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COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 58

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 22 mars 2006
(Séance de 18 heures)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président,

de M. Jean-Jacques Descamps, Vice-président,

puis de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Jean-François Copé, ministre délégué au Budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement et de M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'Aménagement du territoire, sur les contrats de plan État-régions



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La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a entendu M. Jean-François Copé, ministre délégué au Budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement et M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'Aménagement du territoire, sur les contrats de plan État-régions.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au Budget et à la réforme de l'État, a insisté sur les limites des contrats de plan État-régions qui s'achèveront fin 2006, mais aussi sur les mesures prises dès 2004 et renforcées en 2005 et 2006 pour achever, malgré tout, l'exécution de ces contrats à la date prévue et dans de bonnes conditions. Les enveloppes financières programmées étaient en forte augmentation par rapport à la période précédente. Les engagements des contrats de plan État-régions 2000-2006, après révision à mi-parcours, s'élèvent à 19,5 milliards d'euros pour l'État et 18,9 milliards d'euros pour les régions. Des financements complémentaires ont été mobilisés par les autres collectivités territoriales dans le cadre du « volet territorial » de ces contrats. Ce sont des montants considérables. Les contrats 1994-1998 représentaient seulement 12,3 milliards d'euros d'engagements pour l'État. Leur taux d'exécution à leur échéance initiale (1998) n'a pourtant été que de 79,7 %. Dans la négociation des contrats 2000-2006, le souci d'afficher beaucoup d'opérations a eu pour conséquences des défauts majeurs : une dispersion des responsabilités - 15 ministres et 7 ministres délégués sont concernés, parfois pour des montants très faibles - un émiettement des actions - dans l'ancienne nomenclature budgétaire, les dépenses du ministère de l'Agriculture pour les contrats de plan État-régions s'imputaient sur 49 articles différents - une faible cohérence des thèmes retenus - des enveloppes importantes étaient consacrées à l'investissement, pour autant les contrats incluaient des interventions, par exemple, les dotations à l'installation des jeunes agriculteurs, qui ne se prêtent pas à une programmation pluriannuelle - enfin, parfois, une faible sélectivité dans le choix des projets.

Ces propos ne diffèrent guère des observations faites dès 2004 par MM. Louis Giscard d'Estaing et Jacques Le Nay dans un rapport d'information de la Délégation à l'aménagement du territoire, qui se prononçait pour donner à la contractualisation « des contenus mieux définis et plus resserrés ». C'est également l'analyse de l'Association des régions de France qui a regretté que les contrats de plan se soient dispersés sur un trop grand nombre d'actions.

Quels que soient les défauts des contrats de plan actuels, le Gouvernement a tenu à respecter ses engagements. Les contrats étaient mal partis. Ils ont été signés tardivement en 2000, ce qui n'a pas permis de mobiliser les financements nécessaires dès la première année. Au CIADT de décembre 2002, le retard pris pour l'exécution des contrats était déjà évalué à une année de programmation. En 2003 et 2004, ce retard, dans un contexte budgétaire particulièrement tendu, n'a pu être résorbé. Une première accélération de l'exécution des contrats de plan a cependant été permise par l'inscription en loi de finances rectificative pour 2004 d'un plan de relance du volet routier pour 400 millions d'euros.

Mais les prévisions réalisées début 2005 à l'occasion de la mission d'information parlementaire sur les contrats de plan laissaient apparaître un retard prévisionnel de plus de deux ans. Le Gouvernement avait le choix entre deux options :

- soit continuer au même rythme : ce qui aurait obligé à reporter la fin des CPER de deux ans, pour réaliser l'intégralité des projets ;

- soit relancer une nouvelle contractualisation, coordonnée avec les fonds structurels, avec l'objectif de ne pas retomber dans les travers des contrats actuels et de se concentrer sur des projets plus en phase avec les préoccupations actuelles de l'État et des régions, ce qui demande un effort exceptionnel pour achever l'essentiel des CPER à la date prévue.

La seconde voie a été privilégiée. Les financements dégagés par le Gouvernement pour améliorer l'exécution des contrats 2000 - 2006 permettent de commencer la discussion des contrats de projets 2007 - 2013 sur des bases claires.

Dès le CIACT du 14 octobre 2005, le Gouvernement a décidé de réserver une part significative des moyens dégagés à l'occasion de la privatisation des autoroutes pour accélérer l'exécution des CPER : une enveloppe d'un milliard d'euros est venue s'ajouter aux crédits du ministère de l'équipement, pour relancer les projets routiers et ferroviaires en 2006. Le Premier ministre a également réaffirmé à l'ensemble des ministres concernés la priorité qu'il accordait aux engagements contractuels de l'État. Il leur a demandé d'examiner toutes les possibilités de mobilisation des moyens budgétaires en 2006 permettant d'engager le maximum de projets contractualisés, dans le cadre de la fongibilité des crédits prévue par la LOLF. Enfin, le CIACT du 6 mars 2006 a décidé d'une part, d'affecter 500 millions d'euros supplémentaires sur le budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France à la réalisation de projets d'infrastructures de transport contractualisés, 300 millions d'euros pour les routes et 200 millions d'euros pour les autres modes de transport, et d'autre part, de mobiliser une enveloppe supplémentaire de 50 millions d'euros pour le lancement de projets contractualisés dans le domaine des constructions universitaires. Cet effort exceptionnel permet d'envisager décemment la clôture des actuels CPER à la date prévue, alors que la précédente génération de contrats avait été prolongée d'un an et avec un taux de mise en place des crédits de l'État de 81 %, supérieur à celui constaté fin 1998 (79,7 %), alors même que les contrats 2000 - 2006 étaient plus ambitieux.

L'État poursuivra, au-delà de 2006, le volet routier des contrats 2000 - 2006, dans un cadre spécifique et distinct des nouveaux contrats de projets État-régions 2007 - 2013, afin d'exécuter intégralement cette enveloppe.

Les opérations non routières des contrats 2000 - 2006 qui n'auront pas été engagées fin 2006 pourront être reprises dans le cadre des nouveaux contrats de projets, si elles correspondent toujours à une priorité partagée de l'État et de la région.

Grâce à ces mesures, la nouvelle génération de contrats pourra commencer sur des bases claires. On a aligné les crédits correspondants, ce qui permet d'envisager la nouvelle programmation avec sérénité.

M. Augustin Bonrepaux a souligné que le Gouvernement promettait la poursuite de la réalisation des contrats de plan État-région jusqu'à leur terme, alors qu'on ne connaissait pas ce terme. Dans quelle mesure les opérations inscrites dans les contrats de plan pour la période 2000-2006 et non réalisées vont-elles être reprises dans les contrats conclus pour la période 2007-2013 ? Comment les programmes engagés seront-ils achevés ? Qu'en sera-t-il des routes qui ne sont pas inscrites dans les contrats ? Lorsqu'un contrat sera prolongé, le nouveau contrat pourra-t-il être mis en œuvre ?

M. Charles de Courson a demandé quel sort serait réservé, d'une part, aux routes nationales qui ont fait l'objet d'un transfert de compétences de l'Etat aux collectivités territoriales et, d'autre part, aux routes nationales, qui relèvent toujours de la compétence de l'État.

M. Louis Giscard d'Estaing a souligné que, jusqu'à présent, le montant correspondant au septième théorique à verser chaque année ne l'avait jamais été dans les faits et qu'il n'existait par ailleurs pas de mécanisme de report efficace. Comment est-il envisagé de remédier à ces défauts ?

M. Michel Diefenbacher s'est interrogé sur le cas particulier des routes à créer. Sera-t-il possible de les prendre en compte si les opérations les concernant ne peuvent être lancées avant le 31 décembre 2006 ? Une date limite, relative au début ou à la fin des travaux, a-t-elle été fixée comme critère de sélection de la poursuite des opérations ?

M. Michel Bouvard a demandé si les opérations non soldées et réintégrées dans les nouveaux contrats seraient considérées comme venant en déduction ou en sus de l'enveloppe prévue pour 2007-2013. Par ailleurs, la nouvelle architecture du budget de l'État, désormais présenté en missions et programmes, génère des conflits entre ministères : certains jouent du nouveau découpage retenu pour décliner toute responsabilité. Comment remédier à ces blocages ? Comment peut-on préserver le bénéfice des crédits communautaires pour les opérations pour lesquelles la contrepartie nationale n'est pas disponible ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué au Budget et à la réforme de l'État, a apporté les réponses suivantes :

- s'agissant du respect des engagements de l'Etat, les dispositions de l'article 24 de la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales seront strictement appliquées. L'État respectera ses engagements relatifs aux opérations en cours, qu'il s'agisse de voiries ayant fait l'objet d'un transfert ou non. Les engagements relatifs au volet routier des contrats conclus pour la période 2000-2006 seront poursuivis au-delà de la fin de l'année 2006. Les crédits nécessaires à ces opérations ne viendront pas en déduction de l'enveloppe des nouveaux contrats, puisqu'il n'y a pas de volet routier dans les nouveaux contrats de projet ;

- la LOLF constitue un outil utile pour l'exécution des contrats. En effet, alors qu'il était possible de mettre en réserve une part importante des crédits destinés aux contrats de plan, les mises en réserve sont désormais limitées à 0,1 % pour les crédits de personnel et à 5 % pour les autres crédits. D'une manière générale, les gains de productivité qui seront réalisés au sein de l'administration devront permettre de dégager des moyens en faveur de l'investissement ;

- à la fin de l'année 2006, sur les 4,2 milliards d'euros de crédits prévus dans le volet routier des contrats de plan, 3,4 milliards d'euros auront été versés ;

- les difficultés rencontrées dans la gestion des BOP doivent être signalées au Gouvernement.

M. Charles de Courson a demandé si les 800 millions d'euros qui n'ont pas encore été versés le seront en euros constants ou courants.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'Aménagement du territoire, a indiqué que les nouveaux contrats de plan ne comporteraient pas de volet routier. Par conséquent, l'exécution des contrats de plan 2000-2006 s'achèvera au 31 décembre 2006, à l'exception de leurs volets routiers qui seront poursuivis jusqu'à leur terme, quelle que soit leur date d'achèvement.

M. Augustin Bonrepaux a demandé quel sort était réservé aux routes après leur transfert.

Le Président Pierre Méhaignerie a souligné que Mme Bernadette Malgorn, préfète de la région Bretagne, et M. Bernard Prévost, préfet de la région Poitou-Charentes, avaient mis en évidence, lors de leur audition devant la commission des Finances, l'excès de bureaucratisation entraîné par la LOLF, qui génère une véritable pluie d'indicateurs, et la tentation de mettre en place des « tuyaux d'orgue », qui freinent les initiatives sur le terrain.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au Budget et à la réforme de l'État, a souligné la nécessité de faire remonter les informations relatives aux difficultés rencontrées sur le terrain.

M. Michel Bouvard a regretté la création de « BOP support », qui constituent un moyen de contourner le refus de mettre en place des programmes support, ainsi que le fléchage excessif des crédits.

M. Jean-François Copé, Ministre délégué au Budget et à la réforme de l'État, a estimé nécessaire de réexaminer un certain nombre d'indicateurs.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'Aménagement du territoire, a indiqué que lors du comité interministériel à l'aménagement et à la compétitivité du territoire (CIACT) du 6 mars dernier, le Gouvernement a présenté un dispositif de contractualisation profondément rénové, qui est l'aboutissement d'une large concertation entre l'État, l'ensemble des institutions concernées et les représentants des collectivités locales.

On doit noter la convergence des propositions faites par MM. Louis Giscard d'Estaing et Augustin Bonrepaux, d'une part, et celles formulées par le Premier Président de la Cour des comptes, le 16 février dernier, d'autre part. Dans les deux cas, les conclusions vont dans le même sens. Elles exigent davantage de concertation, de transparence, de rigueur et d'analyse de la performance des nouveaux contrats. En 2000, la contractualisation a incontestablement souffert de l'absence de ligne directrice, ce qui s'est traduit par des ambiguïtés sur la nature des contrats de plan. La participation financière de l'État s'en est ressentie. L'avantage de la LOLF consiste à nécessairement faire figurer dans le budget les engagements financiers inhérents aux contrats de projets.

La signature du Premier ministre en 2000 aurait pu ne pas être respectée du fait d'un taux de consommation insuffisant des crédits. Des crédits supplémentaires, d'un montant de 1,5 milliard d'euros, ont été ouverts sur le volet « infrastructures », qui représente 40 % des contrats de plan. Alors que le taux de consommation de ces crédits n'était que de 60 %, il sera de 81 % à la fin de l'année 2006, alors même que ce taux n'était que de 79 % à l'issue de la génération précédente de contrats de plan. La contractualisation future se déroulera simultanément avec la programmation des crédits européens, soit sur les années 2007 à 2013.

Les recommandations formulées par la Cour des comptes en février 2006 corroborent celles formulées par MM. Louis Giscard d'Estaing et Augustin Bonrepaux en juin 2005. Celles-ci visent à :

- préciser la nature et la portée des engagements de l'État ;

- limiter la programmation à un petit nombre de grands projets ;

- améliorer la concertation avec les collectivités territoriales ;

- veiller à l'adéquation entre les projets de loi de finances annuels et la programmation ;

- améliorer le suivi financier et physique des projets.

Le comité interministériel du 6 mars dernier a approuvé cette logique, qui conduit notamment à éviter d'inscrire dans les contrats des projets irréalisables. Désormais, si un projet n'est pas commencé à hauteur de 10 % au bout de 18 mois, il fera l'objet d'un dégagement d'office, à l'instar de ce qui se pratique pour les crédits européens.

Le Gouvernement a décidé d'engager avec les partenaires territoriaux la négociation d'une nouvelle génération de contrats pour la période 2007 - 2013. Cette période correspond à celle retenue pour la programmation des fonds européens.

Les futurs contrats de projets État-régions seront concentrés sur un nombre limité de thématiques prioritaires et de projets d'investissement d'envergure nationale, suscitant des effets d'entraînement importants pour les territoires. Les trois thématiques prioritaires sont :

- la compétitivité et l'attractivité des territoires ;

- la gestion durable des ressources naturelles ;

- et l'amélioration de la cohésion sociale et territoriale.

Les politiques de l'emploi et de la formation professionnelle, liées aux stratégies de compétitivité et d'accompagnement des mutations économiques, pourront également être contractualisées, sur la base d'objectifs régionaux. L'État n'a pas l'intention de faire financer ces politiques par les régions. À ce titre, il convient de souligner que les routes ne feront plus partie des contrats de projets, compte tenu de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Les projets inscrits dans les contrats de plan 2000 - 2006 seront menés jusqu'à leur terme. Sur les 13,8 milliards d'euros de recettes résultant de la vente des autoroutes, 4 milliards d'euros seront affectés à l'Agence pour le financement des infrastructures de transport, afin de financer la stratégie de l'État pour les grands itinéraires, y compris ferroviaires.

Le « volet territorial » des contrats est une préoccupation majeure des parlementaires. Les futurs contrats de projets en comprendront un, afin de soutenir les projets d'investissement de moindre ampleur répondant à des thématiques limitativement énumérées. Des projets s'inscrivant dans des démarches territoriales infrarégionales pourront être retenus de façon sélective pour soutenir les dynamiques de développement des territoires à une échelle plus fine, en fonction de l'intérêt qu'ils présentent en termes d'emploi et de compétitivité économique. Ils porteront sur les thématiques suivantes :

- politiques de développement durable des agglomérations, concourant notamment aux stratégies de compétitivité et de meilleure intégration du tissu urbain ;

- développement numérique des territoires, lié aux démarches de compétitivité économiques ;

- stratégies territoriales d'adaptation au changement climatique par la promotion des énergies renouvelables et la maîtrise de la demande énergétique ;

- gestion équilibrée de la ressource en eau ;

- prévention des risques naturels ;

- et adaptation des services au public et accompagnement des initiatives innovantes en matière de services à la personne, y compris la reconversion de structures hospitalières en établissements de moyen et long séjours pour personnes âgées et l'adaptation des structures spécialisées pour les personnes handicapées.

Les projets concernés par le « volet territorial » doivent s'inscrire à un niveau infrarégional, qui concerne les pays, les agglomérations, ainsi qu'éventuellement les intercommunalités. Le Gouvernement a rappelé que les régions étaient, certes, des partenaires privilégiés des contrats de projets, mais pas des partenaires exclusifs. Un sujet qui intéresse une agglomération ou un département, mais qui ne retient pas l'attention d'une région, pourra faire l'objet d'une contractualisation. En ce qui concerne le calendrier, les préfets de régions ont reçu le 6 mars dernier une lettre de mission du Premier ministre leur demandant d'identifier pour la fin du mois d'avril, dans chaque région, les grands projets. Avant l'été, les préfets de région recevront un mandat de négociation précis pour que les contrats puissent être signés avant la fin de l'année.

Sur la base des informations collectées par les préfets de régions, le Gouvernement préparera un cadrage financier pluriannuel qui sera présenté au prochain comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires. Il importe en effet de connaître les capacités d'engagement des collectivités territoriales pour pouvoir estimer la charge financière relevant de l'État.

Le Président Pierre Méhaignerie s'est interrogé sur la concordance du calendrier de programmation des contrats de projets et des fonds européens.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'Aménagement du territoire, a souligné qu'il convenait de maintenir la logique selon laquelle un investissement financé par des fonds européens devait être complété par un investissement français équivalent. En outre, la correspondance des calendriers doit permettre d'améliorer l'emploi des crédits.

Le Président Pierre Méhaignerie s'est interrogé sur la manière dont vont être définies les priorités assignées aux fonds européens. Sur quelles zones seront-ils engagés ? Pourra-t-on continuer de cumuler les différentes sources de financement, qui aboutissent à ce que le taux de subvention d'un projet atteigne parfois le niveau, déraisonnable, de 80 % ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'Aménagement du territoire, a souligné que les fonds structurels européens représenteraient, sur la période 2007 - 2013, une enveloppe de 12,7 milliards d'euros. Les préfets de régions ont pour mission d'identifier les projets structurants sur chaque territoire en respectant les priorités de la stratégie de Lisbonne c'est-à-dire la compétitivité, la cohésion et le développement durable. Les axes des contrats de projet s'inscrivent d'ailleurs parfaitement dans les priorités de la stratégie de Lisbonne et dans les orientations du cadre de référence stratégique national. En outre, il faut favoriser une plus grande souplesse dans l'utilisation des crédits et parvenir à une identification plus ciblée des territoires, qui devrait permettre de financer un plus grand nombre de projets.

M. Jean-Louis Dumont s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles la délégation de gestion des fonds structurels européens aux régions n'était pas poursuivie par l'État. Par ailleurs, se pose le problème de la cohérence des fonds structurels avec les aides au développement économique. Les préfets viennent d'ouvrir des négociations sur ce sujet.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'Aménagement du territoire, a rappelé qu'il s'agissait des aides à finalité régionale, qui n'ont pas de lien avec les fonds structurels européens, ni avec les contrats de projets. Ce sont des aides économiques accordées par l'État et dont le prolongement a été autorisé à Bruxelles après d'âpres négociations. Alors que la Commission voulait y mettre fin, le Gouvernement a obtenu que 15,5 % de la population française, soit 9,1 millions de personnes, puissent être concernées par ces aides. Une période transitoire de deux ans est prévue permettant de couvrir 6,9 % de population supplémentaire. Le zonage 2000 - 2006 comprenait des bassins d'emplois très densément peuplés. La France a été autorisée à opérer un ciblage plus précis sur des zones de 50.000 habitants, et 20.000 pour des opérations concernant les PME, ce qui permet de concentrer les aides sur les territoires les plus fragiles. Un volet de 430.000 habitants a été, en quelque sorte, gardé en réserve pour faire face à des situations de crise. Cette réserve s'est faite au détriment de l'Ile-de-France, qui est suffisamment attractive d'un point de vue économique. Les remontées des préfets indiquent une grande satisfaction des élus locaux qui sont plus nombreux, désormais, grâce à ce nouveau ciblage, à pouvoir bénéficier de la prime d'aménagement du territoire.

M. Michel Bouvard a indiqué que ce nouveau ciblage était plus satisfaisant car certaines zones de revitalisation rurale ne pouvaient pas, dans l'ancien zonage, bénéficier de la prime d'aménagement du territoire.

M. Charles de Courson a indiqué que ce zonage pouvait effectivement comprendre les territoires de moins de 20.000 habitants. Il s'est étonné de la brièveté des délais pour l'élaboration des contrats de projets. Les préfets ont en effet indiqué aux élus locaux que ceux-ci devaient signaler les projets qu'ils voulaient voir financer d'ici le 21 avril. Il est, par ailleurs, regrettable que, compte tenu des nouvelles priorités des contrats de projets, ceux-ci se concentrent surtout sur des zones urbaines. Les zones rurales ne sont concernées que par quelques axes, comme celui sur les ressources hydrauliques. Enfin, il a souhaité connaître l'ordre de grandeur du budget que l'État comptait consacrer aux contrats de projets.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, s'est interrogé sur la clef de répartition des 9 milliards d'euros entre le Fonds européen de développement régional (FEDER) et le Fonds social européen (FSE). S'agit-il bien, respectivement de 56 % et 44 % ?

M. Augustin Bonrepaux a rappelé que la loi du 13 août 2004 a permis d'expérimenter la délégation de gestion des fonds structurels européens aux régions. Un compte rendu devait dresser le bilan de cette expérimentation qui concerne la région Alsace. Quand ce compte rendu sera-t-il fait ? Pourquoi l'expérimentation n'est-elle pas poursuivie ? Les contrats de plan État-régions s'achevant fin 2006, quels sont les crédits prévus au titre du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire pour financer les projets élaborés par les pays ?

Il est regrettable que les priorités données aux contrats de projets soient essentiellement axées sur les zones urbaines. Les principaux axes que sont la compétitivité, les grands équipements métropolitains, le développement des transports ferroviaires, l'environnement ne concernent pas les zones rurales. Des financements sont-ils prévus en faveur des conventions de massif ? Des dispositifs sont-ils prévus pour favoriser la péréquation entre les territoires ? Les fonds structurels européens ne doivent pas financer de petits projets comme les salles polyvalentes. Cependant, les projets actuels sont très rarement financés à hauteur de 80 %, comme cela a pu être affirmé, mais plutôt à hauteur de 50 %. Ces contrats de projets donnent le sentiment que la politique menée n'est pas celle de l'aménagement du territoire, mais davantage celle de la concentration de moyens sur quelques territoires.

M. Michel Bouvard a tenu à saluer l'action du Gouvernement, qui a permis le maintien des aides à finalité régionale, alors que les premiers projets de la Commission européenne ne les autorisaient plus dans notre pays.

S'agissant des fonds structurels européens, il a demandé comment avaient été calculées les enveloppes régionales. Les problèmes des territoires à handicap structurel permanent ont-ils été pris en compte, comme la Commission européenne conseille de le faire, avec des systèmes appropriés de majoration ? Quelles garanties a-t-on que les fonds structurels comme le FEDER, le FSE et le FEADER (ex FEOGA) ne seront pas employés dans les nouveaux CPER, en substitution de crédits émanant de l'État ? L'élaboration du nouveau Cadre de référence stratégique national (CRSN) a permis la consultation des régions, avec l'Association des régions de France, mais pas celle des comités de massif, car le Conseil national de la montagne ne s'est pas réuni depuis deux ans. On peut espérer que la transformation du programme INTERREG en « objectif 3 » signifiera une augmentation des crédits. Mais comment seront gérées les enveloppes affectées à cette coopération, par exemple pour les trois massifs franco-suisse, pyrénéen et alpin ? Comment ces crédits seront articulés avec les fonds affectés aux massifs ?

S'agissant des CPER, comment seront articulées les enveloppes finalisées dans les régions avec les conventions interrégionales de massif (CIM), encore en cours d'exécution ? Quel sera le rôle du préfet coordonnateur dans la prise en compte de ces conventions ? Le calendrier sera-t-il le même ou spécifique, sachant que les schémas interrégionaux de massif ne sont pas finalisés ?

La prochaine programmation budgétaire communautaire prévoit seulement 3 milliards d'euros pour les réseaux transeuropéens de transport (RTET), alors que le Commissaire européen aux transports, M. Jacques Barrot, en avait souhaité davantage. On sait leur effet de levier et de dynamisation des territoires, par exemple dans le domaine ferroviaire : TER, résorption des nœuds saturés et grands projets européens. Comment articulera-t-on ces projets avec les priorités en matière d'aménagement du territoire ?

M. Yves Deniaud a noté que les routes sont exclues des CPER. M. Dominique Perben, ministre des Transports, a récemment défini une stratégie intéressante en matière de projets d'itinéraire. Dans cette stratégie, les projets seront financés par l'État, mais les collectivités locales pourront y participer. Il faudrait préciser cette participation : sous quelle forme, dans quelles proportions, et savoir quelles collectivités seront concernées ?

M. Jean-Louis Dumont a rappelé la spécificité du CPER en région Lorraine, avec la prise en compte de l'« après-mines », notamment les bassins ferrifères, charbonniers ou même sidérurgiques. Comment, dans la nouvelle génération de contrats État-Région, sera prise en compte la « souffrance » économique et sociale de ces régions ?

Le CRSN concentre beaucoup de crédits du FSE sur l'exécution du plan de cohésion sociale, qui relève de la compétence de l'État. Comment seront pris en compte les besoins de formation professionnelle, qui sont de la compétence des régions, sachant qu'elle concourt à la bonne remise sur le marché du travail de personnes en difficulté.

La centralisation de la gestion des fonds structurels européens, qui reste entre les mains des préfets dans la prochaine programmation, est contraire à la logique européenne. On peut également s'interroger sur la cohérence du calendrier et du cadrage. Le financement des pôles de compétitivité et d'excellence n'ôtera-t-il pas toute marge de manœuvre, et par là même entraînera des désillusions et des espoirs déçus ?

Concernant la consommation des fonds des CPER en 2006, quelle assurance aura-t-on que l'on ira jusqu'au bout des financements annoncés ?

M. Jean-Pierre Gorges a demandé si les élus pourraient disposer d'un « mode opératoire », alors que la Commission d'enquête avait critiqué la complexité des financements croisés.

M. Louis Giscard d'Estaing a demandé si on allait résoudre le problème rencontré dans la précédente génération de contrats, à savoir que l'absence de réalisation d'études appropriées avait empêché le lancement des projets correspondants.

M. Jean-Jacques Descamps a interrogé le ministre sur le financement des pôles d'excellence rurale.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'Aménagement du territoire, a apporté les éléments de réponse suivants :

- il ne faut pas confondre les pôles de compétitivité ou les pôles d'excellence rurale avec les contrats de plan. Les premiers constituent une politique fondée sur l'innovation, la recherche et le développement, bref le « contenu », tandis que ces derniers désignent plutôt le « contenant » : d'un côté, par exemple, les projets de recherche, de l'autre le laboratoire où ils seront mis en œuvre ;

- au début de ce mois de mars, pour 300 pôles d'excellence, 424 projets finalisés ont été transmis au ministère : la méthode consistant à donner deux mois aux élus pour déposer leurs dossiers et trois mois au Gouvernement pour les expertiser et les labelliser est donc efficace ; il est nécessaire d'aller vite pour mettre en œuvre la contractualisation ;

- il va de soi que tous les dossiers ne seront pas acceptés : on ne peut encadrer le régime des contrats de plan sans accepter une certaine sélectivité, ce qui correspond aux demandes formulées par les parlementaires et la Cour des comptes ;

- la politique conduite par le ministère poursuit la recherche du meilleur équilibre entre le développement des zones rurales et celui des zones urbaines. L'inquiétude légitime exprimée par le Président Pierre Méhaignerie à l'égard d'une tentation de concentrer les actions autour des villes principales devrait pouvoir être dissipée par la mise en place des pôles de compétitivité, des pôles d'excellence rurale et de la charte de modernisation des services publics en milieu rural, qui ont vocation à être intégrés dans les contrats. Au-delà des projets concernant le développement des routes ou du réseau ferré, qui fait d'ailleurs l'objet d'un important volet de régénération, ceux relatifs au développement des nouvelles technologies de l'information constitueront un levier important pour combler le fossé entre zones rurales et zones urbaines ;

- le FEDER a été privilégié par rapport au FSE, dans la mesure où son effet d'entraînement est plus fort ; de plus, il a vocation à intervenir sur l'ensemble du territoire national ;

- un rapport sur l'expérimentation menée en Alsace sera présenté avant l'été. Cette expérimentation, qui est mise en œuvre depuis trois ans, devrait se poursuivre ; si elle donne lieu à une évaluation positive, elle sera élargie à d'autres régions ;

- s'agissant des contrats concernant les pays ou les agglomérations, tous les engagements pris au titre de la période 2000 - 2006 seront tenus ;

- concernant la péréquation, le volet territorial sera modulé selon les régions. Pour autant, les contrats de plan ne constituent pas par nature un outil de péréquation ;

- les actions « Interreg » correspondent aujourd'hui à l'objectif 3 du FEDER. L'enveloppe correspondante passe de 427 millions d'euros, pour 2000 - 2006, à 748 millions d'euros pour 2007 - 2013. Les crédits relatifs à l'objectif 3 touchant au « transfrontalier » sont en augmentation de 50 % ;

- la répartition des crédits européens en métropole obéit à trois critères fixés par l'Union : le nombre d'habitants, le nombre de chômeurs au-dessus de la moyenne nationale et la densité de population ;

- le calendrier pour les massifs est le même que celui des contrats de projet, qu'il s'agisse des zones de montagne ou des fleuves ;

- conformément à la volonté du Gouvernement de mener à bien la logique d'itinéraires, sous-tendue par le maintien dans le giron de l'État de certains grands axes nationaux, il sera proposé aux collectivités locales concernées qui le souhaitent de conclure des partenariats ciblés et distincts. Ces partenariats se feront indépendamment des contrats de projets conclus avec les communes ;

- le volet « après-mines » figurera dans les futurs contrats de projets, au nom de la cohésion sociale ;

- il est indispensable de disposer d'études précises avant la signature des contrats ; les préfets de région ont été alertés sur ce point. Il faut ne pas renouveler les erreurs constatées lors de la précédente génération de contrats, où l'on a vu le coût de certains budgets multiplié par trois par rapport aux prévisions, souvent au détriment d'autres projets, ce qui est inacceptable. L'État participera au financement de l'ingénierie nécessaire à ces études. On peut d'ailleurs constater que la plupart des collectivités locales savent depuis longtemps ce qui est prioritaire ou non.

Le Président Pierre Méhaignerie s'est interrogé sur la place du FEADER dans le dispositif. Il a également souligné que la principale difficulté à laquelle ont été confrontés les élus, ces six dernières années, a été l'extrême complexité du schéma institutionnel. On constate un enchevêtrement des responsabilités. L'élu d'une commune ou d'une agglomération est obligé de contractualiser avec le département, la région, l'État et l'Union européenne, sans la moindre harmonisation entre ces différents interlocuteurs.

M. Jean-Pierre Gorges a regretté une certaine politisation de l'action des régions et sur le fléchage de crédits dont sont aujourd'hui victimes bon nombre de communes.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'Aménagement du territoire, a répondu que la répartition des crédits du FEADER relève de la seule responsabilité du ministre de l'Agriculture, seul le FEDER étant à la charge du ministre de l'Aménagement du territoire.

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