rapporteurs d'opposition qui sont concernés.

Il semble indispensable de rappeler, avant l'attribution des rapports spéciaux, la nécessité pour leur titulaire de répondre pleinement à leurs fonctions. En particulier, chacun doit s'astreindre à faire au moins un contrôle sur pièces et sur place par an. Le cas échéant, il est possible de se rapprocher de la Cour des comptes pour une assistance dans ce domaine. Ces contrôles peuvent donner lieu à des rapports d'information, comme le travail récemment accompli par M. Philippe Rouault à l'IRSN. M. Eric Woerth avait entamé un travail similaire s'agissant du patrimoine immobilier du ministère des affaires étrangères et il est souhaitable que ce travail soit poursuivi par celui qui sera désigné comme titulaire du rapport spécial Affaires étrangères.

Chaque Rapporteur spécial doit évaluer précisément les dépenses publiques relevant de son domaine. En ce qui concerne l'enseignement scolaire par exemple, des visites dans des établissements devraient permettre de proposer des solutions pour améliorer, par plus de souplesse, le remplacement des enseignants et éviter ainsi que le ministère de l'Éducation nationale ne soit obligé de payer des dommages et intérêts à des parents d'élèves, justement mécontents de cette situation inacceptable.

On ne peut réclamer un rééquilibrage des pouvoirs entre le Parlement et le Gouvernement qu'à la seule condition que les députés fassent réellement leur travail de contrôle. L'impulsion des contrôles relève de la seule initiative des Rapporteurs spéciaux eux-mêmes, avec l'aide technique des administrateurs. C'est aux seuls députés qu'il incombe de prendre des initiatives. La Commission sera alors en mesure de défendre des positions et des pistes de réforme que l'exécutif ne pourra pas refuser. On peut citer comme exemple les travaux de M. Patrice Martin-Lalande sur la redevance audiovisuelle, qui sont en passe d'être repris à son compte par le ministère des Finances. C'est pourquoi il faut encore creuser le sujet des niches fiscales ou des multiples commissions administratives inutiles.

Par ailleurs, des délais stricts sont impartis s'agissant de l'envoi des questionnaires budgétaires, fixé au plus tard au 10 juillet. Pour obtenir les réponses à temps, il est nécessaire que la Commission respecte les délais.

Si la loi organique incite à des modifications profondes dans les structures administratives et la gestion publique, il en va de même pour la procédure parlementaire d'examen du budget. Dans l'immédiat, il sera proposé au Président de l'Assemblée nationale d'augmenter de 2 ou 3 le nombre de budgets soumis à commission élargie, l'expérience de l'année dernière ayant été plutôt positive - très positive pour certains, moins pour d'autres, cela dépend beaucoup des ministres et des Rapporteurs. Chacun doit s'astreindre à des propos liminaires assez courts pour laisser du temps au débat. D'une manière plus générale, il semble souhaitable de s'inspirer du fonctionnement de la mission d'évaluation et de contrôle, c'est-à-dire poser une question pour obtenir une réponse, ce qui est plus interactif que l'organisation actuelle des auditions. On ne peut pourtant pas se satisfaire du fonctionnement actuel de la MEC, en raison du manque d'assiduité des parlementaires.

Enfin, le droit d'amendement sera, dans le cadre de la LOLF, ouvert pour transférer des crédits d'un programme à un autre au sein d'une même mission. De ce fait, il faut absolument maintenir le principe qu'il ne saurait y avoir de missions mono-programme, y compris s'agissant du Conseil économique et social, afin de rester cohérent avec ce que le Parlement a voté unanimement en 2001.

En toute hypothèse, c'est vers un contrôle de l'évaluation de la dépense publique qu'il faut d'ores et déjà réorienter les travaux des Rapporteurs spéciaux. Il y a beaucoup de demandes pour certains rapports ; il est souhaitable que cette demande soit suivie d'une implication très forte des Rapporteurs dans cette activité de contrôle. Si tel n'était pas le cas, le Bureau de la Commission envisagera un changement de Rapporteurs spéciaux en fonction de la qualité du travail de chacun.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a insisté sur les résultats sensibles du travail de la Commission, qui peuvent influer sur les décisions et les orientations du Gouvernement. Pour cela, les députés disposent du concours, de qualité, que leur apportent les administrateurs de la Commission, de l'aide de la Cour des comptes et de la possibilité d'engager des crédits pour demander des études à des consultants extérieurs. Il n'y a donc pas de problème de moyens en la matière, la limite principale est la disponibilité des Rapporteurs.

En ce qui concerne la redevance audiovisuelle, le travail entamé lors de la précédente législature et mené à son terme par M. Patrice Martin-Lalande, dans le cadre de la MEC, a permis de faire pression sur le Gouvernement lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2004. Il a été obtenu un renouvellement de la redevance pour une année seulement, à charge pour le ministère des Finances de proposer une solution pour l'année prochaine, en s'inspirant des travaux de la MEC. Sur les niches fiscales, le succès n'a pas été aussi grand, notamment pour l'outre-mer, mais le premier travail de la Commission concernant le « toilettage » de l'impôt sur le revenu mérite d'être poursuivi pour aboutir. En ce qui concerne la multitude des commissions administratives dénoncée par la Commission, on ne peut que se féliciter du souhait de M. Éric Woerth, secrétaire d'État à la réforme de l'État, de vouloir les rationaliser.

Pour concrétiser les autres chantiers de réforme et proposer des critères de bonne gestion, la commission des Finances doit avoir le souci constant de travailler de concert avec les autres commissions. Cela avait été le cas pour les auditions concernant les stratégies ministérielles de réforme. On peut citer aujourd'hui le travail de M. Alain Marsaud à la commission des Lois sur la gestion immobilière ou de M. Michel Piron sur la gestion déconcentrée. En y passant le temps nécessaire, avec une certaine ténacité, on peut arriver à des résultats tout à fait satisfaisants.

M. Augustin Bonrepaux a déploré le mauvais fonctionnement de la MEC. Cela peut s'expliquer par le choix de thèmes peu pertinents. Ainsi, la journée d'appel de préparation à la défense ne pèse pas bien lourd dans le budget du ministère de la Défense. Sur des sujets plus ciblés, par le biais d'un seul article de presse, le Canard enchaîné peut être à l'origine très rapidement de 500.000 euros d'économie. Il faut également améliorer les conditions de travail avec la Cour des comptes, en décidant plus en amont les sujets d'étude pour que la collaboration puisse être plus fructueuse.

En ce qui concerne la tenue des réunions, on ne peut que regretter la présence des seuls Présidents et Rapporteurs, sans que le Rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques concerné par la SNCF et RFF ne soit présent, par exemple. Dans ces conditions, on doit s'interroger sur l'image donnée par les députés à leurs interlocuteurs ainsi qu'aux magistrats de la Cour des comptes. Pour éviter une telle déperdition de membres, il faudrait mieux calibrer le nombre et la durée des auditions en s'interrogeant, indépendamment de la qualité du travail du Rapporteur, sur leur véritable efficience.

Il faut enfin s'inquiéter des suites données aux rapports de la MEC : un droit de suite doit exister. On peut par exemple déplorer que le rapport sur la gestion des universités n'ait pas abouti à une amélioration de la situation.

En conclusion, l'outil MEC doit être amélioré, pour le faire mieux vivre.

Tout en partageant pour l'essentiel les observations de M. Augustin Bonrepaux sur la MEC, le Président Pierre Méhaignerie a estimé indispensable de retenir des thèmes liés à l'actualité.

M. Michel Bouvard s'est tout d'abord interrogé sur la disponibilité des membres de la MEC. Il faudrait leur demander s'ils envisagent réellement de participer à ses travaux. En ce qui concerne les questionnaires budgétaires, il est important d'y cerner la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances au niveau des indicateurs de résultats. En coordination maximale avec les commissions saisies pour avis, il faudrait recenser l'ensemble des outils déjà existants au sein de chaque ministère.

De la même façon, il faudrait faire le point sur l'application des stratégies ministérielles de réforme, en se demandant quels résultats sont obtenus et quelles économies sont générées, suite au débat organisé sur ce thème dans le cadre d'une « niche » du groupe UMP. Enfin, en ce qui concerne la réforme des services de l'Assemblée nationale, il est indispensable que le secrétariat de la commission des Finances bénéficie également d'un accroissement de ses moyens, par redéploiement d'administrateurs, qui ne se fasse pas qu'à l'avantage des autres commissions.

M. Patrice Martin-Lalande a précisé qu'il présenterait à la Commission, d'ici la fin du mois de mai, un rapport d'information consacré à la convention collective de l'audiovisuel public. Ce rapport a été élaboré à partir de travaux que la Cour des comptes a mené à la demande de la Commission des finances, conformément à l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances. Il est par ailleurs nécessaire de reprendre, le plus rapidement possible, le travail sur la redevance avec les ministres nouvellement responsables de ce dossier. Ceci est indispensable si la réforme doit s'appliquer dès 2005.

M. Jean-Michel Fourgous a signalé que la France avait perdu 7 places au classement annuel de la compétitivité de l'école de commerce suisse IMD (Institute for Management Development) : elle passe de la 23ème à la 30ème place sur 60 économies étudiées. La France se classe ainsi dernière pour « la flexibilité et l'adaptabilité des gens aux nouveaux défis », 57ème pour « l'acceptation des réformes économiques et sociales » et 41ème pour « les performances de l'administration ». Ceci prouve que la France est un pays rétif aux réformes, ce qui les rend d'autant plus nécessaires.

M. Charles de Courson s'est interrogé sur la possibilité, lors de la session budgétaire, que le Rapporteur spécial et le Rapporteur pour avis fassent un rapport commun. Il a ensuite émis une suggestion : en onze ans de travail parlementaire, de nombreuses propositions de réformes ont été faites mais très peu ont abouti. Ainsi, l'an dernier, il avait été proposé un système permettant d'augmenter les crédits de la recherche, sans que cela ne coûte quoi que ce soit à l'État. Ces amendements avaient été adoptés par la Commission des finances, mais rejetés en séance publique par le Gouvernement. Il est impératif que lors de l'examen du prochain projet de loi de finances, la Commission se mette unanimement d'accord sur quatre ou cinq points sur lesquels elle s'engage a priori à ne pas reculer. C'est le seul moyen de se faire respecter.

Le Président Pierre Méhaignerie a d'abord répondu par la négative à la possibilité de rédaction d'un rapport commun aux Rapporteurs spécial et pour avis : chaque commission doit faire son propre travail, ce qui n'exclut pas des rapprochements. S'agissant de la défense des propositions de la Commission, on peut remarquer que, déjà l'an dernier, certaines d'entre elles ont pu aboutir. Néanmoins, le travail de conviction et de persuasion doit être non seulement dirigé vers le gouvernement, mais également, et peut-être surtout, vers les membres des autres commissions.

M. Jean-Louis Dumont a indiqué que ses déplacements en province, en tant que Rapporteur spécial des crédits de l'Union européenne, touchaient à leur fin et qu'il pourrait rapidement présenter à la Commission ses conclusions quant à la consommation de ces crédits dans les régions et à leur efficacité. Il s'est ensuite interrogé sur la possibilité d'envoyer directement des questionnaires aux préfets ou aux présidents de région afin de contourner des administrations centrales parfois trop lentes et trop prudentes et un contrôle du Ministère des finances. Il est, enfin, indispensable de travailler en concertation avec les autres commissions, afin de multiplier les points de vue et les échanges.

M. Bernard Carayon a indiqué qu'il pourrait très bientôt présenter son rapport consacré à la sécurité économique et à la réforme du code monétaire et financier. Ce rapport traitera en particulier de l'application de la mesure qui permet une intervention des pouvoirs publics dans une opération financière ou économique afin de préserver le périmètre stratégique de l'économie française. La définition de ce périmètre est bien sûr une question fondamentale à laquelle il convient d'apporter une réponse claire. S'agissant du contrôle consacré à la DGSE, certaines difficultés ont pu apparaître, les modes traditionnels de contrôle de la Commission des finances ne pouvant que difficilement s'appliquer à des informations couvertes par le secret défense. Enfin, en réponse aux propos de M. de Courson, M. Carayon a signalé que, sur les 38 propositions figurant dans son rapport sur l'intelligence économique, 8 avaient déjà été appliquées et qu'une nouvelle politique publique était désormais enclenchée.

Le Président Pierre Méhaignerie a signalé que la loi organique relative aux lois de finances conférait précisément au Président de la Commission des finances et à son Rapporteur général des pouvoirs particuliers s'agissant des blocages constatés quant aux contrôles des Rapporteurs spéciaux. En outre, il est loisible à un Rapporteur spécial de s'adresser directement à une administration, et les questionnaires budgétaires, depuis la précédente législature, ne transitent plus par le Ministère des finances.

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Information relative à la Commission

La Commission a nommé M. Didier Migaud, Rapporteur sur sa proposition de résolution (n° 1581) tendant à la création d'une commission d'enquête sur la dégradation des comptes publics depuis juin 2002.


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