Version PDF

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 70

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 14 juin 2006
(Séance de 10 heures 30)

Présidence de M. Michel Bouvard, Vice-président,
puis de M. Pierre Méhaignerie, Président,
puis de M. Charles de Courson, Secrétaire,
puis de M. Pierre Méhaignerie, Président.

SOMMAIRE

 

pages

- Suite de l'examen d'un rapport spécial sur l'exécution 2005 des crédits « ville et logement » (M. François Scellier, Rapporteur spécial)

2

- Examen d'un rapport spécial sur l'exécution 2005 des crédits « administration générale et territoriale » (M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur spécial)

7

La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a poursuivi l'examen des crédits correspondant à la mission « Ville et Logement », sur le rapport de M. François Scellier, Rapporteur spécial des crédits du Logement.

M. François Scellier, Rapporteur spécial, a indiqué que la mission retrace deux politiques publiques qui ont en commun de connaître des crises importantes et de représenter des priorités nationales. La France connaît aujourd'hui une crise du logement. Afin d'y répondre, le Gouvernement a fait des choix clairs, dont dernièrement le projet de loi portant « engagement national pour le logement ». Les objectifs en 2005 du plan de cohésion sociale ont été en grande partie atteints. Plus de 81.000 logements sociaux ont été financés dans le parc public, soit le plus haut niveau atteint depuis 10 ans. 410.000 nouveaux logements ont été mis en chantier en 2005, un chiffre record, inégalé depuis 25 ans. Grâce aux aides de l'ANAH, la production de logements à loyers maîtrisés a été portée de 17.000 en 2003 à près de 28.000 en 2005. Le nombre de prêts à taux zéro émis a progressé de 80.000 en 2004 à plus de 200.000 en 2005.

La consommation des crédits du logement en 2005 s'est élevée à 7,05 milliards d'euros contre 6,53 milliards d'euros prévus en loi de finances initiale, du fait de la loi de finance rectificative, des reports et des annulations. Sur le chapitre 65-48/10 (construction de logements sociaux), le montant des engagements s'est élevé à 443 millions d'euros et pour les CP les mandatements ont atteint 469 millions d'euros. En matière de financement du logement social donc, la loi de programmation a été scrupuleusement respectée.

Le montant des reports 2004 sur 2005 s'était élevé à 577 millions d'euros en CP, ce qui représentait plus de 10 % des crédits. Il faut regretter ce montant trop élevé, qui fausse la portée du vote du Parlement. Certes, sur le chapitre 46-40/10 (aides à la personne), la consommation de ces aides est sensible à la conjoncture économique, au niveau de revenu des bénéficiaires et à l'état du marché de l'emploi. Compte tenu du ralentissement économique, des crédits supplémentaires s'étaient avérés nécessaires ; ils ont été ordonnancés en 2004 et payés en 2005. La Cour des comptes, dans son rapport de mai 2006 sur les résultats et la gestion budgétaire de l'État en 2005, relève la sous-évaluation de la dotation de ce chapitre, cette année comme les deux années précédentes.

Les reports de 2005 sur 2006 sont évalués à 123  millions d'euros dans le présent projet de loi de règlement. Par rapport aux 1,2 milliard d'euros de CP prévus dans la loi de finances initiale pour 2006 pour le programme « développement et amélioration de l'offre de logement », ces reports représentent donc encore environ 10 % des crédits. L'intégralité des 118 millions d'euros de CP restés gelés sur le chapitre 65-48 « construction et amélioration de l'habitat » ont été reportés sur l'année 2006. Le report de ces crédits a fait l'objet, dans la loi de finances pour 2006, d'une dérogation au principe de limitation des reports à 3 % des crédits initialement ouverts par chapitre. La plus grande partie de ces reports a été affectée au programme de rénovation urbaine. L'essentiel des AP qui sont restées gelées à la fin de l'année 2005 ont été compensées par un recyclage de dotations non utilisées de l'ANAH.

Les crédits de la politique du logement ne sont pas de ceux qui se prêtent le mieux à une analyse en termes d'efficacité et de performance. Ainsi, pour les aides à la personne et à la pierre, il s'agit de dispositifs qui sont proposés sous certaines conditions à nos concitoyens ou aux organismes chargés du logement social. Le ministère vient d'engager un « audit de modernisation » sur la rationalisation de la gestion des aides personnelles au logement.

La Cour des comptes a calculé que les dépenses fiscales sont supérieures aux crédits de la mission, avec 9,8 milliards d'euros, soit 133 % du montant de ces crédits. Les évaluations effectuées dans le projet de loi de finances pour 2006 constituent une indéniable amélioration de l'information sur le coût d'une politique publique. L'évaluation des dépenses fiscales est cependant incomplète : parmi les 22 dispositifs de dépenses fiscales liés au programme « développement et amélioration de l'offre de logement », 8 ne sont pas évalués.

La Cour des comptes note que les deux programmes relatifs au logement ne reflètent que partiellement le financement de la politique du logement, assuré également par d'autres sources que les dépenses budgétaires (régimes sociaux, employeurs...). Or, l'absence de fascicule « jaune » budgétaire ne permet pas une vision globale de ces financements, ce qui contribuerait à éclairer le débat public.

Les indicateurs des deux programmes sur le logement sont opérationnels et la plupart sont renseignés dans le projet de loi de finances pour 2006. La Cour des comptes note que « ces indicateurs restent toutefois perfectibles ». Il s'agit d'une démarche progressive dont la mise en œuvre s'étale forcément sur plusieurs années.

L'examen, en mode LOLF, d'un projet de loi de règlement devra permettre de juger de la réalisation effective des objectifs fixés, tels que mesurés au moyen des indicateurs. Les rapports annuels de performance (RAP) ne seront transmis au Parlement que pour l'exécution 2006. Les résultats, en 2005, ne sont pas encore connus pour 3 des 5 indicateurs du programme « aide à l'accès au logement » et pour 6 des 10 indicateurs du programme « développement et amélioration de l'offre de logement ».

S'agissant des aides à la personne, l'indicateur relatif au taux d'effort des ménages en locatif disposant de revenus modestes montre une détérioration entre 2004 et 2005, augmentation qui était d'ailleurs prévue dans le projet annuel de performance (PAP) pour 2006. La cause n'en est bien sûr pas la baisse des aides, mais l'augmentation des loyers et charges constatés en 2005. Pour aider à résoudre ce problème, et se rapprocher des valeurs cibles, le Gouvernement a fait adopter une nouvelle référence de révision des loyers qui remplace l'indice du coût de la construction.

L'indice mesurant le taux de satisfaction des usagers ayant consulté une association départementale pour l'information sur le logement (ADIL) est de 95,5 % en 2005. Cette valeur est, en apparence, excellente, mais on ne sait comment l'interpréter en l'absence de donnée pour 2004.

S'agissant des aides à la pierre, l'indicateur mesurant le pourcentage des demandeurs de logements social dont l'ancienneté de la demande est supérieure à 1,5 fois l'ancienneté moyenne, les valeurs réalisées en 2005 sont toutes inférieures aux prévisions 2005 et 2006. Elles sont inférieures aux valeurs cibles dans les zones moyennement tendues et détendues, mais restent supérieures à ces valeurs cibles dans les zones tendues. C'est sur les zones tendues que devra donc porter l'effort du Gouvernement.

L'indicateur mesurant le pourcentage de logements locatifs sociaux financés ou agréés (PLUS, PLA-I, PLS) présente des valeurs réalisées supérieures aux prévisions 2005 dans les zones moyennement tendues et détendues, mais qui restent inférieures dans les zones tendues. Un effort reste donc également à faire dans les zones tendues. Au niveau national, les objectifs de production des bailleurs sociaux, fixés par la loi de cohésion sociale, ont été atteints à 96 %. Dans les régions Ile-de-France et PACA, où se situent principalement les zones tendues, le pourcentage est inférieur, en raison du manque de foncier disponible. De nombreuses mesures ont été prises pour améliorer cette situation. Le projet de loi portant « engagement national pour le logement » prévoit ainsi de simplifier les procédures d'urbanisme et de lutter contre la rétention foncière. En outre, des prêts de la Caisse des dépôts ont été créés pour financer des terrains en vue de la production de logements sociaux. Enfin, la création d'établissements publics fonciers contribue à la mise à disposition de foncier à prix maîtrisé.

L'indicateur mesurant le pourcentage de logements privés à loyer maîtrisé aidés par l'ANAH par rapport au nombre total de logements locatifs aidés par l'Agence présente des valeurs réalisées en 2005 largement supérieures aux valeurs prévues et réalisées en 2004.

L'indicateur mesurant le pourcentage de logements locatifs sociaux financés dans les communes ayant moins de 20 % de logements locatifs sociaux par rapport à leur objectif annuel moyen présente des valeurs réalisées partout supérieures aux valeurs prévues. Les réalisations sont d'autant meilleures que le taux se rapproche du seuil de 20 %. Ainsi pour les communes ayant entre 15 % et 20 % de logements locatifs sociaux, les réalisations ont représenté ... 452 % des objectifs ! Par contre les réalisations dans les communes ayant entre 0 % et 5 % de logements locatifs sociaux sont très légèrement inférieures aux prévisions 2006. C'est là que devra donc porter l'effort le plus important. Il faut cependant veiller à faire preuve de pragmatisme dans les communes où les coûts du foncier sont trop élevés ; une démarche plus contractuelle est alors préférable. Ainsi, à Auvers sur Oise, une opération a été chiffrée à 120 % du coût du foncier... Ce système est donc parfois paradoxal, en dépit de la bonne volonté des maires.

Le Président Pierre Méhaignerie a souligné le décalage existant entre les résultats tangibles de la politique du logement menée sur le terrain et la difficulté d'en rendre compte à un niveau agrégé. Cela est dû à la complexité des mécanismes mis en œuvre et à leurs changements permanents. Il en résulte une incompréhension pour tous les acteurs. À ce titre, les indicateurs budgétaires retenus ne semblent pas pertinents pour mesurer la réalité de la performance de la politique menée. Qui peut dire aujourd'hui comment est réparti le 1 % logement ? Il est donc nécessaire que, pour le prochain budget, une batterie d'indicateurs de performance indiscutables soit retenue.

Plus généralement, il faut disposer d'outils solides permettant d'apprécier l'efficacité de la politique menée sur tel ou tel secteur. D'autres pays, comme la Suède, ont déjà engagé de telles démarches de mesure de la performance, qui prennent nécessairement du temps. La présentation de ce rapport spécial permet d'initier un processus qui doit aboutir à une discussion en séance publique de la politique du logement à partir d'éléments tangibles, concrets et compréhensibles.

M. Charles de Courson a indiqué que les dépenses fiscales devraient toutes être rattachées aux budgets correspondants, avec des indicateurs adéquats. Sur les 420 mesures fiscales dérogatoires existantes, le ministère des Finances envisage d'en choisir 20 pour les doter de tels indicateurs. Il serait souhaitable que celles concernant le logement, qui représentent des montants conséquents, soient retenues à cette occasion.

M. Didier Migaud a indiqué qu'il ne partage pas l'appréciation positive portée par le Rapporteur spécial quant à la politique du logement.

M. Jean-Pierre Brard a estimé que la publication de ces rapports spéciaux sur la loi de règlement est le début d'un processus actif de dialogue avec les ministères permettant d'évaluer réellement les politiques publiques menées. Il est donc indispensable que le Parlement réclame des informations suffisamment pertinentes.

M. Jean-Pierre Gorges a estimé que l'article 55 de la loi SRU est contreproductif car un stock de 25 % de logements sociaux a déjà été atteint au niveau national, alors que le dispositif en cause ne fixe comme objectif pour toutes les communes qu'un seuil de 20 %. À partir du moment où la compétence en matière de logement est transférée aux communautés d'agglomération, celles-ci déterminent le nombre de logements à construire sur leur territoire ainsi que leurs caractéristiques propres. Les communes peuvent donc facilement se soustraire à l'objectif, et les pénalités qu'elles doivent verser à ce titre sont souvent récupérées par la communauté sous forme de fonds de concours. Il serait donc plus rationnel de prévoir un objectif de 25 % au niveau des communautés d'agglomération, si l'on veut faire plus de logements sociaux. Cela permettrait d'éviter les situations de blocage actuelles, en répartissant mieux les constructions nouvelles sur un espace territorial plus large.

M. Nicolas Perruchot a souligné les problèmes qui se posent en matière de rénovation urbaine. Chaque conseil général est sollicité pour intervenir à ce titre sans pour autant en avoir la compétence. Il y a aussi un manque de cohérence entre ministères pour traiter des questions correspondantes, par exemple si une pharmacie, relevant du ministère de la Santé, se situe dans un centre commercial qui doit être détruit et réhabilité dans le cadre de la politique de la ville, toute l'opération est bloquée. Ce problème ne se pose plus en matière d'aides, grâce à l'ANRU, laquelle joue bien son rôle de guichet unique. De même, l'attribution de DSU supplémentaire par la loi de cohésion sociale ne permet pas de couvrir plus de la moitié des coûts des programmes engagés. Enfin, on attend toujours les 100 millions d'euros annoncés au titre du volet humain et du soutien aux associations pour la rénovation urbaine.

M. Augustin Bonrepaux a confirmé les nombreuses demandes de participation adressées aux conseils généraux, y compris par l'État via les préfets, en dehors de leur domaine de compétences. Cela se traduit par des problèmes de financement, par exemple pour les routes, le RMI ou les contrats d'avenir.

Le Président Pierre Méhaignerie a estimé que le débat en séance avec le Gouvernement sur la politique du logement doit permettre d'obtenir des réponses claires à un certain nombre de questions :

- Quelle est la part des dépenses publiques et des dépenses fiscales ?

- Comment ont évolué les dépenses de l'ANAH ?

- Comment est réparti le 1 % logement ?

- Quelles sont les autres ressources financières qui contribuent à la politique du logement ?

- A-t-on accru le nombre de logements sociaux ?

- Comment ont évolué les moyens financiers des locataires ?

- A-t-on accru l'accession sociale à la propriété ? Par quelles méthodes ? Quel en est le résultat par région ?

- Combien a-t-on vendu de HLM ? Où les a-t-on vendu ? A-t-on récompensé ceux qui les ont vendu ?

- Quel est le taux de rotation dans les logements sociaux ?

- Est-ce que, par solidarité, on ne devrait pas revenir à un loyer HLM plus élevé pour ceux des locataires qui ont un revenu élevé ?

- Comment sera répartie la nouvelle enveloppe des super PLUS, sachant qu'il y a 45 000 bénéficiaires potentiels sur les 90.000 bénéficiaires du PTZ, et sachant que le niveau du plafond est particulièrement élevé (45.000 euros au lieu de 75.000 euros) ?

- Combien de collectivités territoriales vont apporter leur contribution pour l'accession très sociale que constitue le double PTZ ?

-  Quelle est la part de la DSU supplémentaire accordée aux communes, utilisée pour rénover les quartiers sensibles ?

Les bons résultats obtenus doivent être mieux mis en valeur grâce à un travail approfondi avec le Gouvernement sur les indicateurs. Les trop nombreux sigles existant en matière de politique de logement empêchent d'avoir une compréhension claire et suscitent toute forme de démagogie.

M. François Scellier, Rapporteur spécial, a estimé, s'agissant de l'article 55 de la loi SRU, qu'il fallait appréhender la question en termes de flux plutôt que de stock avec des seuils arbitraires. Ainsi, certaines communes qui ont dépassé le seuil légal continuent de construire des logements sociaux ; pour autant, des efforts restent encore à faire, sans présupposés idéologiques. Les grandes collectivités locales sont effectivement appelées à intervenir hors de leurs domaines de compétence, ce qui oblige à faire des arbitrages par rapport à différents objectifs : il faut aussi intervenir sur certains quartiers ne bénéficiant pas d'aides de l'ANRU pour éviter qu'ils ne deviennent des quartiers difficiles. Enfin, il est assez difficile d'obtenir tous les éléments d'information pertinents en matière de politique du logement, compte tenu de la complexité de la matière. Les indicateurs proposés doivent donc être affinés.

La Commission a ensuite autorisé la publication du rapport spécial.

*

* *

La Commission a ensuite procédé à l'examen des crédits correspondant à la mission « Administration générale et territoriale »

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur spécial, a indiqué que la mission « Administration générale et territoriale de l'État », qui regroupe aujourd'hui 2,2 milliards d'euros de crédits de paiement (soit 0,83 % du budget de l'État), revêt une importance particulière : elle couvre 16 % des crédits du ministère de l'Intérieur, finance ses fonctions « support », au travers de son troisième programme, relatif à la conduite et au pilotage des politiques de l'intérieur, ainsi que la gestion de l'ensemble du réseau des préfectures dans le cadre de son premier programme « administration territoriale » et comporte les crédits concernant la vie politique, cultuelle et associative, finançant notamment les partis politiques et les campagnes électorales.

L'année 2005 a été une période de transition pour l'ensemble du budget de l'État. Cette phase transitoire s'est particulièrement fait sentir s'agissant de cette mission. En effet, contrairement à d'autres missions qui reprennent le périmètre des anciennes sections budgétaires, celle-ci est quasiment une création ex nihilo, ce qui pose des problèmes de transposition budgétaire et comptable entre l'ancienne et la nouvelle présentation.

Pour avoir le maximum d'éléments en vue d'apprécier comment s'est passée cette transition et la capacité du ministère à s'orienter vers la performance, le Rapporteur spécial a interrogé le Ministre sous la forme d'un questionnaire. Il convient de relever la parfaite réactivité des services, qui ont globalement répondu dans les délais - en l'occurrence très courts - et le plus souvent de manière précise. Il ressort de l'examen des comptes et des réponses apportées trois constats principaux : le budget de 2005 a, dans l'ensemble, été exécuté conformément à la LFI ; il s'est par ailleurs progressivement orienté vers la recherche de la performance ; la gestion est corollairement devenue plus efficiente, en phase avec les grands chantiers de modernisation de l'État.

Il est deux manières d'apprécier l'exécution budgétaire en 2005 : selon le mode classique de l'ordonnance organique de 1959 ou selon celui de la LOLF, dans lequel elle a été préfigurée. Il résulte de l'ensemble des principaux mouvements de crédits présentés selon les règles de l'ordonnance de 1959 que les crédits disponibles se sont élevés à 1.920,9 millions d'euros de crédits de paiement, soit 83,9 % des crédits ouverts en LFI. Mais cet écart (368,6 millions d'euros) est largement imputable au transfert des crédits de pension (532,8 millions d'euros). Si l'on fait abstraction de ce dernier, les crédits ont été au contraire abondés de 164,2 millions d'euros (soit un accroissement de 7,1 %), liés principalement au montant des reports (106,8 millions d'euros) et de l'avance par décret (85,8 millions d'euros). Quant aux gels et dégels de crédits, ils sont d'un montant relativement limité (à peine 1,3 % des crédits pour les gels) et se compensent (29,5 millions d'euros de gels et 27,8 millions d'euros de dégels).

Les crédits dépensés s'élèvent, pour leur part, à 1.947,4 millions d'euros, soit 26,5 millions d'euros de plus que les crédits disponibles et un taux de consommation de 101,4 %. Cela est principalement lié aux dépenses du chapitre évaluatif 37-91 « Frais de contentieux et réparations civiles », dont l'exécution est de 136,3 millions d'euros contre 81,8 millions d'euros votés. En effet, hors ce chapitre, le taux de consommation s'établit à 98,5%. La sous-évaluation des dépenses de ce chapitre constitue donc l'un des principaux problèmes de l'exécution 2005, qui s'avère pour l'essentiel globalement conforme à la loi de finances initiale.

La transposition en mode LOLF permet de faire ressortir l'importance respective des trois programmes de la mission en exécution : « Administration territoriale », 1.205,2 millions d'euros, soit 61,9 % des crédits ; « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », 444,5 millions d'euros, soit 22,8 % du budget ; « Vie politique, cultuelle et associative », 297,7 millions d'euros, soit 15,3 % du budget. Sans surprise, on observe une forte diminution de crédits de paiement sur le premier programme, entre ceux inscrits en LFI et ceux dépensés (1.618,8 millions contre 1.205,2 millions d'euros), en raison du transfert des crédits de pensions. Il en est également ainsi pour le troisième programme (496,9 millions contre 444,4 millions d'euros), pour la même raison, mais dans une proportion moindre, liée à la sous-évaluation des frais de contentieux. Le deuxième programme présente au contraire un net accroissement entre les crédits votés (173,7 millions d'euros) et les dépenses effectives (297,7 millions d'euros), soit + 124 millions d'euros, tenant essentiellement aux ouvertures de crédits par décret d'avance et aux reports, prévus pour le financement des élections de 2004 et le référendum sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe de 2005. Si les taux de consommation des crédits de paiement des premier et deuxième programmes s'élèvent respectivement à 99,9 % et 98,6 %, celui du troisième atteint 107,7 %, toujours en raison de la sous-évaluation des frais de contentieux.

Ces données prendront tout leur sens par comparaison avec l'exécution budgétaire de cette année. L'évolution par rapport à 2004 n'a pu être établie pour des raisons méthodologiques, aucun système d'information ne permettant d'opérer une répartition fiable des crédits entre programmes pour 2004, ce d'autant plus que l'extension de l'expérimentation de globalisation des crédits des préfectures invaliderait toutes les clés de conversion relatives aux chapitres concernés.

S'agissant du volet « performance », alors que l'avant-PAP ne comportait pas d'objectifs et d'indicateurs chiffrés, un chiffrage a été intégré, non seulement dans le PAP pour 2006, mais aussi parfois pour l'exécution du budget de 2005. En outre, l'évolution des indicateurs témoigne de plusieurs améliorations dans chacun des trois programmes. Concernant le programme « Administration territoriale », la globalisation des crédits de fonctionnement et de rémunération des préfectures, initiée depuis 2000, s'est accompagnée de la mise en place d'un contrôle de gestion, contrepartie de la liberté de gestion nouvelle donnée aux responsables. Elle a donné lieu à la fixation d'objectifs nationaux dès 2003, qui a accéléré l'adhésion des préfectures à la culture de performance. Au vu des résultats connus de 2005, les objectifs ont globalement été atteints, mais sept indicateurs sur douze restent encore à renseigner. Pour ce qui est du programme « Vie politique, cultuelle et associative », le suivi des indicateurs - qui sont proportionnellement mieux renseignés (trois sur cinq) - révèle deux améliorations : le raccourcissement du délai d'envoi du décret de répartition de l'aide publique aux partis politiques et la baisse du coût des élections par électeur inscrit. Le programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » présente aussi un nombre encore trop important d'indicateurs non renseignés, mais atteste de certains bons résultats, s'agissant notamment des objectifs « Offrir aux utilisateurs du ministère la qualité de prestations dont ils ont besoin en matière de systèmes d'information et de communication » et « Améliorer l'adaptation des processus d'affectation aux besoins des autorités d'emplois en recherchant la meilleure adéquation profil / poste ». Dans l'ensemble, les efforts du ministère pour intégrer la culture de la performance issue de la LOLF sont satisfaisants. Mais ils devront être poursuivis pour assurer une pleine mise en œuvre de celle-ci. Les informations relatives aux indicateurs devront être enrichies et comporter des valeurs-cibles pluriannuelles.

L'efficience de la gestion a été améliorée, en raison de la globalisation des crédits des préfectures qui, en permettant aux préfets d'optimiser la dépense, a préfiguré la fongibilité permise par la LOLF. La globalisation des crédits a eu trois effets : une transformation progressive de la structure d'emplois des préfectures, au profit des emplois de catégorie A et B ; des marges de manœuvre sur les rémunérations, en raison principalement d'une vacance d'emplois et de redéploiements en fonction des priorités locales ; des prestations des préfectures significativement améliorées en 2005 (délais plus courts pour la délivrance des titres, réduction des coûts, hausse de la productivité).

Les résultats de la LOLF sont visibles s'agissant des premier et troisième programmes, mais structurellement limités pour le deuxième, qui correspond à un secteur offrant peu de marges de manœuvre. Concernant le premier programme, l'optimisation de l'emploi des crédits s'est exprimée en 2005 à travers une fongibilité accrue entre les crédits de personnel et de fonctionnement. Les montants transférés en gestion au niveau local par les préfectures au titre de la fongibilité se sont élevés à 0,35 million d'euros des crédits de fonctionnement vers les crédits de personnel et 12,2 millions d'euros des crédits de personnel vers le fonctionnement. Avec la fongibilité, une approche plus stratégique s'est mise en place dans les préfectures, impliquant la refonte des organigrammes avec la création d'une direction unique des « moyens et de la logistique » regroupant les fonctions budgétaires et celles des ressources humaines. Une méthode de comparaison de l'activité de chacune des préfectures a été instaurée, fondée sur deux outils économétriques - ARCADE pour les personnels et ESTIDOT pour la dotation de fonctionnement - qui permettent de tendre vers une optimisation géographique des ressources du programme. S'agissant du deuxième programme, le seul axe d'amélioration sur lequel le ministère travaille est celui de l'optimisation de l'organisation matérielle des élections. Enfin, le troisième programme est principalement marqué par une action de rationalisation des achats engagée en 2005. Quatre pôles se répartissent désormais l'essentiel des achats des services centraux et déconcentrés : la direction des systèmes d'information et de communication pour la téléphonie et l'informatique ; la direction de la défense et de la sécurité civiles pour les moyens aériens ; la direction de l'administration de la police nationale pour l'ensemble des équipements spécifiques à la police, les véhicules et le carburant, et la direction de l'évaluation de la performance et des affaires financières et immobilières pour le mobilier, le matériel de bureau et la reprographie.

Les réformes entreprises par le ministère devraient conduire, à terme, à réaliser des économies structurelles. La création du secrétariat général en janvier 2004 a déjà permis de regrouper des services et de réaliser des économies de structures. Des expérimentations permettront sans doute d'aller plus loin. L'année 2005 a vu la formalisation d'un plan pluriannuel de gestion prévisionnelle des ressources humaines, articulé autour d'un vaste mouvement de requalification des personnels et de réformes statutaires constituées, notamment, par la fusion des corps administratifs. L'optimisation des conditions d'achat repose sur une mise en concurrence des fournisseurs ou des prestataires de service. Le nouveau marché de téléphonie fixe, passé en 2003, avait déjà permis de réaliser une économie de 20 % sur la facture annuelle du ministère. Le développement de la téléphonie sur Internet devrait notamment permettre d'aller plus loin dans la réduction de ce poste de dépense. Le développement des systèmes d'information devrait se traduire par des économies substantielles. Les gains potentiels nets de ces mesures restent cependant à chiffrer avec précision. L'évolution des process, qui est le corollaire des actions entreprises en matière d'économies structurelles, notamment les simplifications découlant de la réduction du nombre de corps, devrait se traduire par un allégement de la gestion quotidienne et la réduction du nombre d'instances paritaires. La dématérialisation de certains actes de gestion, telle que la gestion des frais de mission au sein du ministère constitue également une piste de rationalisation de l'emploi des crédits.

En conclusion, cette mission offre une bonne illustration de l'assimilation de la culture de la performance par les services administratifs, même si l'effort devra naturellement être poursuivi et étendu.

Le Président Pierre Méhaignerie s'est inquiété de ce que le nombre élevé des indicateurs ne conduise à une « bureaucratisation » de ceux-ci, voire à un « gosplan » à l'échelon local. Par ailleurs, certaines données sont surprenantes : ainsi, il est inscrit que le délai maximal d'obtention d'un passeport ne devait pas dépasser neuf jours en 2005, alors même que la perception que peuvent en avoir les usagers est sensiblement différente.

M. Jean-Pierre Brard a estimé ce délai moyen à sept semaines.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur spécial, a rappelé que si le nombre d'indicateurs pouvait sembler important, le ministère a l'intention d'en faire évoluer la grille dans le temps. S'agissant des données fournies par le ministère, elles font l'objet d'un audit permanent.

Le Président Pierre Méhaignerie a précisé que le délai moyen d'obtention d'un passeport constaté en 2005 n'était que de sept jours selon les indicateurs.

M. Didier Migaud a estimé que ce chiffre peut être le bon, dès lors que la dégradation de la qualité du service n'est apparue qu'en 2006. Il y a un décalage entre le chiffre indiqué et la perception que peuvent en avoir les usagers.

Le Président Pierre Méhaignerie a précisé qu'une obtention en urgence d'un passeport pouvait parfois prendre entre trois semaines et un mois.

M. Jean-Pierre Brard a souligné que de nombreux Français avaient dû se résoudre à ne pas partir à l'étranger, faute de passeport.

Le Président Pierre Méhaignerie a rappelé que cette situation était due aux syndicats de l'Imprimerie nationale, qui ont saisi le Conseil d'État en référé. En effet, la société Oberthur pouvait fournir la prestation pour un coût inférieur de 22 %. En outre, le Conseil d'État a conforté le monopole de l'Imprimerie nationale sur l'émission des passeports, puisqu'il a considéré que les données informatiques rentraient dans le champ de ce monopole, contrairement aux recommandations de la Commission européenne.

M. Marc Le Fur a rappelé que l'activité d'imprimerie proprement dite est aujourd'hui marginale dans la fabrication des passeports. L'anticipation de la mise en œuvre de la LOLF par les préfectures est notamment liée à leur expérience en matière de budgets globalisés. Pour autant, tous les services de l'État ne sont pas encore intégrés dans les préfectures. C'est notamment le cas des directions départementales de la Jeunesse et des sports, qui comportent parfois moins de dix personnes, ou des directions départementales des affaires sanitaires et sociales. Il convient d'intégrer ces services dans un ensemble cohérent. Il est vrai qu'une telle réforme se heurterait au corporatisme des ministères, qui pourraient avoir le sentiment de perdre leur expression locale.

Après avoir admis que la cohérence de l'action territoriale de l'État pouvait être améliorée, M. Didier Migaud a souhaité que la Commission examine la mise en œuvre du code des marchés publics. En effet, malgré ses multiples réformes, il ne fonctionne toujours pas de manière efficiente : les délais sont longs et les économies ne sont pas toujours au rendez-vous. Dans les autres pays de l'Union européenne, pourtant soumis aux mêmes règles communautaires, on n'observe pas les mêmes rigidités.

M. Thierry Carcenac a souligné qu'au moins trois types de « carte d'identité » existent : la carte nationale d'identité, la carte Vitale et la carte fiscale, quand elle sera mise en place. Les moyens informatiques mis en œuvre sont extrêmement sophistiqués, alors qu'aucune mesure de simplification et d'harmonisation n'est recherchée.

Le Président Pierre Méhaignerie a rappelé la position de la CNIL sur la question de l'identifiant unique, qu'il a estimé relever d'une logique dogmatique.

M. Marc Le Fur a rappelé que les pays du nord de l'Europe ont adopté un identifiant unique sans nuire aux libertés individuelles.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur spécial, a formé le vœu que chaque Français dispose d'une adresse électronique normalisée.

Le Président Pierre Méhaignerie a souhaité que MM. Thierry Carcenac et Jean-Pierre Gorges réfléchissent à la simplification des identifiants utilisés dans les relations entre l'administration et les citoyens.

M. Richard Mallié a rappelé qu'une harmonisation entre la carte Vitale et la carte nationale d'identité ne concernerait, en toute hypothèse, que les Français, alors même que les résidents étrangers disposent d'une carte Vitale.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur spécial, a également convenu que l'organisation territoriale des services de l'État pouvait être améliorée et qu'une mission d'évaluation et de contrôle (MEC) sur ce sujet aurait été particulièrement utile.

La Commission a ensuite autorisé la publication du rapport spécial.

--____--


© Assemblée nationale