COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 20

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 8 novembre 2005
(Séance de 14 heures 30)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président,

puis de M. Michel Bouvard, Vice-Président

SOMMAIRE

 

pages

-  Examen des articles, 58 à 73, non rattachés, du projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540) (M. Gilles CARREZ, Rapporteur général)


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- Avant l'article 58

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- Article 58

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La Commission des finances, de l'économie générale et du plan a examiné, sur le rapport de M. Gilles Carrez, Rapporteur général, les articles 58 à 73, non rattachés, du projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540).

M. Augustin Bonrepaux s'est étonné de ce que les membres de la Commission aient reçu, du reste fort tard, pour seule étude d'impact de la réforme de la taxe professionnelle un document qui n'en indique pas les conséquences financières précises pour chaque département et chaque région, dûment individualisés. Or ces conséquences peuvent varier considérablement d'une collectivité à l'autre, selon la proposition des bases au titre d'entreprises plafonnées. Il est très délicat pour les membres de la Commission d'interpréter ces simulations si tous les éléments d'appréciation ne sont pas en leur possession. Les exigences de la transparence budgétaire ne sont pas respectées.

Le Rapporteur général a promis que ces précisions seraient données pour le département de l'Ariège.

M. Augustin Bonrepaux a protesté qu'il est élu dans l'Ariège, mais comme représentant de toute la nation, en demandant des précisions générales sur la situation de l'ensemble des collectivités territoriales.

M. Didier Migaud s'est étonné à son tour de la présentation anonyme de ce tableau.

M. Denis Merville a regretté de devoir le découvrir si tard.

Le Président Pierre Méhaignerie s'est engagé à relayer les demandes de précision exprimées, tout en soulignant que les documents pouvant parvenir ultérieurement devraient rester à l'intérieur de la Commission. La solidarité entre les collectivités constitue néanmoins un impératif qui doit amener chacun à dépasser des clivages strictement locaux.

Le Rapporteur général a observé que, lors de la réforme de la part salariale de la taxe professionnelle, aucune précision n'avait été apportée. L'opposition de l'époque s'était heurtée à un refus clair et net. La réforme avait finalement eu lieu à l'aveugle.

M. Charles de Courson a déclaré avoir pris connaissance de cette liste prétendument « anonymisée ». Cette transmission tardive et incomplète participe de conditions de travail qui sont inacceptables. Même en l'état, le document permet néanmoins de s'apercevoir que cette réforme produira des effets spectaculaires. Quant à la position du Rapporteur général, l'adage ancien Nemo auditur turpitudinem suam allegans pourrait s'y appliquer parfaitement : il n'est pas admissible de revendiquer ses erreurs en y reconnaissant une continuité de l'action gouvernementale.

M. Didier Migaud a estimé curieux d'invoquer les reproches que l'on imputait à autrui autrefois pour justifier sa conduite présente. En bonne logique, ces critiques devraient plutôt inciter à améliorer la situation lorsque l'on est en position de le faire. Sur la réforme de la part salariale de la taxe professionnelle, les membres de la Commission ont pu disposer de simulations. Le reproche formulé n'est donc au demeurant ni juste ni conforme à la réalité. En outre, même si elle soulevait quelques difficultés quant au mode de calcul de la taxe, la réforme de la part salariale entraînait du moins le versement de compensations. Dans le cas présent, aucune compensation ne sera plus versée pour toute fixation de taux ultérieure à 2004. Le Gouvernement n'a pas mesuré les conséquences de ce choix pour chacune des collectivités. Au Comité des finances locales, des élus de la majorité se sont déclarés eux aussi préoccupés par ces questions. La préparation de la réforme actuelle témoigne autant d'impéritie que de manque de respect des droits du Parlement.

M. Augustin Bonrepaux s'est demandé ce qu'il pouvait y avoir de confidentiel dans les informations qui ont été supprimées dans le document transmis. La répartition des bases plafonnées est prévisible, ce n'est qu'une vérité déjà connue de tout le monde : certaines collectivités seront privées de leurs moyens, tandis que d'autres conserveront les leurs. Si le Gouvernement veut être à la hauteur de ses engagements sur la transparence budgétaire, les représentants nationaux doivent être informés de la manière dont chaque département, chaque région, chaque groupement intercommunal sera affecté. Il n'est pas admissible de se soustraire à cette obligation en invoquant le secret fiscal.

Le Président Pierre Méhaignerie s'est engagé à transmettre au Gouvernement ces observations.

TITRE II

DISPOSITIONS PERMANENTES

I.- Mesures fiscales et budgétaires non rattachées

Avant l'article 58 :

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Michel Bouvard, tendant à introduire un article additionnel reprenant le contenu de l'article 55 et de l'état C annexé du présent projet de loi de finances, afin de traiter ces dispositions comme des mesures budgétaires non rattachées.

M. Michel Bouvard a déclaré que le traitement des plafonds des autorisations d'emplois sous forme d'article de récapitulation et d'état annexé pouvait priver les parlementaires de leur droit d'amendement. En repositionnant ainsi l'article et en réintégrant le tableau fixant les plafonds par ministères et par budgets annexes dans le corps même du projet de loi de finances, cet amendement permet au Parlement de retrouver la plénitude de ses pouvoirs.

Après que le Rapporteur général eut émis un avis favorable, la Commission a adopté cet amendement.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Michel Bouvard, tendant à introduire un article additionnel reproduisant le contenu de l'article 57 du présent projet de loi de finances relatif aux majorations des plafonds de reports de crédits, afin d'en faire non un article de récapitulation, mais une mesure budgétaire non rattachée.

M. Michel Bouvard a déclaré que ce problème avait déjà été évoqué lors de la discussion générale du projet de loi de finances. Le Gouvernement a fait figurer parmi les articles de récapitulation des mesures qui concernent, dans leur quasi-totalité, le seul ministère de la Défense. Il s'agit d'une entorse à la LOLF. Cet amendement propose simplement de faire figurer cet article au bon endroit.

Le Rapporteur général s'est déclaré favorable à cet amendement, qui permet au débat de se poursuivre dans un ordre plus rationnel.

La Commission a adopté cet amendement.

Article 58 : Instauration d'un droit à restitution des impositions en fonction du revenu :

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Jean-Pierre Brard, tendant à la suppression de l'article.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Didier Migaud, tendant également à supprimer l'article 58 du présent projet de loi de finances.

M. Didier Migaud a déclaré que la suppression de cet article serait le signal d'un clair refus de la politique injuste menée par le Gouvernement.

Suivant l'avis du Rapporteur général, la Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Pierre Albertini, tendant à remplacer le dispositif proposé par l'intégration de la contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale dans le calcul du plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune et à abaisser le seuil de ce dernier de 85% à 70% des revenus du foyer fiscal.

M. Charles de Courson a déclaré que cet amendement a pour but d'établir la vérité quant à la portée de l'article 58 du projet de loi de finances pour 2006. La question se pose en effet de savoir combien de bénéficiaires du « bouclier fiscal », parmi les 93.000 annoncés, le seront au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et pour quelle proportion des 400 millions d'euros de restitution. S'il apparaissait que l'ISF constitue la véritable raison d'être de cette mesure, il conviendrait de l'adapter en tant que tel, notamment le mécanisme du plafonnement.

Il a rappelé que lors de l'institution de l'ISF, recréé sous cette dénomination par l'article 26 de la loi de finances pour 1989 (n°88-1149 du 28 décembre 1988), le plafonnement avait été fixé à 70 % des revenus du redevable et avait ensuite été relevé à 85% par un amendement du Rapporteur général de l'époque, M. Alain Richard. L'amendement proposé tend à revenir au plafonnement à 70%. Il présente un double avantage :

- d'une part, en remplaçant le « bouclier fiscal », il éluderait le problème de la prise en compte des impôts locaux. En effet, il ne faut pas confondre la fiscalité locale et la fiscalité nationale. Il est indiqué pour défendre le « bouclier fiscal » qu'un système équivalent existe dans les autres pays de l'Union européenne. Or, les pays qui ont mis en place un tel plafonnement en incluant les impôts locaux l'ont fait parce que dans leur système fiscal une part de l'imposition des revenus est assurée à l'échelon local. Il en est ainsi dans les pays scandinaves, en Allemagne où les Länder perçoivent 50% de l'impôt sur le revenu à taux constant (donc environ 55% en réel) et en Espagne où les régions autonomes exercent une compétence en la matière ;

- d'autre part, si le problème résulte, non de l'impôt sur le revenu, mais de l'ISF, la question est celle du plafonnement de cet impôt et de lui seul. Il convient d'en abaisser le seuil à 70% et d'y intégrer la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) qui n'existaient pas en 1988.

Le Rapporteur général a indiqué que parmi les 93.000 bénéficiaires de ce plafonnement, 14.000 le seraient au titre de l'ISF. En ce qui concerne la part que l'ISF représenterait dans les 400 millions d'euros, ne disposant pas de la ventilation du coût, il a estimé qu'il convenait de retenir un ordre de grandeur des deux tiers.

Le Rapporteur général a ensuite rappelé que le dispositif actuel du plafonnement de l'ISF prend en compte la CSG, la CRDS, ainsi d'ailleurs que le prélèvement social à 2%. L'amendement est donc satisfait sur ce point.

Si le traitement des effets de l'ISF était le seul problème posé, effectivement la solution de revenir au système en vigueur en 1989 en ramenant le plafond à 70 % aurait dû être retenue. Cependant, le plafonnement prévu au présent article a une portée plus large, justifiée par la nécessité de renforcer la compétitivité fiscale de la France dans l'Union européenne. Plusieurs Etats membres ont déjà mis en place un système similaire de plafonnement. Cette autre option a donc été choisie, quand bien même l'effet sur l'ISF est presque identique (plafonnement à 60%, exclusion des contributions sociales, mais prise en compte des impôts locaux ; plus-values immobilières exclues des revenus auxquels s'applique le seuil de 60%) .

S'agissant du maintien, en parallèle, du plafonnement spécifique à l'ISF, il s'explique par la considération qu'il s'applique pour le calcul de l'impôt, alors que le plafonnement global ouvre droit à une restitution du trop-payé qui n'interviendra que postérieurement au paiement des impôts. Les deux dispositifs - plafonnement prévu au présent article et plafonnement de l'ISF - doivent coexister, afin que les redevables qui aujourd'hui acquittent un ISF plafonné ne soient pas obligés de payer un impôt bien plus élevé dans l'attente de bénéficier de la restitution à laquelle ils ont droit.

S'agissant des impôts locaux, plusieurs amendements seront examinés par la suite, en particulier pour éviter que les impôts locaux n'ouvrent droit à restitution lorsque le plafond est dépassé du seul fait de l'IR et de l'ISF. Seule la moitié des 43 millions d'euros que représenterait la part des impôts locaux dans le coût du bouclier fiscal ferait donc l'objet d'une restitution par imputation sur le montant global de la DGF, afin de traiter toutes les collectivités d'une manière équitable.

La Commission a rejeté cet amendement.


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