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COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 72

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 15 juin 2006
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

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- Examen d'un rapport d'information de la MILOLF (MM. Michel Bouvard, Jean-Pierre Brard, Charles de Courson et Didier Migaud, Rapporteurs)

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La Commission a procédé, sur le rapport de MM. Michel Bouvard, Jean-Pierre Brard, Charles de Courson et Didier Migaud, Rapporteurs, à l'examen d'un rapport d'information de la MILOLF.

M. Michel Bouvard, Rapporteur, a indiqué qu'il s'agissait du quatrième rapport de la Mission d'information relative à la mise en œuvre de la LOLF, composée d'un député de chacun des groupes de l'Assemblée nationale. Il a ensuite précisé qu'il était prématuré de vouloir dresser un quelconque bilan de l'application de la LOLF : l'on ne pourra commencer à envisager une telle opération que lors de l'examen, l'an prochain, de la loi de règlement pour 2006 ; et encore ce n'est que dans quelques années que l'on pourra porter un jugement éclairé sur la mise en œuvre de cette réforme et la réalisation de ses objectifs : le renouvellement de l'autorisation parlementaire, une plus grande liberté pour les gestionnaires, contrebalancée par des engagements précis en termes d'objectifs et, au final, une plus grande efficacité de la dépense publique. Dans ce rapport, la mission a souhaité se pencher sur trois aspects de la réforme : le renouvellement attendu du débat parlementaire, la mise en œuvre de la LOLF dans les services déconcentrés de l'État et la modernisation des systèmes d'information financière.

M. Didier Migaud, Rapporteur, a ensuite précisé quatre observations d'ordre général :

- il faut d'abord noter que la réforme se fait dans une situation budgétaire difficile, la LOLF servant parfois de révélateur de certaines difficultés. Elle sert également, parfois, de bouc émissaire à des difficultés dont l'origine est ailleurs. Il faut donc veiller à faire la part des choses entre ce qui est dû à la LOLF, et doit éventuellement être corrigé, et ce qui est dû à la situation budgétaire actuelle ;

- il est ensuite frappant de constater à quel point la mémoire administrative est courte : l'ordonnance du 2 janvier 1959, qui a pourtant été la constitution financière de la France pendant quarante-six ans, fait bel et bien partie de l'histoire au point que de nombreux interlocuteurs de la mission, parfois critiques sur la mise en œuvre de la LOLF, semblent avoir déjà oublié le système précédent et ses rigidités. Ceci est à la fois rassurant, car cela prouve que la LOLF est rentrée dans les esprits, mais également inquiétant : il ne faut pas oublier d'où l'on vient et comparer la LOLF non seulement à ce que l'on peut espérer mais aussi à ce à quoi l'on échappe désormais... Il faut néanmoins lutter contre la tendance de certains ministères à réintroduire, au sein de la LOLF, des rigidités qui n'y ont pas leur place ;

- la mission tient également à rappeler que la LOLF n'est qu'un outil, qui n'est porteur d'aucune idéologie politique de réduction ou d'accroissement systématique de la dépense publique ; chaque majorité est absolument libre de mener la politique budgétaire et économique qu'elle souhaite. Les seuls « présupposés » idéologiques de la LOLF sont une volonté de plus grande transparence vis-à-vis du Parlement et du citoyen et une meilleure efficacité de la dépense publique ;

- enfin, il convient de saluer le travail accompli par les administrations, tant au niveau central que déconcentré, pour permettre la mise en œuvre, en temps et en heure, de la LOLF ; cela s'est traduit - et se traduit encore -par une surcharge de travail importante.

M. Michel Bouvard, Rapporteur, a ensuite abordé le premier thème du rapport, qui concerne le débat budgétaire de l'automne dernier et la qualité des documents qui ont été transmis au Parlement, thème qui se rapporte à l'un des principaux objectifs de la réforme : refonte totale des documents budgétaires, nouvelle architecture budgétaire, nouvelles modalités de l'autorisation parlementaire et, enfin, droit d'amendement parlementaire. La Mission a procédé à une analyse des documents budgétaires qui ont été soumis au Parlement à l'automne dernier afin d'en déceler les qualités, les faiblesses et les pistes d'amélioration ; elle a également étudié les débats budgétaires pour en examiner les perspectives d'évolution.

Les progrès sont indéniables, même si beaucoup reste à faire. Le projet de loi de finances est aujourd'hui plus lisible, l'architecture en missions et programmes fonctionne bien, ce qui permet de repérer beaucoup plus rapidement qu'avant les grands postes de dépenses de l'État. Il est aujourd'hui nécessaire de stabiliser la maquette budgétaire, et de lui « laisser sa chance ». Les critiques déjà formulées à de nombreuses reprises à l'encontre de telle ou telle mission, comme la Défense ou les Remboursements et dégrèvements ne sont néanmoins pas abandonnées. Le premier débat budgétaire amène à s'interroger également sur la pertinence de la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur. L'on peut également se réjouir de l'apparition de ces nouvelles annexes générales que sont les documents de politique transversale.

Mais les principaux changements concernent les annexes relatives aux dépenses, les anciens bleus, appelés désormais Projets annuels de performance (PAP). Pour chaque mission, le Parlement dispose d'un document unique dans lequel figure le PAP de chacun des programmes qui la compose. Il s'agit d'un progrès incontestable en termes de lisibilité et quiconque a ouvert un bleu « services votés, mesures nouvelles » ne peut que constater les progrès accomplis.

Ces progrès doivent néanmoins être poursuivis :

- chaque mission doit être accompagnée d'un développement stratégique présentant les grandes orientations de la politique publique menée ;

- la présentation des PAP eux-mêmes peut être mieux organisée ;

- la justification au premier euro doit être plus précise et concerner tous les crédits inscrits sur le programme ;

- les dispositifs de performance doivent être mieux hiérarchisés et tous les indicateurs doivent être renseignés ;

- point fondamental, la partie consacrée aux opérateurs doit être approfondie car ceux-ci ne doivent pas échapper à la logique de la LOLF ; les contrats d'objectifs et de moyens doivent se généraliser et le pilotage par l'État doit être réaffirmé. Enfin, l'information du Parlement doit être améliorée. Un amendement au projet de loi de règlement visant à créer une nouvelle annexe générale consacrée aux opérateurs sera proposé ;

- enfin, les analyses relatives aux dépenses fiscales doivent être multipliées ; il est inutile, après l'intervention du président Philippe Séguin, de revenir longuement sur ce point.

M. Didier Migaud, Rapporteur, a ensuite souligné la nécessite pour le Parlement de tirer les conséquences de la réforme dans son propre mode de fonctionnement ; ici aussi, il existe des marges de progression importantes. Les débats eux-mêmes n'ont pas été totalement bouleversés, mais les germes de changements structurels ont été plantés. Les discussions de seconde partie sont encore trop restées enfermées dans les jeux de rôle habituels, les députés ne maîtrisant pas encore les nouveaux outils dont ils disposent. Quelques recommandations peuvent être faites ;

- le travail entre les différents rapporteurs, au fond et pour avis, doit être mieux coordonné ;

- les débats doivent impérativement être centrés autour des missions, même pour le Ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie...

- une attention beaucoup plus grande doit être portée à la performance tant par les ministres d'ailleurs que par les rapporteurs ou députés ;

- enfin, l'exercice du nouveau droit d'amendement va probablement se renforcer : il en a été fait un usage raisonnable à l'automne dernier, en partie grâce à la vigilance du président Pierre Méhaignerie, qui a veillé à ce que la réduction de crédits compensant une augmentation ne soit pas un simple gage, mais corresponde bien à un choix politique et soit pleinement justifiée dans l'exposé des motifs. Une telle vigilance est indispensable pour qu'un débat puisse s'engager avec le gouvernement, elle le sera d'autant plus quand le nombre d'amendements va augmenter au cours des prochaines années, avant, très probablement, de se stabiliser.

Pour que l'objectif d'une plus grande efficacité de la dépense publique soit atteint, il faut, en outre, que les pratiques administratives évoluent et qu'une plus grande attention soit portée à la démarche de performance. Or, c'est bien au niveau des services que cette évolution doit avoir lieu grâce à une plus grande déconcentration de la gestion. La mission a donc, parallèlement à l'audition de plusieurs responsables de programmes et directeurs d'administration centrale, procédé à quatre déplacements en région (Rhône-Alpes, Ile-de-France, Basse-Normandie, Champagne-Ardennes) auprès de la plupart des services déconcentrés de l'État.

Ces déplacements se sont révélés utiles et particulièrement riches en enseignements car ils ont permis de mesurer le décalage, parfois non négligeable, entre le discours théorique et la réalité administrative. Ils ont également été particulièrement appréciés par les interlocuteurs de la Mission, soulagés de constater que le Parlement suivait avec attention la mise en œuvre d'une réforme dont il avait été à l'initiative et satisfaits de disposer d'un interlocuteur à qui ils pouvaient faire part de leurs difficultés, de leurs attentes mais aussi de leurs espoirs. La Mission souhaite d'ailleurs rendre un hommage particulier à ces hommes et à ces femmes chargés de mettre en œuvre la LOLF au quotidien et qui, depuis l'an dernier, sont confrontés à une masse de travail très importante.

Il faut rappeler l'importance des BOP territoriaux : la logique de la LOLF est d'aller vers une plus grande déconcentration de la gestion, chaque responsable de BOP devant disposer d'une enveloppe fongible assortie d'objectifs et d'indicateurs sur lesquels il doit s'engager. L'élaboration des BOP au niveau déconcentré s'est relativement bien déroulée compte tenu du caractère totalement nouveau de la démarche : il s'agissait ni plus ni moins d'apprendre une nouvelle langue avec sa syntaxe, sa grammaire et son vocabulaire. Pour autant, un certain nombre de difficultés sont apparues auxquelles il conviendra de remédier le plus rapidement possible afin de mener à bien cette ambitieuse réforme.

Quelques recommandations peuvent être formulées :

- le dialogue de gestion entre le responsable de BOP et le responsable de programme doit commencer le plus rapidement possible dans l'année ;

- le niveau départemental doit impérativement être associé à l'élaboration des BOP ;

- le rôle du préfet de Région comme garant de la cohérence de l'action des services de l'État dans la région doit être réaffirmé ;

- le personnel et ses représentants doivent être mieux associés à la procédure d'élaboration des BOP ;

- les BOP de fonctionnement au niveau central doivent être réduits et les fléchages de crédits limités autant que possible ;

- enfin, la partie performance des BOP doit être approfondie.

M. Michel Bouvard, Rapporteur, a enfin abordé le dernier thème traité par la mission : la modernisation du système d'information financière de l'État. Lors de tous ses déplacements, la Mission a entendu ses interlocuteurs se plaindre de la faiblesse, voire de l'indigence, des systèmes d'information dont ils disposent. Certains responsables de programme ou de BOP s'inquiètent même de ce que l'alourdissement des procédures informatiques risque de miner le relatif engouement pour la LOLF rencontré dans les services gestionnaires

Cette préoccupation des acteurs de terrain quant à la qualité des systèmes informatiques rejoint parfaitement celle de la Mission qui suit avec attention, malgré la complexité technique du dossier, les vicissitudes de la mise en place d'un progiciel de gestion intégrée pour l'ensemble des services de l'État.

Après l'abandon du projet ACCORD 2, il a été décidé d'adapter les systèmes existant afin d'appliquer « l'essentiel » de la LOLF au 1er janvier 2006. Cette adaptation, appelée « Palier 2006 » s'est bien passée et l'on n'a pas constaté de retards de paiement significatifs ; par ailleurs la « bascule » des opérations d'investissement s'est déroulée sans encombres.

Pour autant, le succès de la solution « palier 2006 » a eu un coût budgétaire important, souligné par la Cour des comptes : l'adaptation de l'informatique budgétaire et comptable de l'État à « l'essentiel » de la LOLF représentera une dépense supplémentaire de 150 à 200 millions d'euros. Dans son rapport sur les comptes de l'État 2004, la Cour des comptes estime que « ce coût paraît élevé pour une solution informatique provisoire, dont les fonctionnalités se situent en deçà des objectifs fixés par la LOLF, et présentée initialement comme une adaptation « a minima » des systèmes existants ».

À moyen terme, « Pallier 2006 » a vocation à être remplacé par un nouveau système baptisé Chorus qui répond à trois principaux objectifs :

- fédérer les grandes fonctions financières de l'État dans une seule application commune aux gestionnaires et comptables de toutes les administrations ;

- mettre en œuvre toutes les dispositions de la LOLF, notamment en termes de comptabilité et de gestion par la performance ;

- simplifier et moderniser les processus financiers.

Le calendrier du projet prévoit un démarrage sur site pilote en 2007 et un déploiement de l'application dans toutes les administrations de l'État à partir de 2008. Le temps dont dispose ainsi l'administration doit permettre de conduire le projet Chorus de façon exemplaire, en évitant les erreurs et les fautes qui ont émaillé l'histoire récente :

- les difficultés de pilotage rencontrées lors du projet ACCORD 2 ne doivent pas se renouveler ;

- les gains de productivité attendus doivent être évalués précisément ;

- la stratégie contractuelle et la mise en œuvre des marchés successifs doivent être améliorées afin de limiter la dépendance de l'État envers ses prestataires ;

- les services déconcentrés doivent être étroitement associés à l'élaboration du PGI 

- une réflexion doit être menée afin d'appliquer Chorus aux opérateurs de l'État ;

- enfin, le coût budgétaire du projet doit être surveillé et contenu afin d'éviter tout risque de dérapage ; dès 2006, 270 millions d'euros d'autorisations d'engagement ont été inscrits en loi de finances initiale. La commission des Finances devra être particulièrement attentive à ce point.

M. Charles de Courson, Rapporteur, a indiqué que la mise en œuvre de la LOLF constitue un incontestable progrès, mais que les comportements des parlementaires, du Gouvernement et des administrations restent à modifier. Il semblerait que celui des ministres lors des discussions budgétaires n'ait pas beaucoup évolué. Le rapport avance des propositions pour remédier à ces difficultés. Concernant les dépenses fiscales, les documents budgétaires attestent d'une réelle amélioration, dans la mesure où celles-ci sont rattachées aux missions dans les PAP. Mais il n'en est pas de même pour les impôts affectés à des personnes morales autres que l'État, mentionnés dans l'annexe « Voies et moyens » du projet de loi de finances, alors qu'ils représentent une dizaine de milliards d'euros. Ainsi, par exemple, le versement relatif aux transports s'élève à 2,6 milliards d'euros pour la seule région Île-de-France. Il conviendra, là aussi, de combler rapidement cette lacune.

M. Jean-Pierre Brard, Rapporteur, a rappelé que la LOLF a permis de réaliser un progrès considérable dans la mesure où elle repose sur un consensus entre les différents groupes politiques. Mais si le socle juridique existe aujourd'hui, encore faut-il que cette loi soit pleinement mise en œuvre et assimilée. Cela sera possible si le consensus se poursuit, ce qui suppose l'absence de toute ambiguïté sur la signification de la LOLF : celle-ci doit être un outil neutre pour garantir l'efficacité de la dépense publique et non un moyen de la réduire. Il convient de se réjouir de ce que les membres de la MILOLF et le Président Pierre Méhaignerie partagent ce point de vue. Les marges de progression sont encore importantes, notamment concernant la connaissance de la LOLF par les parlementaires, qui n'ont pas encore pleinement pris la mesure des changements qu'elle implique. Si celle-ci tend à accroître la portée du rôle du Parlement, encore faut-il que celui-ci s'approprie pleinement les nouveaux pouvoirs qu'elle lui offre.

Le Président Pierre Méhaignerie a regretté l'intérêt limité que semblait susciter l'examen du projet de loi de règlement et s'est interrogé sur les moyens d'accroître l'implication des parlementaires et des ministres dans ce débat. Il a estimé souhaitable d'identifier plus précisément les ministères performants, notamment en terme de rationalisation des structures. Par ailleurs, il convient d'éviter que la LOLF ne débouche sur une bureaucratisation du système, en particulier des indicateurs. Enfin, il sera nécessaire de disposer de la totalité des rapports d'audits de modernisation et d'en tenir compte à l'occasion de l'examen du prochain projet de loi de finances.

M. Michel Bouvard, Rapporteur, a souligné que la qualité de la mise en œuvre de la LOLF était très inégale selon les ministères. Les résultats diffèrent en particulier en fonction des étapes franchir. Ainsi, par exemple, alors que le ministère de l'agriculture avait proposé une maquette intéressante, il se révèle être moins bon dans la mise en œuvre de la LOLF sur le terrain : il a multiplié les BOP, certains n'ayant pas grand sens, comme le BOP qualifié de « BOP hippocampe » qui regroupe des crédits destinés au cheval et à l'eau ! D'autres ministères mettent en place des systèmes de fléchage des crédits ou créent des BOP supports pour garder la main mise sur le pilotage des politiques au niveau de l'administration centrale. Tous les ministères peuvent réaliser des progrès.

Le phénomène de bureaucratisation que certains dénoncent se traduit en particulier dans le foisonnement des indicateurs. La multiplicité des indicateurs créés soulève de nombreuses difficultés dans les services déconcentrés : ils mobilisent beaucoup de temps, les outils de gestion nécessaires ne sont pas toujours disponibles et les agents ne comprennent pas toujours leur utilité, les services centraux ayant eux-mêmes parfois des difficultés à expliquer leur intérêt. Aussi, apparaît-il essentiel d'associer davantage les personnels à la mise en œuvre des indicateurs. A l'avenir, on observera certainement, à l'instar de ce qui s'est passé dans les pays ayant engagé une démarche similaire, une réduction du nombre des indicateurs.

Par ailleurs, certains ministères n'ont pas tiré les enseignements de la mise en œuvre de la LOLF pour adapter leurs structures.

M. Didier Migaud, Rapporteur, a précisé que les exemples étrangers montrent la difficulté qu'il y a pour mettre en place un dispositif de mesure de la performance. 10 ans après la mise en œuvre de sa réforme, la Suède a encore trop d'objectifs et d'indicateurs. Seul le Royaume-Uni a réussi à diminuer le nombre de ses indicateurs.

Le Président Pierre Méhaignerie a souligné, citant l'exemple des indicateurs relatifs à la politique du logement, que leur multiplicité nuit à leur lisibilité et à leur compréhension par le citoyen.

M. Didier Migaud, Rapporteur, a ajouté que ce constat vaut également pour les agents de l'administration. Paradoxalement, alors que la LOLF prône une logique de souplesse dans la gestion et de responsabilisation, on constate l'apparition de nouvelles rigidités. La logique aurait pourtant voulu que l'on passe d'une culture de soumission à une culture d'évaluation et de contrôle. Comme en témoigne l'organisation du débat sur le projet de loi de règlement, notre pays demeure dans une culture d'affichage. On s'intéresse davantage aux intentions plutôt qu'aux réalisations.

Le Président Pierre Méhaignerie a suggéré que la commission des Finances approfondisse 7 ou 8 audits, parmi la trentaine qui ont été menés jusqu'à présent.

M. Charles de Courson, Rapporteur, s'est étonné de ce que, parmi les audits réalisés, celui concernant la modification de la grille horaire des enseignements dans les lycées ne soit pas disponible en ligne, contrairement aux autres audits.

M. Jean-Pierre Gorges a proposé que l'on s'inspire de l'organisation des entreprises et que soit distinguée, au sein des ministères, l'action politique, menée par le ministre, de l'action opérationnelle, conduite par des directions administratives opérationnelles. Il faut opérer une telle séparation dans un souci d'efficacité.

M. Hervé Novelli a regretté le clivage qui existe entre les députés qui connaissent les tenants et les aboutissants de la LOLF et les autres, y compris au sein de la Commission. La réforme ne doit pas être l'apanage de quelques uns. Compte tenu des difficultés de compréhension soulevées par la mise en œuvre de la LOLF, il serait utile que la commission des Finances fasse œuvre pédagogique.

M. Didier Migaud, Rapporteur, a estimé souhaitable de mieux définir les missions des responsables de programme. Des propositions seront aussi faites sur ce point par la mission menée conjointement avec M. Alain Lambert. Il existe en effet une marge de manoeuvre incontestable, compte tenu du peu de responsables de programme ayant obtenu des lettres de mission précises. L'administration est capable de beaucoup d'adaptations, en utilisant les nouveaux outils mis à sa disposition, mais à condition de ne pas trop rigidifier les choses. Que reste-t-il comme marge de manœuvre au niveau déconcentré, si tous les crédits sont fléchés au niveau des BOP ?

M. Charles de Courson, Rapporteur, a mis en exergue les démantèlements de l'État que constitue la multiplication des opérateurs. La liste de 780 qui a été retenue par la Direction du Budget n'est pas exhaustive et de nouvelles structures sont crées chaque année. Même si tous les opérateurs ne peuvent pas être réintégrés au sien du budget de l'État, il est indispensable qu'ils soient tous traités budgétairement comme des services de l'État, avec des objectifs et des indicateurs de performance.

Le Président Pierre Méhaignerie a soutenu la démarche consistant, pour le prochain budget, à traquer les ministères responsables d'empilements des procédures.

M. Michel Bouvard, Rapporteur, a estimé que le ministre est responsable de son administration et qu'il ne doit donc pas déléguer à d'autres ses compétences gestionnaires. Il y aurait sinon un risque d'inflation législative accru. La création de secrétaires généraux des ministères permet de réaliser un lien entre le ministre et son administration, mais il ne faut pas dédouaner le ministre de ses responsabilités en la matière : c'est lui qui doit rendre les arbitrages.

Par ailleurs, les contrats d'objectif entre l'État et ses opérateurs doivent devenir systématiques, en étant coordonnés avec la stratégie de chaque ministère. Une étude fine doit être réalisée par programme, en analysant la nature des relations existantes entre opérateurs et tutelle.

M. Jean-Pierre Gorges, a constaté que des changements de structures ont lieu à chaque changement de gouvernement. Les nouvelles structures créées se multiplient donc et persévèrent dans leur être, par delà les gouvernements et les alternances. Il est donc nécessaire d'avoir plus de stabilité en disposant, comme dans les entreprises privées, d'une structure opérationnelle regroupée autour de quelques grandes directions d'administration centrale, qui seraient mises à disposition de plusieurs ministres.

M. Didier Migaud, Rapporteur, a estimé que la LOLF va obliger collectivement les administrations à des changements dans leur organisation. La réforme administrative doit ainsi découler de la mise en œuvre de la réforme budgétaire. L'organisation gouvernementale devrait aussi survivre aux gouvernements et aux alternances, comme dans de nombreux autres pays, par exemple en Espagne où le nombre de ministres est limité à quinze. La structure de la maquette budgétaire doit donc rester relativement stable, car elle permet de concentrer les moyens sur les grandes missions de l'État.

Le Président Pierre Méhaignerie a confirmé qu'une discipline de l'organisation gouvernementale doit être tenue, avec un nombre fixe de quinze ministres et des cabinets ministériels réduits avec des conseillers ayant une expérience de terrain. Il est de la responsabilité des candidats à l'élection présidentielle de s'engager sur ces points. En ce qui concerne la pédagogie de la LOLF, si un travail important a déjà été fait, il reste encore beaucoup à faire, notamment en associant au mieux tous les parlementaires, et en particulier les commissions saisies pour avis dès l'examen de la loi de règlement.

La Commission a autorisé la publication du rapport d'information.

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