COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 21

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 8 novembre 2005
(Séance de 16 heures)

Présidence de M. Michel Bouvard, Vice-Président
puis de M. Pierre Méhaignerie, Président,

SOMMAIRE

 

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-  Suite de l'examen des articles 58 à 73, non rattachés, du projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540) (M. Gilles CARREZ, Rapporteur général)


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- Article 58

- Article 59

 

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La Commission des finances, de l'économie générale et du plan a poursuivi l'examen, sur le rapport de M. Gilles Carrez, Rapporteur général, des articles 58 à 73, non rattachés du projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540).

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Article 58 : Instauration d'un droit à restitution des impositions en fonction du revenu :

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Jean-Pierre Brard, tendant à plafonner à 1.000 euros le montant de la restitution d'impôt.

La Commission a examiné deux amendements identiques présentés, respectivement, par MM. Augustin Bonrepaux et Jean-Pierre Brard, tendant à exclure l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) du mécanisme de plafonnement prévu par l'article.

Le Rapporteur général a souligné que l'ISF est un élément important dans la justification du mécanisme de plafonnement proposé par l'article, même s'il n'en est pas le déterminant unique.

M. Augustin Bonrepaux a rappelé son souhait de disposer de simulations précises sur l'effet de la réforme de la taxe professionnelle, qui doivent refléter la réalité de cette réforme sur la France tout entière. Il a également souhaité savoir si une réunion de la Commission est envisagée pour examiner les propositions présentées par le Premier ministre dans la déclaration du Gouvernement sur la situation créée par les violences urbaines. Ces propositions ont une incidence budgétaire certaine et pourraient amener le Gouvernement à modifier son projet de budget en conséquence. Il conviendrait également de voir comment ces éventuelles modifications pourraient s'articuler avec les économies que la Commission des finances s'est fait fort de dégager sur les crédits budgétaires.

Soulignant la convergence des demandes présentées par des commissaires membres de plusieurs groupes politiques, le Président Pierre Méhaignerie a exprimé le souhait de disposer au plus tôt de simulations précises relatives à la réforme de la taxe professionnelle.

Le Rapporteur général ayant estimé peu probable que ces éléments d'information puissent être fournis dans les heures prochaines, le Président Pierre Méhaignerie a affirmé que les parlementaires doivent pouvoir apprécier les conséquences de leurs choix et qu'ils en sont comptables devant les citoyens.

La Commission a rejeté ces amendements.

Elle a ensuite examiné en discussion commune trois amendements présentés, respectivement, par MM. Pierre Albertini, Jean-Jacques Descamps et Jean-Pierre Brard, tendant à exclure les impositions locales du champ du plafonnement proposé par l'article.

M. Charles de Courson a estimé que l'article introduit une confusion fiscale entre les impositions d'État et les impositions locales, qui peut aboutir à des résultats pittoresques. Le plafonnement proposé par l'article peut, par exemple, aboutir à ce qu'un contribuable qui a, une année donnée, de faibles revenus, se voie rembourser le montant de ses impôts locaux. Par ailleurs, quelques questions mériteraient des approfondissements :

- quelles sont les caractéristiques au regard de l'ISF des 14.000 personnes qui bénéficieraient du plafonnement en étant assujetties à cet impôt ?

- comment caractériser, au regard de leurs revenus et de leurs impôts, les 79.000 autres personnes concernées par le plafonnement qui ne sont pas assujetties à l'ISF ? Comment peut-on atteindre un prélèvement fiscal correspondant à 60% du revenu alors que le taux maximal du barème de l'impôt sur le revenu est de 48,09% en 2006 ? Les impôts locaux sont-ils la cause du dépassement du plafond de 60% ?

Il n'est certainement pas normal de rembourser les impôts locaux d'une personne qui, comme un gros agriculteur par exemple, peut avoir une année de faibles revenus mais dispose de réserves financières importantes.

L'argument qui consiste à dire que les impositions locales sont incluses dans un mécanisme global de plafonnement fiscal dans plusieurs autres pays est de faible portée. Seuls cinq pays sont concernés, pour lesquels, en fait, l'impôt local est en partie assis sur le revenu des personnes physiques. C'est le cas en Suède, au Danemark, en Finlande (avec l'impôt communal sur le revenu). En Espagne, le prélèvement fiscal est plafonné à 60%, mais l'État et les régions sont associés dans un partage du produit des impôts, dont l'impôt sur le revenu. En Allemagne, la Constitution pose le principe d'une répartition par moitié de l'impôt sur le revenu entre les Länder et l'État fédéral, à assiette stabilisée, ce qui correspond aujourd'hui à une répartition effective d'environ 55% du produit pour les Länder et 45% pour l'État fédéral. La situation est donc complètement différente du cas français, où il n'existe pas d'impôt local sur le revenu, le projet de taxe départementale sur le revenu agité sous la neuvième législature n'ayant pas abouti.

Le principe du partage de l'effort de restitution entre l'État et les collectivités locales étant vraisemblablement appelé à disparaître au cours du débat, l'article 58 aboutira à ce que le montant de la taxe sur le foncier bâti soit remboursé aux personnes qui ont de faibles revenus (car la taxe d'habitation est d'ores et déjà plafonnée à 4,3% du revenu). C'est un système absurde : il faut distinguer clairement la fiscalité locale de la fiscalité d'État et exclure les impositions locales du mécanisme de plafonnement prévu par l'article 58.

M. Jean-Jacques Descamps a exprimé son accord avec l'analyse développée par M. Charles de Courson, qui peut être complétée. Par exemple, si la restitution de l'impôt excédant le plafond légal ne doit concerner que la commune lieu de la résidence principale de la personne intéressée, le système conduira à ce que cette seule commune soit privée d'une ressource fiscale, alors que les communes où sont situées les résidences secondaires de la personne intéressée percevront l'intégralité de leur impôt local. Si certains maires ne sont pas vertueux sur le plan fiscal, pourquoi les maires vertueux devraient-ils être pénalisés eux aussi ? Pourquoi le contribuable national devrait-il également supporter les abus de fiscalité locale ? Cela n'est pas responsabilisant.

Le même reproche peut être adressé à l'amendement qui sera proposé ultérieurement par le Rapporteur général, qui prévoit d'imputer sur la dotation globale de fonctionnement le montant total de la restitution à opérer au titre des impositions locales : pourquoi une commune devrait-elle être touchée si elle n'a pas augmenté son impôt local ? Ce système est injuste et certainement non conforme à la Constitution.

Le Gouvernement concède que la composante locale des montants qui devront être restitués est faible : c'est dire que la participation demandée aux collectivités locales n'a que peu d'intérêt pour l'État, en termes financiers, et n'est donc pas utile. Il faut donc exclure les impositions locales du mécanisme de plafonnement et limiter l'assiette de ce mécanisme à l'impôt sur le revenu et l'ISF. Le cas de la contribution sociale généralisée (CSG) vient d'être tranché par la Commission.

Le Rapporteur général a souligné que l'instauration du plafonnement fiscal, proposée au présent article traduit un choix politique fort. Les interrogations sur les modalités techniques, pour être légitimes, n'en sont pas moins secondes. Il faut en effet rappeler que, depuis des années, nombreux sont les députés de la majorité, en particulier au sein de la Commission, qui souhaitent le retour au plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune selon le mécanisme dit « Rocard-Bérégovoy ». Jusqu'à présent, ceux-ci n'ont malheureusement jamais obtenu gain de cause. La réforme proposée par le Gouvernement permet enfin d'accéder à ce souhait, tout en élargissant son objet au-delà du seul ISF. C'est donc à un double titre qu'il faut se réjouir de cette réforme : elle contribue à limiter les excès de l'ISF et fait potentiellement bénéficier du plafonnement à 60% l'ensemble des contribuables.

Ce principe posé, il est absolument nécessaire - pour qu'il produise pleinement et utilement ses effets - que les impôts locaux soient pris en compte dans le calcul du plafond. En particulier, la taxe foncière sur les propriétés bâties peut être un élément clé pour les ménages les plus modestes, qui ne sont pas assujettis à l'impôt sur le revenu. La question est plus controversée s'agissant de la taxe d'habitation, car celle-ci, en deçà d'un certain montant, est liée aux revenus. Au total, le plafonnement fiscal concernera 93.000 foyers, parmi lesquels seuls 14.000 sont assujettis à l'ISF. Parmi tous les autres, beaucoup entreront dans le champ du plafonnement en raison des impositions locales. Quant à l'exclusion du dispositif de la contribution sociale généralisée (CSG), de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) et du prélèvement social à 2%, elle est tout à fait cohérente avec la fixation du plafond à 60%.

D'un point de vue plus technique, ensuite, il importe d'éviter toute « usine à gaz ». Pour cela, un amendement présenté par M. Hervé Mariton apporte une réponse intéressante, en proposant que, si les impôts nationaux suffisent à eux seuls à faire franchir le seuil des 60%, l'État prend alors en charge la totalité de la restitution d'impôts. S'agissant en revanche du reliquat de restitution pris en charge par les collectivités territoriales, c'est-à-dire dans l'hypothèse d'un dépassement du plafond causé par les impôts locaux, l'amendement propose d'imputer, chaque année, globalement, l'ensemble des restitutions correspondantes, sur la masse globale de la dotation globale de fonctionnement. La répartition se fera ainsi de manière équitable entre toutes les collectivités territoriales.

M. Charles de Courson a estimé que le système proposé par le Gouvernement, même amendé selon les propositions de M. Hervé Mariton et du Rapporteur général, aboutit à créer deux catégories de collectivités territoriales. D'un côté, seront avantagées les collectivités au sein desquelles les contribuables, dans leur majorité, acquittent des impôts d'État élevés. De l'autre, seront pénalisées les collectivités au sein desquelles les contribuables bénéficiant du plafonnement sont éligibles à la mesure en raison des impôts locaux.

Le Président Pierre Méhaignerie a souligné qu'il importe de responsabiliser les collectivités territoriales et, corrélativement, de ne pas pénaliser les collectivités pratiquant une fiscalité modérée. D'une manière plus générale, toute réforme fiscale doit satisfaire à trois critères : l'efficacité économique, l'équité sociale et la lisibilité juridique. La réforme de la prime pour l'emploi, la refonte du barème de l'impôt sur le revenu et le plafonnement des « niches » fiscales devront être examinés à l'aune de ces trois critères. En outre, le plafonnement à 15% des revenus des réductions d'impôt au titre des investissements outre-mer, destiné à favoriser ces investissements, ne doit surtout pas aboutir à une exonération totale d'impôt sur le revenu pour des foyers disposant de très hauts revenus.

Si la réforme proposée par le Gouvernement devait permettre à certains contribuables aisés de ne s'acquitter d'aucune somme au titre de l'impôt sur le revenu, cela poserait un problème philosophique grave. Le dispositif retenu doit être compatible avec plusieurs impératifs : la nécessité d'une lisibilité internationale de la mesure, la volonté d'encourager l'attractivité des investissements et de l'emploi en France et la nécessité de ne pas aboutir à des situations inéquitables. D'une manière générale, proposer des baisses d'impôt oblige en parallèle le Gouvernement à mettre en place des actions très fortes visant à mieux gérer l'Etat. C'est seulement si l'on parvient à améliorer la performance des services publics que les mesures de baisses d'impôt trouvent pleinement leur sens et peuvent être considérées comme totalement opportunes.

M. Augustin Bonrepaux a jugé étrange que la priorité du Gouvernement consiste à mettre en œuvre des baisses d'impôt de façon massive et ciblées, de fait, sur des publics favorisés, ce qui va aboutir à des manques à gagner pour l'Etat, alors même que la situation actuelle de violences urbaines montre l'ampleur des besoins de financement dans d'autres secteurs de la vie sociale et économique. Tout se passe comme si les parlementaires de la majorité vivaient en dehors du monde réel.

Le Président Pierre Méhaignerie a relevé l'intérêt de l'étude récemment publiée par MM. Christian Saint-Etienne et Jacques Le Cacheux  (Croissance équitable et concurrence fiscale ). Cette dernière montre que pour qu'un salarié obtienne un revenu net de 68.600 euros aujourd'hui, son employeur doit en réalité payer 220.000 euros en France, 125.000 euros en Allemagne, de 113.000 euros au Royaume-Uni, 103.000 euros en Suisse et 146.000 euros aux Pays-Bas. Une telle situation ne peut que contribuer à la fuite à l'étranger de nos talents et des sièges sociaux de nombre de nos entreprises.

S'agissant de certaines argumentations à propos des allégements fiscaux pour l'investissement outre-mer, il faut rappeler la nécessité d'une imposition minimale. On peut rappeler qu'à la fin des années 60, un impôt minimal sur le revenu a été introduit aux Etats-Unis, après que les autorités ont découvert que certains citoyens bénéficiant de plus de 200.000 dollars chaque année ne réglaient cependant aucun impôt fédéral. Ce système, nommé « imposition minimale alternative », pourrait être transposé en France. La justice veut que chacun paie une part des impôts en fonction de ses capacités contributives.

M. Didier Migaud s'est interrogé sur le contenu de certaines annulations de crédits récemment intervenues. Il est curieux que certaines d'entre elles concernent des secteurs tels que l'emploi, alors même que le Premier ministre vient de déclarer dans l'hémicycle la nécessité de renforcer les accès à l'emploi pour les personnes vivant dans les quartiers difficiles. Il apparaît en effet que 900 millions d'euros de crédits ont été annulés s'agissant des dépenses de compensation des allégements de cotisations sociales patronales. On est en droit de se poser la question suivante : ces crédits étaient-ils initialement surestimés, et si tel était le cas, cela ne poserait-il pas la question de la sincérité et de la valeur de l'évaluation faite en la matière ? Quelle conclusion la Commission compte t-elle en tirer en matière d'inscription de ces crédits dans le projet de loi de finances pour 2006 ?

Le Rapporteur général a expliqué que les compensations d'allégements des charges sociales patronales sont difficiles à évaluer. Le montant des compensations dépend des rémunérations des emplois concernés ; il faut préciser que les allégements de charges sociales patronales ne concernent que les rémunérations entre 1 et 1,6 fois le SMIC. Il s'agit d'un système dégressif et, en 2005 comme en 2004, il a été difficile de prévoir de façon tout à fait exacte la proportion des emplois se situant aux différents échelons du barème. Le phénomène de surestimation des compensations d'allégements avait d'ailleurs déjà atteint 600 millions d'euros en 2004. Pour l'année 2005, la surestimation, à hauteur de 900 millions d'euros, correspond à une erreur de 5% du total des crédits initialement budgétés, d'environ 17 milliards d'euros.

M. Louis Giscard d'Estaing a souligné la pertinence de l'amendement adopté par la Commission en première partie de la loi de finances, visant à demander le bilan de l'ensemble des dispositifs d'allégements de charges sociales. Aujourd'hui, le système paraît peu précis et les acteurs semblent dans l'incapacité d'en mener le suivi de façon efficace.

M. Philippe Auberger a rappelé que si, au Royaume-Uni, l'employeur doit payer 113.000 euros pour qu'au final, un salarié perçoive un revenu net de 68.600 euros, cela tient en grande partie au fait que les cotisations sociales sont calculées en fonction d'un revenu plafonné. Ce n'est pas le cas de la France qui a mis en place un déplafonnement pour les cotisations patronales d'assurance maladie et famille.

L'imposition des étrangers possédant une habitation en France peut se faire en fonction de la valeur locative de l'habitation de façon forfaitaire. Pour les personnes domiciliées en France, une imposition en fonction des signes extérieurs de train de vie peut être pratiquée. Pour éviter que des citoyens menant un train de vie très important puissent échapper à l'impôt, en optimisant l'utilisation de certaines « niches » fiscales, il conviendrait de réfléchir à la mise en place de dispositifs d'imposition forfaitaire minimale.

La Commission a ensuite rejeté les trois amendements identiques présentés respectivement par MM. Pierre Albertini, Jean-Pierre Brard et Jean-Jacques Descamps.

La Commission a ensuite examiné un amendement présenté par le Rapporteur général et M. Hervé Mariton, visant à ce qu'au titre du plafonnement prévu au présent article, l'Etat prenne en charge l'intégralité de la restitution lorsque le montant de l'impôt sur le revenu et de l'impôt de solidarité sur la fortune excède à lui seul le seuil de 60% du revenu.

Le Rapporteur général a expliqué que pour le reliquat de restitution pris en charge par les collectivités territoriales et leurs établissements publics de coopération intercommunale, l'amendement propose, à titre de simplification, d'imputer chaque année globalement l'ensemble des restitutions correspondantes sur le montant total de la dotation globale de fonctionnement. Il faut rappeler que la DGF représente actuellement 38 milliards d'euros. Sur ces 38 milliards d'euros, viendraient en déduction, à titre de préciput, environ 20 millions d'euros correspondant aux restitutions d'impôts locaux en jeu s'agissant du plafonnement institué au présent article. L'idée n'est pas d'imputer ces 20 millions d'euros collectivité territoriale par collectivité territoriale, car un tel mécanisme serait trop complexe. Cette somme représentera donc un préciput venant en diminution du montant global de la DGF. Un tel dispositif paraît judicieux dans la mesure où la DGF concerne aussi bien les communes que les établissements publics de coopération intercommunale, les départements ou les régions.

En réponse à M. Charles de Courson qui s'interrogeait sur la manière dont l'amendement répond à l'hypothèse où le seuil des 60% du revenu du contribuable est franchi non à raison de l'impôt sur le revenu et de l'impôt de solidarité sur la fortune mais des impôts locaux qui viennent s'ajouter à ces impôts, le Rapporteur général a pris l'exemple d'un contribuable qui calculerait entre le 1er janvier et le 31 décembre 2007 le rapport des impôts qu'il a acquitté en 2006 (et dont l'assiette est constituée des revenus perçus ou des éléments de patrimoine constatés en 2005) à ses revenus 2006 :

- si l'ISF et l'IR franchissent chacun ou à eux deux les seuils des 60% des revenus perçus en 2006, alors l'amendement conduit à ce que l'État prenne en charge l'intégralité de la restitution due ;

- en revanche, si le franchissement de seuil est lié à l'imputation des impôts locaux, alors la restitution serait prise en charge par l'État à hauteur du pourcentage des impôts d'État dans l'ensemble des impôts dus en 2006 et par les collectivités territoriales concernées pour la fraction des impôts versés par le contribuable qu'elles ont perçue. Ce dernier reliquat de restitution sera d'abord pris en charge par l'État puis, dans un second temps, imputé sur le montant global de la DGF en 2009.

M. Charles de Courson a douté que les quelque 15 à 18 millions d'euros de restitutions, qui ne seraient qu'une goutte d'eau dans l'océan d'une DGF qui ne représente pas moins de 38 milliards d'euros, et qui ne viendraient d'ailleurs la diminuer qu'avec trois années de retard par rapport à l'année de constatation du dépassement du seuil des 60%, puissent responsabiliser de quelque manière que ce soit les collectivités territoriales. Le bon sens exige d'exclure purement et simplement les impositions locales du mécanisme du bouclier fiscal.

M. Augustin Bonrepaux s'est insurgé contre la volonté de l'État de reprendre d'une main aux collectivités territoriales ce qu'il répugne tant à leur accorder de l'autre.

Après que le Rapporteur général eut admis que, sans doute, le retour aux amendements Rocard et Bérégovoy aurait été une solution optimale et que le Président Pierre Méhaignerie eut souligné que l'article proposé, opportunément amélioré par l'amendement, est la moins mauvaise des solutions, la Commission a adopté cet amendement.

En conséquence, sont devenus sans objet :

- un amendement présenté par M. Hervé Mariton, tendant à partager la charge de la restitution d'impôt aux contribuables plafonnés entre l'État et les collectivités territoriales et leurs établissements ayant voté un taux supérieur au taux moyen national et au taux directeur fixé à l'occasion d'une conférence annuelles des finances publiques ;

- quatre amendements présentés respectivement par MM. Denis Merville, Augustin Bonrepaux, Pierre Albertini et Jean-Pierre Brard, tendant à supprimer la prise en charge des restitutions d'impôt par les collectivités territoriales ;

- un amendement présenté par M. Hervé Mariton, tenant à mettre à la charge de l'État l'intégralité de la restitution d'impôt aux contribuables plafonnés dont l'impôt sur le revenu et/ou l'impôt de solidarité sur la fortune excèdent 60% de leurs revenus.

La Commission a adopté l'article 58 ainsi modifié.

Article 59 : Barème de l'impôt sur le revenu 2006 :

La Commission a examiné trois amendements de suppression de l'article présentés par MM. Charles de Courson, Jean-Pierre Brard et Didier Migaud.

M. Charles de Courson a dénoncé le contraste entre l'apparente lisibilité de l'impôt prétendument recherchée par le Gouvernement dans cette réforme du barème et la discrétion qu'il maintient sur deux enjeux majeurs de celle-ci : la responsabilité et l'équité. Sur la responsabilité à l'égard des générations futures, force est de constater que la baisse d'impôt sur le revenu de 3,6 milliards d'euros, qui ne représente d'ailleurs que la moitié des promesses fiscales annoncées pour 2007, n'est en aucune manière financée. Son coût viendra augmenter d'autant le déficit et une dette publique dont tous les commissaires s'accordent pourtant à déplorer le caractère abyssal.

En outre, ce « cadeau » fiscal est inéquitable. Et il l'est principalement parce qu'il met fin au plafonnement de l'abattement de 20% sur les revenus supérieurs à 120.100 euros, instrument décisif de la progressivité de l'impôt, en supprimant purement et simplement l'abattement de 20% pour tous, en allégeant par conséquent les taux de tous. Les parlementaires attendent encore la présentation par un Gouvernement guère coopératif à cet égard de simulations robustes et sincères permettant de mesurer précisément les vrais gagnants de cette réforme. Il est dès à présent possible d'en dessiner un premier « portrait robot » à vrai dire très suggestif : un couple avec deux enfants percevant 40.000 euros de revenus bénéficiera d'un allégement d'impôt sur le revenu représentant 0,1% de son revenu ; un autre couple avec deux enfants dont les revenus atteignent 200.000 euros « gagnera », pour sa part, grâce à la réforme 0,5% de son revenu ; entre les deux, des ménages ayant deux enfants ne bénéficieront concrètement d'aucun allégement fiscal réel.

Indiquant ainsi qu'à ses yeux la seule solution conforme à l'équité et à la responsabilité est la création d'un cinquième taux qui devrait s'établir à un pourcentage de l'ordre de 43%, M. Charles de Courson a demandé au Rapporteur général de bien vouloir fournir les éléments statistiques et les simulations permettant d'y voir plus clair dans la répartition du bénéfice de la réforme.

Le Rapporteur général a indiqué que cette réforme permettrait de disposer d'un barème simplifié et beaucoup plus lisible, en passant de sept à cinq tranches et en intégrant dans le barème l'abattement de 20%, comme cela a été demandé depuis plusieurs années. La mesure poursuit, couplée à la réforme de la prime pour l'emploi, deux objectifs : d'une part, centrer le plus possible la baisse d'impôt sur les revenus faibles et moyens, d'autre part, assurer l'attractivité du territoire par l'établissement d'un taux marginal à 40%, dans la norme des autres pays de l'Union européenne.

Sur le premier point, en incluant les effets de la réforme de la PPE, sur 4,5 milliards d'euros, 3,5 milliards profiteront aux revenus faibles et moyens, la notion de revenu moyen s'entendant d'un revenu de 40.000 à 45.000 euros pour un célibataire. Sur le second point, il est exact que le fait d'intégrer les 20% donne un avantage supplémentaire aux très hauts revenus. En compensation, le taux marginal de l'impôt sur le revenu a été fixé à 40% au lieu des 38,5% auxquels aurait à défaut abouti l'intégralité de l'abattement de 20%. L'abattement de 20% ne concerne que les revenus du travail. C'est l'activité que l'on souhaite récompenser. Le passage à un taux marginal de 43% induirait des milliers de perdants alors que le Gouvernement a posé comme condition de n'en avoir aucun.

Le Rapporteur général a indiqué que la suppression du plafonnement de l'abattement coûtera 885 millions d'euros, environ 100.000 ménages étant concernés.

La réforme proposée aboutit à une concentration de l'effort très importante sur les revenus moyens et modestes.

M. Augustin Bonrepaux a jugé cette réforme de l'impôt sur le revenu en décalage avec la situation du pays et des finances. Il s'est interrogé sur le financement des annonces du Premier ministre, alors que les parlementaires se sont évertués à réaliser des économies de crédits, et sur le financement des nouvelles baisses d'impôt. La question n'est pas de déterminer comment répartir le bénéfice de la réforme, mais de ne pas la faire.

M. Philippe Auberger a rappelé que le plafonnement des « niches » fiscales, qui profitent essentiellement aux hautes tranches, modifie la répartition du coût de la réforme. L'attractivité de la Grande-Bretagne provient du plafonnement des cotisations en matière d'assurance maladie, et il ne sera donc pas possible de la concurrencer. La compétitivité britannique se manifeste par exemple à la Bourse puisque c'est à la City que sont traités les échanges sur tous les dérivés actions. Cependant, il est assez choquant que les « parachutes dorés » qui dépassent le million d'euros puissent bénéficier à plein de l'intégration de l'abattement. Il convient donc de prévoir une mesure correctrice.

M. Charles de Courson a souligné qu'en agrégeant les différentes réformes (prime pour l'emploi, intégration des 20%, « bouclier fiscal », plafonnement des niches) le total de la dépense atteint à 5 milliards d'euros. Une centaine de milliers de personnes, représentant 0,5% des contribuables imposables, bénéficiera de plus de 1.100 millions d'euros, soit 22% du coût, correspondant en moyenne à 11.000 euros de réduction d'impôt. Il est nécessaire a minima de créer une tranche supplémentaire au taux de 43%.

M. Alain Rodet a souligné que la crainte initiale face à une telle réforme avait été de voir passer d'un impôt sur le revenu progressif à un impôt proportionnel. De ce point de vue, la proposition du Gouvernement pourrait aboutir à pire.

Le Rapporteur général a insisté sur le fait que la progressivité de l'impôt sur le revenu ne serait pas du tout altérée puisque les 130.000 ménages qui acquittent aujourd'hui 21% de l'impôt sur le revenu acquitteront une part de l'impôt égale à près de 22% après la réforme. Il a souligné que la difficulté de toute réforme de l'impôt sur le revenu résulte de son caractère d'impôt extrêmement concentré : 0,7% des foyers imposables acquitte 22% de son produit.

M. Jean-Jacques Descamps a estimé que le problème de l'impôt sur le revenu ne se pose pas tant en termes de comparaison d'une année sur l'autre mais entre les pays. Aujourd'hui, une entreprise multinationale va s'installer à l'étranger, aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, parce que les taux de l'impôt sur le revenu y sont plus favorables qu'en France. De plus, il faut rappeler que, logiquement, toute baisse d'impôt sur le revenu bénéficie aux ménages qui le paient. Enfin, si on veut garder les salariés à hauts revenus en France, il faut accepter de baisser le taux d'imposition qui leur est applicable.

La Commission a rejeté les trois amendements de suppression.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Pierre Albertini, tendant à créer une nouvelle tranche d'imposition au taux de 43% pour les revenus supérieurs à 120.100 euros.

M. Charles de Courson a jugé difficilement compréhensible de baisser de 14 % l'imposition sur les très hauts revenus mais de seulement 6 % celle sur les autres revenus en moyenne. De plus, au niveau de 70.000 à 80.000 euros de revenus, il n'y a pas de baisse, ce qui prouve, si besoin est, la précipitation avec laquelle a été engagée cette réforme pourtant fondamentale. C'est pourquoi cet amendement propose de créer une nouvelle tranche, afin de montrer à l'opinion qu'il ne s'agit pas seulement d'une réforme en faveur des plus hauts revenus.

Le Rapporteur général a dit comprendre le problème soulevé par M. Charles de Courson. Il a cependant rappelé que l'un des objectifs de cette réforme est une modification du barème de l'impôt sur le revenu sans aucun perdant. Or, avec cet amendement, des milliers de contribuables verraient leur impôt augmenter. De plus, malgré la suppression du plafond de l'abattement au-delà de 120.000 euros, la progressivité de l'impôt sur le revenu n'est pas altérée.

M. Philippe Auberger a regretté que l'intégration de l'abattement de 20 % dans le barème de l'impôt sur le revenu profite également aux contribuables ayant bénéficié d'un « parachute doré » dont le montant est par ailleurs déductible pour la détermination de l'impôt sur les sociétés.

Le Rapporteur Général a estimé possible de corriger cette situation choquante au travers de l'impôt sur les sociétés et non de l'impôt sur le revenu.

Le Président Pierre Méhaignerie a souligné que toute réforme fiscale doit s'attacher, même si cela est très difficile, à un équilibre entre les nécessités d'attractivité du territoire et celles de l'équité. La création d'une nouvelle tranche marginale nuirait indubitablement à la lisibilité internationale de cette réforme. De plus, en matière de comparaisons internationales, il est nécessaire de tenir compte, dans la détermination du revenu après impôts, du montant des prestations sociales qui, en France, est très élevé. A cet égard, il apparaît d'ailleurs que la France se situe dans une bonne moyenne.

M. Alain Rodet a estimé nécessaire de tenir également compte, notamment aux Etats-Unis, du système des assurances santé privées qui comportent des franchises très élevées.

Le Rapporteur général a souligné que la création d'une nouvelle tranche marginale en matière d'impôt sur le revenu irait à rebours de l'objectif recherché d'allégement de l'impôt sur le revenu, en plus d'adresser un signal négatif en direction de l'étranger. C'est pourquoi il a réfléchi à une sorte d'exit tax afin que l'avantage résultant de la réforme ne soit consenti que de manière progressive. Mais une telle mesure n'apparaît pas souhaitable au regard de l'objectif de compétitivité du territoire et de lisibilité de notre impôt.

M. Richard Mallié a observé qu'en pratique, les Français partent souvent à l'étranger tant qu'ils sont jeunes, et reviennent quelques années plus tard, parce que le système fiscal français est plus avantageux pour les familles que, par exemple, le système anglais.

La Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a ensuite rejeté un amendement présenté par M. Jean-Pierre Brard, tendant à accroître la progressivité de l'impôt.

La Commission a examiné un amendement présenté par le Président Pierre Méhaignerie, tendant à fixer les seuils de la tranche de revenus taxée à 14% et de la dernière tranche du barème à respectivement 11.000 euros et 65.500 euros.

Le Président Pierre Méhaignerie a indiqué que cet amendement a pour objet de simplifier le barème de l'impôt sur le revenu et de le rééquilibrer dans le sens d'une plus grande équité. 20 millions de contribuables bénéficieraient du relèvement du seuil de la deuxième tranche, pour un coût estimé à 200 millions d'euros.

Le Rapporteur général a soutenu cette proposition qui, au-delà d'une simplification bienvenue, aurait aussi pour conséquence de renforcer les effets de la réforme sur les revenus moyens en reprenant une partie de l'avantage consenti aux plus hauts revenus.

M. Philippe Auberger a souhaité que le Gouvernement réalise des simulations sur les effets du plafonnement des « niches » pour les contribuables relevant de la tranche marginale.

M. Denis Merville a souhaité connaître les effets de la réforme du barème de l'impôt sur le revenu pour les élus locaux.

M. Charles de Courson a répondu que les élus locaux peuvent, en matière d'impôt sur le revenu, opter soit pour un prélèvement forfaitaire, soit pour le régime de droit commun. Si les taux baissent, le régime de droit commun deviendra plus avantageux. Cependant, il ne serait pas illogique, quoique difficile à faire passer dans la situation actuelle, que le prélèvement forfaitaire soit lui aussi adapté pour tenir compte de l'abaissement des taux.

M. Philippe Auberger a observé que le taux forfaitaire découle en tout état de cause du barème de l'impôt sur le revenu. Si celui-ci baisse, le nouveau forfait est mécaniquement plus avantageux.

M. Marc Le Fur a estimé que la seule véritable question est de savoir à qui bénéficie cette réforme. Dans cette perspective, l'amendement proposé par le Président Pierre Méhaignerie ne propose qu'un ajustement à la marge.

Le Rapporteur général a répondu que les simulations ont montré que pour un couple marié avec deux enfants, le bénéfice de la réforme se fait sentir jusqu'à 80.000 euros de revenus annuels, puis, pour les revenus bénéficiant de la suppression de l'abattement de 20% plafonné.

Le Président Pierre Méhaignerie a observé que la réforme n'est peut-être pas allée assez loin. La difficulté ne se pose pas vraiment pour les salariés au SMIC qui bénéficient de la PPE mais pour les personnes dont le revenu est proche du SMIC qui ne profitent ni de la réduction des taux du barème ni de la PPE.

La Commission a adopté cet amendement et l'article 59 ainsi modifié.

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