COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 48

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 13 avril 2005
(Séance de 11 h 30)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Éric Woerth, Secrétaire d'État à la Réforme de l'État, sur les stratégies ministérielles de réforme : bilan et perspectives

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La Commission des finances a procédé à l'audition de M. Éric Woerth, secrétaire d'État à la réforme de l'État, sur les stratégies ministérielles de réforme.

Le président Pierre Méhaignerie a souhaité la bienvenue au secrétaire d'État à la réforme de l'État et a souligné la difficulté de sa tâche, ne serait-ce que pour entraîner les autres membres du Gouvernement.

M. Éric Woerth, secrétaire d'État à la réforme de l'État, a remercié la Commission de l'avoir convié à dresser le bilan d'un an de stratégies ministérielles de réformes (SMR).

Cette nouvelle méthode incitative de modernisation de l'administration, annoncée par M. Jean-Pierre Raffarin fin 2003 et lancée en 2004, présente trois caractéristiques : la recherche de l'efficacité ; la mobilisation des équipes avec des rendez-vous fréquents à tous les niveaux de l'administration ; le refus des incantations et des effets d'annonce. Elle est animée par trois principes : la permanence, puisqu'il s'agit d'un plan pluriannuel glissant ; la précision, puisque les engagements sont chiffrés et datés ; l'évaluation, puisque son avancement est régulièrement contrôlé et examiné par un comité d'évaluation, présidé par M. Francis Mer.

Les SMR entrent en synergie avec la LOLF, qui fournit un cadre de travail aux administrations, la notion de performance se traduisant par la définition d'objectifs et d'indicateurs. Les SMR sont les projets précis permettant d'atteindre les objectifs de la LOLF : pour le ministère de la Défense, par exemple, l'action « Soutien interarmées » du programme LOLF « Préparation et emploi des forces » contient un indicateur relatif au taux de mutualisation des fonctions logistiques ; en face, un projet SMR vise à « réorganiser le réseau d'approvisionnement en vivres ». En définitive, sans les SMR, la LOLF serait souvent un simple artifice de présentation.

Le comité d'évaluation, qui s'est réuni en septembre et en mars, a retenu 230 mesures pilotes devant dégager 1,5 milliard d'euros d'économies sur trois ans. Rapporté aux 100 milliards qui constituent la cible à atteindre, cela fait peu, mais c'est un début. Certaines actions illustrent bien la démarche : au ministère de l'Éducation nationale, la simplification des examens professionnels et des procédures de recrutement des enseignants du premier et du second degrés ; au ministère de la Défense, l'externalisation du stockage et de la délivrance des marchandises ; au ministère de l'Intérieur, l'actualisation de la stratégie immobilière ; au ministère de la Justice, la maîtrise des frais de justice ; au ministère de l'Équipement, la réorganisation des services infra-départementaux.

Ces actions doivent être suivies de près. Le comité d'évaluation, début mars, a procédé à une vingtaine d'heures d'auditions et chaque ministère a été entendu. Il en ressort que 89 % des 230 actions prévues sont déjà engagées ou même réalisées après seulement six mois ; 11 % sont bloquées ou retardées. Les économies déjà dégagées atteignent 110 millions d'euros.

Le secrétaire d'État a ensuite appelé l'attention de la Commission sur les principales leçons pouvant être tirées de ce bilan.

La modernisation de l'administration est un objectif permanent qui, dans chaque ministère, doit être porté par un fonctionnaire de très haut niveau. Presque tous les ministères ont nommé leur secrétaire général, à l'exception de celui de l'Économie et des finances
- mais c'est imminent - et de ceux de l'Éducation nationale et la culture, qui font encore de la résistance. Les secrétaires généraux sont réunis au moins une fois par mois pour échanger leurs expériences sur les réformes en cours et s'inspirer des bonnes pratiques en vigueur dans les autres ministères. Autour d'eux, près de cent personnes sont mobilisées sur les SMR.

Les stratégies ministérielles de réformes requièrent des comparaisons interministérielles et internationales. D'un ministère à l'autre, les effectifs des services informatiques vont du simple au double ; ceux de la fonction immobilière vont même du simple au quintuple. Le secrétariat d'État a donc lancé une série de démarches interministérielles, la plus emblématique consistant à mutualiser les achats de dix ministères volontaires. Le premier appel d'offres interministériel, qui portera sur les équipements informatiques et la téléphonie mobile, sera ainsi passé en août. Cet effort de mutualisation générera quelque 200 millions d'euros d'économies, sans le moindre coût politique.

Quelques points méritent des améliorations. Il faut systématiquement quantifier les gains de productivité ou de qualité de service réalisés. Pour aider les ministères, une méthodologie d'évaluation des gains de productivité des projets informatiques, intitulée « MAREVA », leur est proposée. La démarche doit être étendue aux opérateurs, notamment dans les secteurs social ou environnemental. Enfin, pour que les ministères ne resservent pas toujours les mêmes recettes, il importe de stimuler la créativité et l'ambition.

Il est aussi intéressant de se référer aux exemples étrangers. Au Canada, dans le secteur agricole, les activités de service et de conseil aux exploitations ont été réduites et quatre services d'inspection ont été rassemblés en une seule agence ; pour les affaires étrangères, des représentations à l'étranger ont été regroupées. En Allemagne, l'ingénierie publique du ministère de l'Équipement a été réorganisée. En Suède, des services de comptabilité ont été réunis. Au Royaume-Uni, le financement et la gestion du parc informatique des tribunaux ont été externalisés.

Le secrétariat d'État souhaite aller plus loin dans les stratégies ministérielles de réforme : premièrement, le Premier ministre vient de donner son feu vert à la signature de contrats de modernisation entre Bercy et les autres ministères, afin que ces derniers obtiennent un juste retour des efforts accomplis ; deuxièmement, il faut initier davantage de mesures pour entrer plus profondément dans les détails et ainsi mieux associer les fonctionnaires à la démarche.

Les ministères travaillent d'arrache-pied pour actualiser leurs SMR au titre de l'année 2005. L'exercice sera alors installé dans la sphère politico-administrative : le processus de revue des programmes, des missions, des actions et de l'organisation sera permanent. On ne parlera plus de « la réforme de l'État » mais « des réformes dans l'État », lesquelles seront de plus en plus transparentes, afin de banaliser le changement et de mettre les conservatismes en échec. Ce système vertueux obligera les uns et les autres à se remettre en question.

La plupart des rapporteurs spéciaux ont beaucoup à dire sur le sujet et leurs échanges avec le secrétariat d'État doivent se multiplier. Par ailleurs, lorsque la Commission auditionne un ministre dans le cadre de la LOLF, il ne serait pas inutile qu'elle l'interroge également sur le volet SMR. Ainsi, les membres du Gouvernement n'auront plus d'échappatoire !

La communication du secrétariat d'État a jusqu'à présent porté sur la méthode ; elle doit de plus en plus mettre l'accent sur le contenu des actions.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, après avoir félicité le secrétaire d'État et toute son équipe pour leur travail et leur professionnalisme, s'est dit rassuré par les travaux du comité d'évaluation auxquels il a participé en septembre 2004 et en mars 2005. La France sort enfin de l'incantation en se dotant d'une véritable méthodologie. Pour la première fois, ministère par ministère, des actions précises sont définies, assorties d'objectifs chiffrés et soumises à des délais, avec un suivi pluriannuel. Cela ne manquera pas de produire des résultats.

Il convient d'articuler au mieux cet exercice avec l'aspect décisif de la loi organique : la désignation, courant 2006, de responsables de programme qui auront à leur disposition des moyens d'action nouveaux comme la fongibilité des crédits ou la contractualisation. Il ne faudrait pas que les secrétaires généraux des ministères se transforment en responsables de programme ; ils doivent essentiellement jouer le rôle d'interface entre les responsables de programme et l'échelon politique ministériel. Le moment n'est-il pas venu d'élaborer un protocole d'action pour définir précisément leur rôle ?

La question des services extérieurs figure presque systématiquement dans les propositions émises à la suite des travaux du comité d'évaluation. Il faut se montrer beaucoup plus ambitieux en matière d'expérimentation. Dans le Val-d'Oise, un lieu susceptible d'accueillir un vrai regroupement de services extérieurs fait l'unanimité. Pourquoi ne pas concrétiser ce projet immédiatement ?

S'agissant des ressources humaines, la situation reste floue. Ainsi, les dépenses de personnel ne font pas partie de l'agrégat de 100 milliards d'euros sur lequel porte l'effort de productivité. Quelles mesures de gestion sont de nature à optimiser la répartition des ressources en personnel ? Le problème des dizaines de milliers d'enseignants qui ne travaillent pas face à une classe, par exemple, ne doit-il pas être abordé de façon plus générale, sous l'angle des statuts ?

De quels moyens d'incitation et de motivation le secrétariat d'État à la réforme de l'État dispose-t-il ? Les hauts fonctionnaires sont prêts à accomplir des efforts et à prendre des risques mais pour quel retour ? À l'inverse, des sanctions seront-elles appliquées, si une action chiffrée et programmée n'est pas réalisée ?

Le président Pierre Méhaignerie a fait remarquer au secrétaire d'État que la Commission avait également besoin de son soutien sur trois dossiers.

D'abord, comme cela s'est produit l'an dernier, lorsque des amendements tendant à éviter la création de structures ou à réduire des crédits nouveaux exagérément élevés sont adoptés, une deuxième délibération est généralement demandée et ils sont supprimés, ce qui casse un peu l'ambition de la Commission des finances.

Ensuite, trois ou quatre dossiers d'habilitation législative ont été déposés en vue d'expérimentations et il serait souhaitable qu'une journée de réflexion soit consacrée à ce thème.

Enfin, une capacité d'alerte doit être activée, afin d'éviter la constitution d'agences et de structures nouvelles, ainsi que l'adoption de lois inutiles et médiatiques.

M. Georges Tron a salué la façon dont le chantier est conduit, tout en manifestant sa préférence pour l'expression « réformes dans l'État » plutôt que pour celle de « réforme de l'État ».

Au regard des montants en jeu, des stratégies comme les SMR ne pourront réellement aboutir sans une politique de la ressource humaine. Les deux démarches doivent être entreprises simultanément car toutes les mesures structurelles ont des incidences en termes de personnel. Traiter le problème présenterait deux avantages : la politique de réforme dans l'État disposerait d'un levier supplémentaire ; l'action des fonctionnaires serait plus lisible. Est-il envisageable d'ouvrir, sous l'égide du ministère de la fonction publique, un chantier sur le pilotage de la ressource humaine ?

Les membres de la Commission sont stupéfaits par la tournure que prennent les auditions de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) sur le patrimoine immobilier de l'État. En réalité, malgré l'approbation du tableau général des propriétés de l'État, qui laisse supposer que l'inventaire serait achevé, un grand flou demeure. Surtout, aucune doctrine de gestion ne se dégage : les opérations qui ont été lancées restent ponctuelles. Comment les réformes dans l'État pourront-elles faire abstraction de ce volet, eu égard aux sommes colossales en jeu ?

Après les efforts louables accomplis pour diviser pratiquement par deux le nombre de structures parallèles de l'État, un organisme, une agence ou un comité est créé presque chaque semaine. Cette tendance est inquiétante. Quel est finalement le solde des structures supprimées ?

Le manque d'imbrication entre les exercices LOLF et SMR est regrettable. Ils sont pilotés par deux ministères différents, les équipes de réalisation sont distinctes, de même que les méthodologies, les objectifs et les indicateurs, et aucune instance n'est chargée de les mettre en concordance. Pourquoi ne pas adosser directement les SMR à la LOLF, avec un découpage par mission et non plus par ministère ? Le système est complexe et des barrières ont été érigées par des décennies d'habitudes, mais l'impulsion est maintenant donnée. Avec le temps, peut-être s'apercevra-t-on que la démarche gagnerait en lisibilité et en efficacité si les deux exercices LOLF et SMR étaient mieux articulés.

M. Michel Bouvard a jugé que le secrétariat d'État à la réforme de l'État était rentable pour le budget de l'État. La création de structures - agences nationales, observatoires ou autres - doit effectivement être évitée. Préalablement à leur adoption, les projets de loi sont-ils examinés par le secrétariat d'État pour que celui-ci analyse leurs conséquences sur l'organisation administrative ? Lorsqu'un ministère, dans le cadre de la décentralisation, voit l'une de ses compétences transférée aux régions et aux départements, sa tentation est grande d'imaginer une nouvelle compétence, généralement dans la sphère du contrôle. Une bonne quinzaine d'exemples pourraient être cités. Comment éviter les dérapages de ce genre ? Comment les secrétaires généraux des ministères, chargés de coordonner la mise en œuvre de la réforme administrative, interagiront-ils avec les responsables de programme, dont le rôle n'est pas encore parfaitement défini ?

La gestion des ressources humaines se heurte à la rigidité des statuts. Où en sont les chantiers de l'identification des métiers et du passage à une logique de métiers, qui ne semblent guère avancer ? Comment les gains obtenus seront-ils contrôlés ? Les rapporteurs spéciaux pourront-ils être associés à la vérification ?

M. Alain Rodet a émis la crainte que la nomination de secrétaires généraux dans les ministères ne rallonge la chaîne hiérarchique et ne complique les situations. Alors que le Gouvernement compte plus de quarante membres, les ministres pourraient être les chefs de leur administration, mais il leur est surtout demandé de communiquer. Ne serait-il pas préférable que certains d'entre eux travaillent à des dossiers concrets ? Pourquoi empiler les agences, hauts conseils et autres observatoires ? La création d'une agence nationale de la recherche, par exemple, a-t-elle un sens ? Comment résoudre le problème de la dualité entre la DATAR et le Commissariat général du Plan ? Comment serait-il possible de réformer l'État quand le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale multiplie les initiatives intempestives ?

M. Philippe Auberger a estimé que l'objectif de la réforme de l'État devait être l'amélioration des relations entre l'administration et le public. Est-il prévu de mettre en place des indicateurs pour mesurer le taux de satisfaction du public ? Certains services administratifs ne pourraient-ils pas, à l'instar des entreprises, se faire certifier ISO et effectuer des analyses qualitatives ? Les relations entre l'administration d'État et les collectivités locales sont polluées par les bombardements de circulaires et autres questionnaires, absurdes et incompréhensibles, souvent reçus alors que la date requise pour la réponse est déjà passée. Le Gouvernement mène-t-il une réflexion à ce sujet pour que l'administration d'État gagne en crédibilité ?

M. Jean-Pierre Brard a proposé, pour limiter le nombre de ministres, que la structure gouvernementale, comme dans d'autres pays, soit fixée une fois pour toutes. Des économies potentielles existent. À la fin de la première époque de la politique de la ville, il a été calculé que le temps de travail nécessaire pour constituer les dossiers, transposé en coût, revenait aux deux tiers de ce que rapportaient les subventions finalement accordées par l'État. Plutôt que de prendre les élus locaux pour des incapables, il faudrait contractualiser avec eux sur des objectifs, en leur reconnaissant le droit au tâtonnement et à l'erreur.

Quand un étranger veut obtenir un visa pour entrer dans l'espace Schengen, il fait le tour des ambassades européennes. N'est-il pas possible de regrouper les services consulaires de la France avec ceux d'autres États membres de l'espace Schengen ? De même, le centre culturel franco-allemand de Ramallah, en Palestine, est exemplaire : cette mutualisation génère des économies d'infrastructure et, de surcroît, donne une lisibilité à l'action politique vis-à-vis de l'extérieur.

Le président Pierre Méhaignerie a noté que le ministre de l'Économie et des finances, pour accompagner la réforme de l'État, pouvait compter sur le soutien unanime de la commission des Finances de l'Assemblée, mais aussi de celle du Sénat. Si la France ne rattrape pas son retard, elle sera confrontée à des difficultés insurmontables compte tenu, d'une part, du poids des dépenses de vieillesse et de santé, et, d'autre part, du besoin d'amélioration du pouvoir d'achat, exprimé par une partie de la population. Or l'État mais aussi les collectivités locales disposent de marges de productivité.

M. Georges Tron a insisté sur la nécessité de mettre en place un dispositif d'évaluation pour réaliser des économies. Les propositions de la Commission à ce sujet ont-elles des chances d'êtres reprises par le Gouvernement ?

La politique de la ville, à cet égard, est absolument caricaturale : même lorsqu'un dossier est parfaitement ficelé, les services de l'État le renvoient pour demander des compléments, ce qui entraîne des coûts supplémentaires, retarde la mise en œuvre d'actions utiles et décourage les élus. Ne serait-il pas possible de simplifier ces dispositifs ?

M. Michel Bouvard a suggéré, s'agissant du patrimoine immobilier de l'État, que le champ d'investigation aille au-delà de la réalisation d'actifs pour englober la politique de location des opérateurs publics, qui recèle des gisements d'économies.

M. Éric Woerth a apporté les éléments de réponse suivants :

- sur le sujet sensible de la fonction publique, le mieux placé pour s'exprimer est M. Renaud Dutreil, ministre de la Fonction publique et de la réforme de l'État. Les négociations en cours ouvriront peut-être une voie pour sortir du débat classique sur la valeur du point d'indice. L'évolution du métier et l'évolution du statut font aussi partie de la négociation. Les SMR comportent un volet accompagnement des ressources humaines qui évoluera en fonction des négociations, mais la gestion des ressources humaines est un dossier transversal ;

- tous les secrétaires généraux n'ont pas les mêmes prérogatives et il convient d'harmoniser la définition de leurs fonctions. Pour le Premier ministre, le secrétaire général est un primus inter pares, et cela doit passer dans les faits. C'est un poste de plus mais sa création peut s'avérer rentable ;

- la multiplication des structures est un motif de préoccupations récurrent. De nombreuses commissions nationales et départementales ont été supprimées malgré les pressions des lobbies, mais il faut renouveler l'exercice chaque année car il s'en recrée régulièrement. Le troisième projet de loi d'habilitation - dont les ordonnances sont en cours de publication -, comme le deuxième, prévoit la suppression de commissions mais aussi d'observatoires. Sur ce sujet emblématique, le Gouvernement ne lâchera rien ;

- il n'est pas évident de simplifier les relations entre les citoyens et les administrations, car il existe une multitude de métiers et de normes. Le Gouvernement a pris plusieurs mesures tendant à améliorer la satisfaction du public. Premièrement, un baromètre de la réforme de l'État, en cours d'élaboration, comprendra des indices mesurant la réactivité, la disponibilité et la modernité des services ainsi que la satisfaction du public. Deuxièmement, 1.650 services de l'État, dans tous les départements, ont signé une charte d'engagement, intitulée « charte Marianne », concernant les délais de réponse aux courriers et aux mails, l'accueil des personnes handicapées, le traitement des réclamations, l'information sur les files d'attente, etc. Les résultats seront évalués par le biais d'une enquête réalisée par des « visiteurs mystères ». Cette initiative est expérimentée en Picardie, en Haute-Normandie et en Basse-Normandie, et les premiers résultats ne sont pas très encourageants. Un classement des départements pourra être publié, non pas pour sanctionner mais pour inciter à améliorer la satisfaction du public ;

- un indice - provisoirement baptisé « indice Kafka » - va par ailleurs être créé pour mesurer la qualité des projets de loi. À la place des études d'impact, qui ne fonctionnent pas, chaque projet de loi sera accompagné de deux notes : la première traduira la complexité de la loi et la seconde appréciera son impact, notamment en termes de coûts. Les grilles d'analyse élaborées ont été appliquées à des lois passées et donnent des résultats très intéressants. Cet indice étant public, chaque ministre sera incité à travailler davantage pour améliorer les dispositions de ses projets de loi ;

- le secrétariat d'État est également en train de mesurer le coût de la charge administrative pour les entreprises. Il a identifié les régimes d'autorisation - au nombre de 1.500 à 1.600 -, en a isolé cent et a sélectionné trois ou quatre entreprises pour chacun d'entre eux. Une valeur sera donnée au temps passé afin d'évaluer le coût supporté par les entreprises du fait de la gestion des tâches administratives, après quoi ce résultat sera extrapolé et rapporté au PIB, peut-être en ajoutant les régimes déclaratifs obligatoires. Ce calcul permettra de déterminer l'importance des freins internes à la croissance ;

- la réforme de l'immobilier n'avance pas suffisamment vite au regard des objectifs gouvernementaux. Pour traiter ce sujet, la vision strictement budgétaire doit être accompagnée par une réflexion sur les processus d'organisation. Toutefois, la mission interministérielle de valorisation du patrimoine immobilier de l'État ne relève pas de la responsabilité du secrétariat d'État à la réforme de l'État, et le service des Domaines lui-même dépend du ministère de l'économie et des finances.

M. Georges Tron a dénoncé la volonté d'opacité manifestée, lors des auditions de la MEC, par certains de ses interlocuteurs.

M. Éric Woerth a poursuivi :

- les exercices de la LOLF et des SMR, qui concourent au même résultat - améliorer la performance de l'État -, doivent être parfaitement articulés au fil du temps, ce qui suppose une collaboration totale entre les responsables de programme et les secrétaires généraux des ministères. Le secrétariat d'État n'est pas en compétition avec le ministère du Budget ; cela n'aurait aucun sens ;

- l'abondance de circulaires est effectivement préoccupante. Un groupe de préfets qualifiés de « sismographes » a été mis sur pied pour réagir à la complexité réglementaire dont ils ont connaissance dans leur département. Ils ne font malheureusement pas remonter beaucoup d'informations, car le niveau pertinent est en fait celui des secrétaires généraux de préfecture ;

- rien n'empêche le préfet du Val-d'Oise de s'orienter vers l'expérimentation proposée par le Rapporteur général pour les services extérieurs, s'il la juge pertinente. Rien n'interdit à un département de prendre l'initiative et d'émettre des propositions mais il est surtout souhaitable qu'aucun ne reste à la traîne.

Le président Pierre Méhaignerie a souligné que les problématiques locales étaient désormais enchevêtrées et que l'élu local avait par conséquent affaire à six, huit ou dix services déconcentrés différents pour chaque dossier. Il ne faut donc pas s'arrêter aux structures d'ingénierie publique et de sécurité.

M. Éric Woerth a précisé que les structures d'ingénierie publique des directions départementales de l'agriculture et de l'équipement seraient probablement fusionnées dans trente à cinquante départements.

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