COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 54

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 1er juin 2005
(Séance de 11 heures)

Présidence de M. Jean-Jacques Descamps, vice-président
puis de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

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- Examen du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers (n° 2281) (M. Richard Mallié, Rapporteur)

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- Examen de la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les activités de la Compagnie française pour l'assurance du commerce extérieur (COFACE) pour le compte de l'État et leur lien avec l'évolution de l'aide publique au développement, présentée par M. Jean-Paul Bacquet (n° 2221) (M.  Camille de Rocca Serra, Rapporteur)

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- Informations relatives à la Commission

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Le Président Pierre Méhaignerie, en préalable, a jugé important que la commission des Finances se saisisse de la question des échanges commerciaux avec la Chine, afin d'être en mesure de proposer quelques pistes de réflexion au Gouvernement. La situation actuelle de ces échanges donne les plus grandes raisons d'être inquiets quant au potentiel industriel de notre pays, et cette inquiétude est notamment très forte parmi les salariés de l'industrie. Les évolutions actuelles doivent être examinées sans tarder, car il est vraisemblable que les importations que nous voyons aujourd'hui ne constituent que la partie émergée de l'iceberg.

Puis, la Commission a procédé, sur le rapport de M. Richard Mallié, Rapporteur, à l'examen du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers (n° 2281).

M. Richard Mallié, Rapporteur, a rappelé que ce projet de loi a été adopté par le Sénat le 2 mai dernier. Il porte sur la transposition, en droit français, de plusieurs directives communautaires. Ses sept articles proposent de transposer les directives relatives aux abus de marchés, d'habiliter le Gouvernement à transposer, par voie d'ordonnance, la directive relative aux marchés d'instruments financiers, plus connue sous le nom de « directive MIF » et de ratifier deux ordonnances, l'une relative à la surveillance complémentaire des établissements de crédit et l'autre portant simplification des règles de transfert de propriété des instruments financiers. Ces deux ratifications ont été introduites au Sénat sur l'initiative du Rapporteur général de la commission des Finances.

Ce projet de loi s'inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des directives prises dans le cadre du « Plan d'action pour les services financiers » (PASF), défini en 1999 par la Commission européenne et approuvé par le Conseil européen. Il s'agit d'un ensemble de mesures destiné à régir le marché financier unique. Sur les 42 mesures envisagées à l'époque, 39 ont été adoptées à l'issue de la dernière législature européenne qui s'est achevée en 2004.

La méthode de travail adoptée au niveau européen pour la mise en œuvre du PASF est particulièrement innovante. En effet, un rapport remis à la Commission le 15 février 2001 par M. Alexandre Lamfalussy, a préconisé une méthode originale pour légiférer sur l'harmonisation et l'adaptation des règles relatives au secteur financier européen. Son principe consiste à légiférer en quatre étapes. Tout d'abord, est adoptée une directive « cadre », telle que celle du 28 janvier 2003 relative aux abus de marché. Ensuite des mesures de « niveau 2 » sont adoptées qui déclinent ces grandes orientations sous la forme de directives ou de règlements, après une large consultation des acteurs financiers européens. Dans un troisième temps, le Comité européen des régulateurs des valeurs mobilières élabore des recommandations interprétatives communes. Enfin, dans un quatrième temps, la Commission s'assure de l'application de ces textes.

La première partie du projet de loi est consacrée à la lutte contre les abus de marchés. L'article 1er propose de créer une obligation de déclaration de soupçon des opérations douteuses pesant sur les intermédiaires financiers. Il s'agit là de la principale innovation en matière de lutte contre les abus de marché, qui s'inspire très largement du dispositif en vigueur contre le blanchiment. Les intermédiaires financiers qui auraient des raisons de soupçonner que des opérations pourraient constituer un abus de marché doivent le signaler à l'Autorité des marchés financiers (AMF). La notion de soupçon est difficile à cerner : une opération parfaitement licite peut attirer - ne serait-ce que par son montant inhabituel - la suspicion d'un intermédiaire financier. Il faut garder à l'esprit que soupçon ne signifie pas culpabilité. C'est pourquoi le projet de loi propose à la fois de garantir que la responsabilité de celui qui procèdera à la déclaration de bonne foi, ne pourra être recherchée et que la confidentialité autour de cette déclaration devra être préservée, pour ne pas nuire aux intérêts d'une personne faisant l'objet d'un soupçon non avéré.

L'article 3 prévoit d'étendre aux cadres dirigeants d'une entreprise faisant appel public à l'épargne l'obligation de déclaration des opérations qu'ils effectuent sur les titres de celle-ci. Le texte prévoit que cette déclaration porte également sur tous les produits financiers qui en sont dérivés. La loi de sécurité financière du 1er août 2003 a déjà établi cette obligation pour les dirigeants de l'entreprise - c'est-à-dire les membres du conseil d'administration, du directoire, du conseil de surveillance, le directeur général, le directeur général unique, le directeur général délégué ou le gérant. Le présent projet de loi ne fait donc qu'étendre cette obligation aux cadres dirigeants, c'est-à-dire à ceux qui ont accès aux informations stratégiques dans l'entreprise. Quant à la procédure, il est proposé que les personnes physiques transmettent ces informations à l'entreprise, à charge pour cette dernière d'informer l'AMF.

L'article 4 vise à instaurer, au sein des entreprises cotées, des listes de personnes ayant accès aux informations privilégiées permettant de présumer une éventuelle qualité d'initié.

La deuxième partie du projet de loi propose la transposition de la directive « MIF ». Elle conduit à modifier en profondeur l'architecture même des marchés financiers. Son point le plus important est, sans conteste, l'instauration, dans toute l'Union, de trois modes alternatifs d'exécution des ordres, soumis à un régime juridique communautaire complet. Il s'agit de l'exécution sur un marché réglementé, sur un système multilatéral de négociation, et directement par un prestataire de services d'investissement. C'est cette dernière possibilité qui constitue une véritable révolution. En effet, cette directive va permettre aux intermédiaires financiers d' « internaliser » l'exécution des ordres, c'est-à-dire de procéder à une transaction sur des titres cotés, sans passer par la bourse. Aujourd'hui, le système financier français repose sur le principe dit de « concentration des ordres », selon lequel tous les ordres sont envoyés sur un marché unique - la bourse - où toute l'offre et toute la demande se rencontrent. Ce système permet de garantir la formation d'un prix d'échange optimal. Bien évidemment, l'abandon de l'obligation de concentration a fait naître des inquiétudes qui ont pu, parfois, sembler légitimes. Cependant, la mise en œuvre de l'internalisation est assortie de deux garanties fondamentales : la « meilleure exécution possible des ordres » et la transparence des négociations. L'objectif est clair : assurer la protection des investisseurs.

Concrètement, les prestataires financiers doivent exécuter les ordres aux conditions les plus favorables pour leurs clients. De plus, la directive pose de strictes exigences de transparence, aussi bien avant la transaction qu'après celle-ci.

Lors de l'examen du projet de loi, le Sénat a adopté quelques amendements, dont trois sont particulièrement importants. Les deux premiers sont relatifs à la déclaration de soupçon : le Sénat a précisé qu'une déclaration de soupçon orale devait être confirmée par écrit, conformément, d'ailleurs, à ce que prévoit explicitement la directive. De plus, le Sénat a renforcé l'obligation de confidentialité en précisant que la déclaration de soupçon ne pouvait être communiquée à quiconque. Le troisième amendement vise à encadrer l'habilitation donnée au Gouvernement de transposer par ordonnance la directive « MIF ».

Le Sénat propose que la transposition garantisse la fluidité de la circulation des ordres entre les infrastructures de marché. En réalité, cette mention fait référence à l'article 22 de la directive, qui encadre tout particulièrement les passations d'ordres à cours limité, c'est-à-dire les ordres qui fixent un prix maximal d'achat ou un prix minimum de vente d'un titre. Si un tel ordre ne peut être exécuté en interne, il doit être transmis au marché le plus rapidement possible pour éviter la constitution de « poches de liquidité ». Les dispositions d'application n'étant pas encore connues, le Sénat a souhaité attirer l'attention du Gouvernement sur cette importante question.

En outre, la définition des dérogations accordées à la transparence des négociations a également suscité des interrogations. La directive prévoit une exigence de transparence à la fois avant la négociation et après celle-ci. Or, ces règles ne s'appliquent pas à des transactions qui excèdent la « taille normale des marchés ». Cette exception existe déjà en droit français, notamment pour les transactions portant sur des blocs. Cependant, la directive « cadre » que l'ordonnance doit transposer ne définit pas la « taille normale des marchés », qui sera déterminée par une future mesure de « niveau 2 ». Il convient donc d'être particulièrement vigilant quant à cette définition, dont les contours sont primordiaux puisqu'ils délimiteront le champ de la transparence.

Parmi les amendements proposés à la Commission, deux sont particulièrement importants. Le premier, à l'article premier, porte sur la déclaration de soupçon. En effet, le projet de loi prévoit que les intermédiaires financiers - qui sont des personnes morales - procèdent à une notification de soupçon à l'AMF. Il est proposé, qu'au-delà de cette obligation, les personnes physiques employées par ces intermédiaires aient la faculté de procéder à cette même déclaration. Il est également souhaitable que les associations d'actionnaires puissent faire de même. Bien que n'ayant pas accès au carnet d'ordre, ces associations peuvent détecter des opérations inhabituelles ou surprenantes et doivent pouvoir les signaler à l'AMF. Cette proposition est particulièrement utile car, aujourd'hui, des associations qui observent des transactions suspectes ne peuvent que saisir la justice. Il en résulte une multiplication des recours, néfaste pour l'image de la place de Paris. Par la procédure proposée, ces associations pourraient plus facilement et efficacement participer à la lutte contre les abus de marché.

Le deuxième amendement proposé concerne l'article 3 qui traite de la publicité sur les opérations réalisées par les cadres dirigeants. En effet, la directive est très claire : ce sont les personnes physiques qui doivent informer l'AMF et non l'émetteur, c'est-à-dire leur entreprise. Pourtant le Gouvernement propose un dispositif dans lequel ces personnes physiques doivent informer leur employeur, lequel répercute l'information vers l'AMF. L'amendement proposé, qui a d'ailleurs été défendu au Sénat, prévoit une déclaration directe à l'AMF, qui présente de nombreux avantages : elle respecte la lettre de la directive, elle renforce la responsabilité des personnes physiques concernées, elle permet de respecter le délai de communication de cinq jours prévu par la directive et elle permet à l'entreprise d'être systématiquement informée des opérations en cause. Il est essentiel qu'elle puisse connaître les ordres que ses dirigeants effectuent. Il s'agit d'une mesure essentielle pour une saine gouvernance de l'entreprise.

M. Charles de Courson a demandé des précisions sur le fonctionnement de l'internalisation par rapport au système actuel de concentration. Peut-il y avoir, au même instant, des transactions à des prix différents, et comment le marché s'ajuste-t-il ?

M. Richard Mallié, Rapporteur, a précisé que l'internalisation permet à deux personnes, un vendeur et un acheteur, de réaliser une transaction grâce à un intermédiaire financier, sans passer par la bourse. Si le cours boursier, au même moment, était différent du prix de cession, il pourrait y avoir une difficulté. C'est pourquoi la directive prévoit que l'intermédiaire financier doit assurer la publicité de cette transaction, dont l'Autorité des marchés financiers (AMF) est informée. Il est également tenu à la « meilleure exécution possible » des ordres, dans le respect de l'intérêt de ses clients. Si tel n'était pas le cas, le client pourrait contester la transaction.

L'organisme principalement concerné par la réforme est la bourse de Paris, Euronext, qui pourrait voir une partie des opérations lui échapper. Les personnes auditionnées ne se montrent pourtant pas inquiètes, à cause de la complexité du traitement informatique que devront mettre en œuvre les « internaliseurs » et pensent que la majeure partie des transactions continuera à s'effectuer à travers la bourse, compte tenu de la fiabilité qu'elle présente, et du faible coût d'intermédiation qu'elle engendre. Il en va différemment pour les blocs d'actions, lesquels dérogent d'ores et déjà aux règles générales.

M. Charles de Courson s'est interrogé sur l'intérêt que présente le nouveau système, compte tenu de l'existence de cette dérogation.

M. Richard Mallié, Rapporteur, a indiqué que la place financière de Londres pratique largement cette procédure, laquelle porte sur un marché qui peut aller jusqu'à 60 % des transactions, même si ce chiffre est contesté. Il est souhaitable que, même si cette procédure est encore inconnue en France, tous les marchés financiers se voient appliquer des règles homogènes. Tel est l'objectif de cette directive, dont on parle depuis plusieurs années mais qui, semble-t-il, n'effraie plus personne en France. Il est peu probable que ce nouveau système domine le marché en France, car les intermédiaires, y compris les banques, ne disposent pas encore des systèmes informatiques permettant de gérer de telles transactions.

M. Charles de Courson a demandé si le nouveau système n'accroît pas les risques de dissimulation, en permettant aux intervenants de fixer un prix inférieur au cours boursier, induisant un « dessous-de-table » pour le différentiel. Dans les pays qui ont recours à cette procédure, les négociations se font-elles, en pratique, au prix boursier, ou à un prix différent ?

M. Richard Mallié, Rapporteur, a estimé qu'il n'y avait pas de crainte à avoir quant au risque de dissimulation, car de nombreux intermédiaires sont présents dans la transaction et l'établissement financier a l'obligation de faire la meilleure exécution possible. Les acheteurs et les revendeurs ne se connaissent pas. En outre, l'exécution des ordres à cours limité doit être très rapide, à défaut, l'offre sera transmise au marché. S'il a un doute sur une éventuelle manipulation de marché, l'intermédiaire est obligé de transmettre une déclaration de soupçon à l'AMF. Dans les pays qui mettent en œuvre ce système, les transactions se font à un prix très voisin du prix boursier.

M. Jean-Louis Dumont a demandé si les déclarations de soupçon seront nominatives, ce qui apparaît important compte tenu du développement des dénonciateurs anonymes à l'AMF et à la justice. D'autre part, quelle sera la fourchette de prix pour les transactions ? Les transactions réalisées en dehors de la bourse ne risquent-elles pas de contribuer à augmenter artificiellement le cours des actions concernées ?

M. Richard Maillé, Rapporteur, a confirmé que les déclarations de soupçon seront bien nominatives. En outre, l'obligation de confidentialité est également très importante, car on ne saura pas quelle est la personne mise en cause, ni celle qui a dénoncé.

Le risque que les transactions internalisées soient réalisées à des cours éloignés du prix de référence n'existe pas, car toutes ces transactions font l'objet d'une publicité quasiment instantanée. La règle de la meilleure exécution possible des ordres protège les intérêts des investisseurs.

M. Philippe Auberger a estimé que toute ambiguïté n'est pas levée quant à la déclaration de soupçons. On croit aujourd'hui que le délit d'initié est parfaitement circonscrit. Or ce n'est pas le cas, car, depuis sa création en 1967, sa définition a déjà été modifiée sept ou huit fois. De même que le GAFI a été submergé d'une masse de déclarations de soupçon de blanchiment faites par précaution, on risque de rencontrer ici le même phénomène, puisque le délit d'initié reste flou. On constate, en pratique, qu'il y a de grandes difficultés à prouver un délit d'initié. Dans le projet de loi « confiance et modernisation de l'économie » en cours d'examen, le délit d'initié est encore modifié ; c'est pourquoi il aurait été préférable que les deux textes soient joints pour avoir une vue d'ensemble.

M. Richard Maillé, Rapporteur, a souligné la pertinence de cette remarque. La directive du 28 janvier 2003 définit la notion de manipulation du marché, qui est plus large que le seul délit d'initié. Les éléments sont repris dans le projet de loi « confiance et modernisation de l'économie ». La cohérence entre les deux textes est totale.

M. Philippe Auberger a ajouté que si le délit de manipulation de cours existe depuis plus longtemps que le délit d'initié, il est toujours difficile à prouver. Ainsi, le 11 septembre 2001, l'AMF a-t-elle donné au président de Vivendi Universal l'autorisation de soutenir le cours de la société compte tenu des circonstances exceptionnelles. Cette autorisation fait aujourd'hui l'objet d'une mise en cause devant la justice par certains actionnaires. Les incertitudes sont donc encore grandes dans ce domaine.

Puis la Commission a procédé à l'examen des articles du projet de loi.

Article premier (Sous-section 5 du chapitre unique du titre II du livre VI et articles L. 621-17-1, L. 621-17-2, L. 621-17-3, L. 621-17-4, L. 621-17-5, L. 621-17-6 [nouveaux] du code monétaire et financier) : Déclaration d'opérations suspectes

La Commission a adopté un amendement de coordination du Rapporteur. Elle a ensuite examiné un amendement du même auteur offrant la faculté aux personnes physiques employées par un intermédiaire financier, ainsi qu'aux associations d'actionnaires, de procéder à une déclaration de soupçon à l'AMF.

M. Charles de Courson s'est interrogé sur cet amendement, qui risque d'engendrer une certaine anarchie chez les intermédiaires financiers dans la mesure où les salariés pourraient faire une déclaration à l'AMF sans en avertir leur supérieur hiérarchique.

M. Richard Mallié, Rapporteur, a rappelé que cet amendement introduit un dispositif similaire à celui de la déclaration de blanchiment. Par ailleurs, la déclaration de soupçon demeure confidentielle.

M. Charles de Courson a souligné deux cas de figure dans lesquels la faculté de déclarer des soupçons pourra poser problème : d'une part lorsque l'employé refuse de faire une déclaration et ne saisit pas sa hiérarchie ; d'autre part, si le salarié fait une déclaration sans en avertir l'employeur, alors que cela peut, à terme, dégrader l'image de l'entreprise. Quelle sera la responsabilité des uns et des autres ?

M. Richard Mallié, Rapporteur, a indiqué qu'il appartient aux intermédiaires financiers de mettre en œuvre l'obligation de déclaration. En cas de carence de l'entreprise, une faculté doit être offerte aux employés.

M. Charles de Courson a annoncé qu'il déposera un sous-amendement prévoyant que le salarié qui fait une déclaration à l'AMF doit informer sa hiérarchie.

Puis la Commission a adopté l'amendement du Rapporteur, et l'article premier ainsi modifié.

Article 2 (art. L. 538-2 du code monétaire et financier) : Coordination

La Commission a adopté un amendement de coordination du Rapporteur ainsi que l'article 2 ainsi modifié.

Article 3 (Art. L. 621-18-2 du code monétaire et financier) : Application aux cadres dirigeants du régime de déclaration des opérations sur titre

La Commission a examiné un amendement du Rapporteur permettant de simplifier le dispositif de publicité portant sur les opérations réalisées par les cadres dirigeants, en prévoyant une déclaration directe à l'AMF.

M. Charles de Courson s'est interrogé sur la définition des « liens personnels étroits » mentionnés dans l'amendement. Cette disposition, vague, n'affecte-t-elle pas l'exercice d'une liberté publique ?

M. Philippe Auberger a souligné que si les personnes visées par l'article entrent dans le champ d'un délit pénal, la définition doit relever du domaine de la loi ; il n'est alors pas acceptable de laisser à l'AMF le soin de définir ce champ dans son règlement. Cela n'est possible que lorsque seules des sanctions administratives sont en cause. À défaut de distinction entre le délit pénal et l'infraction administrative, un renvoi au règlement de l'AMF pour définir le champ des personnes concernées pose un problème constitutionnel, si une liberté fondamentale était en jeu.

M. Richard Mallié, Rapporteur a rappelé la définition donnée à l'article premier de la directive transposée. Le texte du projet, et, sur ce point, celui de l'amendement, ne font que la reprendre. Il faut bien garder à l'esprit que l'article 3 du projet de loi ne vise qu'à prévoir une procédure d'information s'appliquant à certaines personnes disposant d'un accès aux informations privilégiées au sein de l'entreprise. Les opérations réalisées par ces personnes ne constituent bien évidemment pas toutes des opérations d'initié. En outre, le champ du délit d'initié n'est pas limité aux personnes citées. Ni le projet, ni l'amendement ne concernent la sphère pénale.

Le Président Pierre Méhaignerie, ayant souhaité que ce point soit éclairci avant le débat, le Rapporteur a retiré son amendement, et la Commission a, dans l'immédiat, rejeté, l'article 3.

Article 4 (Art. L. 621-18-4 du code monétaire et financier) : Tenue d'une liste d'initiés par les émetteurs et certains tiers

La Commission a adopté un amendement du Rapporteur proposant que le champ du pouvoir de sanctions de l'AMF inclue la bonne tenue des listes par les émetteurs et certains tiers. Puis elle a adopté l'article 4, ainsi modifié.

Article 5 : Habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnance la directive 2004/39/CE relative aux marchés d'instruments financiers

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 6 : Application Outre-mer

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 7 : Ratification de deux ordonnances

La Commission a adopté cet article sans modification.

La Commission a ensuite adopté l'ensemble du projet de loi.

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Puis, la commission des Finances a examiné la proposition de résolution (n° 2221) de M. Jean-Paul Bacquet, tendant à la création d'une commission d'enquête sur les activités de la Compagnie française pour l'assurance du commerce extérieur (COFACE) pour le compte de l'État et leur lien avec l'évolution de l'aide publique au développement.

M. Camille de Rocca Serra, Rapporteur, a rappelé que les dispositions combinées de l'article 6 de l'ordonnance de 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140, 140-1 et 141 du règlement de l'Assemblée nationale soumettent la recevabilité des propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête à deux conditions : elles doivent déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services publics ou les entreprises nationales dont la Commission doit examiner la gestion ; en outre, les faits ayant motivé le dépôt de la proposition ne doivent pas faire l'objet de poursuites judiciaires. Ces deux exigences sont remplies par la présente proposition de résolution : les faits devant donner lieu à enquête sont précis même si, en fait, deux questions relativement distinctes sont posées. Par ailleurs, le Garde des Sceaux a indiqué, par un courrier du 26 avril, au Président de l'Assemblée nationale, « qu'à sa connaissance, les faits ayant motivé le dépôt de cette proposition ne font pas l'objet de poursuites judiciaires ».

Sur le fond, deux questions différentes sont posées par la proposition de résolution : d'une part l'activité présente de la Coface dans le domaine de l'assurance-crédit pour le compte de l'État et, d'autre part, les conséquences en termes d'aide publique au développement des annulations de dette portées par la Coface au nom de l'État.

Sur le premier point, la situation est relativement claire : la Coface, crée en 1946 pour gérer les procédures publiques de soutien aux exportations, a été privatisée en 1994, mais continue de gérer certaines procédures pour le compte de l'État : assurance-crédit de moyen terme, la plus importante financièrement, assurance-prospection, et garantie de change. Ces activités qui représentaient 40 % du chiffre d'affaires de la Coface il y a dix ans n'en représentent plus que 6 % aujourd'hui. Il ne s'agit pas d'aide au développement, puisque la transaction ainsi assurée est une transaction commerciale et qu'à la différence des crédits tels que ceux qu'accorde l'Agence Française de Développement (AFD), il n'y a pas d'élément de concessionalité. Il n'y a pas, non plus, de bonification de taux d'intérêt.

Les règles d'action de la Coface pour le compte de l'Etat sont fixées d'une part par la loi et plusieurs décrets, ainsi que par les instructions du ministère des finances. Elles s'exécutent dans le respect de règles définies par l'OCDE : l'arrangement sur les crédits export. Les décisions les plus importantes sont prises sur avis de la Commission des garanties, instance interministérielle placée auprès du ministre des Finances. Ces décisions couvrent les règles générales (primes, évolution des garanties) ainsi que les opérations individuelles. L'Etat est informé régulièrement par de nombreux documents rédigés par la Coface.

De même le Parlement par le biais des commissions des Finances, est-il informé par la transmission annuelle d'un rapport sur les opérations effectuées par la Coface avec la garantie de l'État. Ce rapport rend compte de façon très détaillée de la question des garanties publiques et décrit notamment l'évolution des garanties d'assurance-crédit, la gestion des engagements, des risques et les résultats financiers liés à cette procédure. Les grands contrats garantis sont présentés en détail, pays par pays. Il en est de même de la garantie des investissements.

Par ailleurs le Compte Général de l'Administration des Finances présenté en annexe au projet de loi de règlement permet au Parlement de prendre connaissance des aspects patrimoniaux liés à la Coface et à son patrimoine d'affectation.

Enfin, une comptabilité spéciale est tenue au sein de la Coface, pour les activités effectuées pour le compte de l'État, puisque l'article L. 432-4 du code des assurances prévoit qu'elle « établit, pour les opérations qu'elle effectue avec la garantie de l'État en application de l'article L. 432-2 du présent code, un enregistrement comptable distinct ». On notera d'ailleurs que ce compte État de la Coface est régulièrement excédentaire depuis maintenant 10 ans et que l'État y prélève tous les ans des ressources non fiscales significatives (1,5 milliard d'euros en 2004, 1,2 milliard d'euros en 2003).

Aussi, le manque de cohérence des données disponibles dénoncée dans l'exposé des motifs de la proposition de résolution s'explique-t-il, pour l'essentiel, par une certaine confusion dans les termes utilisés et dans les périmètres retenus. Il s'agit, certes, d'une matière complexe et mais le rapport fera le point sur les différentes notions en question. Quant à la non-certification du compte État par les commissaires aux comptes de la Coface, elle s'explique, pour l'essentiel, par des raisons techniques qui sont en train d'être surmontées. Ici encore, le rapport fera le point sur cette question.

Le deuxième aspect de la proposition de résolution concerne les annulations de dette et leur prise en compte au titre de l'aide publique au développement (APD). Sous l'impulsion du président de la République, cette aide a progressé depuis 2002 puisqu'elle est passée de 0,38 % en 2002 à 0,42 % du PIB en 2004 et 0,44 % sont attendus en 2005. Cette progression est en partie due au très important effort d'annulation de dettes consenti par la France. Ces annulations concernent, pour l'essentiel, des dettes commerciales et donc des dettes générées par l'activité de la Coface qui représentaient en 2004 près de 37 % des annulations de dette.

Ces dettes ont pour origine la politique de soutien massif à l'exportation conduite dans les années 80 sans que la solvabilité des acheteurs n'ait été suffisamment assurée. Ceci s'est traduit par un nombre important de sinistres et, puisque les acheteurs bénéficient d'une garantie souveraine, par un endettement des États. L'annulation de ces dettes participe donc pleinement à leur développement en ce qu'elle permet à ces États de consacrer à leur développement des sommes prévues pour le remboursement de leur dette.

Pour la comptabilisation en APD, la France se contente de suivre scrupuleusement les instructions du Comité d'aide au développement de l'OCDE chargé de coordonner et d'harmoniser les pratiques statistiques des pays membres. Les dettes d'origine militaire sont bien sûr exclues de la déclaration en APD.

Pour autant, l'information du Parlement pourrait être améliorée en ce domaine : en effet, ces annulations de dette doivent faire l'objet d'une autorisation parlementaire sous la forme du vote d'un plafond de dettes susceptibles d'être annulées. Ce plafond est régulièrement relevé pour permettre à la France d'honorer ses engagements internationaux. Malheureusement, cette disposition intervient systématiquement à l'occasion du collectif de fin d'année, moment peu favorable à un contrôle parlementaire approfondi. Peut-être serait-il plus sain de prévoir que cette disposition est inscrite dès la loi de finances initiale, quitte à être modifié en collectif si le plafond n'est pas assez élevé, et qu'elle soit rattachée à la mission aide publique au développement.

M. Camille de Rocca Serra, Rapporteur, a donc conclu au rejet de la proposition de résolution.

Tout en saluant le rôle utile joué par la COFACE, malgré sa privatisation il y a dix ans, M. Pascal Terrasse a souligné l'importance du problème, lié au manque de cohérence des données disponibles. Les données financières dont dispose la direction des relations économiques extérieures (DREE) sont en contradiction avec celles de la Cour des comptes. Les raisons « techniques » évoquées par le Rapporteur ne constituent pas une explication acceptable. Le fait que les commissaires aux comptes aient refusé de certifier les comptes depuis trois ans devrait alerter les parlementaires sur l'importance du problème soulevé par les auteurs de la proposition de résolution. Compte tenu des crédits en jeu, il s'agit d'une question dont les parlementaires ne peuvent, à l'évidence, se désintéresser.

Le Président Pierre Méhaignerie a convenu de ce que la question posée était aussi importante qu'intéressante, qu'il s'agisse des problèmes d'opacité évoqués par le Rapporteur ou des enjeux liés à l'intégration des remises de dettes dans l'aide publique au développement. Cependant, une commission d'enquête n'est probablement pas très adaptée à la nature des questions posées et il serait préférable de demander au Rapporteur spécial concerné d'aborder ces questions.

M. Camille de Rocca Serra, Rapporteur, a expliqué qu'une partie du décalage observé entre les différentes données financières s'explique par la confusion qui entoure les différentes notions comptables et financières appliquées à la COFACE. Les réserves des commissaires aux comptes sont, d'abord et avant tout, liées à la complexité de l'analyse des contrats passés depuis quarante ans. Il ne fait pas de doute qu'une fois cette analyse menée, les prochains comptes de la COFACE seront certifiés. S'agissant de l'APD, la France ne fait que s'aligner sur la pratique internationale voulant que les remises de dettes soient également prises en compte. La COFACE bénéficie désormais d'un très bon réseau d'information, grâce au groupe Natexis-Banque Populaire. Contrairement à certains contrats qui ont peut-être, par le passé, mal appréhendé les « risques pays », l'action de la COFACE bénéficie désormais d'une meilleure expertise et d'outils d'évaluation plus performants.

M. Charles de Courson s'est interrogé, dans le sens des remarques de la Cour des comptes, sur le respect des droits du Parlement. Il est paradoxal de constater que, si aucune garantie ne peut être accordée sans texte de loi, il est possible de supprimer les contre-garanties sans texte. La compétence du Parlement ne doit-elle pas être élargie ?

M. Jean-Louis Dumont a rappelé que les critiques formulées par la Cour des comptes impliquent qu'on s'intéresse au sujet. L'Agence française de développement devrait être l'outil de modernisation de l'ensemble du système, afin de pallier les dérives de la technostructure du Quai d'Orsay. Une commission d'enquête serait, certes, un outil lourd, mais la commission des Finances devrait charger le Rapporteur spécial compétent d'un travail d'approfondissement sur ces questions importantes, où demeurent des marges de modernisation et de simplification.

Tout en reconnaissant le bien fondé des suggestions évoquées et en rappelant que la loi organique relative aux lois de finances offre aux Rapporteurs spéciaux des moyens d'action élargis, le Président Pierre Méhaignerie a estimé qu'un rejet de la proposition de résolution est parfaitement compatible avec la poursuite du travail de contrôle au sein de la Commission et avec une amélioration de l'information venant de la COFACE.

La commission des Finances a alors rejeté la proposition de résolution.

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Informations relatives à la Commission

La commission des Finances de l'Économie générale et du Plan a nommé :

MM. Tony Dreyfus et Hervé Novelli, rapporteurs d'information sur les données économiques, industrielles et monétaires des échanges commerciaux avec la Chine ;

M. Daniel Garrigue, rapporteur sur la proposition de résolution sur la communication de la Commission européenne relative aux lignes directrices intégrées pour la croissance et l'emploi (2005-2008) (n° 2328).

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