Accueil > Archives de la XIIe législature > Comptes rendus de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (2006-2007)

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

Mercredi 25 octobre 2006

Séance de 16h15

Compte rendu n° 9

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président,
puis de M. Charles de Courson, Secrétaire,
puis de M. Augustin Bonrepaux, doyen d’âge

Suite de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007 (n° 3341)

 

Vote sur les crédits des missions :

 

– Santé (M. Gérard Bapt, Rapporteur spécial)

2

– Relations avec les collectivités territoriales et sur le compte spécial : Avances aux collectivités territoriales (M. Marc Laffineur, Rapporteur spécial)

5

– Administration générale et territoriale de l’État (M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur spécial)

13

– Aide publique au développement, sur l’article 42, rattaché, et sur le compte spécial : Prêts à des États étrangers (M. Henri Emmanuelli, Rapporteur spécial)

18

Examen du programme Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux de la mission Remboursements et dégrèvements (M. Jean-Jacques Descamps, Rapporteur spécial)

21

La commission des Finances a poursuivi l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007 (n° 3341). Elle a tout d’abord examiné les crédits de la mission Santé (M. Gérard Bapt, Rapporteur spécial).

M. Gérard Bapt, Rapporteur spécial, a indiqué que le budget de la mission Santé traduit une évolution positive pour 2007, en progression de 4,3 % pour les autorisations d’engagement et de 7,8 % pour les crédits de paiement. Cette hausse est essentiellement liée au financement de la troisième phase du plan Cancer, qui bénéficie de 23 millions d’euros supplémentaires. La mission est composée de trois programmes : Santé publique et prévention, Offre de soins et qualité du système de soins, et enfin, Drogue et toxicomanie.

Le programme Santé publique et prévention, doté de 289,9 millions d’euros, progresse de 14,5 % en termes d’autorisations d’engagement et de 19,9 % en termes de crédits de paiement, mais l’analyse du détail des actions montre que cette augmentation est artificielle, puisqu’elle est liée au transfert vers l’action Déterminants de santé de crédits consacrés à l’addictologie, à hauteur de 18 millions d’euros en provenance du programme Drogue et toxicomanie. En effet, si l’on exclut ce transfert, les moyens sont en baisse pour l’ensemble des politiques concernées, que ce soit la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, le programme national « nutrition santé » ou encore la lutte contre les autres pratiques à risque, qui recouvrent essentiellement la toxicomanie.

La hausse des crédits de l’action Pilotage de la politique de santé publique est plus discrète et renvoie à la mise en place progressive des instances régionales de pilotage prévue par la loi relative à la politique de santé publique.

La progression des crédits de l’action Pathologies à forte morbidité / mortalité, qui bénéficie de 220,5 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement est à mettre au compte de la lutte contre le cancer, mais également d’un changement de périmètre, suite à la recentralisation de certaines compétences, notamment la vaccination, opérée par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales. En conséquence, les moyens consacrés à la lutte contre le sida restent stables, tandis que les crédits consacrés à la santé mentale et à la lutte contre les maladies rares et les hépatites sont en forte baisse.

Concernant le programme Offre de soins et qualité du système de soins, qui comprend les dotations aux divers opérateurs : Agence technique d’information sur l’hospitalisation (ATIH), Agences régionales de l’hospitalisation, groupement d’intérêt public « carte professionnelle de santé » (GIP, CPS), ainsi que ceux d’une nouvelle structure, le Centre national de gestion, les crédits sont en quasi-stagnation : ils s’élèvent à 100,6 millions d’euros d’autorisations d’engagement et à 104,2 millions d’euros de crédits de paiement, en hausse de 1,6 % pour les crédits de paiement, mais en baisse de 0,4 % en termes d’autorisations d’engagement.

Enfin, le programme Drogue et toxicomanie est en contraction de plus de 33 %. Cette baisse est liée au transfert de 18 millions d’euros. Le budget s’élève à 36,5 millions d’euros d’autorisations d’engagements et de crédits de paiement. Les crédits des projets expérimentaux destinés aux zones urbaines sensibles (ZUS), à la prévention au sein de l’entreprise et au milieu carcéral, affichent une baisse notable.

Le budget pour 2007 de la mission Santé est donc principalement marqué par la poursuite de la montée en charge de l’Institut national du cancer (INCa) qui bénéficie d’une dotation de 50,6 millions d’euros. Hors le plan Cancer, ce budget doit être considéré comme un budget de transition, décevant.

Il comprend pourtant les grands plans de santé publique que sont le programme national Nutrition Santé (PNNS 2), le plan Santé mentale, ainsi que les actions tournées vers l’accès aux soins des plus démunis, via les programmes régionaux d’accès à la prévention et aux soins (PRAPS). Or, l’État doit rester un pilote dans ces domaines. Le constat dressé à l’aune du présent projet de loi de finances est au contraire celui d’un désengagement croissant au détriment de l’assurance maladie, qui gère notamment l’accès à la couverture maladie universelle (CMU), et qui est donc amenée à prendre en charge des actions qui relèvent de la solidarité.

M. Alain Rodet a observé que, dans de nombreux établissements publics d’hospitalisation et centres hospitaliers universitaires (CHU), la Générale de santé s’était efforcée de débaucher des spécialistes confirmés en oncologie et orthopédie, en les attirant par des salaires plus élevés, sans que les CHU puissent notamment les retenir. L’État intervient-il pour freiner l’affaiblissement de l’offre publique de santé dans ces secteurs essentiels ?

M. Pascal Terrasse s’est inquiété de l’évolution qui affecte le financement de la protection sociale. Les associations qui agissent dans ce secteur signalent qu’il est en baisse, notamment en matière d’aide médicale de l’État. Les conséquences de ce moindre financement sont-elles déjà visibles ? Le plan cancer, qui met en œuvre un engagement du Président de la République, traverse d’autres difficultés. Le directeur général de l’Institut national du cancer (INCa) a démissionné en cours d’année. En connaît-on l’explication ? Quant aux crédits alloués à la lutte contre le cancer, ils paraissent demeurer au sein de l’INCa, alors qu’il avait été annoncé qu’ils seraient affectés aux pôles de cancérologie dans les régions.

M. Gérard Bapt, Rapporteur spécial, est convenu que la démographie médicale et hospitalière constitue en effet un vrai problème. La solution est sans doute à chercher sur le terrain de la rémunération, mais aussi de la condition statutaire. La réforme de la tarification à l’activité (T2A) a parallèlement beaucoup compliqué la tâche des praticiens. D’autres questions se posent cependant davantage dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale que dans celui de la mission Santé, quoique le programme Offre de soins et qualité du système de soins inclue notamment les crédits prévus pour mettre en place le Centre national de gestion (CNG) destiné à organiser la formation et la carrière des professions hospitalières, gérés actuellement par la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS), qui transmet ses données aux ARH.

Les crédits de l’aide médicale de l’État sont, quant à eux, inscrits au sein de la mission Solidarité et intégration. D’une manière générale, des organisations telles que Médecins du monde soulignent que l’accès à la santé pour les populations pour les plus défavorisées se dégrade, notamment chez les généralistes pour les titulaires de la couverture maladie universelle (CMU).

L’Institut national contre le cancer (INCa) paraît reprendre désormais ses activités sur une base plus saine. Le Rapporteur spécial y a effectué un contrôle sur pièces et sur place. Pour ce qui concerne le financement des cancéropôles, l’INCa devait bénéficier de 8 millions d’euros supplémentaires en provenance du programme Recherche et enseignement supérieur, dont le versement n’a pas été effectué à ce jour. La difficulté du financement de la recherche en cancérologie tient à la nécessité de procéder à des appels d’offres sur plusieurs années, ce qui implique un financement stable, qui puisse être conduit sur deux à trois ans. La mission Santé continue, quant à elle, à tenir ses engagements vis-à-vis de l’INCa dans le présent projet de loi de finances.

M. Charles de Courson s’est étonné que le Rapporteur spécial n’ait pas abordé l’action n°3 Modernisation du système de soins, inscrite au sein du programme Offre de soins et qualité du système de soins. Quelle est l’action propre des opérateurs extérieurs rattachés à ce programme ? Quelles sont les modalités du passage à la tarification à l’activité, dans les hôpitaux et ailleurs ? Quels sont les rôles respectifs de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH), du groupement d’intérêt public « carte professionnelle de santé » (GIP-CPS) et du centre national de gestion (CNG) ?

M. Gérard Bapt, Rapporteur spécial, a expliqué que ce dernier opérateur est un organisme nouveau, qui va s’installer dans les anciens locaux de l’INCa, tandis que le GIP-CPS gère les cartes professionnelles de santé, dans le cadre plus général du projet SESAM-Vitale, qui inclut la révision des cartes Vitale ; elles devront désormais porter la photographie de l’assuré.

M. Charles de Courson a demandé si la dotation globale hospitalière est, désormais, mieux répartie.

M. Gérard Bapt, Rapporteur spécial, a rappelé que la Cour des comptes a mis en cause cette répartition. Le Parlement a décidé de maintenir le principe d’une tarification à l’activité (T2A). D’autres problèmes se posent encore, comme celui de la convergence intersectorielle, mais ils ne relèvent pas des crédits de la mission.

M. Charles de Courson s’est interrogé sur le rôle exact de l’ATIH et sur la manière dont elle remplit une fonction de support.

M. Gérard Bapt, Rapporteur spécial, a répondu qu’elle avait en tout état de cause un rôle important, et même croissant, qui justifie la création des emplois prévus pour 2007, fait qui mérite d’être souligné dans le contexte actuel, qui est plutôt celui d’une stagnation des emplois des Agences. L’ATIH devrait en effet bénéficier de 8 emplois supplémentaires en 2007 : or, elle en avait initialement demandé 16.

Le Président Pierre Méhaignerie a alors demandé la réserve du vote des crédits en application de l’article 95 du Règlement.

Puis, après une suspension de séance, la Commission, contre l’avis du Rapporteur spécial, a adopté les crédits de la mission Santé.

*

* *

La Commission a ensuite procédé, sur le rapport de M. Marc Laffineur, Rapporteur spécial, à l’examen des crédits de la mission Relations avec les collectivités territoriales et du compte spécial Avances aux collectivités territoriales.

M. Marc Laffineur, Rapporteur spécial, a indiqué que la mission Relations avec les collectivités territoriales regroupe les concours budgétaires de l’État aux collectivités territoriales, c’est-à-dire essentiellement les dotations de décentralisation et les dotations d’aide à l’investissement public local. En 2007, le budget de la mission devrait s’élever à 3,23 milliards d’autorisations d'engagement, et à 1,49 milliard d’euros de crédits de paiement. À structure constante, hors prise en compte de l’impact de la réforme de la dotation globale d’équipement intervenue en 2006, les crédits de la mission connaissent une progression de 2,56 %. La mission est composée de quatre programmes. Le programme Concours financiers aux communes et groupements de communes devrait bénéficier de 727,44 millions d’euros d’autorisations d'engagement et de 656,75 millions d’euros de crédits de paiement. Le programme Concours financiers aux départements devrait être doté de 796,46 millions d’euros d’autorisations d'engagement et 783,35 millions d’euros de crédits de paiement. Le programme Concours financiers aux régions devrait représenter 1,45 milliard d’euros d’autorisations d'engagement et 1,43 milliard d’euros de crédits de paiement. Le programme Concours spécifiques et administration regroupe les aides exceptionnelles aux collectivités territoriales, les moyens de fonctionnement de la direction générale des collectivités locales et la fraction de la dotation générale de décentralisation attribuée à l’ensemble des trois échelons de collectivités territoriales. Son budget devrait être, en 2007, de 207,73 millions d’euros d’autorisations d'engagement et de 198,73 millions d’euros de crédits de paiement.

Les crédits budgétaires de la mission ne retracent qu’une faible partie de l’effort financier de l’État en faveur des collectivités territoriales. En effet, les prélèvements sur recette représentent plus de 73 % des concours financiers de l’État. Ils devraient s’élever à 49,415 milliards d’euros, en hausse de 4,25 %. Ils financent, en matière de fonctionnement, la dotation globale de fonctionnement (DGF), la dotation de compensation de la taxe professionnelle et la compensation d'exonérations relatives à la fiscalité locale et, en matière d'investissement, le fonds de compensation de la taxe professionnelle (FCTP). L’ensemble des concours de l’État aux collectivités territoriales, hors fiscalité transférée, évolue de 64,9 milliards d’euros en 2006 à 66,8 milliards d’euros en 2007, soit une augmentation de 1,9 milliard d’euros, à structure constante.

Ce budget traduit trois orientations essentielles. La première est la reconduction du pacte de croissance et de solidarité en 2007. La DGF devrait donc progresser de 2,54 % et s’établir à 45,17 milliards d’euros. Ce choix n’était pas évident, compte tenu des contraintes qui pèsent sur le budget de l’État, qui diminue de 1 %. Il manifeste la volonté de l’État de respecter ses engagements envers les collectivités territoriales. Cependant, il est impératif de mener une réflexion sur la participation de celles-ci à l’effort de maîtrise de la dépense publique. Les dotations budgétaires de la mission Relations avec les collectivités territoriales connaissent aussi une évolution remarquable : la dotation générale d’équipement (DGE) et la dotation de développement rural progresseront de 2,9 %, pour s’établir respectivement à 472 millions d’euros d’autorisations d'engagement et 401 millions d’euros de crédits de paiement pour la DGE et 128 millions d’euros d’autorisations d'engagement et de crédits de paiement pour la dotation de développement rural ; les dotations d’équipement scolaire et la dotation générale de décentralisation (DGD) augmenteront de 2,502 %. Le budget de la dotation générale de décentralisation devrait être de 1,35 milliard d’euros.

La seconde évolution concerne la péréquation. Plusieurs réformes conduites depuis 2004, ont renforcé les mécanismes de péréquation et ont permis de rétablir une certaine justice entre les collectivités territoriales, par le biais notamment de la dotation de solidarité urbaine (DSU). Au sein de la DGF, les dotations de péréquation ont augmenté de 82 % entre 2002 et 2006. La DSU est passée de 615 millions d’euros en 2003 à 880 millions d’euros en 2006, soit une augmentation de 43,1 %. La loi de programmation pour la cohésion sociale a prévu l'affectation prioritaire de 120 millions d'euros par an à la dotation de solidarité urbaine de 2004 à 2009. La dotation de solidarité rurale est passée de 407,22 millions d’euros en 2003 à 571,99 millions d’euros en 2006, soit une augmentation de 40,5 %. Il serait souhaitable que le Comité des finances locales veille à assurer à la dotation de solidarité rurale une croissance identique à celle de la dotation de solidarité urbaine.

La troisième évolution importante est l’impulsion donnée depuis 2004 au processus de décentralisation. En 2007, les transferts de fiscalité se poursuivront, essentiellement au titre de la mise en œuvre de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Les régions bénéficieront du transfert d'une part du produit de la TIPP à hauteur de 1.373 millions d'euros. Les départements se verront transférer une part du produit de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances d'un montant de 312,05 millions d'euros. Au titre du transfert du revenu minimum d’insertion (RMI), les départements bénéficieront d’une fraction de la TIPP à hauteur de 4,94 milliards d’euros. Dans le cadre des travaux de la Commission consultative d’évaluation des charges, l’État a répondu plusieurs fois aux demandes des collectivités locales et a accordé des compensations supplémentaires, au-delà des règles prévues par la Constitution. C’est le cas, notamment en matière de transfert du RMI avec la création du fonds de mobilisation départemental pour l’insertion, doté de 500 millions d’euros en 2006, 2007 et 2008. Certes, certaines dépenses, comme le service du RMI sont en augmentation depuis leur transfert. Cependant, le dynamisme des recettes des régions et des départements doit leur permettre de prendre en charge dans de bonnes conditions financières ces compétences nouvelles.

Ainsi les comptes administratifs des régions en 2005 montrent que si les charges de fonctionnement ont augmenté d’un milliard d’euros, les produits de fonctionnement ont augmenté de 2 milliards et l’autofinancement de plus de 15 %. Les départements ont bénéficié, quant à eux, du dynamisme des droits de mutation. Ils ont progressé de 79 % entre 2000 et 2005, soit 2,9 milliards d’euros de recettes supplémentaires. L’autofinancement des départements a ainsi augmenté de 13 % en 2005. Ces chiffres montrent que les augmentations d’impôts décidées par les départements et les régions ont surtout servi à développer l’autofinancement, et non à pallier un quelconque désengagement de l’État.

Les crédits de la mission, la reconduction du pacte de stabilité et de croissance et la poursuite des transferts de fiscalité traduisent donc la volonté de l’État de donner aux collectivités territoriales des moyens financiers importants dans le contexte actuel de relance de la décentralisation.

Puis la Commission a adopté, suivant la position du Rapporteur spécial, les crédits de la mission Relations avec les collectivités territoriales, et ceux du compte spécial Avances aux collectivités territoriales.

Elle a ensuite procédé à l’examen d’amendements portant article additionnel.

Articles additionnels après l’article 51 :

La Commission a tout d’abord examiné deux amendements identiques présentés, l’un par M. Jacques Pélissard, le second par M. Charles de Courson, visant à exclure du potentiel financier des communes la dotation de garantie et à prendre en compte les compensations d’exonérations fiscales dans le calcul de ce potentiel.

M. Jacques Pélissard a rappelé que la loi de finances pour 2005, dans un souci de lisibilité, a remplacé le potentiel fiscal par le potentiel financier, en y intégrant notamment la dotation forfaitaire, et, en son sein, la dotation de garantie. S’il est positif d’intégrer la dotation forfaitaire, en revanche, il s’avère, à l’usage, que la prise en compte de la dotation de garantie, qui a des niveaux très hétérogènes selon les communes et qui comprend des crédits de péréquation, va à l’encontre du renforcement de la péréquation voulu par la réforme de la DGF. C’est pourquoi cet amendement propose d’exclure la dotation de garantie du potentiel financier.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, s’est déclaré opposé à ces amendements. Depuis la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) en 2004 et 2005, la dotation forfaitaire est composée d’une dotation de base, allouée en fonction du nombre d’habitants de la commune, d’une dotation superficiaire, calculée en fonction de la superficie de la commune, et d’une dotation de compensation de la suppression de la « part salaire » de la taxe professionnelle. Afin d’éviter que certaines communes connaissent une baisse trop forte de leur DGF du fait de la réforme, un complément de garantie a été institué. Ce complément concerne deux types de communes : les premières, les plus nombreuses, ont une DGF très supérieure à celle des autres communes, en raison de différents héritages du passé, comme par exemple une forte activité touristique. Des villes comme Vichy ou Lourdes ont ainsi une DGF trois fois plus élevée que d’autres communes de même catégorie. Par conséquent, supprimer la dotation de garantie du potentiel financier des communes minorerait artificiellement la prise en compte de la richesse de certaines d’entre elles. Cela irait à l’encontre du renforcement de la péréquation, promu par la réforme de la DGF.

Cependant, le problème est que la seconde catégorie de communes qui perçoivent une dotation de garantie est constituée par celles qui ont bénéficié de dispositifs de péréquation au sein de la DGF, entre 1985 et 1993. Elles sont néanmoins beaucoup moins nombreuses, et les travaux du Comité des finances locales pilotés par Jean-Pierre Fourcade avaient abouti à la conclusion qu’il fallait prendre en compte le complément de garantie dans le potentiel financier. Cet amendement irait donc à l’encontre de l’effet péréquateur voulu par la réforme de la DGF, en ne prenant pas en compte la richesse réelle de certaines communes.

M. Charles de Courson a souligné qu’on consolide les communes les plus riches lorsqu’on substitue des prélèvements sur ressources à des impôts locaux, puisqu’on le fait toujours sur les taux existants, et non sur une assiette moyenne. L’exemple le plus net est celui de Paris. Aucune réponse n’est apportée à ce problème. Il faudrait donc tenir compte des observations du Président Pierre Méhaignerie et M. Yves Fréville, en prenant davantage en compte les compensations d’exonérations d’impôts locaux qui accentuent les inégalités. Il faudrait, au moins, adopter le second volet de la réforme proposée.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a approuvé l’idée d’intégrer les compensations d’exonérations fiscales, mais a souligné que des simulations devaient absolument mesurer les conséquences d’une telle réforme sur la DGF des communes.

M. Augustin Bonrepaux a estimé qu’il aurait fallu obtenir des simulations avant de transformer le potentiel fiscal en potentiel financier. Ces simulations n’ont été fournies qu’au dernier moment. Le système est injuste car il fait apparaître, dans certains cas, certaines communes pauvres moins pauvres qu’elles ne le sont, et certaines communes riches, moins riches qu’elles ne le sont. Cela aboutit à diminuer les différences et donc à affaiblir la péréquation. Il n’est pas normal que la dotation de garantie soit prise en compte dans le potentiel financier en faisant de ces communes des communes soi-disant riches. On reprend à ces communes ce qu’on leur avait donné dans le cadre des dispositifs de péréquation. Si une simulation est demandée, elle doit concerner l’ensemble du dispositif et montrer les inégalités qu’il crée.

M. Marc Laffineur, Rapporteur spécial, a indiqué que l’exclusion de la seule dotation de garantie du calcul du potentiel financier, objet d’un autre amendement de M. Jacques Pélissard, ne recueille pas son approbation. En revanche, l’intégration des compensations fiscales pose une vraie question. En 2004, le Comité des finances locales a mené une réflexion sur ce sujet. Il n’a pas proposé d’intégrer les compensations d’exonérations fiscales dans le potentiel financier, sans simulation préalable. Ces compensations sont très inégalement réparties et peuvent varier d’une année sur l’autre. Leur intégration entraînerait donc la variation du potentiel financier et donc du montant de DGF de chaque commune. Il serait dangereux d’adopter ce dispositif, sans en connaître les conséquences. Un amendement de la commission des Finances devrait plus utilement demander au Gouvernement de rendre un rapport présentant l’impact d’une telle réforme sur la DGF.

M. Henri Emmanuelli a souligné que ces amendements proviennent des travaux de l’association des Maires de France (AMF). Elle ne propose certainement pas cette réforme à la légère. L’adoption de ces amendements par la commission des Finances poussera le Gouvernement à présenter enfin des simulations sur ce sujet.

M. Pascal Terrasse a également noté qu’il s’agit d’une proposition émanant du président de l’AMF, qui fait autorité en matière de finances locales. Il faut adopter ces amendements pour obtenir du Gouvernement une étude d’impact. Si cette étude est fournie avant la séance publique, il sera toujours temps de réexaminer le dispositif, s’il a des effets contraires à l’objectif recherché.

M. Marc Laffineur, Rapporteur spécial, a rappelé que le Comité des finances locales, qui représente aussi les collectivités territoriales et qui a conduit des travaux sur ce sujet en 2004, n’a pas voulu intégrer les compensations d’exonérations fiscales, en raison des conséquences hasardeuses que cela pourrait avoir.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a souligné que plusieurs membres du comité des finances locales avaient proposé, lors des débats sur la réforme de la DGF en 2004, de prendre en compte les compensations d’exonérations fiscales, qui s’élèvent à 10 milliards d’euros, dans le potentiel financier. Le Comité a renoncé, car il est difficile d’évaluer les conséquences d’une telle réforme sur la DGF des communes. Ces compensations sont, en effet, très inégalement réparties. Selon l’étude d’Yves Fréville, le contribuable national prend, en moyenne, six fois plus en charge la taxe d’habitation dans les Alpes-Maritimes que dans le Cantal. Une telle mesure pourrait bouleverser profondément les équilibres actuels de la DGF. Des simulations sont donc indispensables. Ce travail a d’ailleurs peut-être déjà été fait par l’association des Maires de France.

Le Président Pierre Méhaignerie s’est déclaré réticent à adopter un dispositif dont on ne connaît pas l’impact. Certes, certains maires sont mécontents de la réforme de la DGF, mais une telle mesure, qui ne va pas forcément dans le sens de la justice fiscale, pourrait provoquer davantage de mécontents.

M. Charles de Courson a donc proposé un amendement soutenu par M. Marc Laffineur, Rapporteur spécial, demandant au Gouvernement de produire avant juin prochain un rapport contenant trois simulations, l’une sur l’exclusion de la dotation de garantie du potentiel financier, la deuxième sur l’intégration des compensations d’exonérations fiscales dans ce potentiel et la troisième sur l’application simultanée des deux mesures. Il a retiré son amendement.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a insisté sur l’intérêt de disposer des trois simulations.

M. Jacques Pélissard a souligné que son amendement résulte des travaux de la commission des Finances de l’AMF. Il s’est rallié à la demande d’une simulation préalable. Celle-ci doit cependant être communiquée au Parlement dans un délai rapide, car il est nécessaire de restaurer la justice et la péréquation. Il ne faut pas que les effets péréquateurs soient gommés par des situations acquises. Il a retiré son amendement.

M. Jean-Pierre Balligand a présenté un amendement reprenant le texte des amendements retirés, afin d’obliger le Gouvernement à entamer son travail d’évaluation. Ils pourront toujours être retirés au vu des évaluations.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a souligné qu’il serait déraisonnable d’adopter un dispositif à l’aveugle, alors qu’il s’agit de la répartition de la DGF en février 2007, soit plus de 39 milliards d’euros.

La Commission a adopté l’amendement de MM. Marc Laffineur, Rapporteur spécial, et Charles de Courson, demandant au Gouvernement de produire, sur les trois hypothèses envisagées, une simulation avant juin 2007.

Puis elle a rejeté l’amendement de M. Jean-Pierre Balligand et des autres membres du Groupe socialiste, excluant la dotation de garantie et intégrant les compensations fiscales dans le potentiel financier.

Un amendement de M. Jacques Pélissard, prévoyant uniquement d’exclure la dotation de garantie du potentiel financier, a été retiré par son auteur, pour tirer les conséquences du débat précédent.

Puis, M. Marc Laffineur, Rapporteur spécial, a présenté un amendement de coordination visant à préciser que la dotation forfaitaire du département de Paris est désormais indexée sur la moyenne pondérée des taux de progression fixés par le Comité des finances locales pour la dotation de base et le complément de garantie. En effet, l’article 12 du projet de loi de finances permet au Comité des finances locales de faire évoluer différemment la dotation forfaitaire et le complément de garantie. Il y a donc maintenant deux taux. Or, le code général des collectivités territoriales ne vise toujours qu’un seul taux pour l’évolution de la dotation de Paris. Il s’agit donc d’un amendement de coordination, qui permet de prendre en compte la moyenne des deux taux. Une simulation serait également bienvenue.

M. Charles de Courson s’est interrogé sur la solution proposée. Choisir la moyenne pondérée s’apparente à un « jugement de Salomon ». Si l’amendement n’est pas adopté, quelle sera l’évolution de cette dotation ?

M. Marc Laffineur, Rapporteur spécial, a souligné que, compte tenu de la modification de l’article 12 du projet de loi de finances qui propose deux taux, on ne sait pas sur quel taux indexer la dotation forfaitaire de Paris. Il s’agit d’une simple coordination.

M. Augustin Bonrepaux a précisé que le problème existe non seulement pour le département de Paris, mais aussi pour celui des Hauts de Seine. La péréquation n’est pas assez développée et il faut mieux prendre en compte les richesses spécifiques de certains départements.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a souligné qu’il s’agit d’un amendement de coordination. En vertu de la réforme proposée par l’article 12 du projet de loi de finances, le Comité des finances locales aura la possibilité de fixer deux taux pour la progression de la dotation de base et de la dotation de garantie. Il faut coordonner ces dispositions avec le cas du département de Paris.

M. Charles de Courson s’est demandé si le critère de la moyenne pondérée est le plus pertinent.

La Commission a adopté l’amendement.

Puis la Commission a examiné un amendement de M. Augustin Bonrepaux révisant les modalités de calcul du prélèvement France Télécom.

M. Augustin Bonrepaux a souligné la difficulté dans laquelle se retrouvent des communes qui voient leur base de taxe professionnelle baisser du fait de la fin des activités France Télécom sur leur territoire. Il convient donc de réviser les modalités de calcul du prélèvement France Télécom, afin qu’il corresponde à la situation fiscale réelle des communes qui le financent. L’effritement des bases est à la charge des communes et amène un double questionnement sur la justesse du transfert et sur les causes de cet effritement. Comme cela a déjà été demandé depuis deux ans, il faudrait actualiser les bases et réduire d’autant la compensation prise aux collectivités locales.

M. Marc Laffineur, Rapporteur spécial, a rappelé que cet amendement est déposé chaque année. Les communes qui ont un établissement France Télécom sur leur territoire connaissent une minoration de leur DGF, au titre de la taxe professionnelle qu’elles perçoivent et qu’elles devraient théoriquement reverser à l’État. Il est vrai que, lorsque les activités de France Télécom baissent, ou que ses implantations quittent le territoire de communes, celles-ci subissent toujours cette minoration, alors même qu’elles ne perçoivent plus les recettes correspondantes. Cet amendement pose donc un vrai problème. Cependant, du fait de la réforme de la DGF, qui a intégré l’ensemble des dotations passées dans une dotation unique, cette réforme est désormais techniquement impossible puisqu’on ne peut plus isoler une fraction qu’on pourrait minorer en fonction de la fiscalité réelle des communes. Le problème doit être réglé au cas par cas. En conséquence, il émet un avis défavorable l’amendement.

M. Augustin Bonrepaux a souligné que, si cette réforme était soi-disant techniquement infaisable, elle n’en était pas moins politiquement possible.

M. Jean-Pierre Gorges a noté que lorsque France Télécom quitte le territoire de certaines communes, l’État fait toujours comme si elles percevaient des recettes au titre de la taxe professionnelle. Dans certaines communes, 40 à 50 % des recettes sont liées à cette situation, et ce problème n’a jamais été réglé. Il existe des situations dramatiques et certaines communes menacent de refuser de voter leur budget, si une solution n’est pas trouvée. Au-delà des solutions au cas pas cas, une disposition pérenne devra être trouvée.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, s’est opposé à l’amendement, car le prélèvement France Télécom est maintenant fondu dans la DGF. Les recettes de taxe professionnelles qui étaient reversées à l’État ne peuvent plus être individualisées au sein de la DGF. Poitiers, par exemple, percevait trois millions de recette de taxe professionnelle au titre des activités de France Télécom. Or, les bases de taxe professionnelle sont passées de trois à deux millions d’euros, et le prélèvement sur la DGF est resté fixé à 3 millions, et continue à être indexé. Cependant, ce changement n’est plus techniquement possible. En outre, cette réforme a aussi été bénéfique pour certaines communes qui ont vu leurs bases augmenter. Il faudrait donc reprendre à ces communes, pour restituer aux autres.

M. Henri Emmanuelli a remarqué qu’il faudrait individualiser ce prélèvement au sein de la DGF en en évaluant le montant. Ce qui est présenté par le Rapporteur comme techniquement impossible ne l’est pas : c’est le coût du dispositif qui conduit la majorité à rejeter cet excellent amendement.

La Commission a rejeté l’amendement.

Puis, elle a examiné un amendement de M. Jacques Pélissard proposant, que pour les communes dont la garantie par habitant est supérieure à 1,5 fois la garantie par habitant moyenne constatée l’année précédente, le taux de progression de la garantie soit nul. Il s’agit d’éviter une progression des inégalités et de renforcer la péréquation.

Après un avis favorable du Rapporteur spécial, la Commission a adopté l’amendement.

Puis, la Commission a examiné un amendement de M. Gilles Carrez, Rapporteur général, tirant les conséquences de la minoration de la progression de la dotation spéciale pour le logement des instituteurs, en prévoyant la réaffectation du solde non utilisé de cette dotation à la dotation d’aménagement de la DGF.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a rappelé que cet amendement tire les conséquences d’une décision du Comité des finances locales, tenu la veille. Compte tenu du nombre d’instituteurs, la dotation spéciale pour le logement de ceux-ci évoluerait spontanément de 10,96 %, ce qui n’est pas raisonnable. Le Comité des finances locales a choisi de faire progresser cette dotation de 3 %. Il convient de prévoir l’affectation de la somme ainsi disponible. L’économie réalisée de 9,34 millions d’euros permettra de dégager cette somme pour la dotation d’aménagement de la DGF en 2007. Un support législatif est nécessaire pour cette nouvelle affectation.

M. Charles de Courson a expliqué que cette situation est liée au fait que le nombre d’instituteurs qui optent pour le régime de professeur est sous-estimé chaque année. Le Gouvernement devrait, à l’avenir, effectuer des estimations plus raisonnables.

M. Jean-Pierre Gorges a demandé pourquoi l’économie réalisée était immédiatement réaffectée à une nouvelle dépense.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a expliqué que l’indexation de la DGF était insuffisante pour absorber l’augmentation de la DSU de 120 millions d’euros par an et, parallèlement, de la DSR. Cela a pour conséquence de limiter la progression des autres dotations de la DGF. Il existe, en outre, un solde de 11 millions d’euros sur l’exercice 2005 au titre de la DSI. Additionné aux 9,34 millions d’euros, cela permettra de majorer la DGF et de neutraliser la régularisation négative de DGF au titre de 2005, imputée sur la DGF de 2007.

M. Marc Laffineur, Rapporteur spécial, a noté que l’augmentation de la DGF devait également permettre le développement des communautés de communes, sans pénaliser ni la DSU ni la DSR.

M. Denis Merville a estimé qu’il s’agissait d’un bon amendement.

M. Henri Emmanuelli a souligné qu’il convenait de tirer les conséquences des décisions du Comité des finances locales.

Après un avis favorable du Rapporteur spécial, la Commission a adopté cet amendement.

*

* *

La Commission a ensuite procédé à l’examen des crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État sur le rapport de M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur spécial.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur spécial, a indiqué que cette mission regroupe près de 2,5 milliards d’euros de crédits de paiement, soit 0,93 % du budget de l’État. Créée ex nihilo avec la mise en œuvre de la LOLF, elle comporte trois programmes de nature différente, qui lui confèrent chacun une importance particulière. D’abord, elle finance les fonctions « support » du ministère de l’Intérieur, au travers du programme Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur. Deuxièmement, elle couvre la gestion de l’ensemble du réseau des préfectures – cœur de l’administration déconcentrée de l’État – dans le cadre de son programme Administration territoriale. Enfin, elle comporte les crédits du programme Vie politique, cultuelle et associative, qui finance notamment les partis et les campagnes électorales et jouera donc un rôle clé pour l’organisation des élections présidentielle et législatives de l’an prochain.

D’un montant global prévisionnel de 2.497,9 millions d’euros, les crédits de paiement de la mission affichent une hausse de 12,9 % par rapport à ceux votés l’an dernier en loi de finances initiale, soit + 286 millions d’euros. À périmètre constant, ces crédits augmenteraient d’environ 318 millions d’euros, soit de près de + 14,4 %. Ils se répartissent entre trois parts, d’inégal volume : 65 % pour le programme Administration territoriale, 20 % pour le programme Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur et 15 % pour celui consacré à la vie politique, cultuelle et associative.

Cette hausse tient, pour l’essentiel, à l’accroissement des crédits du programme Vie politique, cultuelle et associative – qui bénéficie de 231,7 millions d’euros supplémentaires sur 381 millions d’euros – en vue du financement des élections des crédits de 2007. Ce dernier facteur contribue pour 81 % à l’augmentation de la mission et explique l’essentiel des hausses prévues pour les dépenses de personnel (+ 5,3 %, soit 51,4 millions d’euros), de fonctionnement (+ 32,7 %, soit 163,9 millions d’euros), d’investissement (+ 22,6 %, soit 18,8 millions d’euros), et d’intervention (+ 28,2 %, soit 21,9 millions d’euros). En effet, les crédits de paiement pour l’action 2 relative à l’organisation des élections progressent de 228,1 millions d’euros et représentent un montant quinze fois plus important que ceux votés en loi de finances pour 2006 (244,3 millions prévus contre 16,2 millions d’euros). Les autorisations d’engagement – qui intègrent l’engagement des dépenses payables en 2008 – passent quant à elles de 18 à 403,7 millions d’euros.

Le programme Administration territoriale (1.615,3 millions d’euros de crédits de paiement prévus), qui regroupe environ 85 % des emplois, bénéficie d’une augmentation de 1,7 %, soit + 28,8 millions d’euros, liée principalement aux mesures salariales générales et catégorielles, nonobstant la suppression de 315 ETPT. Le programme Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur augmente de 27,4 millions d’euros (sur les 501,4 millions d’euros prévus), soit + 5,8 %, ce qui s’explique principalement par l’augmentation des crédits relatifs aux affaires financières et immobilières (+ 26 millions d’euros), en raison notamment des nouveaux loyers budgétaires (16,6 millions d’euros) et des opérations de rationalisation immobilière du ministère.

Les priorités de cette mission sont, comme en 2006, la création de nouveaux titres sécurisés, la modernisation de la gestion des ressources humaines et la rationalisation des implantations immobilières. Les projets de titres ou bases de données sécurisés engagés sont principalement au nombre de quatre : le système d’immatriculation à vie des véhicules (SIV) : 4,25 millions d’euros en autorisations d’engagement et 9,2 millions d’euros en crédits de paiement sont prévus pour couvrir la réalisation et le développement du système, qui doit être opérationnel au 1er semestre 2008, après une phase expérimentale en 2007. Les avantages attendus de ce nouveau système sont importants, tant en termes de dématérialisation et de simplification des procédures que de gains de productivité pour l’administration, les constructeurs automobiles, de lutte contre les fraudes et de coopération internationale dans la lutte contre les vols, et d’amélioration du recouvrement des amendes.

Le deuxième projet concerne le passeport électronique, avec l’inscription de 20,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 13,1 millions d’euros en crédits de paiement pour financer la production de ce nouveau type de passeports par l’Imprimerie nationale ainsi que l’achat de lecteurs. Le reste du projet, dont le coût en 2007 est estimé globalement à 58,1 millions d’euros, sera financé par l’agence nationale des titres sécurisés, dont la création est prévue l’an prochain. Le troisième projet est la mise en place de l’identité nationale électronique sécurisée (INES), avec 2,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1 million d’euros en crédits de paiement. Un partenariat public-privé est envisagé à cet effet. Il vise à établir une procédure de délivrance commune aux passeports et à la carte d’identité, à doter cette dernière des mêmes caractéristiques biométriques que le passeport et à offrir un outil d’identification et de signature électronique. Enfin, le projet GREGOIRE, avec 12 millions d’euros en autorisations d’engagement et 3 millions d’euros en crédits de paiement, vise à une refonte de l’application actuelle de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France.

C’est dans ce contexte que s’inscrit le projet de création de l’agence nationale des titres sécurisés, prévue à l’article 28 du projet de loi de finances. Un audit de modernisation en étudie les conditions de mise en œuvre. Les objectifs de ce projet consistent à donner à la France les moyens d’être au meilleur niveau mondial dans l’emploi des nouvelles technologies pour la production de titres sécurisés, de développer les synergies entre les administrations pour une meilleure maîtrise des coûts et de mutualiser les achats d’équipements nécessaires à l’exploitation des titres. Placée sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, cette agence, à vocation interministérielle, aura pour mission de développer les moyens nécessaires à la mise en œuvre des procédures sécurisées de délivrance des titres. Elle serait dotée de 45 millions d’euros prélevés sur les taxes de délivrance des passeports et pourrait bénéficier en cours de gestion d’un transfert de tout ou partie des crédits maintenus sur le programme Administration territoriale en fonction de l’avancée du projet. Les emplois permanents de l’établissement seront pourvus par des fonctionnaires de l’État et des agents non titulaires. S’agissant de la création d’une nouvelle structure, il conviendra de s’assurer de sa pleine opportunité, tant en termes d’économies budgétaires que de qualité de service.

La deuxième priorité du ministère repose sur la modernisation de la gestion des ressources humaines, par la mise en place d’une gestion prévisionnelle des ressources humaines qui prévoit d’importantes réductions d’effectifs, avec en contrepartie la requalification de plusieurs milliers d’emplois. Elle s’est concrétisée par un protocole d’accord pluriannuel (2006-2010), signé le 4 juillet 2006 avec quatre organisations syndicales. Celui-ci prévoit différentes mesures au bénéfice des personnels administratifs, techniques et des systèmes d’information et de communication. En premier lieu, un plan de requalification des personnels, qui vise à répondre au besoin de renforcement en personnels qualifiés : 1.500 emplois environ devraient être supprimés de 2006 à 2010, avec en contrepartie la requalification de plusieurs milliers d’emplois. 3,5 millions d’euros sont prévus pour la deuxième tranche de ce plan, qui doit notamment permettre d’accélérer le processus de requalification des personnels au sein de la catégorie C, notamment pour les agents. Une deuxième série de mesures est constituée de réformes statutaires. La fusion des corps vise à joindre l’ensemble des corps administratifs du ministère. Elle concerne également les personnels administratifs des greffes des juridictions administratives, ainsi que les personnels d’administration centrale relevant du ministère chargé de l’outre-mer. Ce dispositif, qui sera mis en œuvre dès le 1er janvier 2007, prévoit la création d’un corps unique pour chaque catégorie de personnel administratif du ministère. Au total, la réforme, qui concerne près de 40.000 agents, permet le passage de seize à seulement trois corps. L’enveloppe catégorielle prévue pour 2007 pour l’ensemble des programmes concernés du ministère est évaluée à 900.000 euros. Des réformes importantes des règles statutaires applicables aux corps des catégories B et C seront en outre mises en œuvre dans le cadre de l’accord du 25 janvier 2006 sur l’amélioration des carrières dans la fonction publique. Ces mesures s’élèvent à 4,6 millions d’euros pour 2007.

Enfin, il est prévu de poursuivre le plan de rattrapage des régimes indemnitaires et d’harmonisation entre les filières. Une politique de revalorisation indemnitaire a été initiée en 2002, tendant à mettre à niveau, de manière progressive, le régime indemnitaire du ministère sur la moyenne interministérielle et à créer les conditions d’une meilleure prise en compte du mérite dans les modalités d’attribution de ce régime. Pour 2007, une enveloppe de 13,5 millions d’euros sera consacrée à la poursuite de ces objectifs, dont 2 millions d’euros pour les hauts fonctionnaires.

S’agissant des implantations immobilières, la rationalisation des conditions d’installation de l’administration centrale se poursuit. Le regroupement de la direction de la surveillance du territoire, de la direction centrale des renseignements généraux et de la division nationale antiterroriste sur un site unique, à Levallois-Perret, en 2006, en constitue la première concrétisation. Un montant de 162,7 millions d’euros a été ouvert l’an dernier en autorisations d’engagement afin de financer l’opération ; 10 millions d’euros supplémentaires ont également été ouverts en autorisations d’engagement et en crédits de paiement afin de permettre la location du site en 2006, dans l’attente de la finalisation du montage d’une location avec option d’achat (LOA), conclue au cours de l’été dernier, pour un coût de 14,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 15,6 millions d’euros en crédits de paiement.

Le programme national d’équipement des préfectures continue de faire l’objet d’un effort budgétaire important (52,5 et 50 millions d’euros de crédits de paiement prévus, respectivement pour 2006 et 2007). Il tend à mener de front la rationalisation des implantations, l’adaptation des locaux aux nouveaux besoins, la préservation du patrimoine et la sécurisation des biens et des personnes. Ces projets s’inscrivent, plus largement, dans la politique de valorisation du patrimoine du ministère, qui pourrait d’ailleurs utilement donner lieu à un audit.

Plusieurs améliorations ont été, par ailleurs, apportées à la recherche de la performance, qu’il conviendra d’amplifier. La présentation des projets annuels de performance (PAP) a encore gagné en clarté et en commodité. La stratégie des programmes a été précisée. La justification au premier euro est également plus détaillée. Cependant, plusieurs lacunes demeurent : la stratégie de la mission ne donne pas véritablement lieu à une présentation, en dehors des tableaux généraux regroupant les crédits. Force est également de constater que la justification au premier euro pourrait encore gagner en précision. Quant à la partie consacrée à l’analyse des coûts du programme et des actions, qui devrait constituer à terme une présentation en comptabilité analytique de chaque programme, elle reste pour l’instant embryonnaire.

On note également des progrès dans l’évolution des objectifs et indicateurs, qui répondent pour partie aux recommandations formulées au printemps dernier par la Mission relative à la mise en application de la LOLF (MILOLF). Un effort significatif a porté sur le recentrage des indicateurs, en cherchant autant que possible à en réduire le nombre et à en affiner la pertinence : la mission comporte ainsi 15 objectifs et 26 indicateurs, contre 19 objectifs et 32 indicateurs l’an dernier. L’accent a, par ailleurs, été mis sur le renseignement des indicateurs et des cibles : tous les indicateurs sont aujourd’hui renseignés, ainsi que la plupart des valeurs cibles. Reste désormais à atteindre ces dernières…

Par ailleurs, les services départementaux ont été, dans l’ensemble, associés à l’élaboration des budgets opérationnels de programme (BOP). La dépense a été largement déconcentrée ; et ce, bien avant la mise en œuvre de la LOLF, avec la globalisation des crédits des préfectures depuis 2000. Les BOP territoriaux comportent, s’agissant des crédits de paiement, 99,7 % des crédits de personnel et 81,2 % des autres crédits.

Au-delà de la mise en œuvre de la LOLF, la recherche de la performance se traduit par les audits de modernisation, qui font suite à la stratégie ministérielle de réforme (SMR). Cette stratégie a été remplacée par un document intitulé « Feuille de route ministérielle de modernisation », qui se compose du plan stratégique de modernisation du ministère 2006-2009, de la liste des grands projets de modernisation avec leur fiche descriptive et d’un tableau de bord de suivi. Elle comporte de nombreuses mesures positives, pour la plupart d’ailleurs déjà évoquées. On peut cependant regretter le risque de confusion introduit par la multiplication d’outils et de concepts. Le risque n’est pas mince que l’élan de réforme engagé perde en lisibilité auprès d’une partie des agents du ministère, des responsables politiques ou de l’opinion publique. En outre, les mesures figurant dans la feuille de route ne font pas l’objet d’un chiffrage précis – notamment en termes d’économies – contrairement à la SMR. Cette lacune devrait être comblée, de même qu’une étude d’impact complète devrait accompagner chacune de ces principales mesures.

Dans le cadre des audits de modernisation menés à l’initiative du ministre du Budget et de la réforme de l’État, les dépenses liées aux élections politiques ont été examinées par une mission conjointe de l’inspection générale de l’administration et du contrôle général économique et financier. Le rapport d’audit a été rendu public en juin dernier. Il contient plusieurs pistes de réforme : création d’un fichier national des électeurs, qui permettrait de rationaliser l’envoi des documents de propagande alors que les pratiques varient aujourd’hui d’une préfecture à l’autre, appel à des prestataires privés, utilisation éventuelle du courriel pour la diffusion de la propagande, nouvelle organisation des services de l’État en ce qui concerne la propagande : les élections nationales seraient gérées directement et quasi intégralement par l’administration centrale du ministère de l’Intérieur, les élections européennes et régionales par les préfectures de région, les autres élections restant gérées au niveau départemental... Mais ces réformes ne peuvent, selon le ministère, être mises en œuvre sans une large concertation préalable ; elles nécessitent, en tout état de cause, de nombreuses adaptations législatives et réglementaires.

Trois autres audits sont en cours concernant, outre la mise en place d’une agence de délivrance des titres sécurisés de l’État, l’indemnisation des refus de concours de la force publique et la modernisation des achats publics.

Le projet de budget de la mission pour 2007 connaît donc une hausse exceptionnelle, justifiée par l’organisation des prochaines élections présidentielle et législatives. Cela ne doit pas masquer pour autant la poursuite de mesures prioritaires importantes engagées depuis plusieurs années : gestion prévisionnelle et modernisée des ressources humaines, déconcentration, fongibilité et optimisation de l’emploi des crédits en préfecture, rationalisation et rénovation des implantations immobilières, réforme de l’administration territoriale, ou développement de nouveaux titres et bases de données sécurisés notamment. Le ministère de l’Intérieur est aujourd’hui sans doute l’un des plus impliqués et des plus avancés dans la mise en œuvre de la LOLF, la modernisation de l’État et la recherche de la performance. La mise en œuvre de la LOLF ne soulève pas de question particulière. Les audits de modernisation se poursuivent. Cependant, on constate que la multiplication des structures locales avec le développement de l’intercommunalité et des syndicats, génère une réelle complexité à laquelle les services de l’État doivent faire face. Il faudrait parvenir à plus de simplification. Le contrôle de légalité est devenu trop complexe.

M. Alain Rodet a observé que le nouveau système d’immatriculation des véhicules, présenté comme la panacée, sera plus coûteux et rendra moins de services que l’actuel. L’investissement immobilier, en projet à Levallois-Perret, ne sera pas non plus économe des deniers publics du fait du coût des terrains et du prix de l’immobilier dans cette commune, il aurait été possible de trouver des immeubles en région parisienne à moindre coût.

Le Rapporteur spécial a répondu que le nouveau système d’immatriculation ne peut être plus mauvais que l’actuel. Il occasionnera des difficultés au début, mais contribuera à une gestion plus simple de toute la chaîne de vie du véhicule et aboutira à des économies. Il a indiqué comprendre la position de M. Alain Rodet sur l’investissement immobilier, et s’est dit favorable à un audit sur le sujet.

La Commission a adopté, conformément à la position du Rapporteur spécial, les crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État.

*

* *

La Commission a ensuite procédé, sur le rapport de M. Henri Emmanuelli, Rapporteur spécial, à l’examen des crédits de la mission Aide publique au développement, de l’article 42, rattaché, et du compte spécial Prêts à des États étrangers.

M. Henri Emmanuelli, Rapporteur spécial, a indiqué que la contribution française totale à l’APD devrait s’élever à 9,2 milliards d’euros, contre 8,3 milliards d’euros en 2006. Ainsi, l’objectif fixé par le Président de la République sera en apparence atteint : les dépenses d’APD représenteront 0,5 % du revenu national brut (RNB) en 2007. L’augmentation des dépenses d’APD résulte essentiellement de l’augmentation des dépenses multilatérales, qui passent de 2,2 milliards d’euros à 3 milliards d’euros ; cette hausse s’explique elle-même essentiellement par l’accroissement du volume des prêts multilatéraux portés par le FMI.

L’aide bilatérale représente les deux tiers de ce montant, dont 2 milliards d’euros d’annulations de dettes. La croissance des dépenses de l’aide-projet et de l’aide-programme résulte de celle des prêts, au détriment des dons ; l’augmentation concerne les prêts concessionnels de l’AFD, qui passent de 312 millions d’euros en 2006 à 534 millions d’euros en 2007, et les prêts d’ajustement structurel accordés par l’AFD qui, après avoir eu un impact négatif de 80 millions d’euros en 2006 du fait des remboursements, atteindront 236 millions d’euros en 2007.

L’organisation de la politique d’aide publique au développement est complexe. Elle dépend principalement de deux ministères : Affaires étrangères et Finances. Les grandes orientations sont décidées par le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID). La politique d’APD est, en théorie, pilotée par le ministre de la Coopération, du développement et de la francophonie. Toutefois, les opérations de prêts et les annulations de dette dépendant principalement de la Direction générale du Trésor et de la politique économique, il est permis d’émettre quelques doutes quant à ce rôle de chef de file.

La mission Aide publique au développement représente un tiers des dépenses d’APD. Les crédits de paiement augmentent de 4,7 %, pour s’établir à 3,12 milliards d’euros en 2007, mais diminuent d’un tiers en autorisations d’engagement. Cette mission se compose de deux programmes, l’un piloté par le ministère de l’Économie, l’autre par le ministère des Affaires étrangères. Les crédits de paiement du programme Aide économique et financière au développement, augmentent de 2,9 %, du fait de l’augmentation des dépenses multilatérales ; les autorisations d’engagement diminuent de 50 %, répartis sur l’ensemble des actions. Les crédits du programme Solidarité à l’égard des pays en développement, qui dépend du ministère des Affaires étrangères, augmentent de 5,5 %, principalement du fait de l’augmentation de la contribution au Fonds mondial pour le sida, la tuberculose et le paludisme et des dépenses de personnel.

Alors que l’Agence française de développement (AFD) a été désignée « opérateur-pivot » de l’APD, elle sera l’objet de restrictions budgétaires en 2007. La baisse des crédits de paiement pour les subventions-projets, qui tombent de 184 millions d’euros à 163 millions d’euros, ne sera pas entièrement compensée par un prélèvement de 38 millions sur le résultat de l’AFD : il restera 29 millions d’euros de projets non financés, qui grèveront la trésorerie de l’AFD ; les bonifications de prêts seront financées par 27,7 millions d’euros de crédits de paiement et par le résultat de l’AFD à hauteur de 78 millions d’euros ; de même, les annulations de dette ne sont indemnisées qu’à hauteur de 98,5 millions d’euros, alors que le résultat de l’AFD doit compenser le reste, soit 35 millions d’euros.

Le compte de concours financiers Prêts à des États étrangers devrait être à l’équilibre, les remboursements compensant les crédits de paiement ; la réserve « pays émergents » disposera, comme en 2006, de 300 millions d’euros en autorisations d’engagement et 150 millions d’euros en crédits de paiement ; les crédits des traitements de dette s’élèvent à 731 millions d’euros, contre 314 millions d’euros en 2006.

Le montant affiché de l’APD correspond-il à la réalité ? Le Gouvernement a voulu à tout prix atteindre les 0,5 % du RNB promis par le Président de la République, et pour ce faire, il a utilisé toutes les moyens possibles. Certaines dépenses sont considérées comme des dépenses d’APD, alors que leur impact en terme de développement pour les pays concernés est incertain. C’est le cas, par exemple, des dépenses déclarées pour l’écolage, qui atteignent 932 millions d’euros, soit 10 % de l’APD ! C’est aussi le cas des dépenses d’accueil des réfugiés, soit 440 millions d’euros, dont on peut douter, c’est un euphémisme, de l’utilité pour le développement des pays en cause.

La comptabilisation des annulations de créances commerciales qui font l’objet de garanties par la Coface est également très discutable. Elles résultent d’une politique de soutien des exportations françaises et non d’une politique d’aide au développement. Elles ont plutôt une incidence sur notre balance commerciale. Or, elles représentent 60 % des annulations de dette comptabilisées en APD, soit plus de 1,2 milliard d’euros.

Enfin, le montant prévisionnel de 2,1 milliards d’euros d’annulations de dette pour 2007 semble très largement surestimé ; en effet, une part importante de ce montant résulte d’annulations dont la réalisation dès 2007 est plus qu’incertaine, notamment s’agissant de la Côte d’Ivoire et de la République démocratique du Congo.

Si les dépenses d’APD ont augmenté ces dernières années, c’est grâce aux annulations de dette décidées dans le cadre du Club de Paris. L’initiative de la réduction de la dette des pays pauvres très endettés (PPTE) va arriver à son terme, et le maintien d’un volume d’APD constant sans annulations de dette nécessitera un effort budgétaire autrement plus important.

La pression migratoire est un des principaux problèmes auxquels vont se heurter les pays européens dans les années à venir. Les mesures pour la contenir sont dérisoires. La seule solution est d’aider les pays du Sud à se développer. En cela, le Président de la République fait un diagnostic juste, mais les réponses apportées ne sont pas du tout à la hauteur du problème.

M. Alain Rodet a demandé si la taxe de solidarité sur les billets d’avion était prise en compte dans les dépenses d’APD. Par ailleurs, les crédits destinés au soutien de la francophonie sont-ils en totalité comptabilisés comme de l’APD ?

Le Rapporteur spécial a répondu que le produit de la taxe sur les billets d’avion n’est pas pris en compte dans les 0,5  % du RNB ; il transite par le fonds de solidarité pour le développement, lequel le reverse à la structure financière internationale pour la vaccination (IFFIm). La mission Aide publique au développement ne comporte que les crédits destinés au soutien de la francophonie dans les pays en développement.

M. Jean-Jacques Descamps a partagé le souhait de participer plus largement au développement afin d’aider les pays à parvenir à un niveau de richesse satisfaisant, mais a souligné qu’il fallait s’interroger, de façon constante, sur la façon dont les crédits de l’aide au développement sont utilisés et s’ils contribuent toujours efficacement à ce développement. Les décisions de remise de dettes par exemple, devraient faire l’objet d’une évaluation, de même que les différents types de prêts et d’aide. L’AFD a-t-elle fait l’objet de contrôles, notamment de la part de la Cour des comptes ?

M. Henri Emmanuelli, Rapporteur spécial a observé que les décisions de procéder à l’annulation d’une partie de la dette publique ou privée relèvent du Trésor ainsi que du Club de Paris et non du ministère des Affaires étrangères. L’AFD gère les projets et programmes techniques d’aide au développement ; sa situation financière a été jugée très saine par le rapport de la Cour des comptes de 2006, portant sur les exercices 2000 à 2004. Par ailleurs, le réseau de l’AFD a été examiné par la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) sur les services de l’État à l’étranger.

M. Augustin Bonrepaux, Président, a indiqué que, compte tenu du fait qu’il préside la séance, il ne participera pas au vote.

La Commission a alors, contre l’avis du Rapporteur spécial, adopté les crédits de la mission Aide publique au développement.

Article 42 : Garantie de l’État à l’Agence française de développement (AFD) au titre de la Facilité de financement internationale pour la vaccination (IFFIm) :

La Commission a adopté cet article sans modification, conformément à la position du Rapporteur spécial.

La Commission a ensuite examiné un amendement de M. Henri Emmanuelli, Rapporteur spécial, portant article additionnel après l’article 42.

M. Henri Emmanuelli, Rapporteur spécial, a expliqué que cet amendement vise à relever le plafond des annulations de dettes autorisées par le Parlement. En effet, le Gouvernement estime lui-même que le plafond de 11,1 milliards d’euros, introduit dans la loi de finances rectificative pour 2004, ne sera pas suffisant. Il convient de relever ce plafond de 3,5 milliards d’euros. Il semble que le Gouvernement attende la loi de finances rectificative. Pourquoi attendre ?

M. Jean-Jacques Descamps a souhaité savoir si l’adoption de cet amendement ne conduit pas à alourdir abusivement le déficit budgétaire.

M. Henri Emmanuelli, Rapporteur spécial, a expliqué que son amendement ne visait qu’à prévoir le relèvement du plafond dès la loi de finances initiale et non dans la loi de finances rectificative, comme l’habitude en a été prise sans justification. Il ne modifie pas l’équilibre pour 2007.

Mme Béatrice Pavy a indiqué qu’elle s’abstiendrait, car cet amendement, s’il n’a pas d’incidence sur le budget 2007, peut globalement contribuer à la sincérité budgétaire.

La Commission a adopté cet amendement.

Contre l’avis du Rapporteur spécial, la Commission a adopté les crédits du compte spécial Prêts à des États étrangers.

*

* *

La Commission a, enfin, examiné, sur le rapport de M. Jean-Jacques Descamps, Rapporteur spécial, les crédits correspondant au programme Remboursements et dégrèvements des impôts locaux de la mission Remboursements et dégrèvements.

M. Jean-Jacques Descamps, Rapporteur spécial, a souligné que la mission Remboursements et dégrèvements comprend deux programmes, examinés séparément. Il s’agit ici de rendre compte du programme des remboursements et dégrèvements d’impôts locaux dont l’examen en séance publique a lieu en même temps que celui des crédits de la mission Relations avec les collectivités territoriales.

Le volume de crédits de la mission totalise 76,5 milliards d’euros, représentant le quart du budget de l’État. Ces crédits, qui ont un caractère évaluatif, sont en hausse de 11,5 % par rapport à ceux ouverts en loi de finances initiale 2006 et de 6 % par rapport à la prévision d’exécution. Les remboursements d’impôts correspondent à des restitutions liées aux mécanismes d’imposition, alors que les dégrèvements résultent de l’application de dispositions législatives ou de décisions individuelles. La mission est composée d’un ensemble de dépenses fiscales extrêmement composites, sur lesquelles il est difficile d’avoir une prise réelle. Il y a, d’une part, celles qui résultent de recours contentieux divers, de remboursements d’acomptes,… par essence imprévisibles, d’autre part les restitutions des crédits d’impôts, dont l’exemple type est la prime pour l’emploi (PPE).

Le programme regroupe 14,1 milliards d’euros d’impôts pris en charge par l’État qui s’ajoutent aux concours financiers aux collectivités locales. Les contribuables oublient souvent que la part d’impôts locaux qu’ils ne paient pas est prise en charge par l’État.

La taxe professionnelle constitue l’essentiel des crédits du programme, soit 9,8 milliards d’euros. 2,2 milliards d’euros concernent le dégrèvement pour investissements nouveaux, désormais pérennisé, qui touche 700.000 entreprises. Le plafonnement en fonction de la valeur ajoutée représente 5,2 milliards d’euros, en baisse du fait de la montée en puissance du précédent dispositif. Les dégrèvements de taxes foncières, essentiellement en faveur du foncier non bâti, sont inscrits pour 0,6 milliard d’euros. S’agissant des dégrèvements de taxe d’habitation, 2,3 milliards d’euros sur les 3 milliards d’euros prévus concernent le plafonnement de la taxe d’habitation en fonction du revenu. Huit millions de foyers bénéficient de la mesure. Enfin, les admissions en non-valeur représentent 0,7 milliard d’euros.

Il n’incombe pas au Rapporteur spécial de juger de la pertinence des mesures, retracées par les remboursements et dégrèvements qui en résultent. Ce devrait être fait au niveau des missions concernées, singulièrement la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Les restitutions « mécaniques » ont une incidence budgétaire, mais on ne peut que les constater. En revanche, les dégrèvements sont la conséquence d’une politique déterminée. Il en va ainsi de la prime pour l’emploi (PPE). Or une partie seulement de son coût est retracée dans la mission, ce qui ne permet pas d’apprécier la pertinence de cette dépense fiscale dans sa globalité. Encore faut-il souligner que l’examen de la pertinence de la PPE relève plutôt des problématiques abordées lors de l’examen de la mission « Travail et emploi », tandis que celle du crédit d’impôt-recherche relève de l’appréciation de la performance des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Dès lors, il convient de s’interroger sur l’utilité de discuter, dans la présente mission dont les crédits répercutent des décisions prises antérieurement, de l’intérêt de telle ou telle mesure de politique publique.

Par conséquent, la responsabilité du Rapporteur spécial de la mission « Remboursements et dégrèvements » consiste, d’une part à veiller à ce que l’évaluation des crédits qu’elle contient soit sincère, d’autre part, à faire en sorte que la discussion sur ces dégrèvements ait lieu, d’une manière ou d’une autre.

M. Henri Emmanuelli a souhaité savoir si l’« usine à gaz » que représente le bouclier fiscal impacte les crédits de ce programme. S’agissant de crédits évaluatifs, cela ne vise-t-il pas à empêcher toute traçabilité des effets néfastes du bouclier fiscal ?

M. Jean-Jacques Descamps, Rapporteur spécial, a indiqué que l’impact du « bouclier fiscal » figure dans les crédits de la mission, essentiellement dans le programme consacré aux impôts d’État, pour un montant de 400 millions d’euros.

M. Henri Emmanuelli a fait remarquer que certains départements seront plus concernés que d’autres par le bouclier fiscal et que ce dernier n’impactera certainement pas de la même façon les Alpes-Maritimes et la Lozère. Le prélèvement sur la DGF qui en résultera sera-t-il global ou ciblé par collectivité locale ?

M. Jean-Jacques Descamps, Rapporteur spécial, a précisé que le mécanisme voté l’an dernier était tel que les collectivités territoriales ne prendront en charge leur quote-part du plafonnement du montant des impôts acquittés qu’à condition que le total des impôts d’État n’entraîne pas, à lui seul, droit à restitution. Cette situation n’interviendra, pour l’essentiel, que dans les cas de contribuables aux revenus modestes et non pour les redevables les plus riches. Pour les collectivités territoriales concernées, cette prise en charge s’effectuera en amont, non pas lors de la répartition de la DGF entre les collectivités, mais au moment de la fixation du montant global de la DGF. Celle-ci devrait être en conséquence amputée d’environ 30 millions d’euros l’an prochain.

M. Henri Emmanuelli a estimé que les départements pauvres paieront pour les départements riches.

M. Jean-Jacques Descamps, Rapporteur spécial, a répondu qu’au contraire, l’application du bouclier fiscal aux impôts locaux est favorable aux revenus les plus faibles. Leur répartition entre les différentes collectivités sur le territoire est plus dispersée que celle des ménages aisés. Dès lors que le bouclier est mis en œuvre au niveau des impôts locaux, cela joue sur les niveaux de revenus les plus bas, et donc dans les départements moins riches que la moyenne.

M. Augustin Bonrepaux, Président, s’est interrogé sur la nécessité d’opérer ce prélèvement s’il est aussi inégalement réparti.

M. Jean-Jacques Descamps, Rapporteur spécial, a rappelé que la mesure législative a été adoptée l’an dernier ; le Rapporteur doit donc porter une appréciation sur son évaluation en 2007, laquelle semble être correctement réalisée. Le Gouvernement doit néanmoins fournir un certain nombre de précisions, afin notamment et de mieux chiffrer l’effet sur les collectivités territoriales et d’apprécier le nombre de contribuables concernés par le dispositif.

Il a conclu en souhaitant l’adoption des crédits du programme « Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux » ; le vote sur l’ensemble des crédits de la mission interviendra à l’issue de l’examen des crédits du second programme de la mission.