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COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 78

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 5 juillet 2006
(Séance de 15 heures)

Présidence de M. Michel Bouvard, Vice-Président

SOMMAIRE

 

pages

- Examen des propositions de la Mission d'évaluation et de contrôle sur les programmes d'armement : l'exemple du véhicule blindé de combat d'infanterie (MM. François Cornut-Gentille et Jean-Claude Viollet, Rapporteurs).

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- Examen des propositions de la Mission d'évaluation et de contrôle sur les services de l'État à l'étranger (MM. Éric Woerth, Rapporteur).

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- Communication de M. Pierre Albertini, Rapporteur spécial de la mission Justice, sur la LOLF et la justice

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- Information relative à la Commission

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La Commission a tout d'abord procédé, sur le rapport de MM. François Cornut-Gentille et Jean-Claude Viollet, à l'examen des propositions de la MEC sur les programmes d'armement : l'exemple du véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI).

M. François Cornut-Gentille, Rapporteur de la MEC, a rappelé que cette Mission a pour particularité d'associer deux rapporteurs de deux commissions et de deux groupes distincts. En application de l'article 58, alinéa 2, de la LOLF, la commission des Finances a demandé à la Cour des comptes de réaliser une enquête sur le VBCI. Elle a reçu, une communication de grande qualité, le 13 mars 2006.

Le VBCI n'est pas un programme anodin pour l'armée de terre : ce véhicule sera un équipement essentiel pour accomplir ses missions. Le général Bernard Thorette, chef d'état-major de l'armée de terre, a récemment souligné que le VBCI était une « impérieuse nécessité » pour son armée. En effet, il devrait équiper 40 % des régiments d'infanterie.

Deux versions sont prévues : un véhicule de combat d'infanterie (VCI) proprement dit, qui transportera neuf hommes équipés, et un véhicule poste de commandement (VPC), qui équipera l'infanterie et l'arme blindée. Le VBCI a pour vocation de protéger le combattant aussi bien pendant le transport qu'après le débarquement du véhicule.

Le marché initial, passé en 2000, portait sur un montant de 1.429 millions d'euros. Après le quatrième avenant, ce montant a progressé de 16% pour atteindre 1.653 millions d'euros. D'un coût unitaire de 2,21 millions d'euros lors de la passation du contrat, le VBCI atteint donc 2,69 millions d'euros.

Au-delà du cas particulier du VBCI, la MEC a souhaité réfléchir au déroulement des programmes d'armement.

M. Jean-Claude Viollet, Rapporteur de la MEC, a justifié le choix du programme VBCI comme exemple pour la MEC. En effet, ce programme a connu de nombreuses difficultés dont l'examen est riche d'enseignements : échec des tentatives de coopération, mauvaise définition du besoin, problèmes industriels, difficultés de coordination des différents acteurs du ministère de la Défense, etc. Ensuite, la réforme de la conduite des programmes d'armement, réalisée en 2004 et 2005, s'est fondée sur les préconisations du rapport réalisé par M. Olivier Darrason, qui a précisément pris le VBCI comme exemple à ne pas suivre...

En effet, lancé en 2000, le programme VBCI a connu dès 2002 une grave crise, aujourd'hui résolue. C'est en effet en février 2002 que les expérimentateurs du ministère de la Défense ont pu vérifier que la maquette en bois, de grandeur nature, ne permettait pas aux hommes de se tenir debout dans l'engin, ni de descendre convenablement et, en outre, le chef d'engin, s'il passait sa tête à l'extérieur, par la trappe prévue à cette effet, risquait la décapitation en cas de rotation du canon.

La Mission a pu constater que les difficultés ainsi mises en évidence sont largement dues à des errements de méthode, tant de la part des services de l'État que des industriels. Les dysfonctionnements ayant été identifiés et surmontés, le programme se déroule aujourd'hui normalement.

La conduite des programmes d'armement est régie par l'instruction générale n° 1514, dont la dernière version date du 17 septembre 2004. Les trois apports principaux de texte sont :

- le renforcement du dialogue entre les armées et la délégation générale pour l'armement (DGA) ;

- le rôle de levée des risques et d'évaluation de la pertinence de la solution retenue donné aux phases de préparation et de conception des programmes ;

- la création du Conseil des systèmes de forces (CSF) qui peut alerter le chef d'état-major des armées en cas de difficultés dans le déroulement d'un programme.

M. François Cornut-Gentille, Rapporteur de la MEC, a ajouté que le décret du 21 mai 2005 a renforcé très sensiblement le rôle du chef d'état-major des armées, qui, en outre, assure le co-pilotage, avec le DGA, du programme budgétaire « Équipement des forces ». Cette nouvelle organisation a conduit à de nouveaux modes de gestion au sein du ministère.

C'est donc l'ensemble des nouveaux outils de la conduite des programmes d'armement que la Mission s'est attachée à évaluer, pour vérifier que les errements passés ne puissent plus se reproduire. De plus, constatant la tendance à un renchérissement considérable des coûts de maintenance des nouveaux matériels des trois armées, la Mission s'est interrogée sur la façon de mieux prendre en compte cette dépense croissante.

Ses trois principales propositions concernent trois phases du déroulement des programmes d'armement :

- la Mission propose que la décision de passage en phase de réalisation d'un programme se fonde systématiquement sur une évaluation exhaustive de son coût complet ;

- dans le suivi des programmes, la Mission propose de confier la présidence de la commission exécutive permanente à la direction des affaires financières plutôt qu'à la DGA et de créer des postes d'observateurs, notamment pour des parlementaires ;

- en phase d'utilisation, et afin de clarifier la présentation des crédits de maintien en condition opérationnelle, la Mission souhaite que ceux-ci figurent dans un programme spécifique, ou, à défaut, qu'ils fassent l'objet d'une sous-action à vocation interarmées au sein du programme « Préparation et emploi des forces ».

M. Jean-Claude Viollet, Rapporteur de la MEC, a ensuite présenté la liste complète des 21 propositions de la Mission.

M. Michel Bouvard, Président, a rappelé que ces propositions, qui portent sur des enjeux financiers considérables, ont été validées par la MEC lors de sa réunion du 29 juin.

M. Yves Deniaud, Président de la MEC, a souligné que le problème principal réside dans l'allongement excessif de la durée des programmes. Cela accroît les risques de dérapage des coûts. Les choix doivent être arbitrés par l'état-major des armées, qui doit assurer la cohérence des nos forces. Les auditions de la MEC ont été de grande qualité.

M. Michel Bouvard, Président, a posé trois questions :

- lors de son audition par la mission d'information relative à la mise en œuvre de la LOLF, le général Henri Bentegeat, chef d'état-major des armées, a admis que l'État n'avait pas toujours intérêt à mener des programmes d'armement complets ; les Rapporteurs ont-ils évoqué le choix entre le développement d'un système d'armes nouveau et son achat « sur étagères » ?

- certains programmes, par exemple celui du char Leclerc, ne sont pas rentables à l'exportation ; cela pèse sur la rentabilité des industriels, en l'occurrence GIAT industries ; prévoit-on, dès le départ, que tel ou tel programme a vocation à être exporté ou non ?

- dans les surcoûts induits par les retards de livraison, intègre-t-on les frais financiers ?

M. François Cornut-Gentille, Rapporteur de la MEC, a répondu qu'une fois le diagnostic fait sur les difficultés de GIAT, le programme a été très rapidement remis en ordre. Le plus long a été d'analyser le problème pour mettre en place des correctifs. S'agissant de l'évaluation du coût global d'acquisition d'un équipement, le coût du maintien en condition opérationnelle (MCO) est difficile à appréhender. Il convient d'améliorer les méthodes d'évaluation des coûts pour mieux connaître le coût de possession des différents équipements de nos armées. La question des exportations est souvent rendue difficile par les enjeux industriels.

Après avoir souligné que le VBCI n'a pas d'équivalent dans les autres pays, M. Jean-Claude Viollet, Rapporteur de la MEC, a rappelé que la première priorité est de répondre aux besoins des armées. Cependant, il faut également intégrer les perspectives d'exportation au moment du démarrage des programmes, afin de pouvoir satisfaire éventuellement le besoin d'une armée étrangère. Le coût global d'un équipement peut aujourd'hui être estimé à partir de données budgétaires éparses. Il convient donc d'améliorer la présentation des crédits pour mieux appréhender la perception, par les parlementaires et par les citoyens, du coût des programmes d'armement.

Le rapport d'information sur le suivi des mesures sociales d'accompagnement à GIAT Industries, rédigé avec Jean-Claude Mignon à la commission de la Défense, analyse notamment le système industriel d'assemblage des chars Leclerc qui demeure éparpillé, pour des raisons d'aménagement du territoire, entre des sites éloignés les uns des autres. L'état d'esprit s'est nettement amélioré dans cette entreprise et les résultats obtenus en 2005 sont encourageants. Si le programme VBCI est maîtrisé, GIAT Industries peut être un acteur performant de l'armement européen.

La commission a ensuite adopté les propositions de la MEC et a autorisé, en application de l'article 145 du Règlement, la publication du rapport.

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La Commission a ensuite procédé, sur le rapport de M. Éric Woerth, à l'examen des conclusions de la MEC sur les services de l'État à l'étranger.

M. Éric Woerth, Rapporteur de la MEC, a indiqué que le réseau français des services de l'État à l'étranger est le deuxième réseau au monde après celui des États-Unis, lui-même en pleine restructuration. La France est représentée dans 161 pays sur les 191 membres de l'ONU. Au total, on dénombre, au niveau administratif pur, 785 services à l'Étranger, sans compter les différents établissements publics, culturels ou de recherche. Le ministère des Affaires étrangères représente à peu près 50 % de ce réseau en terme de coût, le deuxième réseau étant celui du MINEFI, et le troisième celui du ministère de la Défense ; le réseau du ministère de l'Intérieur est en forte progression.

Au global, l'évolution de la présence française à l'Étranger ne répond pas à une stratégie claire et maîtrisée. On constate d'abord une multiplicité des acteurs : services de l'État, réseaux institutionnels comme ceux de l'AFD, de l'AEFE, des alliances françaises ou encore des chambres de commerce ou d'industrie, associations, établissements publics ayant leurs propres structures de coopération à l'étranger comme le CNRS, et enfin, collectivités territoriales. Ceci aboutit à un foisonnement de structures, chaque ministère disposant de son propre réseau au risque de provoquer des doublons. Ces réseaux sont en outre trop importants, notamment au regard des résultats enregistrés. Le réseau du MINEFI, si on le compare à celui de l'Allemagne, par exemple, réussit faiblement au regard de nos performances commerciales. Enfin, la répartition géographique de ces réseaux est sous-optimale, car elle correspond davantage à un héritage qu'à une vision d'avenir comme l'a très justement souligné le rapport Le Bris. La France engage ainsi, pour les dépenses de personnel et de fonctionnement, 220 millions d'euros dans les 24 pays de l'Union européenne contre 136 millions d'euros dans onze pays émergeants représentant 50 % de la population mondiale. S'agissant du réseau économique, 29 % des personnels sont présents en Europe contre 18 % dans les pays asiatiques émergents.

L'action de la France à l'Étranger n'est en fait pas coordonnée. Au niveau central, on ne peut que regretter l'éparpillement budgétaire des crédits destinés à l'action extérieure de l'État entre 32 programmes. Seuls deux instruments de coordination existent et leur action est limitée : le CICID est limité aux actions de coopération et d'aide publique au développement et le CIMEE, créé par le gouvernement Juppé en 1997, a depuis lors été mis en sommeil, sa relance est régulièrement annoncée et sans cesse repoussée. Une réunion est néanmoins programmée pour le 12 juillet prochain. Par ailleurs, les procédures de concertation prévues préalablement à l'ouverture ou à la fermeture d'une implantation et celle relative à la nomination des chefs de service extérieurs ne sont pas toujours respectées. On constate également de graves carences dans l'exercice de la tutelle, en particulier dans le domaine culturel : la DGCID ne connaît, par exemple, pas la programmation des établissements culturels placés sous sa tutelle. Enfin, la gestion des ressources humaines est particulièrement déficiente, il n'existe que 300 postes à responsabilité pour 500 personnels d'encadrement supérieur, ce qui est très mauvais d'un point de vue organisationnel, budgétaire et de motivation des ressources humaines : quelle entreprise accepterait de voir 40 % de ses cadres inoccupés ou sous-occupés ?

Sur le terrain on ne peut que constater les limites du décret du 1er juin 1979, texte censé donner à l'ambassadeur autorité sur l'ensemble des représentants français en poste dans un pays considéré. En réalité, les attachés spécialisés privilégient souvent les relations verticales avec leur administration d'origine et la conférence d'orientation budgétaire apparaît davantage comme une formalité que comme un lieu de programmation et de coordination de l'action de l'État. Tout dépend en fait de la qualité des relations humaines entre l'ambassadeur et les chefs de service.

L'action française à l'étranger manque également de visibilité. A l'inverse de nos partenaires qui s'appuient sur un ou deux organismes comme le Goethe Institut ou le British Council, l'action culturelle de la France est assurée par 23 types d'intervenants différents. Il lui manque incontestablement une « marque » unique et identifiée.

En outre, certaines entités fonctionnent de manière excessivement autonomes. C'est le cas des centres et instituts culturels auxquels il est rarement demandé des comptes. C'est également le cas des agences de l'AFD : celle-ci constitue un excellent outil opérationnel qui monte actuellement en puissance. Il est néanmoins regrettable que les ambassadeurs ne soient pas toujours informés de ses activités.

La MEC formule donc des propositions afin de rationaliser les services de l'État à l'étranger. Il est nécessaire d'adapter les structures au type de pays et au type d'influence souhaitée : il faut recentrer l'action de la France en Europe sur le domaine diplomatique, mettre l'accent sur l'influence politique et culturelle dans les pays caractérisés par des régimes politiques durs, renforcer la présence économique dans les pays émergents et favoriser le développement dans les pays très pauvres. Il faut par ailleurs développer, approfondir et encadrer les partenariats avec nos homologues de l'Union européenne. On retrouve aujourd'hui quelques exemples, ici ou là, d'expérimentations ou de colocations : celles-ci doivent être développées.

S'agissant du réseau consulaire, il existe aujourd'hui 103 consulats et 120 sections consulaires dans les ambassades. Leur premier métier est d'assurer des services administratifs aux Français présents à l'étranger. Ce métier, aujourd'hui surdimensionné, doit être rationalisé en centralisant et en industrialisant, par exemple l'élaboration des passeports et des visas. Doivent également être supprimés les consulats d'influence. En contrepartie d'une diminution de la présence physique, il est nécessaire d'investir massivement dans les téléprocédures pour répondre aux attentes de nos concitoyens. Le second métier est la délivrance d'autorisations de séjour pour les personnes souhaitant se rendre en France : il doit être développé pour que le gouvernement puisse, quelle que soit son orientation politique, mener la politique d'immigration qu'il souhaite. Pour cela, il est nécessaire d'accélérer le redéploiement des moyens humains et financiers, vers les pays soumis à une forte pression migratoire.

S'agissant du réseau culturel, le sentiment qui domine est celui d'un certain désordre. Le réseau organise des spectacles et fait venir des artistes français, anime les équipements existants, comme les bibliothèques, qui sont parfois la spécificité de notre action culturelle et doivent être préservés, et assure l'enseignement du Français. Il est nécessaire de rationaliser le réseau des centres culturels, de réduire le nombre d'appellation de ces établissements et de confier à l'opérateur « Cultures France » la tutelle de ces centres et instituts, ainsi que celle des Alliances françaises.

S'agissant du réseau économique, on ne peut que constater aujourd'hui l'enchevêtrement entre le diplomatique et l'économique, l'ambassadeur jouant un rôle fondamental dans le domaine économique. Il serait donc logique de rattacher les missions économiques au ministère des Affaires étrangères, cela permettrait en outre d'offrir de nouvelles perspectives de carrière aux chefs de ces missions. Ce réseau a trois métiers : le premier est d'accompagner notre commerce extérieur et en particulier les PME ; celui-ci pourrait utilement être externalisé vers les chambres de commerce franco-étrangères. S'agissant du métier régalien des études et de l'intelligence économique, si une partie peut être externalisée vers les cabinets de consultants, l'essentiel doit rester au sein de l'administration. Le troisième métier est celui d'attirer les investissements étrangers et l'on dispose pour cela d'un excellent outil avec l'AFII. Il est donc nécessaire d'accentuer le mouvement de réduction des effectifs, en particulier dans les pays européens, et leur redéploiement vers les zones plus dynamiques économiquement.

Enfin, s'agissant du réseau de la défense, il est indispensable de rattacher les missions de coopération militaire et de défense au ministère de la Défense et non plus au MAE.

Afin de mieux coordonner l'action de la France à l'étranger, il serait utile, au niveau central, de créer au sein du budget une mission interministérielle regroupant l'ensemble des moyens consacrés par la France à son action extérieure. Il faudrait également mettre en place auprès du Premier ministre une structure de pilotage de l'action extérieure de l'État à laquelle seraient rattachés les ambassadeurs. Il est enfin nécessaire d'inclure les opérateurs publics intervenant à l'étranger dans le champ du CIMEE. Sur le terrain, il faut donner à l'ambassadeur les moyens d'exercer son autorité, en étendant les dispositions du décret du 1er juin 1979 aux antennes des établissements publics à l'étranger, en élaborant un plan d'action de l'ambassade et en faisant de la conférence d'orientation budgétaire une véritable enceinte de pilotage des moyens financiers de l'État. Il est également nécessaire de mieux partager les moyens humains et matériels, par exemple, en généralisant les SAFU.

Il s'agit de faire évoluer le rôle de l'État vers une fonction de stratège et d'autorité de tutelle : c'est particulièrement vrai de la DGCID, qui, avec des effectifs pléthoriques, n'assure ni sa fonction de définition de la politique culturelle et de coopération, ni son rôle de tutelle. Il faut donc transformer la DGCID en une structure plus légère à vocation stratégique, l'AFD se chargeant de la mise en oeuvre opérationnelle du volet développement, et « Cultures France » de celle du volet culturel. Cela suppose de conclure avec chaque opérateur un contrat de performance comportant des objectifs précis et quantifiables. Enfin, une dynamisation de la gestion des ressources humaines sera indispensable.

M. Michel Bouvard, Président, a souligné la qualité du travail accompli par les Rapporteurs et s'est réjoui de ce que l'on y retrouve certaines préconisations de la MILOLF. En particulier, il est indispensable que l'AFD soit considéré comme un opérateur et que les contrats d'objectifs et de moyens se généralisent. Trois observations peuvent être faites :

- s'agissant de la dispersion des moyens, et dans la perspective d'une vision globale des finances publiques, on peut s'interroger sur la multiplication à l'étranger d'antennes de collectivités locales sur lesquelles l'ambassadeur ne dispose d'aucune visibilité ;

- le rôle de l'ambassadeur peut effectivement être mis parallèle avec la problématique des préfets. Le préfet a un rôle de coordination horizontale, alors que les différents budgets suivent une logique verticale. Il faudrait un BOP unique par ambassadeur, mais cette solution se heurte aux compétences des différents ministères ;

- il est heureux de constater que l'enseignement du français à l'étranger n'est pas très coûteux. Mais il y a un réel déficit de la demande, alors que les principaux autres pays partenaires de la France développent leurs propres langues.

M. Pierre Albertini a estimé que les lycées français à l'étranger et les alliances françaises font plus pour notre rayonnement culturel que tous les autres organismes réunis. Il faut nuancer le parallélisme entre la pénétration économique et le rayonnement culturel, comme on peut le voir en Asie. La proposition de la mission de rattacher les missions économiques au ministère des Affaires étrangères est juste. Il faut cependant que ce ministère diversifie sa culture et ses recrutements, afin de remplir dans de bonnes conditions ces tâches économiques.

M. Éric Woerth, Rapporteur de la MEC, a rappelé l'existence de la direction de la coopération décentralisée au ministère des Affaires étrangères. Un travail en commun est mené, notamment en région Rhône-Alpes, où un organisme travaille en liaison constante avec la mission économique. Les initiatives transfrontalières de coopération locale sont utiles, et il faut simplement surveiller les éventuels dérapages.

Il faut effectivement mettre plus de moyens dans les lycées et alliances françaises et poursuivre leurs activités. Une priorité devra être plus particulièrement marquée en faveur des jeunes français et des élites locales. En raison de blocages administratifs, la France est moins bien organisée que d'autres pays comme les États-Unis, notamment pour l'enseignement supérieur : l'accueil des étudiants étrangers n'est pas assez coordonné et aucun établissement universitaire français n'enseigne à l'étranger.

À une question de M. Michel Bouvard, Président, sur l'existence d'une coordination avec les autres pays francophones, M. Éric Woerth, Rapporteur de la MEC, a répondu qu'il n'y a pas de politique francophone de l'enseignement du français. Seules les alliances françaises et les centres culturels sont en voie de coordination.

Enfin, la diversité des recrutements du ministère des Affaires étrangères doit effectivement être favorisée.

La Commission a ensuite adopté les propositions de la MEC et a autorisé, en application de l'article 145 du Règlement, la publication du rapport.

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Puis, la commission des Finances a entendu une communication de M. Pierre Albertini sur la LOLF et la Justice.

M. Pierre Albertini, Rapporteur spécial des crédits de la mission « Justice », a indiqué, que six mois après l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF), il a souhaité dresser le bilan de sa mise en œuvre : celui-ci présente des aspects positifs, mais révèle aussi des dysfonctionnements importants.

Tout d'abord, le Rapporteur a regretté à nouveau le rattachement contestable de la justice administrative à une mission distincte de la mission « Justice ». Le programme « justice administrative » est en effet rattaché, depuis juin 2005, à la mission « Conseil et contrôle de l'État » rattachée au Premier ministre. Les arguments présentés à l'appui de ce changement de maquette ne sont pas convaincants ; la justice judiciaire et la justice administrative étant les deux faces d'une même politique publique, que la nouvelle nomenclature présente maintenant de manière éclatée.

Par ailleurs, M. Guy Canivet, Premier Président de la Cour de cassation, a adressé au Parlement une demande de modification de la nomenclature afin de distinguer, au sein de la mission « Justice », deux programmes, l'un consacré au « Ministère public » et l'autre aux « Juridictions judiciaires ». Cette demande résulte d'une délibération adoptée par la Conférence nationale des premiers présidents de Cour d'appel. Le Rapporteur a estimé que la question de l'unicité du corps judiciaire relève d'un débat politique sur l'organisation judiciaire, aujourd'hui souhaitable, et non de la mise en œuvre de la LOLF. En effet, une décision de séparation du siège et du parquet à travers les programmes aurait des conséquences de fond sur la dyarchie, ce que les premiers présidents reconnaissent d'ailleurs.

Pour les aspects positifs, il faut souligner que le ministère de la Justice a fait beaucoup d'efforts pour s'adapter à la nouvelle logique et aux procédures instaurées par la LOLF. De nombreuses mesures ont été prises, et notamment sur le plan institutionnel : création d'un secrétariat général au sein du ministère, instauration d'un dialogue de gestion et notamment avec les contrôleurs financiers, dialogue dont toutes les personnalités auditionnées ont souligné la qualité, mise en œuvre d'un plan d'action de maîtrise des frais de justice. On notera que la protection judiciaire de la jeunesse, en réforme depuis le rapport de la Cour des comptes de 2003, a parfaitement perçu l'utilité d'évaluer son action.

Une action « frais de justice » a été créée, un référent « frais de justice » a été nommé dans toutes les cours d'appel afin de jouer un rôle de régulateur, et de nombreuses actions ont été entreprises, comme par exemple la mise en concurrence des laboratoires pour l'établissement des empreintes génétiques, la négociation d'un tarif avantageux auprès des opérateurs de téléphonie mobile ou la création d'une plate forme d'interception. Des économies très importantes vont être réalisées, ce qui aurait dû être fait depuis longtemps, mais le système des crédits évaluatifs se heurtait à toute amélioration en la matière. Si l'enveloppe votée sera probablement dépassée, une nette amélioration devrait être constatée en 2007 et 2008. En revanche, il sera très important de réévaluer au plus vite les honoraires des experts, des interprètes, des psychologues et psychiatres et de la médecine légale, honoraires qui n'ont pas été réévalués depuis des années. Le retard pris en ce domaine conduit aux insuffisances graves constatées dans l'affaire d'Outreau, et il convient de décider aujourd'hui les revalorisations indispensables à une bonne qualité de la justice.

L'entrée dans la logique de la LOLF est variable selon les ressorts et les juridictions. La faiblesse de l'outil informatique est à déplorer, et les gestionnaires ont souvent le sentiment de devoir faire face à de lourdes responsabilités, sans disposer des outils nécessaires.

D'autres aspects de la mise en œuvre de la LOLF appellent des améliorations.

La gestion déconcentrée repose sur la Cour d'appel, et donc sur les services régionaux administratifs (SAR), qui se voient donc confier de nombreuses tâches supplémentaires sans renfort de personnel, alors que les agents auparavant chargés de ces tâches au sein des préfectures étaient de l'ordre de 200 à 300 personnes. Il aurait été souhaitable que cette question soit prise en compte de façon plus large que dans le cadre d'une seule mission, avec éventuellement des redéploiements au profit des SAR. Le statut de ceux-ci devrait évoluer vers plus d'autonomie ; un décret serait en préparation à cette fin.

La gestion déconcentrée du personnel se heurte à de très grandes difficultés. En effet, le mode de calcul des ETPT choisi par le ministère des Finances a eu pour conséquence, dans le secteur de la justice, la suppression des postes vacants. Or ces postes y étaient très nombreux, pour une raison tenant à la féminisation de différentes catégories de personnel - tant magistrats, greffiers que, s'agissant de la PJJ, qui suit la même tendance avec aujourd'hui le recrutement de jeunes femmes pour plus de la majorité des postes. Les emplois vacants étaient décomptés à hauteur de 1 pour 5 temps partiels à 80 %, la vacance de postes constituant un support pour le recrutement effectué par l'administration centrale. Ce procédé aboutit à une compression du personnel, ce à quoi s'ajoute l'insuffisance de la masse salariale, calculée sur la base des crédits exécutés au 30 juin 2005, avec une extrapolation à la fin de l'année.

Ces deux causes ont ruiné la fongibilité des crédits et la souplesse de gestion espérées, aboutissant à un système plus rigide qu'auparavant. L'insuffisance de personnel dans les greffes persiste, aussi apparaît-il inutile de nommer davantage de magistrats dans la situation actuelle. Enfin, on peut s'attendre à des années très difficiles dès 2008 avec les très nombreux départs en retraite attendus.

La protection judiciaire de la jeunesse souffre d'une sous-budgétisation récurrente du financement du secteur associatif habilité : le déficit s'élèverait à 80 millions d'euros pour 2005. Le retard des paiements met en difficulté les plus petites structures, oblige les gestionnaires à des choix difficiles quant aux paiements à effectuer en priorité et rendent le dialogue de gestion extrêmement tendu. A cela s'ajoutent les insuffisances de crédits d'investissement, qui obligent à reporter les travaux d'entretien et de maintenance, rendant ensuite les mises aux normes encore plus coûteuses : cette situation appelle un plan général de mise aux normes des structures, appuyé sur un échéancier. La politique de cession des implantations, aujourd'hui peu adaptée, est difficile à mener : les cessions décidées se font trop lentement, les résultats vont à un compte d'affectation spéciale et ne bénéficient pas à la direction, qui doit pourtant investir dans de nouvelles structures, lesquelles en viennent à consommer la quasi-totalité des crédits d'investissement, privant les établissements anciens des réparations et aménagements indispensables.

En conclusion, le Rapporteur spécial a indiqué que la qualité de la gestion des services du ministère s'améliore incontestablement, que la mesure de la performance contribue à l'amélioration des actions, mais que beaucoup reste à faire dans un domaine qui a été trop longtemps négligé et accuse donc un retard considérable.

M. Michel Bouvard, Président, a souligné que la LOLF avait permis des améliorations, par exemple visibles s'agissant des frais de justice. Nombre des observations formulées par le Rapporteur rejoignent celles qui ont été faites par la MILOLF. Une rencontre récente avec le Président du tribunal de grande instance de Créteil laisse apparaître un problème dans l'organisation du dialogue de gestion, un problème de risque de recentralisation et, enfin, un problème lié à la fongibilité des postes. Le système de calcul des vacances de postes en fin d'année a permis au ministère des Finances de récupérer une partie des équivalents temps pleins. Cette mécanique tue la fongibilité.

M. Pierre Albertini, Rapporteur spécial, a jugé que le bon échelon de déconcentration est celui de la Cour d'appel et qu'il convient de responsabiliser les présidents de tribunaux de grande instance et de les associer au dialogue de gestion et à la rédaction des BOP si l'on veut parvenir à un bon résultat. Certains présidents des TGI ont le sentiment que la LOLF leur a fait perdre une partie de leurs moyens d'action. La recentralisation existe, surtout pour le secteur de la P.J.J. Enfin, il faut insister sur le fait que lorsqu'un BOP est validé, puis remis en cause, la crédibilité du système est atteinte.

En conclusion, M. Pierre Albertini, Rapporteur spécial, s'est déclaré très favorable à l'examen du budget de la Justice sous forme d'une commission élargie.

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Information relative à la Commission

La Commission a nommé M. Hervé Novelli, Rapporteur pour avis, sur les articles 4, 10, 11 et 12 du projet de loi relatif au secteur de l'énergie (n° 3201).

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