COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 38

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 2 février 2005
(Séance de 16 h 15)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

pages

- Examen pour avis du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux aéroports (n° 1914) (M. Charles de Courson, Rapporteur pour avis)

2

- Information relative à la Commission

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En préalable, M. Augustin Bonrepaux s'est étonné de ce que deux rapporteurs soient nommés au titre de la mission d'information sur l'exécution des contrats de plan État-régions, alors qu'il avait demandé la constitution d'une commission d'enquête qui aurait, elle, été composée de trente membres. Il y a manifestement une disparité de traitement entre l'opposition et la majorité, puisque cette dernière est sur le point d'obtenir la création d'une commission d'enquête relative à l'évolution de la fiscalité locale.

Le Président Pierre Méhaignerie a estimé que la conduite d'un audit contradictoire sur les contrats de plan est de nature à répondre aux attentes de la majorité comme de l'opposition. La mission d'information de la Commission aura sans doute l'occasion de travailler en étroite concertation avec la future commission d'enquête si elle est créée ; le choix d'une mission d'information a été fait pour des raisons pratiques, celle-ci se prêtant mieux, par exemple, à l'audition de préfets. Mais les deux structures se complètent.

Le Président Pierre Méhaignerie a par ailleurs rappelé que les travaux de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) débutaient jeudi 3 février à 9 heures 30, en présence du Premier président de la Cour des comptes.

M. Augustin Bonrepaux a suggéré d'informer largement de la reprise des travaux de la mission, afin que tous les députés concernés puissent y participer.

Le Président Pierre Méhaignerie a indiqué que tous les membres de la MEC ont reçu une convocation. En outre, ses réunions sont ouvertes à tous les députés de la Commission ainsi qu'à tous les autres députés qui le souhaitent. Une lettre en ce sens a été adressée aux présidents des commissions permanentes, qui devaient en informer leurs collègues.

M. Charles de Courson a souligné que certaines commissions pouvaient parfois faire preuve de réserve quant à la présence de députés qui n'en sont pas membres. Il lui a parfois été reproché son assistance à d'autres commissions. La commission des Finances n'est assurément pas dans ces dispositions d'esprit, au contraire.

Puis, la Commission a procédé, sur le rapport de M. Charles de Courson, rapporteur pour avis, à l'examen du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux aéroports (n° 1914).

M. Charles de Courson, rapporteur pour avis, a rappelé que la commission des Finances s'est saisie pour avis de ce projet de loi, dans sa totalité. En effet, qu'il s'agisse du changement de statut d'Aéroports de Paris (ADP) suivi de l'ouverture de son capital, du déclassement du domaine public aéroportuaire, de l'ouverture des aéroports régionaux au secteur privé ou du mode de fixation des redevances, l'ensemble de ces dispositions concerne les finances publiques. D'ailleurs, la commission des Finances a été saisie au fond, à deux reprises, de l'examen de la réforme du statut d'Air France.

C'est la première réforme d'ampleur dans le secteur aéroportuaire depuis 1945, année de création d'ADP. Ce projet de loi traite principalement de trois sujets : le changement de statut d'ADP, l'évolution des grands aéroports régionaux et le mode de fixation des redevances aéroportuaires.

Le changement de statut d'ADP est positif, mais il ne va pas assez loin. ADP est un établissement public de l'État depuis 1945. Aujourd'hui, la poursuite de son développement nécessite une évolution de ce statut, qui n'est plus adapté au contexte concurrentiel. L'établissement public est contraint par le principe de spécialité, qui limite ses possibilités de diversification, et notamment son développement international. De plus, le statut ne permet pas de faire face aux besoins de financement d'ADP, extrêmement endetté : son ratio de solvabilité, c'est-à-dire le rapport de l'endettement net sur les fonds propres, est de 2,1 milliards d'euros sur 1,4 milliards, soit 150 %. ADP doit donc améliorer sa structure financière. Ce besoin de financement ne peut pas non plus être comblé par l'État, en raison de la situation dans laquelle se trouvent les finances publiques. Les investissements programmés pour les années 2005 à 2007 représentent 1,9 milliards d'euros, soit 650 millions par an. Or, la capacité d'autofinancement d'ADP représentait 393 millions d'euros en 2003, et, une fois déduite la variation du besoin en fonds de roulement, il ne restait, pour l'exercice 2003, que 220 millions d'euros pour financer les investissements, soit un tiers de leur montant. ADP a donc besoin de l'apport de capitaux privés par augmentation de capital, ce qui implique au préalable un changement de statut, pour en faire une société. Ce changement de statut s'effectuera dans la continuité. Il n'y aura pas de changement de statut pour le personnel, ce qui pourra poser problème. Il était dans l'intérêt d'ADP, comme des employés eux-mêmes, d'élaborer une convention collective à l'avantage de tous, après extinction du statut, comme le législateur l'a fait pour Air France. Le changement du statut d'ADP rend possible une ouverture de capital, qui sera en tout état de cause limitée à la moitié du capital, puisque le projet de loi dispose que l'État reste majoritaire.

La transformation d'ADP en société anonyme s'accompagne du déclassement du domaine public aéroportuaire. Aujourd'hui, ce domaine comporte des biens qui appartiennent au domaine public de l'établissement public ADP, ainsi qu'au domaine public de l'État. Or, en vertu du principe d'inaliénabilité du domaine public, les biens qui relèvent de ce domaine ne peuvent pas appartenir à une personne privée.

Face à ce dilemme, le Gouvernement devait choisir entre deux options : soit l'État récupérait tous les biens du domaine public, y compris celui d'ADP, et les mettait à la disposition d'ADP par autorisation d'occupation temporaire ou par concession ; soit ADP en restait propriétaire, auquel cas il était nécessaire de déclasser ces biens. C'est cette seconde solution qui a été choisie, mais avec de notables difficultés juridiques.

La comparaison avec les autres pays d'Europe montre que la domanialité publique des aéroports est encore très répandue. Toutefois, cette solution aurait comporté deux inconvénients : elle dépossédait ADP des terrains qu'il avait lui-même acquis depuis 1945, et elle imposait le régime de la domanialité publique à la société, régime qui comporte de nombreuses contraintes pas toujours conciliables avec une gestion économique efficace.

Ce déclassement est encadré, ce qui d'ailleurs complique la situation. Certains biens sont conservés dans le domaine public de l'État - il s'agit principalement de ceux qui concernent la navigation aérienne -. L'État pourra s'opposer à la cession par ADP de tout ouvrage ou terrain nécessaire à la bonne exécution de ses missions de service public ; il récupérera au moins 70 % des plus-values foncières en cas de fermeture d'un aéroport.

Il serait cependant souhaitable que le régime juridique des biens d'ADP affectés au service public soit clarifié. Un amendement est déposé en ce sens, afin de qualifier d'ouvrages publics les seuls biens affectés au service public.

L'objet social d'ADP est élargi, et ses missions de service public encadrées par un cahier des charges dont les grandes lignes découlent du projet.

Le titre II du projet de loi vise 12 grands aéroports régionaux d'intérêt national, aujourd'hui gérés en concession par les chambres de commerce et d'industrie (CCI). Les dispositions de ce titre comportent certaines incertitudes au regard du droit de la concurrence, et plus particulièrement du droit communautaire, qu'il faudra lever. Les aéroports concernés sont exclus de la décentralisation résultant de la loi du 13 août 2004. Le cahier des charges de 1955 encadrait des concessions de longue durée ; depuis les années 70, des durées plus limitées prévalent - de l'ordre de 5 ans -, ce qui est trop court par rapport à la durée de rentabilisation des investissements.

La plupart des concessions vont arriver à leur terme à brève échéance, ce qui offre l'occasion de moderniser le mode de gestion de ces aéroports, lequel n'est plus adapté. Les CCI sont des établissements publics administratifs d'État. Comme dans le cas d'ADP, le statut d'établissement public constitue un frein au développement économique des aéroports. Puisqu'elles ne peuvent pas affecter l'imposition additionnelle à la taxe professionnelle aux exploitations aéroportuaires, les CCI n'ont d'autre moyen que l'autofinancement, ainsi que d'éventuelles subventions des collectivités territoriales.

Le gouvernement a choisi une solution d'ouverture au secteur privé, s'appuyant sur les opérateurs historiques, les CCI, qui ont fait la preuve de leur capacité à bien gérer les aéroports. A la demande de la CCI, l'État créera une société avec la CCI et, éventuellement, les collectivités locales qui le souhaiteraient. La concession sera apportée par la CCI, avec l'accord de l'État, à cette société aéroportuaire. Ensuite, la concession pourra être rallongée, au maximum de 40 ans, en contrepartie d'un programme d'investissement et d'une ouverture de capital, par la suite. Cette prolongation de la concession doit avoir des contreparties de la part du concessionnaire, contreparties qui justifient que la prolongation des concessions soit exemptée des obligations de mise en concurrence prévues dans la loi Sapin. A défaut, cette disposition risque d'être contraire au droit communautaire. Ces contreparties doivent logiquement figurer dans la loi. Il y a toujours une autre solution : mettre en concurrence toutes ces concessions.

Le troisième volet de ce projet de loi précise les principes de fixation des redevances aéroportuaires, afin de leur donner un cadre juridique. Désormais, le montant des redevances prendra en compte la rémunération des capitaux investis. Les redevances pourront être modulées sur certains critères ; face aux craintes que suscite cette disposition, il convient de rappeler que les modulations sont soumises au principe de non-discrimination.

L'évolution des redevances sera prévue dans des contrats pluriannuels de cinq ans, incorporés aux contrats de concession, ce qui offrira une meilleure visibilité, aux aéroports comme aux compagnies aériennes.

Un amendement sera présenté afin de rendre possible l'immobilisation des aéronefs en cas de non-paiement des amendes infligées par l'autorité de contrôles des nuisances sonores aériennes (ACNUSA). Il est souhaitable que le produit de ces amendes puisse être affecté, pour l'aérodrome où se situe leur fait générateur, au financement des aides aux riverains, comme c'est le cas pour la taxe sur les nuisances sonores aériennes, mais l'article 40 de la Constitution ne permet pas à un parlementaire de déposer un amendement en ce sens.

M. Louis Giscard d'Estaing a relevé que l'article 7 du projet de loi renvoie l'énumération des aéroports régionaux concernés à un décret en Conseil d'État et s'est demandé pourquoi une telle liste ne figure pas dans la loi.

M. Charles de Courson, Rapporteur pour avis, a répondu que la liste des douze aéroports en question était définie « en creux » : il s'agit, en dehors d'Aéroports de Paris, des plates-formes dont la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales n'a pas prévu qu'elles puissent être transférées aux collectivités territoriales qui en émettraient le souhait. Ces aéroports sont d'ores et déjà connus : Nice-Côte d'Azur, Lyon-Saint-Exupéry, Marseille-Provence, Bordeaux-Mérignac, Strasbourg-Entzheim, Toulouse-Blagnac, Nantes-Atlantique, Montpellier-Méditerranée, Fort-de-France-le Lamentin, La Réunion-Roland Garros, Pointe-à-Pitre-Le Raizet et Cayenne-Rochambeau. Cette énumération ne ressortit pas au domaine de la loi, faute de critères communs satisfaisants.

À la question de M. Jean-Pierre Gorges sur l'ébauche d'un tel critère, M. Charles de Courson, Rapporteur pour avis, a répondu que le critère principal était le caractère structurant de la plate-forme aéroportuaire pour l'aménagement du territoire, ainsi que son intérêt national ou international. En outre, tous les aéroports mentionnés ont un trafic annuel supérieur à un million de passagers, à l'exception de Cayenne. Un traitement particulier se justifie pour cet aéroport, en raison de sa desserte du Centre spatial guyanais.

M. Louis Giscard d'Estaing s'est enquis du sort des autres aéroports qui franchissent ou franchiront, à la hausse ou à la baisse, le seuil du million de passagers, comme le hub de Clermont-Ferrand.

M. Charles de Courson, Rapporteur pour avis, a observé que rien n'empêche la CCI gestionnaire de l'aéroport de Clermont-Ferrand de demander à l'État la création d'une société anonyme et le transfert à celle-ci de la concession aéroportuaire, comme l'a fait la plate-forme de Vatry il y a déjà plusieurs années. L'article 7 du projet de loi constitue une réponse aux demandes particulières émises au sujet des grands aéroports régionaux, alors que le projet initial est centré sur ADP. L'accord de l'État est en effet nécessaire pour la création d'une société dans ce contexte particulier ; le texte y pourvoit donc.

Le Président Pierre Méhaignerie a rappelé que dans une décision du 21 juillet 1994, le Conseil constitutionnel avait censuré le principe de concessions renouvelées sans limite au-delà de 70 ans à un même occupant. N'y a-t-il pas ici un risque similaire, même si la durée prévue par le texte est de 40 ans ?

M. Charles de Courson, Rapporteur pour avis, répondant par l'affirmative, a souligné deux problèmes juridiques. En droit national tout d'abord, se pose la question de l'application de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite loi « Sapin », qui exonère les collectivités publiques des obligations de mise en concurrence. En effet, dans le cas des aéroports visés par le projet de loi, tous les concessionnaires sont des CCI, établissements publics. En revanche, les sociétés aéroportuaires entrent dans le champ de la loi « Sapin ». Mais ce projet de loi écarte l'application des dispositions qui imposent la publicité et la mise en concurrence des délégations de service public et de leur prolongation. En droit communautaire, ensuite, le Gouvernement a sollicité la Commission européenne sur le terrain du droit communautaire de la concurrence. Il ressort de cette consultation qu'aucun accord global ne peut être donné par les instances communautaires ; chaque projet d'extension de concession dans la limite de 40 ans, dûment motivé, devra donc leur être soumis afin d'être agréé au cas par cas, en fonction des contreparties de la part du concessionnaire. Ce point pourra être précisé à l'occasion de l'examen d'un amendement déposé au sujet de ces contreparties. La disparition de la garantie de l'État constitue une forme de contrepartie. Elle joue automatiquement aujourd'hui pour les CCI, puisque celles-ci sont des établissements publics administratifs de l'État, mais elle ne jouera plus demain avec la création de sociétés aéroportuaires, en vertu du principe réaffirmé par la LOLF, selon lequel une telle garantie doit être expressément prévue par une loi de finances.

M. Gérard Bapt a souhaité savoir pourquoi le projet de loi, conçu pour répondre à la situation particulière d'ADP, était élargi à d'autres plates-formes aéroportuaires.

M. Charles de Courson, Rapporteur pour avis, a expliqué que les aéroports régionaux pâtissent d'un frein financier à leur développement. Un tel développement n'est possible, sous le régime juridique actuel, que via l'autofinancement, puisque la ressource que représente l'IATP ne peut, légalement, être utilisée pour financer une activité industrielle et commerciale. En outre, l'État n'a versé aucune subvention depuis plusieurs années. Quant aux autres aides publiques, émanant par exemple des collectivités territoriales, elles risquent d'entraîner des distorsions de concurrence. La solution réside donc dans la création d'une société anonyme, à laquelle la concession puisse être transférée. Quid, dès lors, de la composition du capital de cette société ? La CCI y figurera naturellement, aux côtés de l'État, puis l'appel aux capitaux privés permettra de résoudre les actuelles difficultés de financement. L'absence d'une telle évolution statutaire condamnerait les plates-formes régionales à demeurer désavantagées par rapport aux plates-formes parisiennes que leur statut de société anonyme autorisera à lever des capitaux. Une autre solution juridique aurait consisté à remettre en jeu les concessions existantes. Mais, à supposer alors qu'une grande entreprise privée ait emporté une telle concession, il ne fait guère de doute qu'aurait surgi le problème du sort des agents publics précédemment employés par les aéroports : en l'absence de réembauche par le nouveau concessionnaire, ils se seraient retournés vers leur employeur précédent, la CCI, qui n'aurait pu que les licencier, à un coût impossible à supporter en raison du statut particulier des agents concernés. Pour les salariés de droit privé, le problème est plus simple : l'article L. 122-12 du code du travail sur les transferts d'entreprise s'appliquerait.

Usant de la faculté que l'article 38 du Règlement de l'Assemblée nationale confère aux députés d'assister aux réunions des commissions dont ils ne sont pas membres, M. Jean-Pierre Blazy a contesté l'argument selon lequel l'évolution du statut d'ADP permettrait le développement des autres plates-formes aéroportuaires : l'actuel Gouvernement a manifestement fait le choix de développer Roissy plutôt qu'un troisième aéroport. En outre, l'évolution de l'actuelle situation statutaire n'est pas sans risque. La transformation des établissements publics en sociétés anonymes et l'entrée dans leur capital d'investisseurs privés inquiète les CCI, qui souhaitent disposer d'une minorité de blocage. En effet, de quel recours disposeraient-elles en cas de brusque retrait d'un investisseur, hypothèse tout à fait envisageable dans le secteur du transport aérien ?

M. Charles de Courson, Rapporteur pour avis a fait valoir que l'évolution statutaire des plates-formes régionales est une cause - et non une conséquence - de la modification du statut d'ADP. On aurait pu envisager de placer ADP sous le régime de la concession ; mais, par manque de moyens disponibles, le projet de loi a plutôt fait le choix d'un transfert immobilier. De surcroît, le statu quo serait plus nuisible encore aux aéroports régionaux que l'évolution statutaire proposée, en cas d'effondrement du trafic aérien : qui, sinon l'État et les collectivités territoriales, épongerait le déficit d'exploitation alors créé ? Les CCI, en effet, ne le peuvent pas, pour des raisons statutaires, pas plus qu'elles ne peuvent déposer leur bilan. En revanche, la transformation en société anonyme permettra, en pareil cas, de faire appel aux capitaux propres. Selon les représentants des douze plates-formes concernées, la quasi-totalité d'entre elles projettent de demander la création d'une société aéroportuaire, signe tangible du bien-fondé de la solution proposée.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a demandé si la valorisation de la société anonyme ADP a été estimée : à quelle échéance une recette d'ouverture de capital pourrait-elle être encaissée par l'État et quel pourrait être son montant ?

M. Charles de Courson, Rapporteur pour avis, a indiqué que la valeur d'ADP varie selon que l'on retienne une méthode d'évaluation patrimoniale ou l'actualisation de ses cash flow. Dans ce dernier cas, ADP vaudrait autour de 3,5 milliards d'euros. Dans le cadre d'une évaluation patrimoniale, les capitaux propres sont de l'ordre de 1,4 milliard d'euros, auxquels il convient d'ajouter des plus values latentes lesquelles dépendent en grande partie des dispositions du présent projet de loi. Il est donc raisonnable de retenir l'hypothèse d'une valorisation moyenne de 2,5 milliards d'euros. Le projet de loi prévoit que l'État ne peut pas céder plus de 50 % de l'entreprise. S'il cédait la moitié de l'entreprise au secteur privé, il ne pourrait plus augmenter le capital par la suite. C'est pourquoi on ne doit pas compter sur une recette, pour le budget de l'État, de plus de 750 millions d'euros.

L'ouverture du capital d'ADP ne sera vraisemblablement réalisée qu'en 2006. Mais l'État a surtout intérêt à augmenter le capital. En effet, avec 2,1 milliards d'euros d'endettement net, la structure financière de l'entreprise est fragile et il faudrait rétablir l'équilibre entre dette et fonds propres.

La Commission a ensuite examiné les articles du projet de loi.

Article 2 : Déclassement du domaine public et transfert à ADP de biens.

La Commission a examiné un amendement présenté par le Rapporteur pour avis tendant à préciser que les incidences financières de la convention conclue entre l'État et ADP figurent dans la plus prochaine loi de finances. Son auteur a indiqué que des investissements d'un montant estimé à environ 152 millions d'euros ont été financés par ADP alors qu'ils auraient dû l'être par l'État. L'entreprise doit donc être remboursée par le budget annexe de l'aviation civile. La dernière tour de contrôle de l'aéroport Charles de Gaulle a notamment fait l'objet de cette procédure financière. Si l'on inscrit une créance à l'actif d'ADP, il faut qu'au passif de l'État figure une dette d'un même montant. D'ailleurs, cela devrait être neutre pour le bilan du budget annexe, puisqu'à cette dette correspondent les investissements, qui doivent être inscrits à l'actif immobilisé. Or, le ministère des Finances ne souhaite pas que ces chiffres figurent dans les comptes de l'État. Le mécanisme envisagé par le Gouvernement consisterait à considérer que les biens sont mis en location. Or, le projet de loi mentionne les biens « repris par l'État » et en aucun cas des biens loués. Il convient également d'éviter que le remboursement à ADP par le budget annexe conduise à réduire les investissements de navigation aérienne. Il faut donc tirer en loi de finances les conséquences de cette situation.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a demandé si l'imputation de cette dette de l'État ne risquait pas d'augmenter optiquement le déficit budgétaire.

M. Charles de Courson, Rapporteur pour avis, a rappelé que dans le schéma résultant du projet de loi, était prévu le transfert de ces actifs à l'État. Ce dernier doit donc reconnaître qu'il a une dette vis-à-vis d'ADP, même s'il ne s'agit pas d'une opération budgétaire. En ce qui concerne le délai de remboursement de l'État, il faut que le ministère des Transports indique le montage retenu. En toute hypothèse, ces actifs ne peuvent pas figurer au bilan de l'entreprise si elle n'en est pas propriétaire.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a ajouté que si la convention précisait qu'ADP avait une créance sur l'État, cette mention devrait être jugée suffisante par les commissaires aux comptes de l'entreprise. En outre, les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances, en matière de comptabilité patrimoniale, entrent en vigueur en 2006. Il faudra donc tirer les conséquences de cette créance sur l'actif et le passif de l'État. Il ne doit donc, en aucun cas, s'agir d'une opération concernant le déficit budgétaire.

M. Charles de Courson, Rapporteur pour avis, a souligné que l'amendement se contente de demander au Gouvernement de tirer les conclusions de l'existence de cette créance, sans préciser la nature de l'imputation budgétaire à retenir.

La Commission a alors adopté l'amendement.

Puis elle a examiné un amendement présenté par le Rapporteur pour avis précisant que les ouvrages appartenant à la société Aéroports de Paris et affectés au service public aéroportuaire sont des ouvrages publics. Son auteur a expliqué que si le foncier relève du domaine privé, le régime juridique des ouvrages n'est pas clair. En effet, la définition des ouvrages publics repose sur la jurisprudence, laquelle qui considère que sont des ouvrages publics les ouvrages qui sont affectés soit à un service public, soit à l'usage du public. Il appartient au législateur de clarifier le régime juridique des ouvrages du domaine aéroportuaire. La portée de cette précision n'est pas négligeable, car un ouvrage public entraîne notamment un régime de responsabilité sans faute à l'égard des tiers en cas de dommage accidentel, alors qu'un ouvrage privé ne permet que la mise en œuvre d'un régime de responsabilité pour faute, en vertu des articles 1382 et suivants du code civil.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a souligné l'importance du caractère privé ou public d'un ouvrage, comme l'a montré un arrêt du Conseil d'État qualifiant la dalle de l'esplanade de la Défense d'ouvrage public. Il convient de protéger les intérêts de l'État et de ne considérer comme publics que ceux des ouvrages effectivement affectés au service public. Pour autant, la rédaction proposée par le Rapporteur pour avis, si elle précise ceux des ouvrages qui ont le caractère public, n'empêche pas le juge de considérer comme publics les autres ouvrages comme, par exemple, la zone des boutiques.

M. Charles de Courson, Rapporteur pour avis, a souligné qu'il avait bien identifié cette difficulté mais qu'il avait choisi de faire figurer cette précision dans l'exposé sommaire de l'amendement.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, s'est enquis de l'opinion d'ADP sur cet amendement.

M. Charles de Courson, Rapporteur pour avis, a indiqué que le ministère des Transports y était favorable sous réserve d'une expertise juridique. L'intérêt de l'entreprise ADP est d'avoir le moins d'ouvrages publics possibles puisque, compte tenu du régime de responsabilité, les coûts des polices d'assurance sont plus élevés.

La Commission a alors adopté l'amendement du Rapporteur pour avis.

M. Augustin Bonrepaux s'est interrogé sur le contenu précis de la notion de service public, s'agissant d'ADP.

M. Charles de Courson, Rapporteur pour avis, a indiqué que les missions de service public d'ADP étaient définies à l'article 6 du projet de loi, ainsi que dans le cahier des charges qui devra être approuvé par décret en Conseil d'État.

La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 2, ainsi modifié.

Article 3 : Convention relative aux éventuelles plus-values foncières en cas de fermeture d'un aéroport.

La Commission a examiné un amendement de suppression de cet article. M. Charles de Courson, Rapporteur pour avis, a précisé que si son amendement pouvait être interprété comme de la provocation, il vise en réalité à susciter une réflexion sur la cohérence du projet de loi et sur le bien fondé du système de récupération des plus-values mis en place par cet article. En effet, l'État étant propriétaire d'ADP, les plus-values potentielles seront prises en compte par les investisseurs et par le commissaire aux apports dans l'estimation de la société au moment de l'ouverture de son capital. Si le domaine aéroportuaire est déclassé, les plus-values qui pourront être réalisées par la cession des biens doivent revenir aux actionnaires d'ADP. Si le Gouvernement est susceptible de manifester son désaccord sur cet amendement, force est de reconnaître que le mécanisme mis en place dans cet article est particulièrement complexe : l'arbitrage, qui se traduit par le taux de 70  % de restitution à l'État n'est guère satisfaisant.

Après avoir rejeté cet amendement, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 3.

Article 5 : Statuts, capital initial et composition initiale du conseil d'administration de la nouvelle société et dispositions transitoires relatives à son fonctionnement.

La Commission a examiné un amendement du Rapporteur pour avis précisant que le bilan de la société ADP au 31 décembre 2005 sera constitué à partir du bilan au 31 décembre 2004 de l'établissement public et du compte de résultat de l'exercice 2005. M. Charles de Courson, Rapporteur pour avis, a indiqué que, à l'image du mécanisme mis en place lors du changement de statut d'EDF-GDF, il convient de préciser les modalités d'établissement du bilan de la société ADP, de manière à en assurer la continuité sur l'ensemble de l'exercice comptable 2005 et à éviter d'avoir à procéder à une clôture des comptes en cours d'année.

La Commission a adopté cet amendement et émis un avis favorable à l'article 5, ainsi modifié.

Article 6 (articles L.251-1 à L.251-3 du code de l'aviation civile) : Droit applicable à Aéroports de Paris, caractère public de l'entreprise, missions qui lui sont confiées et modalités d'exercice de la tutelle de l'État.

La Commission a adopté un amendement de clarification du Rapporteur pour avis, permettant que le code de commerce puisse trouver à s'appliquer à la nouvelle société, les dispositions dérogatoires prévues dans le projet de loi devant rester l'exception.

Après avoir adopté un amendement de précision du Rapporteur pour avis relatif à la modification de la dénomination sociale d'ADP, la Commission a examiné un amendement tendant à supprimer le deuxième alinéa de cet article.

M. Charles de Courson, Rapporteur pour avis, a précisé que cet alinéa ajouté par le Sénat ne présentait aucune portée normative. Il est incohérent de dénoncer l'inflation législative et de continuer à introduire de telles dispositions dans les lois.

La Commission a adopté cet amendement.

Elle a ensuite examiné un amendement du Rapporteur pour avis tendant à rétablir la qualification d'actes administratifs pour les décisions prises par ADP, concernant l'accès aux installations aéroportuaires des aéronefs et des entreprises dont la présence est nécessaire aux activités de transport aérien. Ces actes doivent, en outre, être pris sous le contrôle de l'État.

La Commission a adopté cet amendement, ainsi qu'un amendement de précision du Rapporteur pour avis, et a émis un avis favorable à l'adoption de cet article, ainsi modifié.

Article 7 : Conditions de cession d'une concession aéroportuaire relative à un grand aéroport régional ou ultramarin.

Après avoir adopté un amendement du Rapporteur pour avis, précisant que la cession de la concession se fait à l'initiative de chaque CCI, la Commission a examiné un amendement relatif aux contreparties de la prolongation des concessions. M. Charles de Courson, Rapporteur pour avis, a précisé que son amendement était motivé par un doute sur la compatibilité de cet article avec les exigences du droit communautaire. Il est essentiel de prévoir des contreparties à la prolongation des concessions, qui doivent notamment se traduire par des exigences minimales en terme de programmes d'investissement, d'objectifs de qualité de service et d'évolution des redevances pour services rendus.

Usant de la faculté que l'article 38 du Règlement confère aux députés d'assister aux réunions des commissions dont ils ne sont pas membres, M. Jean-Pierre Blazy a souhaité savoir si l'adoption de cet amendement ne contribuerait pas à créer une forme d'insécurité juridique.

M. Charles de Courson, Rapporteur pour avis, a précisé, qu'au contraire, son amendement permettait de déterminer un cadre juridique sécurisant pour la mise en œuvre de cet article. La Commission a adopté cet amendement.

La Commission a ensuite examiné un amendement du Rapporteur pour avis précisant que les agents publics des chambres de commerce et d'industrie qui refuseront de signer un contrat de travail avec la société aéroportuaire seront repris en charge par les chambres. M. Charles de Courson, Rapporteur pour avis, a indiqué que, dans cette hypothèse, la CCI pourra proposer à la société aéroportuaire une mise à disposition de ces agents, avec leur accord.

Le Président Pierre Méhaignerie a souhaité connaître la date de la convention collective qui rend nécessaire l'adoption de cet amendement.

M. Charles de Courson, Rapporteur pour avis, a indiqué que la difficulté ne résultait pas d'une convention collective, mais du statut de ces personnels, lequel apparaît particulièrement favorable aux 1.200 agents statutaires concernés par le droit d'option.

La Commission a adopté cet amendement.

Après avoir adopté un amendement de précision du Rapporteur pour avis, la Commission a examiné un amendement tendant à instituer un délai de trois ans pour négocier une convention collective nationale applicable au personnel des exploitants d'aérodromes commerciaux ne relevant pas de l'article L. 251-2 du code de l'aviation civile. M. Charles de Courson, Rapporteur pour avis, a précisé que son amendement est motivé par un souci d'égalité entre les personnels et par la nécessité de leur offrir davantage de perspectives de mobilité.

La Commission a adopté cet amendement et a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 7, ainsi modifié.

Article 8 A (nouveau) (articles L. 228-1 à L.228-4 (nouveaux) du code de l'aviation civile) : Commission de conciliation aéroportuaire.

M. Charles de Courson, Rapporteur pour avis, a présenté un amendement de suppression de cet article, introduit par le Sénat, tendant à créer une nouvelle structure administrative.

Mme Béatrice Pavy a souligné qu'il est nécessaire d'aller dans le sens de la simplification administrative.

La Commission a adopté cet amendement de suppression. En conséquence, deux autres amendements du Rapporteur pour avis sont devenus sans objet.

Article 8 (article L.224-2 du code de l'aviation civile) : Modulation des redevances.

Après avoir adopté un amendement de clarification du Rapporteur pour avis, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article, ainsi modifié.

Article 10 (article L.123-4 (nouveau) du code de l'aviation civile) : Voies de recouvrement des redevances des aéroports.

M. Charles de Courson, Rapporteur pour avis, a présenté un amendement de clarification du régime des redevances, justifié par la nécessité de prendre en compte et de consolider les amendes administratives prononcées par l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires. Le taux de recouvrement de ces amendes est de l'ordre de 63 %. Il est donc nécessaire de renforcer l'effectivité des sanctions et le caractère dissuasif de celles-ci par un pouvoir d'immobilisation des aéronefs des compagnies aériennes ne s'acquittant pas du montant des amendes prononcées. Il pourrait être également opportun d'affecter le produit des amendes aux aérodromes où se situe leur fait générateur, qui peuvent l'affecter eux-mêmes au financement des aides à l'insonorisation pour les riverains, comme c'est le cas pour la taxe sur les nuisances sonores aériennes : les règles de recevabilité financière font obstacle à une telle proposition d'initiative parlementaire, mais on ne peut qu'encourager le Gouvernement à déposer un amendement reprenant cette idée.

Après avoir adopté cet amendement, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article, ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 15

M. Charles de Courson, Rapporteur pour avis, a présenté un amendement visant à permettre à chaque société aéroportuaire à laquelle aura été apportée une concession prolongée de procéder à un nouveau calcul des amortissements de caducité, prenant en compte la nouvelle durée de la concession de manière rétrospective. Les sociétés pourront ainsi contre-passer une partie de ces amortissements, afin de les rééchelonner en fonction de la durée de vie des investissements et de la nouvelle échéance de la concession. La Commission a adopté cet amendement.

La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'ensemble du projet de loi, ainsi modifié.

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Information relative à la Commission

La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a nommé :

- MM. Louis Giscard d'Estaing et Augustin Bonrepaux, rapporteurs d'une mission d'information sur l'exécution des contrats de plan État-régions.

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